IV. POUR UNE « MAISON DE L'HISTOIRE DE FRANCE », LIEU DE QUESTIONNEMENTS AU SERVICE DE LA DIFFUSION DE LA CONNAISSANCE EN HISTOIRE

A. LA MAISON DE L'HISTOIRE DE FRANCE DOIT ÊTRE LE COURONNEMENT D'UN ÉDIFICE DE POLITIQUES PUBLIQUES EN FAVEUR DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE ET DE LA RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES

Dans un article publié dans l'édition de la revue Historia du mois de décembre 2010, M. Jean-Jacques Aillagon a souligné que l'accès partagé à la connaissance de l'Histoire « passe, de façon prioritaire, par la considération portée à l'enseignement de l'Histoire à l'école, au collège et au lycée, à travers des programmes solides, cohérents et suffisants, mais aussi à travers toutes les politiques de soutien à la diffusion culturelle, que ce soit celles que mettent en oeuvre les bibliothèques, les musées, l'édition, les médias - radios et télévision - notamment ceux qui relèvent du service public . C'est une fois que tout cela a été accompli, et une fois seulement, que la création d'une institution nouvelle, celle annoncée comme devant devenir la Maison de l'Histoire de France, aura un sens. Elle peut être le couronnement d'un édifice de politiques en faveur de l'Histoire et non un substitut [...] ».

Ainsi, votre rapporteur estime que la création d'une institution de médiation culturelle consacrée à l'histoire de France ne prendra de sens que si elle vient couronner des efforts significatifs en faveur du renforcement des moyens de l'enseignement de l'histoire, de la recherche scientifique en histoire et de l'ensemble des services publics dédiés à la valorisation des sources historiques, en particulier des Archives nationales. Cette proposition doit donc se décliner en deux actions concrètes. Dans cette logique, préalablement aux propositions qui concernent directement la Maison de l'Histoire de France, votre commission a fait le choix de mettre en avant trois propositions fondamentales nécessaires à la valorisation de l'histoire dans notre pays :

Proposition n° 1 : Organiser des États généraux de l'enseignement et de la recherche en histoire afin d'insuffler une nouvelle ambition et une nouvelle dynamique à notre enseignement primaire et secondaire en histoire, aussi bien en termes de programmes que de moyens pédagogiques.

Ces États généraux devront s'articuler autour des axes de réflexion suivants :

- une réflexion prioritaire doit être conduite sur le contenu des programmes d'histoire de l'enseignement primaire et secondaire , compte tenu de l'importance de l'histoire dans la compréhension des autres et le respect mutuel (en mettant en valeur l'ouverture de la France aux cultures étrangères, à l'immigration, aux échanges transfrontaliers et au respect des cultures et identités locales, une histoire capable d'éveiller la conscience européenne des élèves). Cette réflexion sur le contenu doit aboutir à une réévaluation précise des besoins en termes de nombre d'heures d'enseignement par an, de nombre d'enseignants, de moyens nécessaires au renforcement de la formation des enseignants en histoire et en géographie et de diversification et de modernisation des supports pédagogiques ;

- s'agissant de l' innovation en matière de supports pédagogiques en histoire , il convient de s'appuyer sur des projets émanant de la communauté des professeurs d'histoire et de la société civile, en s'attachant à renforcer les moyens technologiques mis à la disposition de nos établissements scolaires 45 ( * ) ;

- enfin, les liens entre les établissements d'enseignement public et les musées nationaux et territoriaux d'histoire doivent être considérablement renforcés . Dans cette logique, il serait utile d'accroître les moyens des services pédagogiques des musées nationaux et territoriaux afin de permettre à ces derniers de développer une offre pédagogique innovante (maquettes pédagogiques, base de données de ressources pédagogiques, supports numériques pour l'exposition en classe de collections historiques, etc.) et d'envoyer des médiateurs auprès des établissements scolaires.

Dans cet esprit, des États généraux devront être organisés sur la place de l'enseignement de l'histoire au sein de notre système scolaire, sur ses moyens budgétaires et pédagogiques, sur ses méthodes, sur la formation de ses enseignants et sur son articulation avec les autres institutions de médiation culturelle telles que les musées d'histoire. Ce débat devra également porter sur les moyens consentis à notre recherche scientifique dans le domaine de l'histoire. Les conclusions de ces États généraux pourraient être présentées dans le cadre d'un livre vert sur l'enseignement de l'histoire qui serait au coeur des discussions des prochains rendez-vous de Blois sur l'histoire à l'automne 2011 et du débat sur le projet de loi de finances pour 2012.

Une fois qu'une nouvelle dynamique aura été imprimée en faveur de notre enseignement de l'histoire, deux institutions de médiation culturelle ayant vocation à jouer un rôle phare dans le domaine de l'histoire pourront être consolidées et voir, le cas échéant, leur statut modifié au début de l'année 2012 : les Archives nationales (jusqu'ici service à compétence nationale) et la Maison de l'Histoire de France (jusqu'ici association).

Proposition n° 2 : Créer les conditions d'un nouveau souffle pour les Archives nationales sur les plans statutaire et immobilier :

- en installant une commission chargée de réfléchir, dans un cadre transparent, équilibré et impartial, à l'avenir du quadrilatère parisien des Archives nationales, sur le modèle de ce qui a été mis en oeuvre dans le cas de l'hôtel de la Marine. Cette commission devra donner un avis sur le schéma directeur immobilier élaboré par l'OPPIC ;

- en conférant le statut d'établissement public à caractère administratif aux Archives nationales à la fin de l'année 2012.

