Rapport d'information n° 249 (2010-2011) de M. Jean-François HUMBERT , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 19 janvier 2011

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N° 249

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la crise économique et financière au Portugal ,

Par M. Jean-François HUMBERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Michel Billout, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour , vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange , secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Jean-François Humbert, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, François Marc, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca, M. Richard Yung.

Le vingt-cinquième anniversaire de l'adhésion du Portugal à l'Union européenne s'inscrit dans un contexte morose, marqué par la crise économique et l'incertitude politique. Lisbonne est confrontée à des problèmes de consolidation budgétaire et se doit d'accélérer les réformes structurelles.

Les difficultés rencontrées par le Portugal pour financer sa dette tiennent de fait à la fragilité intrinsèque de son modèle économique, que l'adoption de l'euro est venue exacerber. Depuis l'adoption de la monnaie unique, la croissance moyenne du produit intérieur brut portugais est la plus faible de la zone euro.

La question d'une aide européenne à Lisbonne destinée à répondre aux problèmes de liquidités que le gouvernement portugais rencontre est soulevée, quant à elle, depuis plus de six mois et l'annonce du soutien à la Grèce. Le plan d'aide à l'Irlande est venu renforcer cette impression d'inéluctabilité de l'aide, que le gouvernement lusitanien s'emploie, pourtant, à repousser. Les besoins de financement du Portugal sont néanmoins en constante hausse alors que l'année 2011 sera marqué par l'arrivée à échéance de près de 25 milliards d'obligations et bons du trésor à court terme.

A la différence de la crise irlandaise aux origines bancaires bien définies et donc pour partie conjoncturelle, la crise portugaise est elle de nature structurelle. Elle pose notamment la question de la reconversion de son modèle économique, rendue inévitable par son entrée dans la zone euro. Par ailleurs, le choix assumé de vendre les titres de sa dette aux pays émergents et refuser ainsi l'aide européenne n'est pas non plus sans susciter d'interrogations.

C'est dans ce contexte qu'un déplacement à Lisbonne a été organisé les 11 et 12 janvier derniers. Ce rapport tire les enseignements des entretiens organisés sur place. Il a pour ambition de dresser un état des lieux de la situation locale, tant au plan politique qu'économique. Il vise également à analyser les motivations et les conséquences du refus de l'aide européenne, tel qu'exprimé jusqu'à présent par le gouvernement portugais.

Le Portugal en quelques chiffres

Superficie : 92 090 km²

Population : 10 707 924 habitants

PIB (2009) : 163,9 milliards d'euros

PIB par habitant (2009) : 15 300 €

Taux de croissance (2009) : - 2,7 %

Taux de croissance 2010 (prévision) : 1,3 %

Taux de chômage 2010 : 10,9 %

Taux d'inflation 2009 : - 0,8 %

Taux d'inflation 2010 (prévision) : + 1,3 %

Solde budgétaire 2009 : - 9,3 % du PIB

Solde budgétaire 2010 (prévision) : entre - 6,9 et - 7,1 % du PIB

Dette publique 2010 (prévision) : 82,1 % du PIB

Solde commercial 2009 : - 18,9 milliards d'euros

Principaux clients : Espagne (26,2 %), Allemagne (13 %), France (12,1 %)

Principaux fournisseurs : Espagne (31,5 %), Allemagne (12,4 %), France (8,6 %)

I. UNE CRISE SYSTÉMIQUE EXACERBÉE PAR LA MONTÉE DES TAUX

La fragilité de son modèle économique explique en large partie les difficultés rencontrées par le Portugal sur le marché des taux. Une comparaison des principaux indicateurs replace pourtant le Portugal au niveau de certains de ses partenaires européens. Ainsi qu'il s'agisse de la dette, du déficit public ou du chômage on peut observer une certaine similarité entre les chiffres lusitaniens et ceux enregistrés par la France. Un potentiel de croissance difficile à déterminer et les incertitudes entourant la situation politique du pays contribuent néanmoins à renforcer l'inquiétude des marchés et à grever les taux d'intérêts.

A. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE FRAGILE

1. Une croissance « molle » durable

Le Portugal est confronté depuis plus de dix ans à des difficultés structurelles de croissance : son produit intérieur brut a ainsi progressé en moyenne de 1,1 % entre 2001 et 2007. Cette croissance moyenne est la plus faible de la zone euro. Après deux exercices délicats (croissance nulle en 2008 et récession de 2,6 % l'année suivante), le Portugal a enregistré en 2010 une progression mesurée de son PIB de 1,3 %.

Il n'est pas pour autant possible de parler d'un retour durable de la croissance. En effet, si le gouvernement table en 2011 sur une progression du PIB de 0,2 %, les institutions internationales tout comme la Banque du Portugal prévoient, quant à elles, une contraction de la richesse nationale autour de 1 %.

L'emploi a dans le même temps globalement stagné depuis 2000. Relativement bas jusqu'à la fin 2002 (5,1 %), le taux de chômage a connu une hausse spectaculaire depuis lors pour atteindre près de 10,9 % de la population active en 2010. Au Nord du Portugal, le chômage a ainsi augmenté de 160 % entre 2001 et 2007. Le chômage de longue durée atteint 50 % du chômage total.

Cette croissance molle à long terme s'explique par nombre de facteurs, au rang desquels le manque de compétitivité de ses entreprises et le déficit extérieur jouent un rôle non négligeable. Le potentiel de croissance apparaît de fait difficile à évaluer.

2. Un potentiel de croissance difficile à évaluer

L'économie portugaise est avant tout une économie de services, le secteur tertiaire employant près de 60 % de la population active contre un peu moins de 12 % pour le secteur primaire. Le tourisme constitue, à cet égard, la principale activé dans le secteur tertiaire.

Un peu moins du tiers de la population est employée dans l'industrie, surtout dans la construction, l'énergie et l'eau. Les productions traditionnelles (textile, chaussure, céramique, liège, alimentation et industrie maritime) ont reculé au profit de l'industrie pharmaceutique, de l'électronique et de la production automobile. La crise a néanmoins fragilisé ces deux derniers secteurs d'activité. L'énergie et la santé demeurent cependant des secteurs bénéficiant d'une certaine croissance, au contraire du textile affecté par l'arrivée sur le marché des produits des pays émergents.

Il convient par ailleurs de relever que près de 80 % des entreprises lusitaniennes sont composées de moins de cinq salariés. Si les deux tiers de l'économie portugaise sont aujourd'hui dédiés à la production de biens à moyenne et haute valeur ajoutée, la prédominance de ces petites entreprises limite les possibilités d'exportation, contribuant à une explosion du déficit commercial (plus de 10 % du PIB en 2009).

Trois secteurs conduisent à la croissance de celui-ci : l'agro-alimentaire, les biens manufacturés et l'énergie. Si le Portugal a mis en oeuvre une politique volontariste en matière énergétique, 50 % de l'énergie consommée est désormais liée aux énergies renouvelables produites dans le pays, il demeure néanmoins dépendant de l'extérieur.

L'importation de biens manufacturés vient souligner l'addiction aux crédits des ménages portugais. Si les années 2000 sont marquées par une faible croissance de la richesse nationale, elles sont aussi caractérisées par une hausse de la consommation, facilitée par l'octroi de crédits. Les banques nationales ont, à cet égard, clairement privilégié le financement des ménages au détriment des entreprises, et cela en dépit de la faiblesse du pouvoir d'achat local.

