B. UN ENGAGEMENT DES PROFESSIONNELS : LE CONTRAT D'AVENIR

Le Contrat d'avenir (dont le texte figure en annexe) a été signé le 28 avril 2009, à l'occasion des États généraux de la restauration, pour formaliser les engagements pris par les restaurateurs en contrepartie de la baisse du taux de TVA 10 ( * ) .

Ce contrat comprend quatre volets.

En ce qui concerne les prix , il prévoit, pour les professionnels de la restauration traditionnelle, une baisse des prix d'au moins 11,8 % sur au moins 7 produits pouvant constituer la base d'un repas complet. Pour les cafetiers et limonadiers, il vise une répercussion intégrale de la baisse de la TVA sur le prix du café, du thé et d'une boisson fraîche (au comptoir ou en salle). Enfin, pour le secteur de la restauration rapide, qui n'est concerné par la baisse du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % que pour ses ventes réalisées sur place, l'objectif est une baisse de 5 % sur les menus phares des enseignes. Une grande latitude est ainsi laissée aux professionnels pour déterminer leur politique de prix en choisissant non seulement l'ampleur des baisses consenties, mais aussi les produits concernés par ces baisses.

En ce qui concerne l'emploi , les restaurateurs s'engagent à créer 40 000 emplois supplémentaires dans les deux ans, dont 20 000 contrats en alternance, contrats d'apprentissage et contrats de professionnalisation.

L'amélioration de la situation des salariés constitue le troisième volet. Les restaurateurs s'engagent à ouvrir immédiatement une négociation sociale, dont la conclusion doit intervenir avant la fin de l'année 2009, dans les domaines des salaires, de la protection sociale et de la formation. Les restaurateurs s'engagent également à signer une convention de lutte contre le travail illégal, ainsi qu'une convention relative à la sécurité et à la santé au travail.

Enfin, dans le domaine de l'investissement , les restaurateurs s'engagent à entreprendre un effort d'investissement afin de mettre aux normes leurs établissements, d'améliorer l'accueil et le confort, d'acquérir de nouveaux équipements et de moderniser les restaurants. Pour accompagner cet effort, un fonds de modernisation est créé : reposant sur un mécanisme de cofinancement en partenariat avec les banques, il vise à créer « un effet de levier » devant permettre de mobiliser 1 milliard d'euros de prêts à l'investissement.

C. UN EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT DANS UN CONTEXTE DE CRISE DES FINANCES PUBLIQUES

L'estimation des pertes de recettes pour l'État engendrées par la réduction du taux de TVA suppose qu'on détermine au préalable l'assiette de l'impôt concernée par la baisse de taux.

Cette assiette se calcule à partir du chiffre d'affaires hors taxe du secteur de la restauration. Selon les données qui ont servi au chiffrage du Gouvernement, le chiffre d'affaires déclaré, en 2007, est de 44,4 milliards d'euros 11 ( * ) .

Il faut déduire de cette somme :

- le chiffre d'affaires réalisé sur les ventes à emporter, qui étaient déjà taxées à 5,5 % avant le 1 er juillet 2009 (- 6,7 milliards d'euros) ;

- le chiffre d'affaires réalisé sur les ventes d'alcool, qui demeurent taxées à 19,6 % (- 5,4 milliards d'euros) ;

- le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en franchise de TVA (- 1,5 milliard d'euros) ;

- le chiffre d'affaires réalisé auprès d'entreprises qui peuvent déduire de leurs frais les dépenses de restauration (- 9,3 milliards d'euros).

L'assiette nette sur laquelle s'applique la réduction du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % est donc de 21,5 milliards d'euros, ce qui conduit à une perte de recettes de TVA de 3 milliards d'euros .

Le coût net pour l'État est cependant inférieur à 3 milliards d'euros dans la mesure où la réduction du taux de TVA dans la restauration s'est accompagnée de la suppression de certaines aides dont bénéficiait le secteur de la restauration, aides qui représentaient un coût pour l'État de 617 millions d'euros.

Au final, le coût net pour les finances publiques a été estimé à 2,4 milliards d'euros .

Ce chiffre appelle trois commentaires importants.

Le premier est que cette estimation ne tient pas compte des effets de bouclage macro-économique . On peut en effet s'attendre à ce que la réduction du taux de TVA ait un impact sur la masse salariale du secteur et sur les marges des entreprises, ce qui se traduit ex-post par des recettes supplémentaires pour les finances publiques (sous forme de cotisations sociales, de CSG, d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu et de TVA). Ces effets positifs sont certes difficiles à anticiper et à chiffrer, de sorte que le principe de sincérité obligeait à ne pas les retenir dans une estimation ex-ante qui servait avant tout de base à la prévision des recettes et des dépenses de l'État pour 2009 et 2010. Votre rapporteur n'a pu recueillir des données suffisamment précises pour s'engager sur la voie d'une estimation de ces « effets de deuxième tour » 12 ( * ) .

