9) LE DÉFI DE L'ACTIVITÉ ET DE L'ATTRACTIVITÉ

- Industrie, tertiaire, commerce

- L'industrie dans la ville et hors de la ville

- Le tertiaire dans la ville et hors de la ville

- Le commerce dans la ville et hors de la ville

- Scénarii : dissocier l'activité de l'habitat/rapprocher l'activité de  l'habitat

- Les rapports entre les problématiques précédentes et la nature des  activités (dimension, industrie/tertiaire, nuisances...)

La ville est puissamment créatrice de richesses. C'est le lieu privilégié qui concentre les talents, les capitaux et les matières premières de cette création de richesses, dans la ville, mais aussi hors de la ville . C'est aussi le lieu des échanges de ces richesses entre ceux qui les produisent et ceux qui les consomment ou qui les transportent vers d'autres consommateurs. La puissance de sa capacité à transformer ces ressources en richesse est définie par la notion d'attractivité. C'est une force qui « permet de faire converger toutes sortes de ressources -populations, revenus, capitaux, main-d'oeuvre, entreprises, emplois, biens, services, évènements professionnels, informations etc.... - et d'y fixer durablement celles qui sont susceptibles de l'être... Elle est à l'origine de mouvements, mais aussi un facteur d'ancrage de ressources dans un espace donné » 84 ( * ) .

A l'image de la Silicon Valley, les territoires se veulent des « pôles de compétitivité » dans la mondialisation. L'attractivité devient ainsi l'élément déterminant de l'activité, des avantages comparatifs, de l'excellence, du développement des marchés et finalement de l'emploi . Au-delà de la dimension purement économique, l'attractivité, base de l'activité, implique de nouveaux outils de développement, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle, de la recherche fondamentale ou appliquée, de l'inventivité, de la création, de la culture, du savoir-faire artistique ou artisanale, de l'offre scolaire ou universitaire etc.

Mais l'offre ne suffit pas. Encore faut-il capter les énergies à l'oeuvre, ce qui implique la fixation des ressources, financières mais d'abord intellectuelles et humaines. C'est l'attractivité résidentielle qui passe par de très nombreuses mesures pour attirer et conserver les entreprises, mais aussi les acteurs humains de ces moteurs industriels regroupés dans la « creative class », concept décrit par Richard Florida autour de la règle des trois T :  « Talent, technologie, tolérance ». Les membres de cette classe créative sont des élites attentives à la qualité de leur cadre de vie, à l'image de marque de leur environnement ou à la renommée de leur ville, aux opportunités personnelles ou professionnelles qu'offre la grande cité.

Manchester : une cité industrielle en reconversion

Jusqu'au début du 20 ème siècle, Manchester a incarné l'archétype de la ville industrielle. Tout a commencé au milieu du 18 ème siècle quand les premières usines de coton se sont installées dans ce qui n'était alors qu'une petite ville provinciale. Cette importante activité industrielle amènera la ville à voir sa population croître rapidement, passant de 43 000 habitants en 1773 à 1 435 000 en 1900. Néanmoins, à la fin de la Première Guerre Mondiale, Manchester doit faire face à un mouvement de désindustrialisation qui va atteindre son paroxysme dans les années 70 : fermetures des entreprises les unes après les autres, situation sociale qui se détériore, population qui fuit le centre-ville...

Pour stopper cette spirale négative, la municipalité décide de mener une politique de renouvellement urbain afin d'attirer de nouveaux habitants. Elle se traduira par la reconstruction du quartier Hulme en 1992 et la reconversion de bâtiments abandonnés (les anciens docks) en bureaux ou en logements de haut standing. La municipalité s'appuie également sur la culture pour opérer un changement d'image : création d'un espace d'exposition, le Greater Manchester Exhibition Center en 1986, construction du Lorry Center dédié au théâtre et à l'art en 2000 et de l' Imperial War Museum North en 2002.

Afin d'être séduisante auprès des jeunes et étudiants, les autorités vont accompagner dans les années 70 et 80 le développement de la scène musicale pop/rock qui va se traduire par le développement de l'industrie musicale : espaces de concerts, magasins de disques ou labels musicaux. Cette dynamique va pousser Manchester à se porter candidate à l'organisation des Jeux Olympiques en 1996 et 2000. Même si les deux candidatures furent un échec, elles ont cependant permis à la ville de « montrer le changement de dynamique à l'oeuvre » 85 ( * ) et de « mobiliser de nombreux acteurs publics et privés vers un but commun, et de souder la population derrières ses institutions publiques » 86 ( * ) .

L'ensemble de ces actions semble efficace : croissance économique retrouvée, retour de la population dans le centre-ville. Malgré tout, Manchester doit encore relever de nouveaux défis : diminution des crédits accordés par l'Etat concernant le renouvellement urbain, persistance de la pauvreté et du chômage dans certains quartiers...

