2. Les progrès continus de la transparence

Bien qu'elle soit issue de la création, en 1945, d'un commissariat - devenu depuis le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives - chargé d'assurer la recherche sur l'utilisation de l'énergie nucléaire, tout à la fois dans les domaines de la science, de l'industrie et de la défense nationale, la filière nucléaire française est cependant longtemps restée marquée par une culture du secret, propre à la sphère militaire.

a) Une composante essentielle de la sûreté

Après plus d'un demi-siècle, la France est pourtant aujourd'hui considérée, ainsi que vos rapporteurs ont pu l'entendre lors de l'audition du 16 juin 2011, comme l'un des pays les plus avancés - sinon le plus avancé - en matière de transparence nucléaire. Cette profonde évolution résulte d'une prise de conscience progressive mais irreversible du caractère indissociable de la sûreté et de la transparence dans le domaine nucléaire. Cette prise de conscience a conduit le Parlement à traiter ces deux sujets dans le cadre de la loi du 13 juin 2006 sur «la transparence et à la sécurité en matière nucléaire», dite loi TSN .

Celle-ci définit la transparence en matière nucléaire comme
« l'ensemble des dispositions prises pour garantir le droit du public à une information fiable et accessible en matière de sécurité nucléaire » . Elle institue pour tout citoyen un véritable droit à l'information « sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes ainsi que sur l'environnement ».

Cette obligation d'information du public, concerne notamment les exploitants d'installations nucléaires qui sont soumis, également sur ce plan, au contrôle rigoureux de l'Autorité de sûreté nucléaire. Mais l'ASN ne se borne pas à contrôler l'application effective de la transparence par les exploitants, elle se l'est imposée à elle-même, en publiant sur son site Internet, toutes ses lettres de suite d'inspection, à l'exception de celles relatives à l'inspection du travail dans les centrales nucléaires. Tout citoyen peut ainsi prendre connaissance des constats, positifs ou négatifs, effectués par les inspecteurs de l'ASN lors des contrôles d'installations nucléaire.

La loi du 13 juin 2006 a également donné un cadre législatif plus satisfaisant aux Commissions locales d'information (CLI) jusqu'alors régies par une simple circulaire datant de 1981. La loi dispose qu'auprès « de tout site comprenant une ou plusieurs installations nucléaires ... est instituée une commission locale d'information chargée d'une mission générale de suivi, d'information et de concertation en matière de sûreté nucléaire » . Nommés par le président du Conseil général qui est aussi celui de la CLI, les membres comprennent des élus, des représentants d'associations de protection de l'environnement, des intérêts économiques et d'organisations syndicales et des professions médicales, ainsi que des personnalités qualifiées.

Ce caractère pluraliste permet aux CLI d'assurer leur mission de surveillance avec une particulière acuité, en se plaçant, pour examiner les problèmes locaux, à divers points de vue. Il constitue également, aux yeux du public, une garantie d'indépendance des CLI vis-à-vis de tel ou tel groupe particulier. En cela, il facilite considérablement la communication avec les populations. Lors des différentes visites de sites réalisées dans le cadre de la première partie de la mission, vos rapporteurs ont tenu à rencontrer les représentants de Commissions locales d'information, afin de bénéficier de leur avis de proximité sur les conditions de sûreté des installations nucléaires. A cette occasion, nous avons pu constater l'investissement que nécessitait, au niveau local, l'animation d'une CLI ainsi que l'importance, pour le maintien de la sûreté des installations, d'une vigilance rapprochée, en contact direct avec les populations concernées.

La loi est aussi à l'origine de la création du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). C'est une instance d'information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et l'impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l'environnement et sur la sécurité nucléaire.

Il comprend des représentants des Commissions locales d'information, d'associations de protection de l'environnement, d'organisations syndicales, d'industriels du nucléaire, de l'ASN et de l'IRSN, ainsi que de scientifiques et de parlementaires. Son caractère pluraliste, loin de constituer un obstacle à son efficacité, lui permet d'assurer une investigation poussée sur des sujets complexes, et de fournir ainsi au public des réponses complètes et crédibles sur des questions relevant de la sûreté nucléaire.

Ainsi, le progrès de la transparence en matière de sûreté nucléaire se fonde sur le double principe de l'indépendance et du pluralisme des instances qui en sont chargées, au niveau national comme au niveau local.

b) Les bonnes pratiques

Si vos rapporteurs considèrent que des progrès importants ont été accomplis, ces vingt dernières années, en matière de transparence, c'est aussi qu'ils ont pu le constater, à plusieurs reprises, au travers de résultats objectifs, par exemple en période de crise, ou encore pour la gestion des matières et déchets radioactifs.

Sur ce premier point, les polémiques survenues concernant les conditions d'information sur la catastrophe de Tchernobyl en 1986, plus particulièrement les critiques relatives à l'opacité sur l'ampleur des retombées radioactives, ont profondément et durablement ébranlé la confiance de la population française. Vingt-cinq années plus tard, ce traumatisme continue à alimenter la méfiance du public vis-à-vis de l'information officielle sur le risque nucléaire, méfiance parfois exploitée à mauvais escient pour contester des faits avérés ou les résultats de mesures scientifiques pourtant rigoureuses.

