B. L'ABSENCE DE DÉFINITION CLAIRE DE LA NOTION DE MANDATEMENT

1. Des concepts différents en droit national et européen

Lorsque nous parlons des « opérateurs mandatés par l'Etat » ( cf . Altmark), la notion de « mandatement » prend un sens communautaire qui ne correspond pas à celle de « mandat » au sens civiliste du terme en droit national.

En droit civil, celui-ci désigne le fait de permettre à une personne d'agir en son nom et pour son compte. En droit communautaire en revanche, la notion est plus large : le mandatement représente un acte officiel qui investit un organisme en lui confiant une mission de service public. Le mandatement fixe ainsi les conditions d'exercice et de fonctionnement du Sieg ainsi que les modalités de calcul des financements publics alloués. Dans le cadre du mandatement, « l'association est explicitement chargée (...) de l'exécution d'obligations de service public » 22 ( * ) .

Le mandatement est utile pour savoir si l'on est dans le champ d'application de la directive « services » : en délivrant à une structure un acte de mandatement, on exclut d'office du champ d'application de la directive le service concerné relevant d'un des secteurs strictement énumérés.

La Commission estime que le mandat est nécessaire afin de préciser l'organisation d'une mission de service public : « C'est l'acte officiel qui confie à l'organisme concerné la prestation d'un service d'intérêt économique général, indique la mission ainsi que l'étendue et les conditions générales de fonctionnement du service » 23 ( * ) . Dans le cadre du paquet Monti-Kroes, le mandat est l'instrument juridique officiel qui sert de base au calcul de la compensation financière versée par l'Etat pour permettre la réalisation des obligations de service public. La Commission note qu'un agrément accordé par une autorité publique à un prestataire de services l'autorisant à fournir certains services n'est pas un mandatement, car il ne comporte pas d'obligation de fournir des services.

2. La conciliation de l'approche nationale et communautaire de la notion de mandatement

PISTE DE REFLEXION

Pour rendre clairement compatibles ces deux approches, peut-être faudrait-il exclure les services sociaux français selon la liste définie par la directive (logement, aide à l'enfance, aide aux familles, aide aux personnes dans le besoin), en tant que services sociaux d'intérêt général (SSIG) bénéficiant d'un mandatement en droit national. Dans cette hypothèse, les formes existantes d'encadrement seraient qualifiées explicitement par le législateur français comme des actes de mandatement au sens communautaire du terme.

Les Etats membres de l'Union européenne sont libres d'établir la forme juridique qu'ils souhaitent utiliser pour le mandatement en prenant en compte les spécificités nationales, mais l'acte de mandat doit avoir une valeur juridique contraignante en droit national (instituer une obligation de fournir le service). Le droit communautaire n'impose pas un mandat « standard » mais les critères de son contenu. Une des premières règles pour les autorités publiques est donc de désigner au moyen d'un acte officiel une ou plusieurs entreprises chargées de fournir des services. Quatre critères sont constitutifs d'un service d'intérêt général conformément à la communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 24 ( * ) : la nécessité, le caractère particulier de la mission, l'obligation de fournir le service à tout usager qui en fait la demande et l'acte officiel de mandatement de l'entreprise chargée de la mission.

Ainsi, la voie du mandatement après une publicité préalable et une mise en concurrence apparaît singulièrement la plus efficace et juridiquement la plus sûre pour l'attribution de compensation de service public par les collectivités territoriales. Le mandatement constitue ainsi un outil permettant de sortir les services sociaux du champ de la directive.


Les difficultés posées par la notion de mandatement


• Absence de définition de l'acte de mandatement en droit communautaire. Le droit communautaire n'impose pas un mandat « standard » mais les critères d'analyse de son contenu.


• Liberté des Etats membres de l'Union européenne d'établir la (les) forme (-s) juridique (-s) qu'ils souhaitent utiliser en prenant en compte les spécificités nationales, mais l'acte de mandat doit avoir une valeur juridique contraignante en droit national, instituer une obligation de fournir le service.


• Le mandatement n'est pas une tradition française : les collectivités territoriales ne fonctionnent pas sur ce système de mandatement mais sur le système de l'autorisation 25 ( * ) , sensiblement différent.


• L'enjeu pour les Etats membres consiste donc d'abord à séparer ce qui relève de l'accomplissement d'une mission d'intérêt général, et ce qui ne relève pas de la mission d'intérêt général, ensuite à mandater les premiers, c'est-à-dire à charger les prestataires de la gestion de ce service d'intérêt général.

Il s'agit d'éviter la requalification des actes de mandatement en aide d'Etat.

*

La non-exclusion des services sociaux de la directive services et l'absence d'une définition de la notion de mandatement claire et partagée fragilise les services sociaux nationaux. Dans ce contexte, il semble légitime de s'interroger sur l'avenir de notre service public « à la française » qui constitue un véritable rempart face aux conséquences de la crise économique et financière.

Ce qu'il faut retenir, c'est qu'un marché public ou une délégation de service public sont des sortes de mandatement, mais que ce ne sont pas les seules : une convention d'objectifs entre la collectivité territoriale et l'association pourrait aussi être une forme de mandatement.

Il devient désormais impératif de redéfinir la nature et les modalités des relations financières existantes entre les collectivités locales et les associations en charge des missions d'intérêt général.

La circulaire du 18 janvier 2010 est loin de répondre à leurs attentes : elle n'assouplit pas les règles relatives à l'octroi d'aides publiques aux associations et n'envisage pas de statut particulier leur permettant d'accéder plus aisément aux subsides locaux.

L'enchevêtrement de règles juridiques rend leur appréhension excessivement complexe par les collectivités, et cela même si la directive services offre des possibilités de protéger les services publics français des règles du marché intérieur et de la concurrence.

L'objectif doit être de sécuriser nos services publics et de pérenniser les choix de gestion pour ne pas exposer la France à des risques contentieux.


* 22 Annexe 1 §2 de la circulaire du 18 janvier 2010.

* 23 COM 2007, 725 final.

* 24 Idem.

* 25 Oblige un prestataire à faire une démarche auprès d'une autorité compétente en vue d'obtenir une autorisation d'accès à une activité de service. Cette autorisation est accordée par acte formel ou par décision implicite après examen des compétences, du capital, des tarifs proposés... Le régime d'autorisation se traduit par le conventionnement, l'agrément, la licence. Le mandatement est, quant à lui, une obligation de donner une prestation.

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