Le Portugal est ainsi, selon Eurostat, le pays où le pouvoir d'achat est le plus bas de la zone euro. En 2008, le PIB par tête du Portugal se situait environ à 25 % en-dessous de la moyenne européenne. Le salaire moyen est ainsi estimé à 800 €. Il convient néanmoins de noter que toute augmentation des salaires est quasi intégralement affectée à la consommation et contribue donc à la hausse des importations.

Les entreprises souffrent de fait d'une faiblesse du financement bancaire. Les années 2000 ont notamment été marquées par un transfert du financement des entreprises vers celui des ménages et de la construction. Le secteur bancaire n'a pas véritablement accompagné une reconversion du modèle économique destinée à répondre à la désindustrialisation du pays.

Si une tendance se fait actuellement jour en faveur de la recherche-développement, l'investissement privé dépassant le financement public, celle-ci souffre d'une faiblesse du soutien bancaire. Les sociétés de capital-risque sont quasiment inexistantes au Portugal, l'encouragement par le biais de business angels est rare et les PME ne disposent pas d'un réel accès aux marchés de capitaux.

Le choix de transformer l'économie portugaise en une économie de services, par essence peu encline à produire des biens exportables, révèle, par ailleurs, une mauvaise appréciation par les entreprises et les banques de l'intérêt d'investir dans les projets industriels liés aux nouvelles technologies.

Enfin, il convient de noter que le Portugal est également victime du vieillissement de sa population et de son faible renouvellement. Le taux de fécondité est évalué à 1,3 enfant par femme. Il n'est pas compensé par l'arrivée de migrants issus des anciennes colonies africaines ou des pays d'Europe de l'Est (Ukraine, Moldavie, Roumanie). Le recul de l'âge de la retraite à 65 ans et la réforme concomitante du système de retraites viennent illustrer le défi financier auquel est confrontée l'économie portugaise.

3. Un manque criant de compétitivité

Le manque de compétitivité et la faible productivité de l'économie portugaise s'expliquent notamment par la faiblesse du niveau de formation au Portugal. L'OCDE évalue le nombre des détenteurs de diplômes d'enseignement secondaire à environ 20 % des Portugais entre 25 et 64 ans, contre 70 % en moyenne dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE. La moitié de la population active n'a pas atteint 9 années de scolarisation. 45 % des jeunes entre 18 et 25 ans arrêtent leurs études après un maximum de 9 ans de scolarisation. Le nombre des écoliers de 18 ans augmente régulièrement, mais leur nombre reste encore aux deux tiers en-dessous de la moyenne européenne.

Ce manque de formation n'a pas été sans incidence pour les entrepreneurs au détour des années cinquante et soixante. Ceux-ci n'ont pas su réinvestir les sommes liées à un premier décollage économique et moderniser ainsi les structures afin de répondre aux défis économiques à venir.

La question du marché du travail et de la tradition protectrice de l'État n'est, quant à elle, pas anodine au Portugal. Le Préambule de la Constitution prévoit en effet que le texte fondamental doit permettre « d'ouvrir la voie vers une société socialiste ». Toute remise en cause globale du droit du travail est donc considérée comme une rupture avec les acquis de la « révolution des oeillets ».

Le marché du travail est, par ailleurs, de plus en plus segmenté, avec une forte proportion de travailleurs indépendants et de salariés en contrat à durée indéterminée. Ces derniers bénéficient des dispositions parmi les plus protectrices en Europe. Le licenciement individuel est en effet très difficile à obtenir à la différence du licenciement collectif pour raison économique. Celui-ci demeure néanmoins rare au regard de la taille des entreprises lusitaniennes. La règle de la « juste cause » en matière de licenciement individuel fragilise ainsi toute velléité d'embauche pour une période déterminée. Il existe à ce sujet un tabou politique, empêchant toute remise en cause.

Le coût du travail demeure, de façon générale, élevé. Le recours par l'employeur aux recibos verdes (reçus verts) est à cet égard assez révélateur. Créé à l'origine pour les professions libérales, ce régime assimile les employés à des travailleurs indépendants. Ils n'ont de fait aucun droit aux indemnités chômage et maladie ni aux congés. L'employeur peut parallèlement cesser du jour au lendemain de recourir à leurs services et n'est pas tenu de cotiser à la sécurité sociale en ce qui les concerne. Ce type de contrat est souscrit par environ 20 % de la population active. L'État portugais emploie environ 140 000 personnes sous ce régime.

Par ailleurs, le montant des allocations chômage peut paraître dissuader le retour à l'emploi : le salarié licencié bénéficie des deux tiers de sa dernière rémunération, cette allocation étant versée trente-huit mois. Celle-ci peut être complétée par les revenus provenant de l'économie informelle, qui représenterait entre 20 et 25 % de la richesse nationale.

Au coût du travail, s'ajoute une faiblesse de la mobilité géographique au sein de la population active portugaise. Si le pays tend à renouer avec sa tradition migratoire, il convient de noter que la population ne traverse pas le territoire pour trouver un emploi. L'importance du nombre de propriétaires - 80 % de la population est propriétaire de son logement - comme l'atonie du marché locatif conditionnent sans doute une telle situation. La location immobilière est en effet fragilisée par des dispositions encadrant le montant des loyers, rendant peu rentable tout investissement dans le secteur.

Cette absence de mobilité se conjugue à une faible flexibilisation du temps de travail, grevant là encore le coût du travail.

Enfin, en dépit des réformes entreprises depuis 2005 pour alléger le poids de l'État, les entreprises dénoncent, par ailleurs, un climat peu propice à l'activité, entretenu notamment par la lourdeur des procédures administratives et la lenteur de la justice en matière commerciale et sociale.

B. LES LIMITES DE L'INTÉGRATION ECONOMIQUE

1. Une utilisation peu pertinente des fonds européens

L'adhésion du Portugal à l'Union européenne a dans un premier temps largement profité à l'économie portugaise. Le Portugal bénéficie ainsi des fonds structurels et de cohésion. Pour la période 2007-2013, le Portugal recevra près de 22 milliards d'euros aux travers des fonds structurels et de cohésion (14 milliards d'euros pour la France). L'apport massif de capitaux par le biais des aides communautaires, mais aussi grâce aux investissements rendus possibles par l'ouverture au marché unique, ont permis une modernisation rapide de la structure économique. Le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat est ainsi passé de moins de 7 000 euros en 1986 à 19 000 euros en 2008.

La question des aides européennes n'est pas, cependant, sans laisser songeur tant les sommes injectées n'ont pas permis au pays d'affronter le défi de la reconversion économique. Il convient, à cet égard, de s'interroger sur le fait que le nord du pays - la région la plus industrialisée du Portugal - soit devenue la plus pauvre, avec une forte progression du chômage en dix ans sur ce territoire. La relative désaffection des ports, à l'image de Sines, qui semblent inexploités au regard de leurs potentialités, n'est pas, non plus, sans susciter un certain nombre de réserves quant à la bonne utilisation des fonds de développement et de cohésion. Pour la période 2000-2006, les 21 milliards accordés au titre des fonds structurels et de cohésion ont ainsi été répartis entre 35 000 projets. Un tel saupoudrage ne peut en rien favoriser la croissance du pays et favoriser la moderniser des structures économiques.

Cette fragmentation des fonds communautaires, à rebours d'une réelle vision d'ensemble pour l'économie portugaise, répond de fait à la réalité du tissu économique lusitanien, composé pour l'essentiel de petites et moyennes entreprises. Il s'inscrit également dans une forme de soutien aux baronnies locales que peuvent constituer les 261 municipalités du Portugal, toutes enclines à vouloir bénéficier de la manne européenne en vue, notamment, des échéances électorales.