Conscients de ces difficultés, l'ASN et l'IRSN ont mobilisé, dès l'annonce de la catastrophe de Fukushima-Daiichi, une cellule de crise, afin d'assurer la meilleure information possible, dès le 11 mars, sur le déroulement des événements au Japon, puis, à partir du 26 mars, sur les retombées radioactives en France. Comme l'a rappelé le président de l'ASN, à l'occasion de l'audition du 16 juin 2011, le recueil d'informations sur l'évolution de la situation au Japon n'allait pourtant pas de soi, s'agissant d'un pays confronté à une crise humanitaire majeure, résultant d'un puissant séisme suivi d'un tsunami, lesquels ont causé plusieurs dizaines de milliers de victimes, dévasté des villes entières et désorganisé les moyens de communication et de transport. Qui plus est, le sinistre ayant détruit l'essentiel des moyens de mesure sur le site de la centrale, l'exploitant TEPCO et l'autorité de sûreté japonaise, accaparés par la gestion de la crise, ne disposaient eux-mêmes que de données parcellaires sur l'état des installations.

Malgré ces obstacles, forts des relations tissées avec leurs homologues étrangers et de leur expertise, l'ASN et l'IRSN ont contribué à une meilleure évaluation de l'ampleur de l'accident nucléaire et de son impact sur l'environnement au Japon et, au delà, dans l'hémisphère Nord. Ainsi, le reclassement de cet accident par l'ASN, dès le 15 mars, du niveau 5 au niveau 6 de l'échelle INES, ou encore la modélisation de la dispersion des radio-éléments publiée, à partir du 19 mars, par l'IRSN, ont bénéficié d'un large écho dans la presse internationale. Surtout, ces efforts de collecte et d'analyse de l'information disponible, ainsi que de communication à destination des médias et du public ont permis à nos concitoyens de mesurer la gravité de ces événements et de mieux apprécier leurs conséquences radiologiques limitées en France.

Vos rapporteurs souhaitent saluer à ce titre le personnel de l'IRSN qui, par la qualité et la clarté de ses communiqués, ainsi que la précision des réponses qu'il a su apporter lorsque l'honnêteté de son travail a été mise en cause, a contribué à rassurer la population française en faisant démonstration de compétence, de rigueur et de transparence.

Tout comme pour la transparence en période de crise, vos rapporteurs considèrent encourageante la progression de la transparence sur la gestion des déchets radioactifs. L'Office parlementaire a d'ailleurs contribué à cette évolution positive au travers des huit rapports qu'il a consacrés à cette question entre 1990 et 2011.

La loi du 30 décembre 1991 prévoit un suivi de l'avancement de ces recherches par une commission nationale d'évaluation (CNE), constituée d'experts de haut niveau, dont le rapport annuel est transmis au Parlement, lequel en saisi l'Office parlementaire, avant publication. Ce dispositif original a permis, depuis sa mise en place, un suivi régulier de l'avancement des recherches dans le domaine de la gestion des déchets et, au travers de la publication du rapport annuel de la CNE, une information des associations et du grand public sur un sujet a priori ardu, en raison de sa technicité.

Le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs ( PNGMDR ) vise à dresser, tous les trois ans, un état des lieux des filières de gestion à long terme des matières et déchets radioactifs. Ce plan, élaboré, par un groupe de travail pluraliste, constitué de l'ensemble des acteurs de la filière, est progressivement devenu une référence, pour les associations comme pour le public. L'Office parlementaire étant chargé, au titre de la loi, d'évaluer le PNGMDR pour le compte du Parlement, a émis, dans son rapport paru en janvier 2011, plusieurs recommandations. Celles-ci sont d'ores et déjà mises en oeuvre par le groupe de travail chargé de préparer le PNGMDR 2013-2015.

De la même façon, la procédure d'autorisation, prévue par la loi, du futur centre de stockage géologique profond, comporte, l'organisation préalable, d'une part, d'un débat public destiné à informer les citoyens et à recueillir leurs avis, et, d'autre part, d'un débat parlementaire, avant un nouveau projet de loi.

Mais vos rapporteurs regrettent que l'une des dispositions de la loi, destinée à assurer la transparence du coût des charges de long terme, telles que le démantèlement des installations nucléaires ou la gestion des déchets radioactifs, ait tardé à être mise en oeuvre.

La loi prévoyait en effet, sur l'exemple de la CNE pour la recherche, la constitution d'une Commission nationale d'évaluation du financement ( CNEF ), dont le premier rapport devait être rendu public en 2008. Or, malgré plusieurs rappels au Gouvernement et de nombreuses polémiques sur le coût du nucléaire, la CNEF ne s'est réunie pour la première fois que trois ans plus tard, le 7 juin 2011.

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