2. ... à la divergence des évolutions budgétaires

Pourtant, à compter de 2003 , une divergence intervient à nouveau dans la gestion budgétaire.

Au total, l' Allemagne est passée d'une capacité de financement de 1,3 point de PIB en 2000 à un quasi équilibre de ses comptes publics (capacité de financement de 0,1 point de PIB) en 2008.

Elle a ainsi enregistré de date à date une réduction de l'épargne nette 51 ( * ) des administrations publiques de 1,2 point de PIB .

Mais, par rapport à l'année 2003 où son besoin de financement public a atteint un niveau record de 4 points de PIB, le cheminement des comptes publics allemands est passé par une importante réépargne publique (de 4,1 points de PIB en 5 ans et même 4,3 points de PIB entre 2003 et 2007).

En France , les comptes publics ont enregistré une augmentation du besoin de financement des administrations publiques de 1,8 point de PIB entre 2000 et 2008 (0,6 point de plus qu'en Allemagne). Le record de déficit public a également été atteint en 2003 (4,1 points de PIB contre 4 en Allemagne) et depuis, le besoin de financement a également reculé. Mais il s'est nettement moins réduit qu'en Allemagne (- 0,8 point de PIB entre 2003 et 2008 contre 4,1 points en Allemagne).

Ainsi, le profil d'évolution des comptes publics dans le temps a beaucoup différé dans les deux pays à partir de 2000.

Dans une première sous-période , les déficits publics ont augmenté, un peu plus en Allemagne, où le creusement du déficit a atteint 5,3 points de PIB entre 2000 et 2003, qu'en France où il a été limité à 2,6 points de PIB. Mais, partant de soldes différents (un excédent en Allemagne, un déficit en France) Allemagne et France se sont retrouvées dans une situation de déficit analogue en 2003.

Pendant cette première sous-période, le profil budgétaire de l'Allemagne a été beaucoup plus heurté qu'en France . Ce constat peut être mis en regard de l'évolution conjoncturelle des deux pays caractérisée par un ralentissement économique particulièrement marqué en Allemagne.

Croissance 2001-2004
France Allemagne
(en % d'accroissement du PIB en volume)

La trajectoire budgétaire allemande a connu une dégradation d'une particulière ampleur en 2001 (augmentation du déficit public de 4,1 points de PIB), année au cours de laquelle la croissance économique, bien que fortement ralentie (+ 1,2 % contre 3,2 % en 2000) a pu un peu résister.

Les années suivantes, le soutien budgétaire à l'activité a été moins net et la croissance économique a continué à s'effondrer.

La seconde sous-période a prolongé et amplifié le retournement budgétaire de l'Allemagne.

Le redressement cumulé des comptes publics qui y a été particulièrement net a suivi la séquence suivante :

2004

2005

2006

2007

2008

+ 0,2

+ 0,5

+ 1,7

+ 1,9

- 0,2

En France, la trajectoire de réduction du besoin de financement a été plus modérée.

2004

2005

2006

2007

2008

+ 0,5

+ 0,6

+ 0,6

+ 0,7

- 0,4

On observe que les deux cheminements diffèrent particulièrement pour les années 2006 et 2007 où le redressement des comptes publics a été deux fois plus important en Allemagne qu'en France.

Les données jusqu'à présent mentionnées ont concerné les évolutions nominales des comptes publics. Celles-ci sont tributaires des effets spontanés des variations de la conjoncture économique sur les soldes budgétaires - l'évolution conjoncturelle du solde du fait des stabilisateurs automatiques - mais aussi des orientations discrétionnaires données par les autorités budgétaires aux comptes publics.

L'évolution du solde budgétaire structurel permet d'approcher la mesure de cette dernière composante des variations des soldes publics.

Le graphique ci-dessous en résume l'historique en France et en Allemagne entre 1990 et 2006.

(*) Pour l'année 2006, les données résultent de prévisions dépassées en exécution.

On observe qu'après avoir été plutôt pro-cyclique en début de période en Allemagne, le redressement du solde structurel étant contemporain de l'affaissement de la croissance, les politiques budgétaires discrétionnaires des deux pays sont toutes deux légèrement contra-cycliques par la suite réagissant cependant davantage aux ralentissements économiques qu'à la période de boom de la fin des années 90.

Toutefois, en fin de période, les politiques budgétaires sont moins réactives et paraissent être sans lien évident avec les variations de l'activité économique.

C'est particulièrement le cas en Allemagne où après l'activation de la politique budgétaire dans la crise du début des années 2000, celle-ci suit une pente de réduction du déficit structurel que ne justifie pas l'état de l'économie.

En effet, dans cette période, la production en Allemagne reste constamment sous son potentiel.

La France est alors elle aussi dans cette configuration mais sa croissance économique est plus forte et elle réduit plus modérément son déficit structurel, offrant le visage d'une politique budgétaire moins insouciante de ses performances de croissance.

Par la suite, malgré les apparences, l'inflexion de la politique budgétaire allemande se poursuit.

La politique budgétaire allemande réagit à la forte croissance dont bénéficie le pays en 2006 et 2007 : le déficit budgétaire se réduit fortement, une partie substantielle de cette évolution venant d'une baisse du déficit structurel. Celui-ci passe de 2,5 à 1,2 % du PIB entre 2005 et 2007. De son côté, la France n'améliore que peu son déficit public, celui-ci augmentant même en 2007 (+ 0,4 point de PIB), malgré une croissance soutenue, assez proche de celle de l'Allemagne (+ 2,3 % contre + 2,6 %), en raison d'une dégradation du solde structurel de 0,9 point de PIB.

