2. La démonstration par les collectivités territoriales de leur « savoir faire »

Un tel résultat n'aurait pas été possible sans la mobilisation exceptionnelle des collectivités d'accueil, qui ont su montrer leur réactivité et leur capacité d'adaptation.

a) La réactivité des collectivités territoriales

Toutes les difficultés de fonctionnement des services concernés n'ont pas disparu du simple fait des transferts, loin de là et la capacité d'adaptation des collectivités territoriales a été mise à l'épreuve.

(1) Les atouts de la gestion de proximité

Les collectivités ont su trouver des solutions de gestion innovantes.

Tout en garantissant une égalité de traitement avec les agents en place, il a été tenu compte des spécificités propres à chaque corps, afin d'assurer la continuité dans les fonctions exercées. Pour les agents DDE, par exemple, ce principe de continuité a prévalu, en particulier pour ce qui concerne la durée du travail et de repos ou l'organisation et de rémunération des astreintes hivernales et estivales.

Elles ont expérimenté, par exemple, une forme de mutualisation des informations au niveau local.

Cette mutualisation a d'abord eu lieu entre collectivités territoriales elles-mêmes (départements et régions d'un même territoire) avec par exemple, la négociation sur la répartition des équipes mobiles d'ouvriers professionnels (EMOP), des cités mixtes scolaires et des emplois supports ou la mutualisation de dispositifs et procédures : constitution d'un vivier collectif de candidatures pour faciliter les remplacements; partage des offres et élaboration de bourses de l'emploi sur le territoire pour élargir les possibilités de mobilité ; passation de conventions communes avec les centres de gestion pour la médecine préventive, ou avec le CNFPT pour le plan de formation...

Les collectivités ont procédé également à une multiplication des états des lieux socioprofessionnels afin d'éclairer leurs décisions.

Des audits sur les moyens et le personnel ont produit des grilles d'évaluation et des barèmes sur la base de ratios (nombre d'élèves par bâtiment, surface par agent d'entretien, nombre de repas par jour, etc.). Ces données ont notamment permis de déterminer les besoins en personnel par établissement, afin de répartir plus équitablement les dotations.

Des diagnostics sociaux ou des états des lieux réalisés par les syndicats alimentent les négociations avec le nouvel employeur.

Entre régions, départements et EPLE, les conventions s'appuient désormais sur les audits et les diagnostics pour contractualiser sur les objectifs (sécurité, qualité, équité...) et les moyens.

De nouvelles relations se sont également établies avec les organisations syndicales .

Des diagnostics sociaux ou des états des lieux réalisés par les syndicats alimentent les négociations avec le nouvel employeur. Observateurs en comités techniques paritaires dans une première phase, leurs représentants sont, depuis les élections de 2008, élus, ce qui a modifié les équilibres au sein de ces instances. Si les chantiers relatifs aux conditions et au temps de travail n'ont été abordés qu'à partir de 2008-2009, celui du régime indemnitaire l'a été plus tôt. Des protocoles, chartes ou contrats de progrès social ont été signés par la plupart des collectivités.

L'information individuelle des personnels a été privilégiée : outre les échanges associant services et élus de la collectivité, des documents supports ont été réalisés de manière plus spécifique et les services de DRH ont cherché à répondre aux questions individuelles des agents. Le choix a été souvent fait de les associer très tôt aux structures paritaires (Comités Techniques Paritaires, Comités d'Hygiène et de Sécurité).

(2) Des résultats immédiats

Cette prise en compte concrète des difficultés individuelles a notamment conduit les collectivités à conduire, avec succès, une véritable politique de « déprécarisation » des personnels TOS.

Les transferts se traduisent, en effet, par un recul de la précarité , comme en témoigne la gestion par les collectivités des contrats aidés et non titulaires.

L'ampleur de ces emplois précaires, souvent sous forme de contrats à durée déterminée de 10 mois renouvelables, soulève d'ailleurs la question de la légalité de telles pratiques tolérées au sein des services de l'Etat.

Toutes les collectivités ont mené une politique de résorption de la précarité et d'intégration des agents non titulaires. Les collectivités ont mis en place à cet effet des plans de titularisation à l'intention des agents contractuels. Concernant la gestion de ces contrats, les collectivités ont d'ailleurs opté pour différentes stratégies :


• la non-reconduction des contrats aidés à échéance : avec pour objectif de résorber l'emploi précaire, certaines collectivités n'ont pas souhaité renouveler ce type de contrat et ont proposé aux agents des possibilités d'intégration au terme de leur contrat alors que selon certains témoignages « certains établissements fonctionnaient avec la moitié des effectifs en contrats aidés».


• la diminution du nombre de contrats : pour quelques collectivités, l'objectif a été de réduire le nombre de contrats aidés, mais sans les faire disparaitre. Cela peut aboutir à la détermination a priori d'un nombre limité de contrats aidés par établissement.


• le maintien du stock de contrats aidés : d'autres collectivités ont fait le choix de conserver à l'identique le nombre de contrats transférés. Dans ce cadre, les emplois aidés sont conçus comme une réponse à un besoin social, et encadrés par des tuteurs, des formations et des dispositifs d'insertion très complets. Mais les contrats d'avenir, à destination des anciens RMIstes, sont davantage privilégiés aux contrats d'accompagnement dans l'emploi, sur des postes d'aide cuisine ou d'aide à la maintenance technique.

Il s'agit d'un des nombreux résultats concrets de l'efficacité de la gestion locale.

b) Une amélioration indéniable du service public local

Le résultat est que globalement le service local a été amélioré. Deux dossiers difficiles le montrent aisément.