2. L'effet anesthésiant de l'euro

La question de la monnaie unique n'est pas non plus sans incidence sur la crise structurelle que traverse l'économie portugaise. Poussé à surévaluer l'escudo lors du passage à l'euro, le Portugal s'est retrouvé confronté à un problème de compétitivité-prix. En effet, du jour au lendemain, le Portugal s'est mis à vivre, à produire, à vendre et à exporter avec une devise forte. L'industrie textile en a notamment pâti.

L'adoption de la monnaie unique demandait une réelle reconversion de l'économie portugaise, un bond compétitif fondé sur la qualité et pas seulement sur la politique des prix. La convergence nominale induite par l'adoption de la monnaie unique n'a pas été suivie d'une convergence réelle comme l'entendaient les promoteurs de l'euro.

Pire, la convergence nominale a permis au pays de bénéficier de la faiblesse des taux d'intérêts, alors inférieure au taux d'inflation. L'euro a, en quelque sorte, facilité l'endettement extérieur du Portugal. L'absence de difficultés rencontrées sur le marché de la dette a entretenu l'idée d'un accès aisé à l'argent, repoussant toute idée d'ajustement de la politique économique portugaise à la réalité des marchés.

L'état des comptes publics est à cet égard éloquent. Entre 2002 et 2007, le gouvernement ne s'est retrouvé que deux fois en dessous de la barre des 3 % du PIB en ce qui concerne son déficit public et encore de façon toute relative.

Le déficit public entre 2002 et 2007 (en % du PIB)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

- 2,9 %

- 3,1 %

- 3,4 %

- 5,9 %

- 4,1 %

- 2,8 %

Malgré les déclarations en ce sens du chef de la diplomatie portugaise en novembre dernier, l'hypothèse d'une sortie de la zone euro - au demeurant exclue par les traités - n'est pas réellement envisagée par le gouvernement. Le Premier ministre estime ainsi que les avantages liés à la monnaie unique demeurent supérieurs à ceux d'une politique monétaire nationale. En cas de retour à l'escudo et de dévaluation compétitive concomitante, le Portugal ne renouerait pas pour autant avec un réel retour de la croissance. Ce retour à l'économie des années quatre-vingt est rendu impossible par l'affirmation de l'Europe de l'Est et des pays émergents dans les secteurs concernés.

C. LE POIDS CROISSANT DE LA DETTE A L'HEURE DE LA CRISE DES TAUX

1. Le risque d'insoutenabilité de la dette publique

Le montant de la dette publique portugaise est évalué à 145,5 milliards d'euros, soit 82,1 % du PIB en 2010. 70 % de la dette publique est composée d'obligations. Le recours à la dette est principalement lié à la consolidation budgétaire, le déficit budgétaire étant grevé depuis 2009 par les mesures contra-cycliques adoptées par le gouvernement pour tempérer les effets économiques et sociaux de la crise financière mondiale.

Solde budgétaire (en % du PIB)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011 (prévision)

- 5,9 %

- 4,1 %

- 2,8 %

- 2,9 %

- 9,3 %

Entre - 6.9 et - 7,1 %

- 4,6 %

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit un besoin de financement brut de près de 46 milliards d'euros. 35,3 milliards d'euros serviraient ainsi à financer l'amortissement de la dette existante. L'État portugais sera confronté au cours du présent exercice au remboursement de bons et d'obligations du Trésor arrivant à maturité, soit 24,6 milliards d'euros.

La dette publique 2010-2013 (Prévisions gouvernementales)

2010

2011

2012

2013

82,1 % du PIB

88,9 % du PIB

90,1 % du PIB

89,3 % du PIB

Le Portugal semble, à cet égard, être entré dans la spirale de l'endettement et devrait faire face à des coûts de financements de plus en plus élevés. L'avis négatif formulé par les trois agences de notation contribue, à cet égard, renforcer la défiance des marchés à l'égard de la dette portugaise.

L'agence Standard & Poor's a ainsi placé la note de l'État portugais sous vigilance négative le 30 novembre dernier. Elle prévoit en effet une contraction du PIB de 2 % en 2011 et s'interroge sur la fiabilité des réponses à la crise apportées par le gouvernement. L'agence évoque en outre les risques liés à un éventuel recours du gouvernement à un financement public extérieur et les risques que l'obtention de tels fonds pourrait avoir pour la position des créanciers privés face aux créanciers publics.

Le 21 décembre 2010, l'agence Moody's a également placé le Portugal sous surveillance négative, estimant que les mesures de consolidation budgétaire adoptées par le gouvernement n'étaient pas sans incidence sur le potentiel de croissance portugais. La même agence envisage d'ici la fin du mois de mars 2011 un nouvel abaissement de la note portugaise au regard, notamment, de la situation politique. La note pourrait alors atteindre A2 ou A3.

Le 23 décembre, l'agence Fitch a, quant à elle, rétrogradé d'un cran la note de la dette souveraine, qu'elle a dans le même temps assorti d'une perspective négative. La crainte d'une récession, estimée par l'agence à 1 % du PIB, justifie à ses yeux une telle dégradation.

Note de la dette souveraine portugaise au 1 er janvier 2011

Fitch
(max : AAA)

Moody's
(max :AAA)

Standard & Poor's
(max : AAA)

A+

A1

A -

Une telle détérioration de la note du Portugal n'est pas sans incidence sur les marchés. Le Portugal ne rencontre pas à l'heure actuelle de difficulté majeure sur les marchés et a ainsi pu emprunter 500 millions d'euros le 15 décembre dernier. Elle a également pu placer 1,25 milliard d'euros sur les marchés le 12 janvier. Sur les émissions ayant pour échéance juin 2020, le taux d'intérêt exigé par les investisseurs a atteint 6,716 %, contre 6,806 % lors d'une opération similaire en novembre. Pour les obligations à échéance octobre 2014, le taux de rendement s'est cependant fixé à 5,396 %, supérieur au taux de 4,041 % appliqué en novembre à l'ouverture de cette même ligne d'obligations. Le 5  janvier, 500 millions d'euros de dette à six mois ont été placés à un taux record de 3,686 %, contre 0,59 % en janvier 2010 et 2,045 % en septembre dernier.

La volonté de la banque centrale européenne de poursuivre ses opérations d'achat d'obligations publiques et notamment portugaises a permis une certaine détente sur les marchés financiers. Celle-ci demeure néanmoins toute relative. Deux jours avant l'adjudication du 12 janvier, les taux à dix ans ont atteint le niveau record 7,18 %. Le gouvernement portugais avait précisé en fin d'année, par la voix du ministre des finances, que des taux supérieurs à 7 % pourraient rendre l'endettement du Portugal insoutenable.

2. Le poids de l'endettement privé

Rappelons par ailleurs que si l'on additionne la dette des ménages, celle des entreprises et la dette publique, la dette du Portugal dépasse 300 % du PIB (contre 240 % pour la Grèce). L'endettement des ménages et des entreprises atteint ainsi le montant astronomique de 238 % de la richesse nationale (contre 120 % en Grèce et 210 % en Espagne). Cette charge va peser durablement sur la consommation et l'investissement.

L'endettement extérieur du Portugal est, à cet égard, le problème majeur du Portugal. Celui-ci est en constante progression depuis 15 ans, à raison de 8 à 9 % d'augmentation annuelle. La plupart des créanciers sont issus de l'Union européenne. Un tel endettement est rendu possible par une trop grande faiblesse de l'épargne nationale et une consommation plus importante que la capacité de production du pays. Le rôle des banques nationales, plus enclines à financer les ménages que les entreprises est également déterminant.

