F. DES PENSIONS DE RETRAITE DÉCENTES POUR LES FEMMES

Le rôle particulier des femmes dans l'éducation des enfants et, parfois, la garde des personnes en situation de dépendance, peut les conduire à cesser de cotiser pendant de longues périodes auprès des régimes de retraites, minorant de fait leur future pension. Par ailleurs, la situation spécifique des femmes sur le marché du travail, le recours au temps partiel subi comme la progression plus lente de leurs carrières contribuent à affaiblir les montants des pensions qui leurs sont versées.

La résolution sur le fossé salarial entre les femmes et les hommes adoptée en 2010 10 ( * ) par l'Assemblée invite à ce que le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale soit pleinement respecté, voire inscrit dans la législation, le cas échéant. La réforme actuellement en cours des systèmes de retraite dans un certain nombre d'Etats membres doit être l'occasion, aux yeux de la commission sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, de poursuivre son combat contre les discriminations dans les parcours professionnels.

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire - UMP) a, à cet égard, insisté sur la révolution juridique à mettre en oeuvre en vue d'adapter le droit à pension aux exigences liées à la maternité :

« L'actuel débat sur les retraites nous engage aujourd'hui à nous poser très sérieusement la question des retraites pour les femmes.

Je souhaiterais faire remarquer que je trouve étonnant que les deux sujets d'importance de ce matin qui concernent les femmes n'aient pas été mis à l'ordre du jour à un moment plus propice.

L'excellent rapport de M me Anna Curdova reprend une partie de propositions que j'avais faites dans le rapport d'information que j'ai présenté devant l'Assemblée nationale de mon pays quant à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes en termes de retraite.

Quels sont les constats ? Les femmes sont en majorité pénalisées dans leur droit à la retraite du fait de l'inégalité de leur condition en tant que femmes. Que va-t-il rester comme droits à pension pour une femme qui a interrompu ses études pour élever ses enfants, puis sa carrière pour faire un temps partiel et qui, au moment de liquider sa pension découvre que celle-ci sera particulièrement faible ?

Temps partiel, interruption de carrière, modèle de calcul des droits à pension différents selon les régimes. Pour peu que sa situation personnelle se trouve bouleversée par un divorce ou un veuvage la femme se trouvera alors quasiment au-dessous du seuil de pauvreté du fait qu'elle aura consacré une partie de sa vie à sa famille.

Notre société ne prend suffisamment en compte dans le calcul des droits à pension les interruptions de carrière et autres accidents de la vie qui, au premier chef, concernent les femmes.

Il importe donc d'imaginer des mécanismes novateurs qui permettront de compenser les interruptions de carrière des femmes et d'obtenir des pensions décentes lorsque les femmes ont consacré une partie de leur temps à leur famille.

Pourquoi ne pas imaginer un complément de retraite pour charges de famille ? L'actuel système qui permet l'augmentation des droits en pension en donnant une bonification par an par enfant ou autorise à liquider ses droits à une mère de trois enfants est à la fois insuffisant et injuste.

Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme a permis de renverser le système : au nom de l'égalité entre les hommes et les femmes les pères de trois enfants ont pu aussi liquider en avance leurs droits à pension. Le déséquilibre pour les finances publiques a nécessité de voter une loi de validation, en France, afin de ne pas donner de suites positives à l'arrêt de la Cour.

Je ne reviens pas sur le principe qui devrait, en effet, offrir une égalité de droits entre les hommes et les femmes. Je reviens sur les conséquences et leurs implications dans la réalité.

Peu d'hommes, dans nos générations, ont réellement pris une part active à l'éducation de leurs enfants : aussi cette égalité de droit apparaît-elle davantage comme une remise en cause d'une avancée dans les droits des femmes.

Néanmoins, il nous appartient d'être novateur. Pourquoi ne pas imaginer, sur le modèle de l'allocation universelle, sous condition de ressources, un revenu garanti aux femmes qui interrompent leur carrière ?

Pourquoi ne pas imaginer, également, des congés parentaux, qui seraient pris en compte dans le droit à pension ?

Pourquoi ne pas imaginer également de repenser entièrement notre système de pensions au moment où s'engagent de nombreuses réformes de manière à assurer sa pérennité ?

Le débat d'aujourd'hui devrait nous permettre de confronter nos idées sur cette question technique. C'est à nous, politiques, de proposer des solutions : la faisabilité technique devra ensuite en être discuté.

C'est à nous, politiques, de proposer des novations, car l'idéal précède toujours la mise en pratique.

C'est à nous politiques de ne pas avoir peur de suggérer que des pensions de retraite décentes pour les femmes sont un nouveau droit de l'homme.

C'est à nous politiques de suggérer cette révolution juridique. »

La résolution adoptée par l'Assemble insiste ainsi sur la nécessité de mettre en oeuvre des bonifications pour charge de famille ou assistance aux personnes dépendantes. Elle invite également à une meilleure prise en compte des périodes de congé parental ou de travail à temps partiel dans le calcul des pensions. Le texte souhaite parallèlement, qu'à l'instar des systèmes scandinaves, les régimes de retraites soient désormais mixtes, la pension incluant une partie fixe octroyée en fonction de conditions de résidence et un complément proportionnel aux revenus perçus pendant les périodes d'activité.


* 10 Résolution n°1715 (2010) sur le fossé salarial entre les femmes et les hommes

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