12) LE DÉFI DES RÉSEAUX DE VILLES

- Un nombre croissant d'usagers (voire d'habitants) de plusieurs villes

- L'enjeu des transports au sein des réseaux

- Les migrations (immigration, activités, tourisme...)

L'apparition de nappes urbaines de plusieurs millions d'habitants sans limites précises, qui absorbent continument l'espace interurbain, contribue à renforcer l'intérêt pour ce modèle alternatif que constituent les réseaux de ville . Confrontées aux défis de la mondialisation, des villes, grandes, petites et moyennes, pensent trouver dans le fonctionnement en réseau la stratégie de survie ou de valorisation de leur territoire.

La théorisation des réseaux de ville n'est pas récente . Elle s'insère dans un mouvement de pensée qui puise ses sources dans des traditions plus anciennes, liées notamment à l'essor des réseaux (télégraphe, téléphone, chemin de fer, transport fluvial). Elle se prolonge au XXIème siècle par le recours à de nouvelles approches empruntées aux sciences de la complexité systémique, de la dynamique spatiale et temporelle, aux progrès des nouvelles technologies de l'immatériel et du numérique 121 ( * ) .

C'est dire si la notion de « réseau de ville » est porteuse de richesse pour la représentation intellectuelle, symbolique ou cartographique, mais aussi pour les choix stratégiques porteurs d'avenir pour un territoire . A l'ère de la « société hypertexte » théorisée par François Ascher dans un monde marqué par l'hypermodernité des « nomades urbains » 122 ( * ) , le concept offre aux aménageurs, aux politologues, aux géographes, aux urbanistes et aux architectes comme aux communicants ou aux stratèges prospectivites, une richesse sémantique propice à tous les projets pour demain et après-demain.

Au-delà de ces constats, le réseau de villes est bien une réponse aux pressions et aux tendances de l'urbain mondialisé . Un exemple en est fourni par la région Poitou-Charentes en France, qui a, dès les années 80, initié deux réseaux de villes : l'un rassemblant quatre villes moyennes, l'autre trois petites villes.

LES RÉSEAUX DE VILLE EN POITOU-CHARENTES DANS LES ANNÉES 80

Comme cela a pu être souligné à l'époque 123 ( * ) , « Les stratégies utilisées peuvent être soit de concurrence, soit de complémentarité. Dans le premier cas, les villes développent des «alliances à la carte» en multipliant les partenaires selon les thèmes retenus (tourisme, équipement universitaire, services aux entreprises). Dans le deuxième, elles conçoivent leur coopération comme devant profiter à l'ensemble des collectivités territoriales . La ville-centre est replacée dans son agglomération qui elle-même est conçue comme partie intégrante d'un milieu rural porteur. De l'emboîtement de ces «environnements solidaires» qui évitent les «stratégies contradictoires» résulte la mosaïque régionale. ».

La Randstad Holland : un réseau de villes à renforcer

Aux Pays-Bas, Amsterdam, Rotterdam, La Haye et Utrecht forment une conurbation, la Randstad Holland , qui peut se définir comme un ensemble urbain constitué de plusieurs villes dont les banlieues ont fini par se rejoindre . Si la Randstad n'a pas de limites officielles et ne correspond à aucun des trois niveaux administratifs des Pays-Bas, cette région revêt néanmoins une importance économique et sociale considérable pour l'ensemble du pays : alors qu'elle n'occupe que 20 % du territoire, 42 % des Néerlandais y résident et environ la moitié du PIB y est produit 124 ( * ) .

La réussite de la Randstad s'explique par le fait que les villes qui la composent sont des places importantes au niveau mondial tant sur le plan économique, politique, commercial qu'universitaire : Amsterdam est une grande place bancaire et financière, La Haye (capital) incarne le pouvoir politique, Rotterdam est le premier port du monde et Utrecht abrite une université reconnue . Néanmoins, même si la Randstad connaît l'un des taux de chômage les plus bas de la zone OCDE et reste une région attractive pour l'Investissement Direct Etranger 125 ( * ) , il semble opportun de renforcer la proximité entre les quatre grandes villes afin de constituer un réseau de villes performant qui permette « un marché du travail plus large et plus diversifié, des synergies liées à la proximité des acteurs, des économies d'échelle et des économies d'agglomération, sources de gains de productivité pour les entreprises confrontées à la concurrence internationale » 126 ( * ) .

Pour ce faire, il a été défini une stratégie en trois axes qui prévoit d'ici 2040 : le renforcement de la cohésion interne de la région avec la construction de nouvelles liaisons TGV et l'amélioration de l'accessibilité à l'aéroport de Schiphol et au port de Rotterdam, l'accroissement de l'offre en immobilier d'entreprise avec la création de nouvelles zones d'activités et le développement de l'économie de la connaissance avec la réalisation de 5 parcs scientifiques . Notons que ces différents projets ont donné naissance à la Delta-métropole , structure qui doit permettre « de mieux tirer partie de la diversité et des atouts respectifs des différents territoires composant la région » 127 ( * ) .

