B. LES LIMITES DE LA VOIE BILATÉRALE

1. La voie bilatérale est devenue source de complexité et d'insécurité juridique
a) La nature statique des accords et l'absence d'instance pour trancher les contentieux entre les parties

Aujourd'hui, l'Union européenne constate cependant que la voie bilatérale n'est plus satisfaisante en raison de plusieurs difficultés institutionnelles qui empêchent une bonne application des accords ratifiés .

Ainsi, dans ses conclusions de décembre 2008 relatives aux relations de l'Union européenne avec les pays de l'AELE, le Conseil de l'Union européenne indiquait qu'il était « préoccupé par les incohérences constatées dans l'application des accords conclus entre l'Union européenne et la Suisse, et invit[ait] la Suisse à mettre en oeuvre ces accords pleinement. »

« L'entrelacs de plus de 120 accords bilatéraux différents et de plus d'une vingtaine de commissions techniques mixtes régissant les relations entre l'Union européenne et la Suisse est complexe, opaque et très difficile à gérer. (...) La voie bilatérale est le fruit d'accords statiques, qui reflètent l'état du droit de l'Union européenne au moment de leur conclusion. En d'autres termes, les accords sont dépourvus de mécanismes intégrés permettant de les adapter aux changements futurs. (...) Il est difficile de contrôler la mise en oeuvre des accords parce qu'il n'existe pas d'instance de surveillance officielle, ni de sanctions officielles, pas plus que de délais de mise en oeuvre. L'insécurité juridique vient compliquer davantage encore cette situation, les juridictions (tant les cours et les tribunaux suisses que la Cour de justice de l'Union européenne) interprétant différemment du droit de l'Union certaines dispositions des accords bilatéraux. » 6 ( * )

Tout d'abord, la nature statique de la majorité des accords conclus entre elle et la Suisse pose à l'heure actuelle de nombreuses difficultés juridiques car elle ne permet pas la reprise dynamique de l'acquis communautaire , c'est-à-dire l'adaptation continue des accords bilatéraux au développement de la législation communautaire, et de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) ultérieurs à l'entrée en vigueur des accords concernés.

Toute modification, par le législateur communautaire, d'une disposition normative visée dans un accord bilatéral, suppose donc une révision de ce dernier. Cette révision, essentielle pour maintenir la cohérence entre le droit applicable au sein de l'Union européenne d'une part, et dans les relations bilatérales d'autre part, ne va cependant pas de soi : elle exige en effet le commun accord des deux parties.

En pratique, faute de consensus, certains accords bilatéraux peuvent donc maintenir en vigueur, pour les seules relations bilatérales, des règles communautaires qui ont été modifiées ou supprimées au sein de l'Union européenne.

Cette situation est source de complexité juridique . Elle remet en cause les objectifs visés par l'Union européenne lors de la signature d'un accord et l'égalité de traitement entre citoyens et entreprises des deux parties.

Ce risque d'insécurité juridique est d'autant plus important que l'Union européenne et la Suisse ont multiplié les accords bilatéraux sectoriels au cours des dernières années et que seuls les comités mixtes , constitués pour chaque accord bilatéral, sont compétents pour évaluer la mise en oeuvre des accords et veiller à leur bonne application.

Mais ces comités mixtes sont seulement des organes de concertation entre partenaires : si les deux parties ne s'entendent pas sur l'interprétation d'une disposition d'un accord, elles constateront leur différend mais ne pourront le trancher, faute d'instance d'arbitrage ou de juridiction extérieures pour statuer sur le litige.

C'est pourquoi, malgré un processus de négociation continu, certains problèmes, évoqués dans les comités mixtes depuis plusieurs années, n'ont toujours pas été résolus.

b) Un exemple : les difficultés actuelles dans l'application de l'accord sur la libre circulation des personnes

Salariés et entreprises de l'Union européenne et de la Suisse ont bénéficié des mesures déjà évoquées de l' accord bilatéral de libre circulation des personnes (ouverture progressive du marché du travail de chaque partie au bénéfice des entreprises de l'autre partie, reconnaissance mutuelle des diplômes professionnels...). Le gouvernement suisse estime que, grâce à l'accord, le produit intérieur brut suisse a connu une croissance durable de 1 % au minimum .

De même, dans ses conclusions de décembre 2008, le Conseil de l'Union européenne se « félicite » de « l'apport que représente l'accord sur la libre circulation des personnes, qui a renforcé la mobilité entre l'Union européenne et la Suisse ».

