ANNEXE 2 - MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'ASSOCIATION DE PRÉFIGURATION DE LA MAISON DE L'HISTOIRE DE FRANCE

Membres fondateurs de l'association

- M. Philippe Belaval, directeur général des patrimoines

- M. Hervé Lemoine, directeur des archives de France

- Mme Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France

- M. Éric Lucas, directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense

- M. Ronan Stephan, directeur général de la recherche et de l'innovation du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur

- M. Éric Gross, président de l'Institut national du patrimoine

- M. François de Mazières, président de la cité de l'architecture et du patrimoine

- M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire

Membres ordinaires de l'association

- M. Jean-François Hebert, président de l'établissement public de Fontainebleau, chargé de la mission de préfiguration de la Maison de l'Histoire de France

- M. Hans Ottomeyer, directeur du musée historique allemand de Berlin

- M. Elie Barnavi, historien, conseiller scientifique du musée de l'Europe à Bruxelles

- M. Bruno Suzzarelli, directeur du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée

- M. Jean-Paul Bodin, directeur-adjoint du cabinet du ministère de la défense

- Mme Flora Blanchon, conseillère scientifique du directeur général de l'enseignement supérieur

- M. Jean-Louis Nembrini, recteur de l'académie de Bordeaux

ANNEXE 3 - CONTRIBUTION DE M. LAURENT GERVEREAU

Maison de l'histoire de France,

histoire d'une mise à l'écart des professionnels

En tant qu'ancien responsable du Musée d'histoire contemporaine aux Invalides (seul musée en France sur toute l'histoire du XX e siècle), fondateur en 1991 de l'Association internationale des musées d'histoire, du Conseil européen des musées d'histoire et du Conseil français des musées d'histoire, co-auteur du seul guide et inventaire des musées et lieux d'histoire en France, actuel Président du Réseau des musées de l'Europe et Directeur du musée international sur l'écologie -l'énumération est bien sûr volontaire--, je ne puis que témoigner, dans la gestion du dossier Maison d'histoire de France, d'une complète mise à l'écart des professionnels du patrimoine. C'est sur ce point singulier que je voudrais insister, avant de livrer les pièces du dossier, non par corporatisme mais parce qu'il s'agit de l'aspect le plus occulté publiquement et pourtant le plus signifiant et le plus lourd de conséquences.

L'association internationale des musées d'histoire a été fondée en 1991. Elle a traité dans ses colloques et rencontres tous les points à l'ordre du jour d'un tel projet. Ce sont des Français qui ont travaillé à rénover la vision de ces institutions dans le monde, à conseiller des collègues en Chine, au Brésil ou en Afrique du Sud. Néanmoins, ils ont été ignorés.

Ainsi, la confusion actuelle ne tient pas seulement à une décision vue comme idéologique, au contenu contesté même par le comité de pilotage mis en place (voir l'interview de Jean-Pierre Rioux au Monde), mais aussi parce qu'aucun professionnel compétent n'a été associé pour piloter, ni même été écouté dans ses conseils. Cette défiance vis-à-vis des spécialistes en faveur de gestionnaires est une dérive grave du fonctionnement de la gouvernance de l'État, dont l'appareil est vu comme hostile et incapable. Au Deutsches Historisches Museum à Berlin, au V&A à Londres ou au MOMA à New York, il serait impensable que des technocrates d'un cabinet ministériel prennent la direction d'une institution en place ou à créer. Et la méconnaissance du terrain a abouti à une situation ingérable, conjugaison de mécontentements au lieu de dynamiser des réseaux, pétaudière laissant s'exprimer des personnes n'ayant jamais monté une exposition de leur vie. D'un dossier peu complexe, profitable à tous -j'avais tracé des conditions et des contours lors du colloque initial--, nous nous sommes retrouvés avec un capharnaüm.

C'est surtout un signe très grave. Le monde du savoir (comme celui de la création) a perdu toute visibilité publique au sein de la société française. Dans le domaine de la culture, la qualification des personnes et la technicité des métiers ne sont pas reconnues. Je crois que l'expérience désolante de la Maison d'histoire de France doit nous conduire à poser des questions plus larges sur la reconnaissance des métiers du patrimoine et sur la visibilité des savants. Que penser d'une société qui n'a comme modèles visibles que des sportifs, des bateleurs ou des politiques ?

La télévision publique coopte des journalistes pour parler de tout, même sur une chaîne éducative comme France 5. Les savants n'ont plus la maîtrise d'aucune émission comme avaient pu l'avoir Marc Ferro ou Georges Duby. Pire, le directeur du Point invite dans son émission « l'historien Stéphane Bern », autre animateur de la chaîne France 2. Quelle image du travail d'histoire ! La place du savoir et de la création doit donc être réévaluée d'urgence. L'acculturation est toujours le moyen de manipuler des consommateurs passifs au temps où nous avons besoin de passer de la société du spectacle aux sociétés des spectateurs-acteurs.

Alors, en prenant date « face à l'histoire » (pour citer une exposition du Centre Pompidou, dont j'étais conseiller), je verserai brièvement au dossier Maison d'histoire de France l'Appel « Pas d'instrumentalisation de l'histoire, pas de mépris des professionnels ! », qui a été adressé au ministre --avec le soutien de très nombreuses personnalités et d'organisations importantes--, l'après-midi même de la mise en place du comité de pilotage le 13 janvier 2011. Un mois après, sans même un accusé de réception --ce qui montre l'autisme du pouvoir et le mépris total pour les professionnels--, j'envoyais à tous les soutiens un message de bilan. Les trois questions centrales posées sont toujours en suspens.

Désormais, l'élection présidentielle décidera des suites. Il est à souhaiter que tout cela conduise à repenser la morale publique, le respect des professionnels et la place du savoir et de la création dans la société. Seule une société de justice est une société durable.

Laurent Gervereau

Président du Réseau des musées de l'Europe

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