L'endettement des ménages concerne principalement l'acquisition de biens immobiliers. Si cette tendance fragilise la mobilité géographique des Portugais, elle n'a pas non plus contribué à la formation d'une bulle immobilière dans le pays. Entre 1998 et 2008, les prix immobiliers n'ont ainsi progressés que de 36 % (inflation comprise) contre 117 % pour l'Irlande et 168 % pour le voisin espagnol.

D. UNE CRISE ÉCONOMIQUE DOUBLÉE D'UNE CRISE POLITIQUE

Organisées en septembre 2009, les élections législatives n'ont pas débouché sur la mise en place d'une majorité parlementaire. Si le Premier ministre, José Socrates, en poste depuis 2005, a pu être reconduit, son parti, le Parti socialiste, bien que vainqueur du scrutin, ne dispose pas de la majorité absolue avec 96 sièges sur 230 à l'Assembleia da Republica. Le parti social démocrate (PSD), de centre droit, est la principale formation d'opposition. Elle dispose de 78 sièges au sein de la chambre. La droite populiste, rassemblée au sein du centre démocratique et social (CDS-PP), constitue la troisième force politique du pays après sa percée aux élections. Elle dispose de 21 sièges. Le bloc de gauche dispose de 16 sièges et la coalition communistes-écologistes (CDU) de 15 sièges.

Le Président de la République, Anibal Cavaco Silva, est, quant à lui membre du PSD. Il est candidat à sa propre succession le 23 janvier prochain. Les élections présidentielles sont l'occasion pour le bloc de gauche et le CDS/PP de tenter un rapprochement avec le PS d'un côté et le PSD de l'autre en vue d'une possible intégration au sein d'un gouvernement de coalition. Ces deux formations ne présenteront pas, à cet égard, de candidats. M. Silva devrait être réélu aisément au premier tour.

La difficulté à trouver une majorité pour adopter les mesures d'austérité sont apparues à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi de finances 2011, le 26 novembre dernier. Le vote du budget n'a été rendu possible que par l'obtention d'un accord entre le PS et le PSD, obtenu par la médiation du Président de la République. Le gouvernement s'est ainsi engagé auprès du PSD à accélérer la restructuration de l'administration et des entreprises publiques. Il a parallèlement révisé ses ambitions à la baisse en ce qui concerne la suppression d'avantages fiscaux ou la révision de la liste des produits bénéficiant d'une TVA réduite. Ces concessions minorent de 0,3 % de PIB les recettes fiscales initialement prévues dans le projet de loi de finances.

Le PSD s'était déjà abstenu le 25 mars dernier afin de faire adopter le plan d'austérité et de croissance. Cette abstention était néanmoins doublée de critiques contre la poursuite de l'investissement public ou les dispositions visant les rémunérations les plus élevées.

Cette coopération tacite entre les deux principaux partis n'est pas pour autant une constante de la vie parlementaire portugaise comme en ont témoigné en février 2010 les débats dans le cadre de la loi de finances régionales. L'ensemble de l'opposition, PSD inclus, a ainsi adopté plusieurs dispositions augmentant les transferts financiers accordés aux régions autonomes des Açores et de Madère. Ces deux régions ont également obtenu l'autorisation de s'endetter de 50 millions d'euros par an jusqu'en 2013. Ces votes sont à rebours des intentions du gouvernement, enclin à une réduction de tous les financements publics et souhaitant diffuser ce message aux investisseurs.

Les déclarations du leader du PSD, Pedro Passos Coelho, demandant la démission du gouvernement socialiste en cas de recours à l'aide conjointe de l'Union européenne et du FMI, souligne à quel point l'accord parlementaire entre les deux principales formations politiques demeure fragile.

II. LE REFUS DE L'AIDE EUROPÉENNE

Le gouvernement portugais comme l'ensemble de la classe politique locale n'envisage pas à moyen terme un recours à l'aide conjointe de l'Union européenne et du Fonds monétaire international. Le gouvernement attend beaucoup du programme combinant dispositions en faveur de la compétitivité et mesures de rigueur qu'il met en place à l'occasion de l'exercice 2011. Des motivations d'ordre politique et social justifient également le refus de solliciter une intervention financière extérieure. Cette stratégie en solitaire n'est pas néanmoins sans laisser songeur.

A. L'AUSTÉRITÉ COMME RÉPONSE À LA CRISE

Le projet de loi de finances pour 2011 est le symbole de cette rigueur. Le principal objectif du budget demeure la réduction du déficit public, estimé entre 6,9 et 7,1 % du PIB en 2010, que le gouvernement entend ramener à 4,6 % du PIB au cours de l'exercice 2011.

Afin d'atteindre cet objectif, le budget prévoit une réduction des dépenses totales de l'État de 2,7 points du PIB et une augmentation concomitante des recettes fiscales de 1,2 point du PIB.

La diminution des dépenses publiques passe notamment par la réduction des crédits affectés aux rémunérations (diminution estimée à 0,6 %) et aux prestations sociales (0,9 % du PIB). Une baisse de 3,5 à 10 % des salaires de la fonction publique et des organismes publics est ainsi prévue dès lors que la rémunération dépasse 1 500 € mensuels. Le gouvernement prévoit parallèlement le gel des recrutements, avancements et promotions et supprime la possibilité de cumuler emploi et retraite publics. Concernant les prestations sociales, le gouvernement préconise une diminution des prestations chômage, une réduction de 20 % du revenu minimum d'insertion, une baisse de 25 % des allocations familiales et le gel des retraites. Le déremboursement de médicaments, l'instauration de nouveaux barèmes de prise en charge et le renforcement des contrôles sont également prévus. Une réduction des budgets ministériels est, par ailleurs, envisagé, le ministère de l'éducation étant le principal concerné (diminution des crédits estimée à 0,4 % du PIB). Une restructuration de l'administration et des entreprises publiques est également lancée. A cet effet, une diminution des transferts aux administrations régionales et locales est envisagée.

L'augmentation des recettes passe par une diminution de la dépense fiscale qui se traduit par le plafonnement de nombre de déductions et d'avantages fiscaux, à destination des particuliers, notamment des retraités, et des entreprises. Le gouvernement prévoit, par ailleurs, une augmentation de deux points de la taxe sur la valeur ajoutée qui passe à 23 %, ainsi qu'une révision de la liste des produits bénéficiant d'un taux réduit de TVA. Le budget 2011 intègre également la création d'une taxe sur le crédit à la consommation et l'ouverture de nouveaux péages autoroutiers. L'alignement des taux de cotisation retraite des fonctionnaires est également inclus dans la loi de finances.

La loi de finances 2011 succède au programme d'austérité et de croissance adopté en mars dernier. Ce texte prévoit la privatisation de 32 entreprises d'ici 2013. Sont notamment visés le secteur fret de la compagnie nationale de chemins de fer, une partie des activités assurance de la banque publique Caixa, des parts de Galp Energie et de REN, le gestionnaire du réseau électrique. 90 % des 6 milliards d'euros espérés à l'occasion de ces ventes seraient destinées à la réduction de la dette publique. Les dépenses d'investissement sont, quant à elles, reportées qu'il s'agisse de la construction d'un nouvel aéroport à Lisbonne ou de l'ouverture du deuxième tronçon TGV Lisbonne - Madrid. Une commission réunie sous l'autorité du président de la Cour des comptes est, par ailleurs, chargée d'évaluer les projets d'infrastructures envisagés par les autorités en vue de déterminer, au regard des avantages qu'ils sont censés fournir, s'il est soutenable financièrement de les poursuivre.

Ce programme prévoyait, en outre, un gel des rémunérations des fonctionnaires jusqu'en 2013. Leur nombre devait être réduit de 73 000 d'ici quatre ans.