Les archives constituant la première source par excellence de la recherche scientifique en histoire, des moyens significatifs doivent être consentis au développement de nos espaces de conservation, à la remise à niveau des installations, des magasins et des équipements des Archives nationales et à la revalorisation des métiers d'archivistes et de restaurateurs . Le coût du plan de restauration des bâtiments et magasins des Archives nationales avait été évalué à 76 millions d'euros en 1999, par M. Philippe Bélaval, puis à près de 100 millions d'euros en 2005 , par M. Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la culture et de la communication. Il y a fort à penser que ce chiffre devra encore être réévalué à la hausse.

- Proposition n° 2-1 Installation d'une commission chargée de réfléchir à l'avenir du quadrilatère des Archives nationales : À l'image de ce qui a été entrepris dans le cas de l'hôtel de la Marine, une commission doit être instituée pour réfléchir à l'avenir des espaces immobiliers mis à la disposition des Archives nationales. Cette réflexion doit prendre en compte les deux exigences fondamentales suivantes :

l'identité historique de l'institution des Archives nationales est indissociable du quadrilatère des Archives nationales et, en particulier, par les dépôts Napoléon III qui entourent l'hôtel de Soubise. Le respect de cette identité géographique historique suppose la garantie du maintien, sur le site parisien des Archives nationales, des activités de conservation de documents d'une haute valeur symbolique pour l'histoire de France, tels que les documents antérieurs à 1790 et le minutier central des notaires de Paris. En même temps, la réaffirmation de la présence historique des Archives nationales au coeur de Paris ne doit pas occulter la nécessité de réfléchir à une meilleure utilisation des espaces libérés à la suite de la création du site de Pierrefitte-sur-Seine, en particulier au niveau du site de Fontainebleau ;

l'installation de la Maison de l'Histoire de France au sein du quadrilatère des Archives nationales est cohérente avec la libération d'espaces consécutive au déménagement d'une partie des fonds sur le site de Pierrefitte-sur-Seine et est, du reste, complémentaire avec le coeur de métier des Archives nationales. La coexistence harmonieuse de ces deux institutions de médiation culturelle, à vocations complémentaires, sur un même site doit conduire la commission de réflexion sur l'avenir du quadrilatère des Archives nationales à procéder à une répartition cohérente des espaces du quadrilatère entre ces deux institutions et à une évaluation précise des travaux de rénovation qui seront nécessaires.

En conséquence, cette commission, installée par le Président de la République, devra être composée de représentants de la direction et des personnels des Archives nationales, de l'association de préfiguration de la Maison de l'Histoire de France et de l'OPPIC, ainsi que de personnalités qualifiées désignées en raison de leur indépendance et de leur distance de vue.

Cette commission a vocation à conférer un cadre plus transparent et équilibré à la conduite des négociations en termes de programmation immobilière entre l'association de préfiguration de la Maison de l'Histoire de France, la direction des Archives nationales et l'OPPIC. Par l'inclusion de personnalités qualifiées reconnues pour leur indépendance de vue, elle permettra de rétablir un équilibre dans les rapports de force entre les différentes institutions en présence, dans des discussions qui, jusqu'ici, sont accusées d'être d'emblée défavorables aux Archives nationales.

- Proposition n° 2-2 Conférer le statut d'établissement public à caractère administratif aux Archives nationales à la fin de l'année 2012 : Les Archives nationales, jusqu'ici service à compétence nationale, devront se voir conférer, à la fin de l'année 2012, le statut d'établissement public à caractère administratif. La multiplicité des sites d'implantation des Archives nationales, l'importance de leurs effectifs et les exigences de clarification statutaire des services à compétence nationale plaident pour une normalisation du statut des Archives nationales. Le statut d'établissement public à caractère administratif devrait permettre de conférer une plus grande visibilité à l'institution, de renforcer son autonomie de gestion administrative et budgétaire ainsi que de programmation scientifique et culturelle et de rendre plus lisibles, lors de la présentation du budget à la fin de chaque année, les efforts de l'État en faveur des Archives nationales.

En effet, dans une configuration où l'établissement public administratif « Maison de l'Histoire de France » serait constitué dès janvier 2012, en rassemblant en son sein les musées-SCN qui constitueront son socle, les Archives nationales resteraient pratiquement le seul SCN du ministère de la culture devrait cohabiter, sur un même site, avec une institution de statut différent. En 2011, les Archives nationales comptent 460 ETP ; en 2013 elles en compteront 515. Dès lors, compte tenu de l'ampleur des missions des Archives nationales et leur taille à la suite de la création du site de Pierrefitte-sur-Seine, il semble que les conditions soient réunies afin de leur conférer un statut d'établissement public administratif qui permette à la fois de sécuriser leur autonomie de programmation scientifique et culturelle et de sanctuariser leurs moyens budgétaires.


* 45 Le projet porté par le professeur Saad Khoury consistant à réaliser des bandes-dessinées illustrant les grandes périodes de l'histoire de France constitue une démarche ambitieuse émanant de la société civile qu'il serait utile d'accompagner.

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