Et, dans une résolution du 7 septembre 2010, le Parlement européen « salue les progrès effectués sur la voie de la libéralisation de la fourniture transfrontalière de services entre l'Union européenne et la Suisse » et « les efforts du gouvernement suisse afin d'améliorer la communication d'informations aux entreprises de l'Union européenne ». 7 ( * )

Cependant, l'Union européenne constate également divers problèmes dans l'application de l'accord nuisant à son efficacité.

En premier lieu, la nature statique de l'accord et le refus de la Suisse de reprendre l'acquis communautaire dans ce domaine sont à l'origine d'une dualité de régimes juridiques qui remet en cause l'égalité de traitement entre citoyens et entreprises.

En effet, l'annexe I de l'accord se réfère à plusieurs actes juridiques qui ont été modifiés par la directive 2004/38/CE sur le droit des citoyens de l'Union européenne et des membres de leurs familles de circuler librement sur le territoire des États membres, dont la Suisse reconnaît l'importance, sans pour autant vouloir la réviser.

En second lieu, à l'issue de la ratification de l'accord , la Suisse a institué de manière unilatérale, des mesures restrictives limitant le détachement des travailleurs ou la fourniture de services par des prestataires issus des États membres de l'Union européenne.

A titre d'exemple, la Suisse a instauré une obligation de pré-notification de huit jours (règle des huit jours). En pratique, une entreprise d'un État membre de l'Union européenne souhaitant assurer une prestation de services en Suisse pour une durée supérieure à huit jours et inférieure à quatre-vingt-dix jours, doit en informer les autorités cantonales huit jours avant la prestation, en mentionnant l'identité des personnels concernés.

Les contrevenants risquent des amendes élevées et sont inscrits sur une « liste noire » publiée sur Internet.

Les prestataires de services issus de l'Union européenne doivent aussi contribuer au coût des commissions de contrôle suisses, constituées de représentants des autorités suisses, des employeurs et des syndicats au niveau de la Confédération et des cantons, chargées de surveiller le marché du travail et de proposer des sanctions. Cette obligation n'est pas proportionnelle à la durée de la prestation et fait double emploi avec les contributions payées dans l'État membre d'établissement.

Les entreprises des États membres souhaitant effectuer des importations temporaires de produits en Suisse (à l'occasion d'un salon professionnel par exemple) doivent quant à elles présenter un carnet ATA (d'un montant allant de 63 à 1420 euros selon la valeur du produit) au moment de leur passage en douane, ce qui peut constituer un coût administratif important pour les PME.

Pour la Suisse, ces règles ont été nécessaires pour obtenir l'adhésion du peuple suisse à l'accord sur la libre circulation des personnes . Elles constituent des mesures « d'accompagnement » contre le dumping social et salarial conforme aux principes du marché intérieur.

Mais, pour l'Union européenne, le maintien de ces règles n'est pas acceptable car elles découragent, de facto, les travailleurs et les entreprises des États membres de venir sur le marché suisse.

Le Conseil de l'Union européenne a résumé cette position en décembre 2008 en déclarant que le fait que « la Suisse n'a pas pleinement incorporé l'acquis dans ce domaine (...) compromet le bon fonctionnement de cet accord au détriment des citoyens et des entreprises de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives au détachement des travailleurs et les règles concernant la notification préalable pour la fourniture des services frontaliers ».

Et dans sa résolution du 7 septembre 2010, le Parlement européen :

- constate que les mesures d'accompagnement de l'accord sur la libre circulation des personnes « risquent d'entraver la fourniture de services par des entreprises de l'Union en Suisse, en particulier des petites et moyennes entreprises » ;

- signale que les mesures suivantes - obligation de préavis assortie d'un délai d'attente de huit jours, obligation de participer aux coûts de mise en place des commissions tripartites et « application exagérément stricte de la loi » - « sont disproportionnées » et demande aux autorités suisses « d'abroger les règlementations qui obligent les entreprises étrangères fournissant des services transfrontaliers à présenter une garantie de probité financière » ;

- invite parallèlement la Commission à examiner les dispositions qui, au sein de l'Union européenne, « posent des problèmes aux prestataires suisses de services » et à prendre des mesures de correction si nécessaire.