La réduction de la dépense publique est une constante de la politique du Premier ministre depuis 2005. Dès sa prise de fonction, un ambitieux programme de réorganisation de l'État destiné à moderniser la Fonction publique a en effet été lancé. En cinq ans, 75 000 postes (750 000 fonctionnaires en 2005) et 187 organismes publics ou parapublics (568 en 2005) ont été supprimés. L'ouverture des « boutiques du citoyen », où sont regroupés les guichets d'une quarantaine d'administrations et entreprises publiques : impôts, télécoms, électricité, assurances sociale et de chômage, aide à la création de micro entreprises, sont venus matérialiser cet objectif.

Le gouvernement avait dans le même temps introduit davantage de flexibilité dans le code du travail et entrepris une première réforme des retraites. Celle-ci a permis de porter de 60 à 65 ans l'âge de la retraite, voire 67 si le cotisant en fait la demande. Les pensions sont désormais calculées sur la base de la moyenne des salaires versés durant toute la carrière professionnelle et non plus les quinze dernières années. Une telle révision a pu alléger la dette sociale de l'État, la pension représentant désormais 55 % du dernier salaire et non plus 80 %.

Une première vague de privatisations et l'augmentation de la TVA étaient venus compléter ce dispositif. Celui-ci avait permis la réduction du déficit budgétaire de 6,1 % du PIB en 2005 à 2,8 % en 2007. La crise économique et financière et l'augmentation du chômage concomitante ont bouleversé cet équilibre.

Le programme d'austérité et de croissance a été suivi en mai par l'adoption de nouvelles dispositions prévoyant, notamment, une hausse de la TVA de 1 point, passant de 20 à 21 %. Le gouvernement relève en outre de 2,5 % le taux d'impôt sur les bénéfices des grandes entreprises supérieurs à 2 millions d'euros pour le porter à 27,5 %. Une retenue salariale de 1 à 1,5 % selon le niveau de revenu vise, quant à elle, les ménages. Les indemnités versées aux élus et les salaires des gestionnaires d'entreprises publiques sont abaissés de 5 %.

Une telle politique d'austérité, la plus dure depuis 1983, n'est pas sans laisser songeur sur leur effet potentiellement récessif sur la demande interne. A cet égard, le gouvernement envisage un repli de la consommation privée de 0,5 %, chiffre a priori sous-évalué. La Commission européenne s'attend, elle, à une chute de la demande intérieure totale de 2,8 %. L'objectif de réduction drastique des déficits publics pourrait de fait fragiliser une relance de la croissance.

L'annonce par le ministère de l'économie portugais, le 6 janvier dernier, de l'atteinte de l'objectif de ramener à 7,3 % du PIB le déficit public pour 2010, vient aux yeux de ses promoteurs, justifier l'efficacité d'une telle politique. Elle a surtout valeur de symbole à destination des marchés en vue d'obtenir une baisse relative des taux.

B. LA COMPÉTITIVITÉ COMME PRIORITÉ

Ce plan d'austérité s'accompagne d'un vaste programme en faveur de la compétitivité. Cinquante mesures vont ainsi être présentées devant le Parlement. Elles répondent à quatre objectifs :

• Le soutien aux entreprises exportatrices : le gouvernement lusitanien propose ainsi de renforcer les incitations fiscales à l'internationalisation, en particulier pour les PME. Des mesures sont également envisagées pour faciliter l'investissement des PME exportatrices et pour éviter les cas de doubles impositions ;

• La diminution des coûts administratifs pour les entreprises : un programme serait ainsi lancé pour la dématérialisation des procédures. Une exemption des charges administratives liées à l'exportation pour les jeunes entreprises innovantes est également envisagée ;

• La fluidité du marché du travail : les mesures annoncées visent à diminuer les coûts de licenciement et stimuler la conclusion de conventions collectives. La réduction de l'impact de l'indemnité de licenciement pour les entreprises est au coeur de ce programme, sans toutefois que ne soit remise en cause la notion juridique de « juste cause » en ce qui concerne le licenciement individuel ;

• La réhabilitation urbaine et la stimulation du marché locatif : ces dispositions sont censées répondre à l'atonie du secteur au Portugal et contribuer de la sorte à renforcer la mobilité géographique des Portugais.

Des mesures destinées à lutter contre l'économie informelle, l'évasion et la fraude fiscale sont également prévues par le gouvernement.

Le soutien à l'exportation se justifie notamment par l'impact du commerce extérieur sur le maintien d'une croissance positive en 2010. Le dynamisme des exportations est censé, aux yeux du gouvernement portugais, compenser le possible ralentissement de la demande interne induit par les mesures d'austérité contenues dans le budget 2011. Cette diminution du déficit commercial est constante depuis 2008.

La diversification des produits comme des marchés, l'augmentation de la valeur ajoutée des biens vendus sont en effet présentées comme des solutions à la crise. Les marchés angolais, brésilien, mozambicain, sud-africain, maghrébin et chinois sont particulièrement visés. La réduction du déficit commercial est de surcroît facilitée par le développement du secteur énergétique lusitanien et la réduction concomitante de la dépendance extérieure du Portugal dans ce domaine.

La réforme du marché du travail est l'autre grand volet du programme gouvernemental. Le débat se concentre à l'heure actuelle sur le coût des licenciements pour l'entreprise. Une réduction des jours de travail rémunérés pris en compte pour le calcul de l'indemnité (trente à l'heure actuelle), l'instauration d'un plafond pour la compensation ou la mise en place d'une solution hybride jouant sur ces deux paramètres sont ainsi envisagés. La charge financière des licenciements serait, quant à elle transférée vers un fonds de financement pour les licenciements collectifs ou pour raison économique, à l'image de celui mis en place en Espagne. Il serait financé par les entreprises et l'État.

Au-delà des conditions de licenciement, le gouvernement envisage de nouvelles mesures en faveur d'une flexibilisation du temps de travail et l'instauration d'un mécanisme reliant augmentations de salaire et croissance effective de la productivité.

C. LE REFUS DE L'AIDE EUROPÉENNE

1. La spécificité de la crise portugaise

Le gouvernement portugais motive son refus de solliciter une aide auprès du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) en soulignant la spécificité de la situation portugaise comparée à celles de la Grèce et de l'Irlande. Le Portugal traverse une crise structurelle qui nécessite l'adoption d'une stratégie nationale fondée sur la relance de la croissance et la limitation de la dépense publique. Le système financier local est, lui, considéré comme solide, aucune bulle immobilière n'est apparue.

Le gouvernement, appuyé en cela par la Banque centrale européenne, souligne régulièrement que le Portugal n'est pas confronté à un problème de solvabilité mais à un problème de liquidités. Les autorités lusitaniennes estiment de fait que le Portugal dispose de perspectives de croissance qui lui permettront de rembourser à terme les prêts qui lui sont octroyés.

Si les banques rencontrent actuellement un problème de liquidité, il est principalement lié au fait qu'elles n'ont plus accès aux marchés financiers pour se refinancer en raison des taux très élevés qui y sont pratiqués. On relèvera néanmoins que cette montée de taux ne conduit pas à un recours croissant aux facilités de la Banque centrale européenne, les aides de celles-ci étant en recul depuis août 2010. Les banques portugaises ont par ailleurs satisfait avec succès aux stress tests européen, même si l'exemple irlandais tend à fragiliser la portée d'une telle réussite.

