2. La refondation du musée de l'Histoire de France des Archives nationales et la création du site de Pierrefitte-sur-Seine sont pourtant pleinement complémentaires

Sur les 35 000 m² qui composent le quadrilatère des Archives nationales, on estime à environ 20 000 m² la surface qui pourrait être libérée à la suite du déménagement d'une partie des fonds sur le site de Pierrefitte-sur-Seine. Depuis l'annonce par le chef de l'État le 12 septembre 2010 de l'installation de la Maison de l'Histoire de France sur le site parisien des Archives nationales, le ministère de la culture et l'association de préfiguration présidée par M. Jean-François Hebert réfléchissent à une répartition des espaces libérés qui pourrait s'effectuer dans les proportions suivantes : parmi les espaces libérés, 10 000 m² pourraient être affectés à la Maison de l'Histoire de France (dont au moins 2 500 m² aménagés pour son parcours permanent), et les 10 000 m² seraient affectés aux activités des Archives nationales.

Toutefois, depuis l'annonce par le Président de la République de l'installation de la Maison de l'Histoire de France dans le quadrilatère des Archives nationales, les personnels des Archives nationales ont manifesté leur très vive inquiétude pour l'avenir du site parisien de leur institution. Cette crise s'est traduite par 134 nuits d'occupation pacifique des locaux de l'hôtel de Soubise par une partie des personnels. Après avoir été interrompue à la suite d'un accord conclu avec le cabinet du ministre de la culture et de la communication à la fin du mois de janvier 2011, cette occupation semble avoir repris.

Afin de mettre un terme à cette occupation, M. Pierre Hanotaux, directeur de cabinet du ministre de la culture et de la communication, a en effet adressé un courrier aux personnels des Archives nationales, en date du 27 janvier 2011, en mentionnant les engagements suivants :

« - le maintien des fonds du minutier central des notaires de Paris sur le site parisien des Archives nationales, la résorption de l'arriéré de la collecte des minutes, puis la poursuite de cette collecte également sur ce même site conformément à la législation en vigueur ;

« - le maintien des fonds antérieurs à 1790 sur le site de Paris, la réalisation de travaux de mise aux normes des magasins ainsi que l'amélioration des conditions de leur conservation ;

« - le maintien dans le quadrilatère, notamment dans l'hôtel de Soubise, du coeur des activités scientifiques, culturelles, éducatives et muséographiques des Archives nationales, s'appuyant sur leur lien historique avec cet hôtel et les grands dépôts. »

Or, selon l'intersyndicale des Archives nationales, la lecture du projet scientifique, culturel et éducatif des Archives nationales pour la période 2013-2016 fait apparaître que ce sont 75 kilomètres linéaires de capacité de stockage, soit 17 142 m² de magasins, dont auront besoin les Archives nationales pour être en mesure de conserver et collecter les fonds suivants :

- les minutes des notaires parisiens nécessitent 19 km de linéaires à l'heure actuelle, 5 km de linéaires dans le cadre de leur redéploiement ainsi que 25 km de linéaires pour accueillir l'accroissement du stock (dont l'arriéré), soit un total de 49 km de linéaires nécessaires ;

- les fonds de l'Ancien Régime nécessitent 18 km de linéaires à l'heure actuelle ainsi que 3 km de linéaires dans le cadre de leur redéploiement.

Par ailleurs, le maintien sur le site parisien de la bibliothèque historique des Archives nationales suppose l'aménagement de 4 km de linéaires de capacité de stockage.

Enfin, le projet des Archives nationales a évalué à 6 330 m² la surface nécessaires afin d'assumer l'ensemble de leurs missions en lien avec l'accueil des publics, c'est-à-dire les activités culturelles, éducatives et muséographiques.

L'ensemble des chiffres précités et avancés par l'intersyndicale laissent, ainsi, entendre que la totalité des espaces libérés à la suite du déménagement d'une partie des fonds sur le site de Pierrefitte-sur-Seine sera accaparée par la conservation des fonds et la mise en oeuvre des missions pour lesquels les Archives nationales ont reçu un engagement écrit du cabinet du ministre de la culture et de la communication.

L'installation de la Maison de l'Histoire de France dans le quadrilatère des Archives nationales implique que les parcours muséographiques prennent entièrement en compte l'architecture du site. À l'image de ce qui a été envisagé dans le cas du musée des ducs de Bretagne à Nantes, le visiteur de la Maison de l'Histoire de France devra se voir offrir un véritable parcours de découverte de l'architecture des lieux visités.

Malgré les critiques et le scepticisme des organisations syndicales, la Maison de l'Histoire de France devrait être installée dans le quadrilatère parisien des Archives nationales. Compte tenu de l'importance des espaces libérés à la suite du déménagement d'une grande partie des fonds sur le site de Pierrefitte-sur-Seine et des capacités de stockage considérables de ce dernier, la création d'un nouveau parcours muséographique innovant dédié à l'histoire apparaît pertinent et complémentaire avec la réaffirmation de la vocation du site parisien, à savoir la conservation et la valorisation des documents majeurs de l'histoire de France.

Dans son analyse, l'intersyndicale ne prend, en effet, en compte que les capacités actuelles du site des Archives nationales. Or, celui-ci est constitué d'un ensemble très hétérogène de bâtiments, achetés ou construits depuis près de deux siècles, qui n'ont jamais fait l'objet d'un schéma directeur permettant d'en optimiser les fonctionnalités et d'en augmenter les capacités. C'est pourquoi le ministère de la culture et de la communication a confié à l'OPPIC une étude qui permettra l'élaboration d'un tel schéma directeur qui ne manquera pas de confirmer les premières projections de l'OPPIC qui ont montré que ces espaces possèdent encore un potentiel mal ou non exploité .

