AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'euro a connu au cours du premier semestre de cette année sa plus grave crise depuis la création de la monnaie unique européenne, en 1999. Cette crise a suscité des inquiétudes sur la stabilité de l'ensemble de la zone euro, voire sur sa pérennité, la presse évoquant même son possible éclatement.

Cette crise a des causes économiques, en particulier un niveau d'endettement considérable et des écarts de compétitivité croissants au sein de la zone euro, mais elle traduit aussi les lacunes politiques de la construction européenne. L'Union européenne , historiquement pensée comme une communauté économique, n'est pas suffisamment pilotée . Ce manque d'ambition a fait de l'Union, depuis plus de dix ans, une zone de croissance faible et de chômage élevé.

Les dirigeants européens, qui ont dû réagir dans l'urgence, ont soudainement pris conscience qu'ils ne pouvaient sortir de la crise que par le haut.

C'est l'ironie de l'histoire. Ce contexte a créé une nouvelle configuration politique , propice à approfondir la solidarité européenne . À tel point que le renforcement de la gouvernance économique en Europe a davantage progressé en quelques semaines que depuis de longues années.

La crise aura finalement permis, entre autres, de disposer de statistiques plus fiables, de mieux coordonner les politiques économiques des États membres, de réformer la surveillance budgétaire et macroéconomique de ces derniers et d'impliquer davantage les parlements nationaux dans les questions européennes.

Cette réforme de la gouvernance économique est conduite parallèlement à un autre mouvement, qui avait débuté plus tôt, celui qui, pour lutter contre les effets de la crise financière et économique mondiale, vise à mieux réguler les marchés financiers, en ce qui concerne par exemple les agences de notation, les fonds propres des banques, les fonds alternatifs ou encore la supervision financière.

L'adoption de la monnaie unique par l'Estonie, au 1 er janvier 2011, témoigne, malgré la crise, de la persistance de l'attractivité de la zone euro .

I. L'EUROPE : UNE GOUVERNANCE ECONOMIQUE FAIBLE ET INCOMPLETE

Les modalités de la gouvernance économique de l'Union européenne sont inadaptées au poids que cette dernière représente dans l'économie mondiale.

Le système de gouvernance économique européenne apparaît très peu lisible pour les citoyens européens et guère efficace pour les milieux économiques.

Surtout, il comporte des lacunes et des faiblesses qui, bien que brutalement mises en évidence à l'occasion de la crise qui a affecté la zone euro, avaient déjà pu être analysées par le passé.

A. L'ACTUEL SYSTÈME DE GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE ET SES LACUNES

La gouvernance économique européenne, telle qu'elle était conçue jusqu'à récemment, comportait deux principaux aspects :

- d'une part, l'existence de règles communes , telles que le Pacte de stabilité et de croissance, mises en oeuvre par des institutions communes , par exemple la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE), qui conduit la politique monétaire, celle-ci devant être articulée avec la politique budgétaire pour définir ce que les économistes appellent le policy mix ;

- d'autre part, la mise en oeuvre du marché intérieur et de la stratégie de Lisbonne, définie en 2000 avec l'objectif de faire de l'Union européenne, en 2010, « l' économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale », révisée en 2005, et appelée à être remplacée par la stratégie Europe 2020 , arrêtée lors des Conseils européens de mars et de juin 2010.

À cet égard, les lacunes de la gouvernance économique européenne , qui expliquent son incapacité à faire face à la récente crise, sont au moins de trois ordres :

1. Une politique économique centrée sur le court terme et privée de moyens

Il n'appartient pas à vos rapporteurs, dans le cadre de ce rapport, de faire le bilan de la stratégie de Lisbonne, même si, force est de constater qu'aucun des objectifs n'a été atteint, bien au contraire.

Il n'en demeure pas moins que le constat de son échec , même après la révision intervenue en 2005, est quasi unanime , ne serait-ce qu'au regard du caractère atone de la croissance de nombreux pays européens et du niveau qu'y a atteint le chômage, alors que le dynamisme d'autres régions du monde est évident.

L'échec de la stratégie de Lisbonne est aussi celui des instruments de gouvernance choisis pour atteindre les objectifs retenus , autour de 24 lignes directrices. Cette stratégie n'était pas suffisamment ciblée . Mais surtout, les États membres avaient opté, non pour la méthode communautaire traditionnelle, mais pour une méthode intergouvernementale dite « méthode ouverte de coordination », qui consiste à mettre en oeuvre au niveau national les objectifs définis en commun au niveau communautaire, dans des secteurs relevant de la compétence des États membres : emploi, éducation et formation, politiques sociales. L' absence d'obligation de rendre des comptes a affaibli sa mise en oeuvre et aucune sanction n'était prévue en cas de non respect des objectifs.

À ce défaut de gouvernance s'est ajoutée l'absence de financement de la stratégie, réduisant celle-ci à un catalogue de voeux pieux.

Les instruments mis en place lors de la révision de la stratégie de Lisbonne, en 2005, en particulier les lignes directrices intégrées en matière d'économie et d'emploi et les programmes nationaux de réformes présentés par les États membres et évalués par la Commission, n'ont pas été davantage convaincants.

La stratégie Europe 2020 dont l'Union européenne vient de se doter reprend des objectifs ambitieux, mais vos rapporteurs soulignent le risque d'un nouvel échec, la question de la gouvernance et celle du financement n'ayant pas été réglées. En outre, il n'y a pas de lien entre la stratégie à moyen terme et les mesures économiques à court terme, laissant cette politique sans objectifs identifiés.

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