2. Des parlements nationaux mieux associés aux enjeux économiques européens

La proposition de la Commission a initialement suscité de fortes réticences de la part de certains États membres, tels la Suède, le Royaume-Uni ou encore la Pologne, qui lui reprochent de porter atteinte à la souveraineté budgétaire de leur Parlement, l'adoption du budget constituant la première compétence de la représentation nationale, en particulier d'un point de vue historique.

Cette architecture d'ensemble a néanmoins été approuvée par le Conseil ECOFIN du 13 juillet dernier, qui a décidé d'entamer les préparatifs afin que les modifications nécessaires au code de conduite sur la mise en oeuvre du Pacte de stabilité et de croissance puissent être adoptées dès que possible, le semestre européen devant être opérationnel au 1 er janvier 2011 .

Vos rapporteurs sont favorables à cette proposition qui constitue un changement de paradigme , en favorisant une approche ex ante au lieu de la démarche ex post qui prévaut jusqu'à présent. Ils considèrent en effet que le semestre européen, outre les avantages qu'on peut en attendre en matière d'amélioration de la coordination des politiques économiques, permettra de mieux impliquer les parlements nationaux dans les affaires européennes en les faisant sortir d'un cadre économique qui demeure encore trop strictement national. De surcroît, les parlements nationaux, en prenant connaissance des orientations de politique économique pour chaque État membre émises par le Conseil, disposeront ainsi, lorsqu'ils voteront le budget national, d' informations indépendantes de celles de leur gouvernement et qui pourront être mises en perspective au niveau européen.

Vos rapporteurs considèrent que, dans le cadre du semestre européen, le volet ex post ne doit pas être négligé pour autant. Les résultats de l'exécution budgétaire devraient également y être davantage débattus afin de pouvoir apprécier la façon dont les budgets nationaux ont contribué aux objectifs fixés par les politiques publiques européennes. De ce point de vue, la Cour des comptes européenne pourrait voir ses missions élargies, ses compétences n'étant plus limitées au seul examen de la régularité des comptes, mais étendues à l'évaluation des politiques publiques.

Actuellement, les programmes de stabilité ou de convergence, qui comportent des prévisions à la fois macroéconomiques et budgétaires, sont présentés par les États membres à la Commission au mois de novembre et retracent l'année n puis présentent des projections pour les années n + 1 à n + 3.

Dans le cadre du semestre européen, ces programmes de stabilité devront être notifiés à la Commission , non plus en novembre, mais en avril .

Vos rapporteurs jugent indispensable que, parmi les documents transmis au Parlement afin d'assurer son information la plus complète possible en matière budgétaire, figurent les avis que les différentes institutions communautaires auront été amenées à émettre sur les programmes de stabilité.

Vos rapporteurs souhaitent toutefois appeler l'attention sur certaines difficultés pratiques qui risquent de se poser en raison des contraintes liées à la procédure budgétaire française.

Le programme de stabilité est actuellement établi par le ministère des finances en septembre, ce qui permet de prendre en compte la situation des finances publiques telle qu'elle résulte du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Adresser ce programme de stabilité à la Commission en avril signifie l'établir environ deux mois auparavant, c'est-à-dire sur la base d'informations économiques qui seront datées au moment du vote du budget, ce qui n'est guère satisfaisant en particulier pour réaliser des projections budgétaires.

Il serait donc souhaitable que le semestre européen, pour être réaliste, tienne compte des procédures budgétaires nationales. Telle est d'ailleurs l'intention de la Commission qui insiste sur « le plein respect des règles et des procédures nationales » et sur la nécessité « d'associer très tôt et de manière forte les parlements nationaux au processus du semestre européen ».

Dans le rapport sur la recherche d'une règle d'équilibre des finances publiques qu'il a remis au Premier ministre, en juin dernier, Michel Camdessus a retenu trois options possibles pour associer le Parlement français à l'élaboration du programme de stabilité :

Association du Parlement à l'élaboration des programmes de stabilité

(Extraits de la lettre de Michel Camdessus du 23 juin 2010 par laquelle il a remis au Premier ministre son rapport sur la recherche d'une règle d'équilibre des finances publiques)

Le Parlement doit être mieux associé à l'élaboration de la trajectoire des comptes de l'ensemble des administrations publiques (évolution des soldes publics, de la dette publique, des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires), qui figure dans le programme de stabilité mais inclut des éléments échappant à la discrétion du législateur (comptes des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale hors champ des LFSS). Une telle association complètera utilement la discipline créée par les lois-cadre, à laquelle elle peut d'ailleurs être combinée.

Trois options sont envisageables. Mais dans tous les cas, il conviendra de modifier le calendrier d'élaboration du programme de stabilité, dans le cadre des réflexions en cours sur le semestre européen, de manière à l'adopter avant l'été : actuellement, en effet, le programme de stabilité est transmis à l'automne, soit après le dépôt au Parlement des textes financiers qu'il est destiné à encadrer ; ce calendrier ne permet pas d'associer le Parlement de manière utile à l'élaboration de nos engagements européens. Dans tous les cas, également, il conviendra de rénover le rapport qui sert de support au débat d'orientation des finances publiques, de façon qu'il retrace le programme de stabilité, sans préjudice naturellement d'autres informations qu'un tel document peut contenir.

Première option : une déclaration du gouvernement, suivie d'un vote, à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques, ou le vote d'une résolution par le Parlement

Le gouvernement et les autorités parlementaires compétentes ont décidé, pour associer le Parlement au programme de stabilité de janvier 2010, de recourir à la procédure prévue par l'article 50-1 de la Constitution, qui dispose : « Devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité ». Cette initiative pourrait être reconduite et donner lieu à une pratique pérenne.

Il pourrait également être recouru à la faculté ouverte aux assemblées par l'article 34-1 de la Constitution de voter des résolutions. Cette procédure permet l'expression de chacune des deux assemblées, mais pas du Parlement dans son ensemble, ce que seule une loi permet.

Deuxième option : une loi d'orientation annuelle en amont de la transmission du programme de stabilité

Cette loi, qui aurait valeur de loi ordinaire, serait constituée d'un article unique prévoyant l'approbation d'un projet de programme de stabilité. Le Parlement aurait toute latitude pour amender ce projet et, ainsi, peser sur le programme de stabilité transmis à la Commission.

Troisième option : l'actualisation du rapport annexé à la loi-cadre de programmation des finances publiques

Cette solution s'insère parfaitement dans [l'option présentée] pour la durée des lois-cadre. Au moment où, chaque année, le Parlement complète la trajectoire par l'adjonction d'une année supplémentaire, le rapport annexé serait actualisé, de façon à refléter le programme de stabilité lui-même en voie d'actualisation, dans le respect évidemment de la trajectoire vers l'équilibre qui aurait été inscrite dans la loi organique.

Le rapport contiendrait aussi la norme d'évolution des dépenses de l'État, l'ONDAM et la norme d'évolution des concours aux collectivités territoriales, ainsi que la répartition des plafonds de dépenses par mission du budget général de l'État, qui figurent actuellement dans la loi de programmation du 9 février 2009. Le rapport annexé exposerait par ailleurs les grands axes de la politique de prélèvements obligatoires (stratégie, mesures...).

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