III. DEUX PAYS CONFRONTÉS À DES PROBLÈMES D'EMPLOI

On a indiqué que dans les années 2000, la faible progression des rémunérations salariales en Allemagne est venue non des gains du pouvoir d'achat par tête mais des variations de l'emploi.

Pourtant, les emplois créés n'ont pas été particulièrement nombreux et l'évolution des créations d'emplois ressort comme plutôt heurtée, ce qui jette un doute sur les effets de la modération salariale sur la dynamique de l'emploi outre-Rhin même si les médiocres progressions du nombre des emplois enregistrées en Allemagne ont suffi à produire une forte baisse du taux de chômage à partir du milieu des années 2000.

EMPLOI ET TAUX DE CHÔMAGE

Source : Conjoncture-BNP Paribas. Avril 2010

Les évolutions du chômage sont à mettre en relation avec la croissance économique, avec les évolutions démographiques et, pour la période en cours, avec certaines orientations récentes de la politique du marché du travail.

Après le pic de croissance des dernières années de la décennie 1990, la croissance économique allemande a été atone, ne reprenant un certain essor qu'au milieu des années 2000 pour s'affaisser avec la crise globale.

Dans la première moitié des années 2000, après une augmentation de l'emploi total (qui soutient les rémunérations salariales) à partir de 2002, l'Allemagne ne crée plus d'emplois ; elle en détruit. Le taux de chômage qui avait baissé de 2 points entre 1996 et 2002 (où il s'établissait à 9,5 % de la population active) remonte à près de 12 % jusqu'en 2006.

À ce terme, l'économie allemande renoue avec la croissance et le rythme alors atteint suffit à inverser la tendance du chômage. En effet, les créations d'emplois interviennent dans un contexte où les gains de productivité du travail sont faibles avec une forte baisse du temps de travail par employé en lien avec la montée du temps partiel .

En outre, si la relative modestie des créations d'emplois suffit à faire baisser le chômage fortement, c'est parce que la population active allemande décline sous l'effet de la contraction démographique.

Compte tenu des gains de productivité du travail en France et en Allemagne et des évolutions de la population active (- 0,2 %, en Allemagne, + 0,2 % en France), on estime qu'alors une croissance autour de 1 % suffit à stabiliser le chômage en Allemagne alors qu'elle doit être en France de 1,7 %.

Une inflexion se produit en fin de période. Les créations d'emplois augmentent sensiblement à partir de 2006 jusqu'en 2008. Avec la crise, le niveau de l'emploi se stabilise, ce qui contraste avec la situation française. Mais cette évolution est tributaire d'une forte baisse du nombre d'heures travaillées par employé. La baisse de la durée du travail déprime les gains de productivité par tête déjà structurellement faibles.

Nombre d'heures travaillées en allemagne

Source : Conjoncture-BNP Paribas. Avril 2010

In fine , dans les années récentes, le recul du chômage a été un peu plus élevé en Allemagne qu'en France.

Évolution récente du chômage en France

2004

2005

2006

2007

2008

Taux de chômage

9,3

9,2

9,2

8,3

7,8

Jeunes (15-24 ans)

19,7

20,2

21,3

18,7

18,1

Seniors (55-64 ans)

5,6

5,2

5,7

5,1

4,6

Chômeurs de longue durée

40,6

41,1

42

40,1

37,6

Source : Eurostat

Au total, malgré des régimes salariaux divergents, les réformes de flexibilité du marché du travail et les caractéristiques démographiques de l'Allemagne, les deux pays partagent une situation analogue de chômage persistant.

Évolution récente du chômage en Allemagne

2004

2005

2006

2007

2008

Taux de chômage

9,8

10,7

9,8

8,4

7,3

Jeunes (15-24 ans)

13

15,5

13,7

11,9

10,5

Seniors (55-64 ans)

12,8

12,8

12,4

10,3

8,5

Chômeurs de longue durée

51,8

53,1

56,5

56,5

52,6

Source : Eurostat

Les créations d'emplois observées en Allemagne ne témoignent pas nécessairement d'une amélioration de l'emploi.

La baisse du chômage est déjà quelque peu assombrie par le niveau - et la progression - du chômage de longue durée.

En outre, le chômage structurel serait inchangé.

L'un des objectifs des réformes du marché du travail en Allemagne est de baisser le taux de chômage structurel notamment en réduisant le NAIRU. Celui-ci correspond au plancher du taux de chômage à partir duquel l'inflation s'accroît de sorte que le niveau de chômage ne peut durablement régresser au-dessous de son niveau.

Il faut prendre avec beaucoup de prudence les résultats obtenus dans les estimations du NAIRU. Elles ne reflètent, au mieux, que des conditions passées et comme toute estimation économique admet des marges d'erreur qui peuvent être très importantes. Au demeurant, les estimations du NAIRU diffèrent sensiblement selon les organismes qui les effectuent. Par ailleurs, les observations empiriques montrent que les équations de salaires n'ont pas la stabilité que décrivent souvent les estimations économiques des taux de chômage structurel.

Sous ces réserves, les niveaux comparés du NAIRU en Allemagne et en France seraient à peu près identiques selon les services de la Commission européenne.

Taux de chômage accélérateur d'inflation (NAIRU) en France et en Allemagne

2004

2005

2006

2007

2008

France

9,2

9,2

9,2

9,1

9,1

Allemagne

8,8

9

9,1

9,3

9,4

Source : Estimation des services de la Commission européenne

Ce résultat vient atténuer la portée des analyses, pourtant répandues, selon lesquelles le marché du travail, bien que perfectible, serait plus efficace en Allemagne qu'en France.

La qualité des emplois créés pose manifestement problème.

La part des « emplois aidés » dans le total, après avoir beaucoup augmenté se replie mais légèrement.

Il existe une différence majeure entre la France et l'Allemagne dont la portée pourrait s'accentuer dans le futur.

Alors que la population d'âge actif se contracte en Allemagne (- 2,6 % depuis 1998), elle s'accroît en France (+ 7 %) pour un différentiel de près de 10 points.

Pour être précis, il faut corriger ces données des évolutions des taux de participation dans les deux pays. Entre 1998 et 2009, le taux de participation déjà relativement élevé en Allemagne y a progressé de l'ordre de 7 points contre une augmentation d'environ 3 points en France.

Au total, la population active a progressé de 4,5 % en Allemagne (pour une décrue « naturelle » de 2,6 %) et près de 10 % en France soit un différentiel réduit de moitié par rapport au différentiel naturel.

Or, entre 1998 et 2008, le taux de chômage a davantage reculé en France qu'en Allemagne passant de 12 % (contre 9 % en Allemagne) à 7,8 % (contre 7,3 % en Allemagne).

La stabilisation du chômage a supposé de créer deux fois plus d'emplois en France qu'en Allemagne. Cette observation est importante. Si l'évolution démographique donne à la France des perspectives de croissance supérieure, elle a également besoin d'un rythme de croissance nettement plus élevé que l'Allemagne pour éliminer son chômage.

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