La deuxième remarque, importante pour le secteur HCR, est qu' une partie du coût de la réduction de TVA (près de 400 millions d'euros) n'est pas imputable à l'activité des entreprises du secteur HCR . En effet, le chiffre d'affaires de la restauration est partiellement réalisé par des entreprises dont l'activité principale se situe dans un autre domaine que la restauration, notamment celui des loisirs (repas servis dans les parcs d'attraction) ou de la vente de carburants (restaurants des stations services). Ces activités de restauration « annexes » représentent un chiffre d'affaires de 3,3 milliards d'euros et une assiette effective de TVA de 2,4 milliards : elles sont donc à l'origine d'une perte de recettes de TVA d'environ 400 millions d'euros. C'est là un fait qui a largement échappé aux médias, au public et même aux parlementaires et qui a pourtant une importance, car les entreprises HCR se sont engagées, en contrepartie de la réduction du taux de TVA, à restituer une partie de la somme sous forme de baisses de prix, d'embauches ou d'augmentations de salaires, alors que les entreprises bénéficiaires de la baisse dont l'activité principale n'est pas la restauration n'ont, elles, pris aucun engagement explicite. Les restaurateurs signataires du contrat d'avenir ont ainsi à « rendre des comptes » sur la fraction de la baisse de TVA dont ils ont directement bénéficié, mais pas sur l'enveloppe totale de 2,4 milliards d'euros .

Enfin, en ce qui concerne la méthode d'évaluation de la baisse du taux de TVA, votre rapporteur a constaté que les outils d'évaluation disponibles se focalisaient uniquement sur le secteur HCR. On peut ainsi se faire une idée de la « restitution » opérée par les entreprises du secteur HCR, mais la destination des 400 millions d'euros de remise de TVA dont ont bénéficié les entreprises hors HCR reste en grande partie inconnue . Il existe donc, en quelque sorte, un angle mort dans l'évaluation.

CHIFFRAGE EX-ANTE DU COÛT POUR LES FINANCES PUBLIQUES
DE LA RÉDUCTION DU TAUX DE TVA DANS LA RESTAURATION

a

Chiffre d'affaires déclaré de la restauration

44,4

b

Chiffre d'affaires des ventes à emporter

-6,7

c

Chiffre d'affaires des entreprises en franchise de TVA

-1,5

d

Chiffre d'affaires sur les boissons alcoolisées (HCR)

-5,4

e

Réductions de base TVA (repas d'affaires,...)

-9,3

f = a-(b+c+d+e)

Chiffre d'affaires impacté par baisse du taux de TVA

21,5

g=f x 0,196

Recettes de TVA à l'ancien taux de 19,6 %

4,2

h=f x 0,055

Recettes de TVA au nouveau taux de 5,5 %

1,2

g- h

Pertes de Recettes de TVA pour l'État

3,0

Dont pertes de Recettes de TVA hors HCR

0,34

Dont pertes de Recettes de TVA dans le secteur HCR

2,7

Coût net de la mesure (en tenant compte des aides supprimées)

2,4

Source : établi à partir des données fournies par le ministère de l'économie.


* 10 Contrairement à ce que son nom indique, ce « contrat » n'en est pas un, puisqu'il ne recouvre aucune obligation juridique. L'engagement des professionnels est seulement « moral ».

* 11 Deux remarques concernant ce chiffre :

- prendre la valeur 2007, seule disponible au moment du chiffrage par le ministère des finances, conduit plutôt, au final, à une majoration de l'estimation de perte de recettes, car le secteur de la restauration a subi une forte crise en 2008 et 2009 et a vu son chiffre d'affaires global reculer (selon l'indice de chiffre d'affaires du secteur calculé par l'Insee) ;

- le chiffre d'affaires fourni par la comptabilité nationale est supérieur à 44,4 milliards d'euros, car il inclut une estimation du chiffre d'affaires non déclaré, dont le montant s'élève à 5,3 milliards d'euros.

* 12 Ces effets positifs se manifestent à travers plusieurs canaux. La baisse des prix à la consommation « restitue » du pouvoir d'achat aux consommateurs (du moins si ceux-ci n'épargnent pas pour anticiper le coût du remboursement du déficit public générée par la perte de recettes). Cela se traduit donc par un surcroît de consommation et par des recettes de TVA supplémentaires. Les revalorisations salariales et les embauches fournissent des recettes sociales nouvelles, s'accompagnent d'une baisse des dépenses liées au chômage, augmentent l'assiette de l'impôt sur le revenu et génèrent des recettes de TVA via un supplément de dépenses de consommation. Enfin, l'amélioration du résultat courant des entreprises se traduit par une hausse des recettes de l'impôt sur les bénéfices (impôt sur le revenu s'il s'agit d'entreprises individuelles ou impôt sur les sociétés dans le cas contraire).

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