Un travail de thèse récent 128 ( * ) a permis de constater l'existence en Europe de 64 réseaux de villes constitués sur la base soit de constellations de villes appartenant au même secteur géographique, soit de relations hiérarchiques qui permettraient de réaliser un « polycentrisme maillé » au sein de grandes nappes urbaines du continent au-delà des regroupements locaux ou régionaux .

64 réseaux de villes en Europe

Le Réseau des villes-centre
et grandes agglomérations de Rhône-Alpes

Le Réseau des villes-centre et grandes agglomérations de Rhône-Alpes labellise un partenariat entre les villes d'Annecy, Bourg-en-Bresse, Chambéry, Grenoble, Lyon, Roanne, Saint-Etienne et Valence ainsi que les structures intercommunales associées. Ce processus d'alliance entre les principales villes et agglomérations de la région Rhône-Alpes, qui associées représentent environ 2,5 millions d'habitants, s'explique par le fait que nous sommes entrés dans une phase où « ce qui compte pour une ville, ce qui fait sa puissance, c'est sa capacité à être `branchée', reliée aux autres pôles, et aux autres villes » 129 ( * ) .

Créé en 1992, le groupement s'était fixé quatre objectifs : compenser une moindre prise en compte du fait urbain par le dispositif politico-administratif français, faire reconnaître les fonctions de centralité des grandes villes, faire face au décalage entre territoires vécus et territoires institutionnels et promouvoir une gouvernance fondée sur le volontariat des villes.

Alors qu'à ses débuts, ce réseau pouvait être vu comme un simple outil de lobbying (défense de la LGV Lyon-Turin), la structure s'est affirmée au fur et à mesure des années et a signé, en 1997, un « Contrat de fonctions majeures » avec le Conseil Régional. Cette convention a permis la constitution de pôles d'excellence « dans un esprit de spécialisation, de complémentarité et de non concurrence » 130 ( * ) : pôle numérique à Grenoble, pôle alimentaire à Bourg-en-Bresse. Sur le plan culturel, des actions ont également vu le jour : création du portail internet « Lectura » centralisant le catalogue des huit bibliothèques municipales, construction (si nécessaire) d'un équipement culturel de dimension régionale dans chaque ville, obligation pour un spectacle vivant subventionné de se tenir dans trois villes du réseau afin que les habitants des plus petites aient accès à des spectacles de qualité...

En 2004, la candidature du Réseau des villes-centre et grandes agglomérations de Rhône-Alpes a été retenue par la DATAR dans le cadre d'un appel à projet visant à accroître la coopération métropolitaine au niveau économique (renforcer les synergies entre les pôles d'excellence), scientifique (favoriser l'attractivité internationale), culturel (promouvoir de grands événements) et de l'accessibilité (améliorer la complémentarité entre les aéroports, le maillage TGV et les liaisons inter cités). Il est certain que cette intensification des échanges entre grandes métropoles (Lyon, Grenoble) et villes moyennes (Bourg, Roanne, Annecy) permettra à ces dernières de conforter leur attractivité auprès des habitants comme des entreprises .


* 121 Jean-Pierre Gaudin et Denise Pumain : Quelques métaphores, au miroir des analyses spatiales : réseaux de villes et réseaux de pouvoir, Revue européenne des sciences sociales, n° XXXVIII-117 (2000)

* 122 François Ascher : l'âge des métapole, Editions de l'Aube, 2009

* 123 Pierre Bruneau : « Les réseaux de villes en France : quels acteurs ? Quelles finalités ? Quel avenir ? », Cahiers de Géographie du Québec
• Volume 42, n° 116, septembre 1998

* 124 OCDE , « Examens territoriaux de l'OCDE : Randstad Holland, Pays-Bas », mars 2007

* 125 Ibid.

* 126 Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France, « La stratégie d'aménagement et de développement économique de la Randstad-Hollande » , Juin 2006

* 127 Idid.

* 128 Lahouari Kaddouri Structures spatiales et mises en réseaux de villes pour la régionalisation des territoires, thèse de doctorat de géographie Université Montpellier 2004

* 129 Marie-Christine Fourny, Le réseau des villes-centres de Rhône-Alpes, acteur d'une nouvelle construction du territoire régional », in Bernard Jouve, La région, laboratoire politique, La Découverte, 2001

* 130 Site internet du Grand Lyon, Rubrique « Stratégie », http://www.grandlyon.com/reseau-des-villes.2350.0.html

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page