Il convient néanmoins de noter que les volumes des montants empruntés à la BCE demeurent élevés (40 milliards d'euros en septembre et en octobre, 38 en novembre). Par ailleurs, les agences de notations Fitch , Standard and Poor's et Moody's ont placé en fin d'année dernière les banques portugaises sous surveillance négative en raison de leur dépendance à la banque centrale européenne. Ce recours n'apparait pas à terme soutenable. L'augmentation des taux n'est pas, non plus, sans incidence sur la valeur boursière des banques, comme en a témoigné le recul de 5 % des cours de la BES et de la BCP le 7 janvier dernier.

Ce financement des banques portugaises par le biais de la BCE avec un taux de 1 % leur permet notamment de participer à l'achat d'obligations nationales avec un taux supérieur à 6,5 % en ce qui concerne les émissions à long terme. L'adjudication du 12 janvier dernier souligne néanmoins que les acheteurs sont à 80 % d'origine étrangère, écartant de la sorte tout risque marqué de financement consanguin.

2. Le coût de l'aide européenne est jugé exorbitant

Le recours au FESF est parallèlement jugé couteux, le taux d'intérêt moyen de la dette portugaise étant à l'heure actuelle estimé à 3,5 %, en dépit de l'augmentation des taux en 2010. A supposer que ceux-ci se maintiennent durablement autour de 7 % au cours du prochain exercice, le taux moyen atteindrait 4,9 % soit un montant encore inférieur au taux d'intérêt des crédits débloqués par le FESF (5,2 % pour la Grèce et 5,8 % pour l'Irlande).

Taux d'intérêt moyen des dettes souveraines en 2010

Allemagne

Autriche

Belgique

Espagne

France

Grèce

Irlande

Italie

Portugal

3,2

4

3,6

3,1

3,2

4,2

3,1

3,8

3,5

Le gouvernement entend, à cet égard, mener une stratégie de diversification de la dette souveraine en vue de réduire la pression des marchés sur celle-ci. Jusqu'en 2008, aucune stratégie de préfinancement n'a, en effet, été menée, les autorités privilégiant un recours aux marchés au fur et à mesure. L'augmentation des taux a conduit le gouvernement à augmenter l'émission de dettes de court terme moins onéreuses et arrivant à échéance en 2011. Les besoins nets de financements (hors reconduction de la dette) ont cependant tendance à diminuer, évalués à 14 milliards d'euros en 2010 ils sont ramenés à 10,7 milliards au cours du présent exercice.

Le Portugal souhaite parallèlement diversifier les sources de financement. Si le recours aux marchés est toujours privilégié, le gouvernement entend développer ses liens avec d'autres pays, dont les pays émergents, dans cette optique. Le Japon, la Chine, le Brésil, les États-Unis, la Scandinavie et certains pays du Moyen-Orient sont sollicités directement ou indirectement (par le biais des acteurs privés) pour financer la dette portugaise. Des tournées de présentation (« roadshows ») sont ainsi organisées par l'Institut de gestion du crédit public portugais (IGCP) dans ces pays. Un accord a ainsi été trouvé avec Pékin. Le gouvernement portugais a, de la sorte, saisi l'opportunité d'un forum ministériel sur la coopération entre la Chine et les pays de langue orientale à Macao le 15 novembre dernier pour vendre des obligations au Timor oriental.

La Chine a, quant à elle, annoncé à la veille du Conseil européen des 16 et 17 décembre derniers l'acquisition de dette portugaise. Le montant pourrait équivaloir au tiers des besoins de refinancement nécessaires jusqu'au mois d'avril (14,25 milliards d'euros), soit environ 4 milliards d'euros. Les contours de cette opération restent flous. L'achat de titres par le biais de placements obligataires privés est une option. Une opération de ce type aurait déjà été organisée le 7 janvier dernier et concernerait 1 milliard d'euros de dette ayant pour échéance le mois de juin 2013. Il s'agirait de la deuxième opération de ce type en moins de deux mois. L'intérêt chinois n'est pas anodin et pourrait se traduire en contrepartie par des prises de participation au sein du secteur énergétique et dans celui des télécommunications.

Quel que soit l'investisseur étranger, il respecte la souveraineté économique du Portugal et n'impose pas de mesures structurelles, à la différence des dispositions prises par l'Union européenne et le FMI en Grèce et en Irlande. L'autre avantage, aux yeux du gouvernement portugais, consiste dans le fait que le pays échappe à une sorte de « label FMI » de pays en difficulté qu'imposerait l'aide et préserve ainsi sa réputation sur les marchés.

En ce qui concerne les marchés, les autorités portugaises estiment que l'adoption de nouvelles règles budgétaires, destinées à améliorer la transparence et la crédibilité des comptes publics, sont susceptibles de renforcer la confiance des investisseurs. Le gouvernement a ainsi créé un conseil indépendant de contrôle des finances publiques chargé d'évaluer celles-ci et de renforcer la crédibilité des données budgétaires publiées. Par ailleurs, il préconise la fixation d'objectifs intermédiaires trimestriels de réduction du déficit, dont la publication des résultats serait susceptible de rassurer les marchés. La fin du premier trimestre 2011 devrait donc, aux yeux du gouvernement, permettre de savoir s'il peut poursuivre sa stratégie en solitaire.

3. L'aide européenne constitue un risque politique et social

Les déclarations de l'opposition concernant une démission nécessaire du gouvernement, en cas de recours à l'aide conjointe de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, ne sont pas non plus sans incidence sur le choix des autorités de poursuivre une stratégie en solitaire.

L'intervention du Fonds monétaire international ne trouve en effet pas beaucoup de grâce aux yeux de la population locale, marquée par les deux précédentes interventions du Fonds en 1975 et 1983. Celles-ci s'étaient traduites par une politique de rigueur extrêmement sévère, rompant avec l'espérance révolutionnaire liée à la chute de la dictature. Le recours à l'intervention internationale fragiliserait donc le gouvernement dans le cadre d'un scrutin anticipé.

La politique de rigueur est d'ores et déjà mal vécue par la population, comme en témoigne la grève générale du 24 novembre dernier, largement suivie au sein de la population. L'austérité vient renforcer un sentiment réel de précarité sociale. Il convient de rappeler que 2 millions de Portugais ont un revenu mensuel inférieur à 420 euros. Les 17 banques alimentaires portugaises nourrissent chaque jour 285 000 personnes, soit 2,5 % de la population. L'Église a, de son côté, renoué avec sa tradition sociale pour pallier les carences de l'État dans ce domaine.

De fait, le seul avantage d'une intervention du FMI réside, aux yeux de la population, dans la stimulation de la lutte contre la corruption.

Si le gouvernement s'oppose au recours à l'aide européenne, celle-ci ne rencontre pas non plus l'adhésion de l'opposition. Si le PSD estime ainsi qu'il serait en mesure de gouverner avec une aide du FMI, il n'affiche pas néanmoins de volonté particulière de recourir à celle-ci. Une intensification des réformes structurelles lui apparait à cet égard prioritaire.

La progression de l'euroscepticisme n'est pas non plus à dédaigner. L'image de l'Allemagne, voire du couple franco-allemand, souffre considérablement depuis le printemps dernier. Le large écho donné par les médias le week-end des 8 et 9 janvier aux informations de l'hebdomadaire allemand der Spiegel selon lesquelles Paris et Berlin tentaient d'imposer l'aide européenne au Portugal en atteste. Considérée jusque lors comme un soutien constant au Portugal, l'Union européenne ne bénéficie plus désormais de la même adhésion. Elle est désormais partiellement vue comme une contrainte.