En toute hypothèse, les chiffres avancés par l'intersyndicale - soit 17 142 m² de magasins et 6 330 m² complémentaires afin d'assurer l'ensemble de leurs autres missions - ne représentent que 23 472 m² sur les plus de 35 000 m² du site. Selon le ministère de la culture et de la communication, aucune incompatibilité spatiale n'existe donc entre les différents usages - archives, Maison de l'Histoire de France - envisagés par le ministère.

Afin de respecter l'ensemble des engagements réaffirmés par le ministère de la culture et de la communication, la méthodologie suivante a été adoptée :

- études et réalisation d'un schéma directeur immobilier par l'OPPIC ;

- achèvement des projets scientifiques et culturels des Archives nationales et de la Maison de l'Histoire de France afin que l'ensemble des missions et des contraintes liées à l'exercice de celles-ci puisse être pris en compte ;

- mission confiée à un programmiste pour concilier d'un point de vue spatial les projets scientifiques et culturels des deux institutions en fonction du plan directeur infrastructure et immobilier qui aura été alors adopté.

Bien entendu, d'importants travaux de restauration et d'aménagements seront nécessaires sur ce site très ancien. La Maison de l'Histoire de France sera de toute évidence le catalyseur du lancement de ces travaux que les Archives nationales réclamaient de longue date.

La coordination de ces travaux est confiée à la direction générale des patrimoines qui est la direction de tutelle de l'ensemble des institutions et structures concernées par la réussite de ces projets. Le coût de l'installation de la Maison de l'Histoire de France sur le site parisien des Archives nationales avait été chiffré à 60 millions d'euros hors taxes, soit près de 94 millions d'euros TTC, par M. Jean-François Hebert dans son rapport précité, un montant jugé raisonnable compte tenu de la nécessité de réhabiliter le quadrilatère.

Votre commission estime nécessaire que soient précisés, dans le prochain projet de loi de finances pour 2012, les crédits qui seront spécifiquement consacrés aux travaux de restauration et d'aménagement du quadrilatère Rohan-Soubise, en détaillant la répartition des coûts des travaux entre les espaces occupés par les Archives nationales et ceux affectés à la Maison de l'Histoire de France.

Il n'est donc pas envisagé que les activités de la Maison de l'Histoire de France se substituent à celles des Archives nationales - très nettement orientées vers l'action pédagogique - qui demeureront centrées sur la valorisation de leurs archives. En revanche, il est vivement souhaitable que la programmation de ces activités soient coordonnées afin d'offrir aux publics une offre à la fois variée mais cohérente autour des problématiques historiques.

Idéalement, votre rapporteur reconnaît qu'il aurait sans doute été préférable de partir du projet de refondation du musée de l'histoire de France des Archives nationales, qui s'appuyait sur une concertation très approfondie, afin de le compléter et de constituer, sur cette base très riche d'une point de vue scientifique et opérationnel, la Maison de l'Histoire de France.

Toutefois, compte tenu de l'accord précité conclu entre l'intersyndicale et le ministère de la culture et de la communication, dans lequel ce dernier s'est engagé à maintenir sur le quadrilatère le parcours muséographique propre des Archives nationales , les vocations des deux institutions devront être précisées afin d'éviter toute concurrence. Le musée des Archives nationales devra de toute évidence se consacrer, à titre principal, à la mise en valeur des grands documents de l'histoire de France, afin de rester complémentaire et non pas redondant avec les objectifs poursuivis par la Maison de l'Histoire de France.

Mme Ariane James-Sarazin a souligné qu' « en 2009-2010, les Archives nationales produisent sous la pression des circonstances un « projet scientifique, culturel et éducatif - programme cadre 2013-2016 » dans lequel l'existence même d'un musée de l'histoire de France semble se dissoudre. Maladroitement, les Archives nationales donnent l'impression d'entériner la disparition de cette expérience muséale ininterrompue » 43 ( * ) .

La responsabilité dans l'insuffisante prise en compte du projet de refondation du musée des Archives nationales dans la réflexion accompagnant la création de la Maison de l'Histoire de France est partagée. En effet, votre rapporteur regrette profondément que les rapports successifs sur le projet de création d'une Maison de l'Histoire de France aient quasiment passé sous silence le travail considérable déjà accompli par les Archives nationales en vue de refonder un musée de l'histoire de France ambitieux qui allait bien au-delà de la seule exposition de nos grands documents d'archives et dont les objectifs sont très voisins de ceux affichés pour la Maison de l'Histoire de France.

Comme le fait remarquer très justement Mme Ariane James-Sarazin, le projet de refondation élaboré de 2000 à 2005 par le département de l'action culturelle et éducative des Archives nationales « avait pour lui un certain nombre d'atouts qui répondent aux interrogations exprimées dans les trois rapports du projet présidentiel (Lemoine, Rioux, Hebert) et dans les différents articles de presse publiés par les historiens ». L'utilisation à bon escient de cette réflexion admirablement menée sur le plan scientifique et très aboutie sur le plan de la mise en oeuvre aurait permis de déminer un grand nombre des controverses relayées dans la presse, en démontrant que lorsque l'on prend le temps du débat avec les professionnels, un projet ambitieux et fédérateur peut être mis en oeuvre.


* 43 JAMES-SARAZIN, Ariane, « Quel avenir pour le musée de l'Histoire de France aux Archives nationales » in Quel musée d'histoire pour la France ? , sous la direction de J.-P. BABELON, I. BACKOUCHE, V. DUCLERT et A. JAMES-SARAZIN, Paris, Armand Colin, Collection « Éléments de réponse », 2011.

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