Solde budgétaire corrigé des variations cycliques
(ajustement en proportion du PIB potentiel)

Source : Commission européenne

Au cours de ces deux années, l'Allemagne adopte une politique contra-cyclique qui rompt avec sa neutralité des temps juste précédents de moindre croissance où, on l'a indiqué, la politique budgétaire allemande avait semblé ne plus réagir aux évolutions cycliques.

Par ailleurs, elle se distingue de sa réaction budgétaire de la fin des années 90 caractérisée par l'absence de mise à profit de la période alors traversée de haute conjoncture.

On pourrait être tenté d'interpréter la contra-cyclicité de la politique budgétaire allemande comme la démonstration du retour de l'Allemagne à une politique budgétaire conjoncturelle.

Pourtant, si le resserrement budgétaire allemand, de très forte ampleur est cohérent avec l'accélération de la croissance économique au cours de ces années, il ne peut être considéré comme adapté à une économie où un déficit de production subsiste par rapport au potentiel.

La France, de son côté, se révèle nettement pro-cyclique en 2007 au vu du rythme de croissance alors enregistré par le pays. En dépit d'une croissance un peu supérieure à son potentiel, elle creuse son déficit public.

Mais la France restant largement au-dessous de son potentiel, cette évolution, qui peut être considérée excessive dans son ampleur, peut ne pas être jugée inadaptée dans sa nature.

Ce n'est qu'en toute fin de période, avec la récession, que l'orientation budgétaire de l'Allemagne se modifie vraiment.

Au seuil de la crise les positions budgétaires des deux pays ressortissaient comme portant la marque des divergences apparues dans les années 2000.

Positions budgétaires de l'Allemagne et de la France en 2007
(en % du PIB)

Solde public

Dette publique au sens de Maastricht

Dette nette

Allemagne

+ 0,3

65

42

France

- 2,7

64

34

Source : OFCE

L'Allemagne enregistrait un excédent budgétaire face à une France en déficit.

Malgré les évolutions contrastées du déficit, les dettes publiques brutes étaient comparables, l'Allemagne étant légèrement plus endettée que la France mais installée sur une trajectoire de réduction de son endettement quand la France était sur la trajectoire opposée.

Il faut remarquer que la dette publique nette de la France était assez largement inférieure à celle de l'Allemagne. Ceci est dû à un contenu en investissements du déficit public français supérieur à celui observé en Allemagne mais sans doute aussi à des phénomènes de valorisation dont la durabilité est plus hasardeuse.

La crise a bouleversé ces équilibres.

Elle s'est s'accompagnée du maintien en Allemagne d'une conduite budgétaire contra-cyclique, mais cette fois pour limiter la récession, la France renouant de son côté avec un pilotage budgétaire plus adapté à la situation économique.

Évolution du solde public nominal Allemagne-France (2007-2010)
(en % du PIB)

2007

2008

2009

2010

Allemagne

0,3

0,1

- 3

- 3,3

France

- 2,7

- 3,3

- 7,5

- 7

D'un excédent de 0,3 point de PIB, l'Allemagne passe à un déficit de 3,3 points de PIB, soit une détérioration de son équilibre de 3,6 points un peu inférieure à celle de la France où elle atteint 4,3 points de PIB.

Les deux pays réagissent toutefois selon un tempo un peu différent, l'Allemagne soutenant l'activité de façon plus continue à travers sa politique budgétaire discrétionnaire.

Impulsions budgétaires (2008-2010) Allemagne-France
(en points du PIB)

2008

2009

2010

Cumul

Allemagne

0,1

0,9

1,4

2,4

France

- 0,4

2,6

- 0,5

1,7

Au total, l'impulsion budgétaire est plus élevée en Allemagne mais ceci peut s'expliquer en partie par une moindre efficacité des stabilisateurs automatiques.

Les effets de la crise sur les dettes publiques ont été considérables, la France ayant été plus touchée que l'Allemagne.

Évolution des dettes publiques Allemagne-France 2007-2010
(en points du PIB)

Dette au sens de Maastricht

Dette nette

2007

2010

2007

2010

Allemagne

65

76

42

50,5

France

64

83

34

57

Source : OFCE

Cette détérioration des situations d'endettement résulte de la combinaison de l'augmentation des déficits publics et de la récession.

* *

*

Au total, l'histoire des politiques budgétaires des deux pays considérées sous l'angle de leur contribution au réglage du régime de croissance est celle du passage de politiques budgétaires contra-cycliques et, généralement, en phase à des politiques budgétaires suivant des fonctions de réaction différentes dans les années précédant la crise globale.

La France a semblé moins soucieuse de profiter des épisodes où sa croissance effective surpassait sa croissance potentielle que l'Allemagne dont la politique discrétionnaire a amplifié les effets d'une forte conjoncture sur les soldes publics. L'Allemagne a paru alors privilégier un objectif de réépargne publique face à une France qu'une interprétation bienveillante de sa politique budgétaire peut présenter comme poursuivant un objectif de rapprochement du niveau de sa production effective de son niveau potentiel.


* 51 Ici considérée comme la capacité de financement.

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