3. L'entrée progressive des femmes dans les fédérations sportives et la normalisation des programmes

Deux événements vont accélérer l'ouverture des fédérations sportives aux femmes : l'éclatement de l'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) en de multiples fédérations uni-sport entre 1919 et 1920 d'une part, et le départ du baron Pierre de Coubertin du Comité international olympique (CIO) en 1925, d'autre part.

Premièrement, la multiplication des fédérations sportives omnisports va assouplir le monopole masculin sur l'USFSA

Avant la dissolution de l'USFSA en 1919, seules étaient constituées les fédérations françaises des sociétés d'aviron, des compagnies d'arc de France, des sociétés de boxe, d'escrime, de lutte et de poids et haltères 18 ( * ) . Après 1929, les fédérations sportives, dont la fédération de football-association, se sont constituées progressivement selon la diffusion de chacun des sports.

Sous la pression des fédérations internationales, et plus particulièrement anglo-saxonnes, plusieurs fédérations, dont la natation, s'ouvrent aux femmes à partir des années 1930. Les initiatives d'Alice Milliat ne résisteront pas à cette nouvelle attractivité des anciennes structures masculines : toutes les fédérations féminines autonomes sont supprimées par une loi de 1940.

Cette mixité progressive ne signifie pas que les femmes aient gagné le combat de l'égalité. Alors que les fédérations masculines adaptent les règlements à la fragilité supposée des femmes - on réduit le terrain, on prend des poids moins lourds... - le discours officiel continue de véhiculer les représentations sexistes du siècle précédent, à l'instar du Règlement général d'éducation physique - méthode française, rédigé par le colonel Boigey à Joinville en 1925 -, selon lequel « les femmes ne sont point faites pour lutter, mais pour procréer » .

Le même discours stigmatisant vise les athlètes féminines qui participent aux compétitions olympiques.

Deuxièmement, le baron belge Henri de Baillet-Latour, qui succède à Pierre de Coubertin en 1925 comme président du CIO, fait preuve d'une attitude plus ouverte et permet aux femmes de concourir à un plus grand nombre d'épreuves lors des Jeux olympiques d'Amsterdam de 1928, parmi lesquelles les 100 mètres, 800 mètres, 4 x 100 mètres, saut en hauteur et disque. Les épreuves d'athlétisme retiennent tout particulièrement l'attention de la presse et des milieux médicaux et la chute d'une concurrente à l'arrivée suscite un tel scandale que le 800 mètres est retiré de la liste des épreuves féminines jusque dans les années 1960 19 ( * ) .

A partir des années 1930, jusque dans les années 1960, le sport féminin connaît une évolution continue et sous contrôle, quel que soit le régime. En 1936, le Front populaire facilite l'accès aux loisirs sportifs pour le plus grand nombre : les vacances au ski et dans les stations balnéaires se démocratisent, en même temps que sont encouragées les politiques d'équipements sportifs des villes.

Alors que les citoyennes françaises obtiennent le droit de vote aux élections de 1946 et que la Française Micheline Ostermeyer, triple médaillée d'or (poids, disque, saut en longueur) aux Jeux olympiques de 1948, à Londres, devient un symbole de la femme sportive, la pratique sportive des femmes se développe dans les années 1950 et 1960. 438 femmes, sur 4 468 athlètes, participent aux Jeux olympiques de Londres en 1948 (elles étaient six à Saint-Louis en 1904).

Dans les années 1970, les dernières fédérations sportives récalcitrantes s'ouvrent aux femmes : du football en 1970, à la boxe en 1986. Parallèlement, les programmes se normalisent 20 ( * ) .

A la fin des années 1990, l'égalité sociodémographique est en bonne voie : selon les chiffres du ministère du Sport 21 ( * ) , 32 % des femmes pratiquent alors une activité sportive au moins une fois par semaine (elles étaient 9 % en 1968) ; 3 626 femmes participent aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996, soit 32 % de plus qu'à Barcelone, grâce en partie à l'introduction du soccer, du softball et du triple saut au programme olympique féminin.


* 18 Source : L'histoire des sports , de Thierry Terret.

* 19 Source : audition de Thierry Terret, le 22 novembre 2010.

* 20 Voir Histoire du sport féminin , Pierre Arnaud et Thierry Terret, Paris, l'Harmattan, 2000.

* 21 Dossier communiqué à l'issue de la rencontre « La place des femmes dans le sport » organisée par le ministère le 6 mars 1998.

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