2. Des différends fiscaux notables
a) Pour l'Union européenne, les régimes fiscaux des entreprises fixés par certains cantons suisses constituent une distorsion de concurrence

A la suite de plaintes d'entreprises et de certains États membres et d'une phase de concertation n'ayant pas abouti avec les autorités suisses, la Commission européenne a indiqué, le 13 février 2007, que le régime d'imposition des sociétés prévu par certains cantons suisses constituait une forme d'aide d'État incompatible avec le bon fonctionnement de l'accord bilatéral sur le libre-échange de 1972 . 8 ( * )

Dans un cadre de concurrence fiscale entre cantons suisses, certains d'entre eux (Zoug ; Schwyz...) ont choisi en effet d'exonérer de l'impôt sur les sociétés tout ou partie des profits réalisés à l'étranger par les entreprises.

Or, pour la Commission européenne, ces règles ont amené de nombreuses sociétés multinationales exerçant leurs activités au sein de l'Union européenne à délocaliser en Suisse les profits réalisés pour bénéficier de cette fiscalité avantageuse sous des statuts spéciaux 9 ( * ) (sociétés « boîtes aux lettres »).

A titre d'exemple, le canton de Zoug offre aujourd'hui un taux d'imposition des sociétés de 16 % et une exonération des gains en capital. Il abriterait le siège de « 10.000 holdings de pure forme » 10 ( * ) .

Comme l'avait rappelé la commissaire Ferrero-Waldner en février 2007, « la Suisse bénéficie des avantages liés à un accès privilégié au marché intérieur et doit accepter les responsabilités qui en découlent. La décision de la Commission ne concerne pas la concurrence fiscale mais une aide d'État qui compromet les conditions de concurrence équitables nécessaires pour notre partenariat, ainsi que les relations commerciales entre la Suisse et l'Union européenne » .

La Suisse a d'abord marqué son refus de négocier la suppression de ces statuts, rappelant que ces statuts existaient parfois avant l'accord de 1972, estimant que les régimes fiscaux en cause n'entraient pas dans le champ de l'accord, et contestant leur assimilation à des aides d'État.

Néanmoins, sous la pression des États membres, elle a accepté d'ouvrir une discussion avec la Commission européenne sur ce dossier en janvier 2008 .

Au terme de ce « dialogue constructif », en juillet 2009 , la Confédération helvétique a annoncé qu'elle était prête à modifier le régime d'imposition des sociétés, sous réserve que l'Union européenne n'évoque plus à l'avenir le régime fiscal des cantons.

Son projet de réforme visait à supprimer le statut de société d'administration, et à interdire toute activité commerciale à l'étranger aux holdings et aux sociétés mixtes basées sur son territoire tout en imposant, partiellement au moins, les revenus de ces sociétés.

La Commission européenne, en septembre 2009, a reconnu les progrès effectués en proposant de suspendre son action mais elle les a qualifiés de limités , estimant que les risques de détournements fiscaux vers la Suisse étaient « toujours présents ».

Et, faute de progrès ultérieur, l'Union européenne a durci sa position en jugeant que la nouvelle politique régionale suisse prévoyait, tout comme les régimes fiscaux des cantons, des mesures contestables (exemptions d'impôts de dix ans pour les entreprises effectuant des investissements).

C'est pourquoi, les ministres des finances des États membres ont estimé qu'il convenait d'étendre l'application du code de conduite contre la concurrence fiscale dommageable , entré en vigueur entre États membres de l'Union en 1997, aux « pays tiers voisins qui ont des régimes fiscaux potentiellement dommageables » , en particulier le Liechtenstein et la Suisse (au sein de l'Union européenne, l'application de ce code a entraîné le démantèlement d'une centaine de régimes fiscaux ayant pour effet de favoriser la délocalisation des activités économiques).

En conséquence, le 8 juin 2010 , ils ont donné mandat à la Commission européenne, pour ouvrir un dialogue avec ces deux États afin « d'établir dans quelle mesure ils pourraient souscrire aux principes et aux critères du code » . Une nouvelle phase de concertation a donc débuté entre la Suisse et la Commission européenne.

b) Le rapprochement partiel de l'Union européenne et de la Suisse en matière de fiscalité de l'épargne

* Les règles bilatérales actuelles applicables en matière de fiscalité de l'épargne respectent le secret bancaire suisse

Pour assurer le développement de sa place financière, la Suisse a institué le secret bancaire à l'article 47 de sa loi bancaire de 1934. Ce dernier punit de sanctions pénales le non respect de ce secret.

De là, les autorités helvétiques ont distingué la fraude fiscale , qui constitue une infraction pénale, et l'évasion fiscale , c'est-à-dire l'omission de déclarations de certains revenus détenus en Suisse, qui constitue une infraction administrative sanctionnée d'une amende 11 ( * ) .