(1) La recherche d'une meilleure adéquation des ressources aux besoins

Pour les TOS, l es collectivités sont globalement inscrites dans une gestion individualisée et professionnalisante à travers un travail sur des outils d'évaluation et d'identification des métiers.

La plupart du temps, les régions et les départements appliquent la procédure valable pour leurs autres agents. Dans tous les cas, ce sont les gestionnaires des EPLE qui réalisent l'évaluation annuelle des agents. Les collectivités ont souhaité former à l'entretien d'évaluation les gestionnaires et encadrants de proximité et leur fournissent des supports de type protocole ou guide de l'évaluation.

La volonté des collectivités est de mettre en place un management par objectif . Certaines ont même lié la réalisation des objectifs fixés à l'obtention d'une prime d'objectif pour motiver les agents et accélérer leur acculturation.

En tant que support d'échange entre évaluateur et évalué, les collectivités ont beaucoup travaillé sur la définition des fiches de poste . Ces outils permettent de définir des activités précises à partir desquelles peut se dérouler l'évaluation des agents.

Les collectivités ont également beaucoup travaillé sur des cartographies des emplois et l'identification des métiers dans des perspectives de reconnaissance et de professionnalisation des agents. Certaines ont oeuvré à établir une correspondance entre le métier exercé et le grade occupé afin de gratifier les agents. En liant déroulement de carrière et parcours professionnel, l'objectif des collectivités est de mettre en place leur propre politique d'avancement.

(2) Un meilleur service rendu aux citoyens

Les collectivités territoriales ont relevé le défi de la qualité du service public .

Elles ont suppléé à l'insuffisance des moyens consacrés précédemment par l'État pour remplir de façon satisfaisante le service public : elles ont ainsi créé, par exemple, des postes de TOS supplémentaires pour accroître le ratio de remplacement de ces agents dans les établissements scolaires.

Par leurs recrutements, elles ont exprimé une certaine vision de la qualité du service public à rendre différente de celle de l'État dans un contexte qui ne doit pas être sous-estimé : les réformes des politiques publiques en cours se traduisent par des missions nouvelles, demandant des profils de postes qui n'existaient pas auparavant tant dans la fonction publique territoriale (comme par exemple l'instruction et du suivi de la prestation de compensation pour l'autonomie des personnes handicapées).

Par ailleurs, des investissements très lourds ont du être engagés en particulier pour la remise à niveau des moyens humains de l'entretien et de l'exploitation des routes nationales du réseau « arrivés à un état critique », selon le rapport public de la Cour des Comptes publié dès 2000.

Comme l'a rappelé l'ARF, le changement de gestion a eu des effets directs pour les usagers du service public : le remplacement des agents, par exemple, et l'amélioration du délai de carence de 23 jours à moins de 15 jours.

Un exemple de cette amélioration du service public local est donné, en effet, par la gestion de l'absentéisme . Particulièrement important parmi les agents des collèges et des lycées, elle est devenue une activité à part entière pour les collectivités.

Plusieurs solutions ont été adoptées par les collectivités pour organiser les remplacements :

- Les collectivités ont cherché à mutualiser les remplacements sur leur territoire en constituant des équipes mobiles de remplaçants, disponibles immédiatement, particulièrement pour les cuisiniers.

- A partir de la base des contractuels, les collectivités ont constitué un vivier de candidatures, parfois mutualisé entre plusieurs collectivités. Les établissements peuvent y solliciter les candidatures les plus adaptées (adéquation au poste, proximité) en cas de besoin.

- D'autres collectivités ont mis en place des systèmes de conventionnement avec des associations, contactées directement par les établissements pour pourvoir aux remplacements.

Les collectivités se sont aussi intéressées de près aux causes de ce phénomène . Beaucoup mettent en place des enquêtes pour étudier cette problématique. Les causes identifiées sont liées en premier lieu à la maladie et à l'état de santé des agents mais aussi, et de façon non négligeable, à des problèmes de management. Certaines collectivités ont souhaité réaliser l'étude sur l'ensemble de la collectivité, de manière à ne pas stigmatiser ce public.

Pour réguler l'absentéisme, certaines collectivités ont donc mis en place des dispositifs spécifiques :

- des contre-visites médicales ciblées à partir d'un certain nombre d'arrêts, ou pendant les périodes durant laquelle les personnels seraient plus fréquemment absents ;

- d'entretiens de « ré-accueil » dans le cas de reprise de fonction au retour de l'agent, pour cerner les causes de démotivation ;

- l'impact sur la rémunération : si certaines collectivités ne font que s'interroger sur le bien-fondé de ce dispositif, d'autres ont mis en place un abattement pour absentéisme dans la prime de fin d'année.

La mise en oeuvre des transferts de personnels a donc suivi un long processus mal évalué, complexe et parsemé d'obstacles. Ces transferts n'auraient pas pu être menés à bien sans la mobilisation exceptionnelle des collectivités d'accueil.

Cinq années plus tard, le bilan fait apparaître un état des lieux des agents « avant » et « après transfert » (conditions de travail, action sociale, médecine préventive, formation, dialogue social...) qui est loin d'être en défaveur des collectivités territoriales pourtant souvent traitées avec condescendance et scepticisme de la part des administrations centrales.

Ces collectivités ont fait la démonstration de leur savoir faire en matière de gestion des ressources humaines et plus largement en tant que gestionnaires de services publics.

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