Les négociations entamées par le gouvernement avec les partenaires sociaux au sujet de la réforme du marché du travail ont été l'occasion pour les syndicats de mettre en cause l'influence de la Commission sur la politique gouvernementale. La réaction de l'UGT, supposée proche du Parti socialiste, est à cet égard assez révélatrice de l'écart entre le respect des engagements de consolidation budgétaire pris envers Bruxelles par le gouvernement et le ressenti de la population.

La presse relaie quant à elle les propos d'économistes qui estiment inéluctable la demande d'aide auprès de l'Union européenne, contrastant de la sorte avec l'unanimité de la classe politique sur ce sujet. La Banque du Portugal, dont les prévisions de croissance sont en deçà des objectifs du gouvernement, a été le cadre d'une certaine cacophonie le 10 janvier dernier, un membre du conseil d'administration jugeant l'aide très probable et contredisant ainsi les propos du gouverneur de la banque centrale.

4. L'aide européenne n'a pu empêcher la contagion

Le refus de recourir à l'aide européenne se justifie également, selon gouvernement lusitanien, par l'inefficacité de celle-ci à endiguer l'effet de contagion. Rien ne peut en effet indiquer que la crise ne s'étendra pas à l'Espagne, à la Belgique ou à l'Italie si le Portugal faisait appel au Fonds européen de stabilité financière.

Aux yeux des autorités portugaises, la crise portugaise est une crise structurelle qui implique des mesures nationales précises. Elle s'inscrit dans le cadre d'une crise plus globale de l'euro qui appelle non pas le soutien de la zone euro à l'endroit d'un pays mais le soutien de tous les pays à destination de la zone euro. La solidarité ne doit pas se transformer aux yeux des autorités portugaises en une charité destinée à parer au plus pressé.

Les autorités portugaises rappellent à cet égard que le taux des obligations demeure toujours à un niveau élevé en Irlande et en Grèce et appellent de fait à une nouvelle orientation de la stratégie européenne sur cette question. Le gouvernement s'est, à cet égard prononcé en faveur d'une mutualisation de la dette européenne, au travers du système des eurobonds, les euro-obligations.

Les autorités portugaises, confrontées à l'impossibilité de trouver un consensus avec l'opposition sur la poursuite de l'investissement public dans les infrastructures de transports, milite également pour les « project-bonds ». L'Europe apporterait sa garantie financière à des projets, publics ou privés, d'infrastructures.

D. QUELLES PERSPECTIVES A MOYEN TERME ?

1. L'inquiétude persistante des marchés

L'annonce du plan d'austérité comme celle concernant l'initiative pour l'emploi et la compétitivité ne semblent pas avoir eu l'effet escompté à destination des investisseurs. Si on observe une relative détente des marchés sur les taux à long terme comme en témoigne l'adjudication du 12 janvier, les taux à court et moyen termes demeurent élevés et en constante progression. Il convient, à cet égard, de s'interroger sur les causes de cette détente sur les marchés à taux longs. Le fait qu'elle coïncide tant avec l'annonce de l'atteinte des objectifs budgétaires par le gouvernement qu'avec celle concernant une poursuite des investissements de la Banque centrale européenne et les rumeurs entourant une possible augmentation du montant des crédits affectés au Fonds européen de stabilisation financière ne permet pas de déterminer si les efforts du gouvernement portugais sont clairement appréciés par les marchés financiers.

Le prochain semestre devrait être marqué par une succession de remboursements de dettes à court terme par le gouvernement, soit autant d'indicateurs quant à l'appréciation de la stratégie portugaise par les marchés.

Remboursements prévus au premier semestre 2011(en milliards d'euros)

Janvier

Février

Mars

Avril

Juin

3,4

3,5

3,8

4,5

4,9

Les fragilités structurelles de l'économie portugaise comme le risque d'une récession en 2011, en partie imputable, quant à lui, à la politique de rigueur mise en place, ne sont en effet pas de nature à susciter la confiance. Les réformes entreprises jusqu'alors, que l'on songe à la réforme des retraites ou à la réduction du périmètre d'intervention de l'État, n'ont pas pu tempérer la hausse des taux. L'annonce d'un déficit public évalué entre 6,9 et 7,1 % du PIB, soit en deçà de l'objectif de 7,3 % initialement prévu reste, quant à lui, difficile à juger. Ce chiffre a été obtenu par le biais d'une manipulation comptable, le gouvernement portugais intégrant dans ses recettes le transfert du fonds de pension de Portugal Telecom (2,6 milliards d'euros) vers l'État. Sans cette manne financière, le déficit public serait estimé à 8,2 % du PIB, constituant de la sorte un échec pour le gouvernement en place. L'objectif de ramener à 4,6 % du PIB le déficit budgétaire en 2011 n'en apparait que plus ambitieux. D'autant que la nationalisation et la recapitalisation concomitante de la Banque BPN devrait grever les finances publiques d'environ 2 milliards d'euros au cours de cet exercice.

Il convient à cet égard de relever qu'en dépit des annonces du gouvernement sur la politique de rigueur mise en place, la dépense publique a continué d'augmenter en 2010 (+ 3,2 %), ce que ne manque pas de dénoncer l'opposition. Celle-ci stigmatise, à cet égard, une politique de rigueur inachevée, la création continue d'organismes paragouvernementaux étant notamment visée. La flexibilisation du marché du travail est également jugée insuffisante par l'opposition.

La campagne à l'occasion des élections présidentielles devrait être marquée logiquement par un durcissement des critiques du PSD à l'endroit du gouvernement socialiste, relançant les rumeurs de dissolution. Le PSD estime par ailleurs que le vote du budget passé, il n'est plus question d'afficher une solidarité implicite à l'égard du gouvernement. Ce risque de crise politique n'est pas de nature à renforcer la confiance des marchés à l'égard du Portugal.

Le volontarisme du gouvernement lusitanien en matière de croissance peut apparaître de surcroit infondé au regard des prévisions de la Banque du Portugal et des institutions internationales.

Prévisions de croissance du Portugal pour 2011 (en pourcentage du PIB)

Gouvernement

OCDE

Union européenne

FMI

Banque du Portugal

+ 0,2 %

- 0,2 %

- 1 %

- 1,2 %

- 1,3 %

Cette conjonction d'éléments n'est pas sans laisser songeur quant à la soutenabilité de la stratégie en solitaire du gouvernement portugais pour affronter la crise dans un contexte où les marchés demeurent relativement inquiets. Le succès de l'adjudication ne pourrait donc constituer qu'un épiphénomène et non un gage d'un retour au calme.

2. La crise portugaise n'est pas non plus sans susciter d'interrogation sur la stratégie européenne

La crise portugaise est la troisième déclinaison de la crise souveraine qui traverse l'Europe depuis près d'un an. Celle-ci tempère de façon durable la confiance et fragilise toute relance globale de l'économie européenne. Le gouvernement portugais souligne avec justesse que si cette crise est une succession de dépressions nationales, elle ne peut être endiguée par le seul octroi d'aides locales. Il convient de réfléchir quant à la stratégie de l'Union européenne dans cette crise globale de la dette souveraine européenne.

Si la pertinence d'un mécanisme d'aide n'est pas à remettre en cause, il convient de réfléchir au périmètre de son action. Il ne peut se limiter à n'être qu'une seule facilité destinée à juguler les problèmes ponctuels de liquidité de quelques États, dont la liste ne semble désormais plus s'arrêter : Grèce et Irlande hier, Portugal et Espagne aujourd'hui, Belgique ou Italie demain.