Cette distinction subtile a amené la Suisse à limiter ses échanges d'informations et sa coopération internationale aux seuls cas de fraude fiscale.

De facto, les personnes souhaitant préserver des revenus non déclarés aux autorités fiscales de leur pays ont été incitées à placer leur argent en Suisse.

En 2004, cependant, dans le cadre des accords bilatéraux II, l'Union européenne et la Suisse ont signé un accord sur la fiscalité de l'épargne .

Cet accord, faisant suite à l'adoption de la directive 2003/48/CE du 3 juin 2003 « en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts » , tend à lutter contre la concurrence fiscale dommageable en palliant les distorsions d'imposition des revenus de l'épargne.

La directive prévoit en principe que, lorsque le bénéficiaire des intérêts est résident d'un État membre autre que celui de l'établissement payeur, la directive impose à ce dernier de communiquer automatiquement à l'autorité compétente de l'État membre où il est établi, certaines informations telles que l'identité et l'adresse de l'agent payeur, le numéro de compte du bénéficiaire...

Toutefois, les États membres de l'Union européenne ayant, tout comme la Suisse, instauré le secret bancaire (Autriche, Belgique, Luxembourg), ont souhaité bénéficier d'une période transitoire avant d'appliquer l'échange automatique d'informations fiscales , cette période devant durer jusqu'au moment où l'échange automatique d'informations fiscales serait aussi respecté par des États tiers connus pour leurs places financières (Suisse, Andorre, Monaco, Liechtenstein, Saint-Marin) 12 ( * ) .

Au cours de la période transitoire , les trois États membres peuvent donc s'abstenir d'appliquer cet échange s'ils mettent en oeuvre un système de retenue à la source sur les revenus de l'épargne .

Selon ce dernier, ces États doivent prélever une retenue à la source de 15 % pendant les trois premières années de la période de transition, de 20 % au cours des trois années suivantes, et de 35 % par la suite.

La directive impose également aux États membres appliquant ce dispositif de conserver 25 % de leur recette et d'en transférer 75 % à l'État membre de résidence du bénéficiaire effectif des intérêts.

Au cours de la négociation de l'accord bilatéral, l'Union européenne était donc divisée et la Suisse a pu négocier un système de retenue à la source similaire : les revenus de l'épargne réalisés en Suisse par des particuliers ayant leur domicile fiscal dans un État membre de l'Union européenne font donc l'objet d'une retenue d'impôt (celle-ci devant être progressivement augmentée, passant à 35 % en juillet 2011).

Ce dispositif s'est révélé avantageux pour la Suisse, qui a pu s'intégrer au système d'imposition communautaire des versements d'intérêts transfrontaliers à des personnes physiques tout en maintenant son secret bancaire.

* La remise en cause actuelle du secret bancaire suisse et le réexamen incertain de l'accord bilatéral sur la fiscalité de l'épargne

Cependant, faisant face à une crise économique et financière sans précédent et à des situations budgétaires difficiles à partir de 2008, les principales puissances économiques ont ébranlé le secret bancaire suisse.

En août 2009, à la suite d'une dénonciation par un banquier américain, la banque suisse UBS a été autorisée par le gouvernement suisse à transmettre aux États-Unis l'identité de plus de 4.000 contribuables américains évadés fiscaux et clients de cette banque, en violation de la loi suisse sur le secret bancaire. En février 2010, le gouvernement allemand a obtenu une liste de 1.500 contribuables allemands détenant frauduleusement des avoirs en Suisse.

Par ailleurs, les vingt principales puissances économiques réunies en sommet du G20 à Londres, le 2 avril 2009 , ont pris l'engagement de réguler le capitalisme financier et « d'agir contre les juridictions non coopératives, dont les paradis fiscaux », déclarant que « l'ère du secret bancaire était révolue ».

En pratique, le même jour, l'OCDE publiait une liste noire regroupant les pays considérés comme des centres financiers non coopératifs en matière d'échanges d'informations fiscales, ainsi qu'une liste grise , comprenant alors 38 États dont la Suisse , rassemblant des États qui n'avaient pas mis en oeuvre l'article 26 du Modèle de convention fiscale sur le revenu et la fortune de l'OCDE.


L'article 26 du Modèle de convention fiscale sur le revenu
et la fortune de l'OCDE

Cet article oblige les États contractants à échanger les renseignements pertinents pour l'application correcte d'une convention fiscale ou des législations fiscales nationales. L'État demandeur doit, au préalable, avoir eu recours à tous les moyens dont il dispose dans le cadre national pour se procurer ces informations et prouver la pertinence des informations demandées.