Si la mesure de cette attractivité est difficile, en revanche, il est plus facile d'établir la liste des composantes de cette attractivité.

LES COMPOSANTES DE L'ATTRACTIVITÉ RÉSIDENTIELLE

L'attractivité, base de l'activité d'une mégapole, est ainsi l'outil global d'action qui conduit au marketing urbain pour modifier les tendances de fond d'un ensemble urbain . « A côté de la valeur économique, sont d'autant plus prises en considération les valeurs esthétiques, culturelles, symboliques, que celles-ci peuvent être transformées en valeur marchande (valorisation du foncier, arrivée d'investisseurs, location d'espaces commerciaux etc..). A la vente des « produits de la ville » (biens et services), s'ajoute celle de la « ville comme produit » 87 ( * ) .

QUATRE DIMENSIONS DES POLITIQUES D'ATTRACTIVITÉ

François Cusin et Julien Damon soulignent dans leur étude sur « les villes face aux défis de l'attractivité » que « les entreprises vont désormais là où les gens ont envie d'aller. On a longtemps pensé que le travail allait vers le capital. Il semble que ce soit maintenant tout simplement l'inverse. Les villes qui réussissent ne sont pas celles qui attirent les investissements, mais celles qui attirent d'abord les gens. En un mot (à consonances sartriennes), l'attractivité précède la compétitivité ».

L'essor du secteur tertiaire à Tel Aviv

Fondée en 1909, Tel Aviv n'a cessé de se développer tout au long du 20 ème siècle. Si « les premières années de Tel Aviv sont caractérisées par sa fonction résidentielle insérée dans de grands espaces verts » 88 ( * ) , avec la construction de 2700 logements entre 1931 et 1937 pour faire à l'augmentation de la population juive, la ville concentre aujourd'hui de nombreuses entreprises appartenant au secteur tertiaire. En effet, « à la faveur d'un contexte politique un peu moins tendu et d'une conjoncture économique plus avantageuse » 89 ( * ) , il est apparu opportun pour de nombreuses multinationales de venir s'implanter dans la ville.

Par conséquent, à partir des années 60, des immeubles de bureaux et des centres commerciaux ont commencé à voir le jour tout autour de la « ville blanche », quartier central de la ville. Cet essor économique s'est confirmé dans les années 90 : en plus d'abriter la seule place financière du pays depuis 1953 (Tel Aviv Stock Exchange) où sont cotées quelque 600 sociétés, la ville accueille désormais une multitude de start-up qui ont donné naissance à la Silicon Wadi . En 1998, le Newsweek l'a d'ailleurs classée parmi les 10 villes les plus « technologiquement influentes » au monde. Tel Avil héberge également un centre scientifique et un pôle de recherche alimenté par les jeunes chercheurs de l'université. A ceci s'ajoute « toute l'industrie créative de la production musicale, du théâtre, de la dance, des arts visuels, etc » 90 ( * ) . La concentration de ces activités a fait dire à Aharon Kellerman, géographe, que Tel Aviv était ainsi devenue une ville-monde 91 ( * ) .

Ce boom économique a été bénéfique pour les habitants de Tel Aviv : la ville concentre 15 % de l'emploi et 17 % du PIB israélien, estimé à 188 milliards de dollars en 2008 92 ( * ) . De plus, le PIB par habitant est supérieur de 20 % à la moyenne nationale israélienne qui se situait à 28 200 dollars en 2008 93 ( * ) . Néanmoins, la situation de Tel Aviv est fragile : elle n'est pas en mesure, pour maintenir sa formidable croissance, de développer un marché économique régional avec les pays arabes voisins, pays avec lesquels Israël entretient des relations conflictuelles.


* 84 Les villes face aux défis de l'attractivité, classements, enjeux et stratégies urbaines par   François Cusin et Julien Damon, Revue Futuribles

* 85 Voir « Manchester : Shrinkin City et renouveau urbain » dans le Tome II

* 86 Idem

* 87 François Cusin et Julien Damon, article déjà cité

* 88 Voir le texte sur « Tel Aviv : un projet politique, utopie réalisée, à l'origine d'une métropole « isolée » ? » dans le Tome II

* 89 Rémi Manesse, « Tel-Aviv-Jaffa », in La méditerranée à l'heure de la métropolisation (ouvrage collectif), 2009 p.172

* 90 Voir « Tel Aviv : un projet politique, utopie réalisée, à l'origine d'une métropole « isolée » ? »

* 91 Aharon Kellerman, Society and settlement: Jewish Land of Israel in the twentieth century , 1993

* 92 Statistiques mondiales, http://www.statistiques-mondiales.com/israel.htm

* 93 Ibid.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page