A cet égard, les déclarations du ministère des finances allemand sur l'adoption, d'ici la fin du mois de mars, d'un arsenal complet de mesures destinés à stabiliser la zone euro vont dans le bon sens. Le Fonds européen de stabilité financière devrait dans un premier temps être augmenté. Il est nécessaire de rappeler, qu'à l'heure actuelle, le chiffre de 440 milliards d'euros disponibles au sein du fonds européen de stabilité financière doit être relativisé. Le montant est plutôt de l'ordre de 255 milliards d'euros selon les économistes, ni la Grèce ni l'Irlande ne pouvant être appelées en garantie. Il est, par ailleurs, raisonnable de ne pas compter sur la contribution du Portugal et celle de l'Espagne.

Il conviendrait également qu'il puisse acheter lui-même de la dette et soulager de la sorte la Banque centrale européenne. Il est également nécessaire qu'il puisse intervenir avant qu'un pays n'y soit acculé. Lui accorder des lignes de crédit en vue de dissuader la spéculation peut apparaître, à cet égard, comme une piste à creuser.

Cette dernière option permettrait de dépasser les réticences observables en Irlande et au Portugal à recourir aux crédits européens. Elle permettrait de dépasser la tentation du financement extérieur dont on ne mesure pas encore totalement les conséquences politiques et économiques en ce qui concerne notamment la Chine. Pékin souhaite en effet que l'achat de titres de dettes incite, en échange, l'Union européenne à investir en Chine. L'absence de droits de propriété intellectuelle représente néanmoins une menace quant à la viabilité de ces investissements.

CONCLUSION

La crise de la dette souveraine qui affecte aujourd'hui le Portugal vient donc révéler au grand jour les failles structurelles du modèle économique lusitanien, qui n'a pas su se reconvertir lors de son entrée dans la zone euro.

La crise vient renforcer l'impression d'une construction incomplète de la zone euro, marquée notamment par un manque criant de coordination des politiques économiques. Dans le même temps, les efforts des gouvernements portugais en vue de respecter les critères de Maastricht n'ont pas été accompagnés en temps utile d'une réflexion de fond sur la structure économique du pays et l'optimisation des subventions versées par l'Union européenne.

Nouvel avatar de la crise financière que traverse la zone euro, les difficultés portugaises viennent parallèlement souligner les difficultés que rencontre l'Union européenne à mettre en place un mécanisme censé endiguer la crise.

La posture adoptée par l'ensemble de la classe politique lusitanienne consistant à refuser l'aide européenne n'est pas sans rappeler l'opposition du gouvernement irlandais quelques jours avant qu'il ne sollicite le concours du Fonds européen de stabilisation. Le premier trimestre devrait à cet égard être déterminant, tant il permettra aux autorités portugaises de vérifier si la stratégie de consolidation budgétaire porte ses fruits et si la détente observée ces derniers jours sur le marché des taux se poursuit.

EXAMEN PAR LA COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le mercredi 19 janvier 2011 pour l'examen du présent rapport.

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires européennes :

Je félicite notre rapporteur pour le travail accompli.

Je retiens qu'une de vos conclusions est qu'il faudrait renforcer, préventivement, le fonds de stabilisation financière. J'ai l'impression qu'un des obstacles à ce renforcement, c'est la crainte de donner un mauvais signal aux marchés financiers. On redoute que ce soit interprété comme l'aveu que la défaillance d'un ou plusieurs autres pays est inévitable. D'un autre côté, on peut penser au contraire que le renforcement du fonds de stabilisation aurait un effet dissuasif sur la spéculation. Il faudra donc conduire cette affaire avec doigté.

Une autre leçon que je partage est d'exiger d'aller beaucoup plus loin dans la coordination des politiques économiques. C'est ce qui est désormais prévu avec le « semestre européen ». Je crois que nous devons nous engager sans réserve dans cet approfondissement de la construction européenne.

Nous devons par ailleurs ne pas oublier, qu'avec l'intégration dans l'Union européenne, le Portugal a connu un exceptionnel développement Le poids de la fonction publique, contre lequel se bat le gouvernement socialiste de M. Sócrates, pose notamment problème aujourd'hui. Les mesures engagées n'ont pas encore suffi à alléger la charge. Dans le même temps, le pays traverse une crise liée à la désindustrialisation. L'orientation du Portugal vers le tourisme contribue aujourd'hui à inverser le déséquilibre tradition entre le Nord et le Sud du pays, au détriment de la partie septentrionale.

M. Robert del Picchia :

Vous avez évoqué des privatisations à venir. Concernent-elles des grandes entreprises ? Par ailleurs, le Portugal s'acquitte-t-il sans difficulté de sa contribution au budget de l'Union européenne ?

M. Jean-François Humbert :

Le secteur fret de la compagnie nationale de chemins de fer, une partie des activités assurance de la banque publique Caixa , des parts de Galp Énergie et de REN, le gestionnaire du réseau électrique sont notamment concernées par cette vague de privatisations. 90 % des 6 milliards d'euros espérés à l'occasion de ces ventes seraient destinées à la réduction de la dette publique.

Les autorités portugaises mettent bien évidement un point d'honneur à régler leur contribution au budget européen. Le recours aux marchés pour financer sa dette lui permet notamment d'honorer tous ses engagements.

M. Pierre Fauchon :

Le problème des notations est pour partie psychologique. Tout retard de l'Europe à s'affirmer ne peut qu'alimenter les craintes. Au lieu de jouer l'orchestre du Titanic, à nous de nous affermir, pour dissuader la spéculation. Les demi-mesures produisent, à mon sens, des effets à contre-pied.

*

A l'issue du débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du présent rapport.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES À LISBONNE

• M. Guilherme d'Oliveira Martins, Président de la Cour des comptes ;

• M. Francisco Duarte Lopes, conseiller diplomatique du Premier Ministre ;

• Mme Margarida Figueiredo, directrice générale des affaires techniques et économiques au sein du ministère des affaires étrangères ;

• MM. José António Silveira Godinho, membre du conseil d'administration de la Banque du Portugal et M. Nuno Alves, membre de la direction des études économiques de la Banque du Portugal ;

• M. Pedro Lourtie, secrétaire d'État aux affaires européennes ;

• M. António Vitorino, ancien ministre et ancien commissaire européen ;

• M. Jorge Braga de Macedo, ancien ministres des finances ;

• M. Augusto Mateus, ancien ministre de l'économie ;

• M. João Proença, secrétaire général du syndicat UGT ;

• M. José António Barros, président du Conseil de l'association des entreprises du Portugal ;

• M. Francesco Franco, professeur à la faculté d'économie de l'Université nouvelle de Lisbonne ;

• Mme Iñes Drumond, directrice générale du cabinet de planification, stratégie évaluation et relations internationales au sein du ministère des Finances ;

• M. Paulo Mota Pinto, député, président de la commission du budget et des finances de l'Assemblée de la République ;

• M. Victor Escária, conseiller économique du Premier ministre ;

• MM. Vitalino Canas, député, président de la commission des affaires européennes de l'Assemblée de la République, Carlos Costa Neves, député, vice-président de cette commission et João Serpa Oliva, député, membre de cette commission ;

• M. Carlos Gaspar, directeur de l'Institut portugais des relations internationales ;

• M. Pedro Duarte, coordinateur international au quotidien Diário Económico ;

• MM. Joaquim Goes, Amílcar Morais Pires, Jean-Luc Guinoiseau, membres de la commission exécutive de la banque Esperito Santo (BES) et M. Carlos Andrade, chief economist au sein de cette banque ;

• S.E M. Pascal Texeira da Silva, Ambassadeur de France au Portugal, Mmes Catherine Feuillet, premier conseiller et Claire Monné, conseillère économique, MM. Damien Brintet, premier secrétaire et Samuel Richard, deuxième secrétaire.

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