En revanche, un État ne peut pas refuser une demande de renseignements simplement parce que cette dernière ne présente pas d'intérêt pour lui ni parce que ces derniers sont détenus par une banque ou un autre établissement financier.

Les renseignements reçus par un État contractant sont tenus secrets.

Afin d'être exclue au plus vite de cette liste et de maintenir le dynamisme de sa place financière, la Suisse s'est donc engagée à abandonner, à l'égard des pays étrangers, la distinction juridique existant entre évasion fiscale et fraude fiscale et à respecter l'article 26 du modèle de convention fiscale de l'OCDE.

Dans les faits, l'OCDE a exigé la signature d'au moins douze conventions fiscales bilatérales respectant l'article 26, en vue d'instituer un système d'échange d'informations à la demande des autorités fiscales des pays concernés .

Un avenant à la convention de double imposition liant la France à la Suisse a ainsi été conclu. Il est entré en vigueur le 4 novembre 2010. « La pêche aléatoire » dans les données bancaires demeure exclue. En revanche, si un État signataire d'une convention demande à la Suisse des informations sur ses ressortissants titulaires d'un compte dans une banque helvétique en fournissant l'identité du titulaire du compte, le numéro du compte visé, le nom de la banque et les motifs de sa demande, cette dernière doit lui transmettre les informations demandées.

Cette « révolution fiscale silencieuse » a suscité un débat interne virulent en Suisse où le secret bancaire est considéré par l'opinion suisse comme l'une des spécificités de son identité à laquelle elle demeure très attachée (comme le rappelait l'ambassadeur Ulrich Lehner lors de son audition par votre commission, « En Suisse, la relation que chacun développe avec son banquier est semblable à celle qui existe avec son avocat ou son pasteur »).

C'est pourquoi, afin de préserver au moins en partie son secret bancaire, la Suisse a proposé à plusieurs États membres de l'Union européenne de « régulariser » la situation fiscale de leurs ressortissants disposant d'avoirs non déclarés dans les banques suisses en prévoyant l'imposition à la source de ces derniers, sans révélation de l'identité des clients concernés ( projet Rubik ).

L'Allemagne et le Royaume-Uni ont accepté de débuter des négociations bilatérales.

Cependant, les ministres des finances de l'Union européenne, en décembre 2010, ont conforté l'échange d'informations en matière fiscale au sein de l'Union européenne en s'accordant sur une nouvelle directive sur la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité. Ce texte prévoit en effet :

- en 2013 , date de son entrée en vigueur, l'application des normes de l'OCDE sur l'échange d'informations fiscales à la demande des États membres ;

- en 2015 , la mise en place d'un échange d'informations fiscales automatique pour cinq catégories de revenus (salaires ; jetons de présence ; certains produits d'assurance vie ; pensions ; propriété de biens immobiliers). Cet échange ne sera pas rétroactif, concernera les informations « disponibles », et ne pourra donner lieu à une « pêche aléatoire » ;

- en 2017 , cet échange d'informations fiscales automatique pourrait être étendu aux plus-values des capitaux et aux royalties . La condition de disponibilité de l'information serait alors supprimée.

La révision de l'accord bilatéral sur la fiscalité de l'épargne entre l'Union européenne et la Suisse devra prendre en considération cette évolution majeure de la législation communautaire.


* 6 Extrait de l'intervention de Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, lors d'un colloque de la fondation Jean Monnet à Lausanne, le 12 novembre 2010.

* 7 Résolution INI/2009/2176 « EEE-Suisse : obstacles à la pleine mise en oeuvre du marché intérieur ».

* 8 En Suisse, la Confédération, les 26 cantons et les 3000 communes lèvent l'impôt. Les cantons peuvent lever des impôts sur le revenu des personnes et sur le bénéfice et le capital des entreprises en fixant librement les barèmes, les taux et certaines exonérations (une loi-cadre fédérale précisant l'objet, le calcul de l'impôt, et les règles applicables aux infractions).

* 9 Statuts de société holding, de société d'administration et de société mixte.

* 10 « La Suisse, éternel paradis des multinationales », les Échos, 7 juillet 2010.

* 11 Cette dernière peut atteindre trois fois le montant des sommes soustraites.

* 12 En pratique, depuis le début de l'année 2010, la Belgique a renoncé au système de retenue à la source et contribue désormais à l'échange d'informations.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page