3. La gestion de crise entre anticipation et adaptation aux situations réelles

Anticiper les situations de crise est évidemment un devoir, même si la probabilité de réalisation du risque est jugée très faible. L'article 1er de la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ( TSN ) prévoit que l'anticipation des actions de sécurité civile à mener en situation accidentelle est partie intégrante de la sécurité nucléaire.

DISPOSITIONS DE LA LOI TSN RELATIVES À LA GESTION ACCIDENTELLE

L'article 1 er de la loi TSN 12 ( * ) dispose que « la sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident ».

L'article 4 de la loi TSN prévoit, en outre, que l'ASN est associée à la gestion des situations d'urgence tant en amont, en apportant son concours à l'élaboration des plans de secours, que lorsque survient une telle situation, en adressant aux autorités compétentes ses recommandations sur les mesures à prendre et en contribuant à l'information du public sur l'état de sûreté de l'installation, les rejets dans l'environnement et les risques pour la santé des personnes.

Votre mission a examiné la gestion de crise nucléaire lors de deux auditions ouvertes à la presse :

- une première audition consacrée à la gestion post-accidentelle s'est déroulée le 5 mai 2011 afin de faire le point sur les avancées du comité directeur post-accidentel (CODIRPA) mis en place en juin 2005 pour élaborer la doctrine française et mettre en oeuvre les dispositions nécessaires en réponse aux situations post-accidentelles nucléaires ;

- une seconde audition, consacrée à la gestion locale de crise , s'est déroulée à la préfecture du Nord (Lille) le 13 mai 2011 : elle a réuni les services locaux qui seraient appelés à intervenir en cas d'accident nucléaire nécessitant la mise en oeuvre de mesures de protection de la population et de l'environnement. Le scénario envisagé était celui d'un accident à la centrale nucléaire de Gravelines, hypothèse qui avait d'ailleurs fait l'objet d'un exercice de crise organisé par la préfecture et impliquant la population le 18 janvier 2011.

La loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a réformé la doctrine de planification des secours en créant une troisième génération de plan ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile). Le dispositif est fondé sur des réponses de sécurité civile communes à tous les types de risques, complétées par des réponses particulières à certains risques tels que ceux associés aux activités nucléaires.

A la suite d'un événement de l'ampleur de celui qui s'est produit au Japon le 11 mars dernier, il paraît légitime de s'interroger sur la capacité des pouvoirs publics français à répondre à une crise de dimension comparable, tout au moins, dans le cadre du présent rapport, en ce qui concerne son volet nucléaire. Au-delà des seuls pouvoirs publics, ce sont tous les acteurs de la filière nucléaire qui pourraient être amenés à repenser leurs dispositifs de crise au regard de l'accident de Fukushima.

La gestion de crise à la suite d'un accident nucléaire appelle la mise en oeuvre de réponses planifiées et préalablement testées lors d'exercices à différents niveaux. Cette gestion est fondée sur une répartition préétablie des rôles, et notamment une distinction des fonctions de décision et d'expertise.

a) L'articulation des niveaux d'intervention

Au niveau local, toute crise grave provoque le déclenchement, d'une part, du plan d'urgence interne (PUI) de l'exploitant nucléaire et, d'autre part, des dispositions particulières prévues par le plan particulier d'intervention (PPI) du site nucléaire, dans le cadre plus général du plan ORSEC, sous la responsabilité du préfet du département. Ces deux plans ayant des fonctions distinctes, leurs déclenchements respectifs ne sont pas liés, c'est-à-dire que tout déclenchement du PUI n'entraîne pas automatiquement la mise en oeuvre du PPI. L'échelon de la zone de défense et de sécurité est également mobilisé pour la préparation et l'exécution des mesures de sécurité nationale.

Ces dispositifs s'articulent avec une gestion nationale, voire internationale des crises.

En cas de crise grave, les dispositifs locaux déclenchent la mise en place d'organisations nationales de crise au sein des organismes concernés (exploitant, ASN, IRSN) ainsi qu'au niveau du ministère de l'Intérieur, par l'intermédiaire du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) qui prépare et coordonne l'action gouvernementale. Le COGIC informe en permanence le ministre de l'Intérieur et propose des modalités d'intervention.

Le Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) est chargé de veiller à la cohérence interministérielle. Il assure le secrétariat du comité interministériel aux crises nucléaires et radiologiques (CICNR) et informe, en outre, les plus hautes autorités de l'État (Président de la République et Premier ministre).

Des engagements internationaux précisent les obligations de notification et d'information aux organes de l'AIEA et à ceux de la Commission européenne et des accords frontaliers prévoient l'alerte d'autorités étrangères. En région Nord Pas-de-Calais par exemple, des accords de coopération en matière de sécurité civile ont été conclus avec les provinces du Hainaut et de Flandre Occidentale en Belgique. Une information est également prévue à l'intention des autorités britanniques. De façon générale, l'ASN assure la mission d'autorité compétente au titre des conventions internationales sur la notification rapide d'un accident nucléaire et sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique.

L'ensemble de la chaîne d'alerte, d'intervention et d'information est décrite par la directive interministérielle du 7 avril 2005 sur l'action des pouvoirs publics en cas d'événement entraînant une situation d'urgence radiologique, c'est-à-dire une « émission anormale de matières radioactives » ou une « irradiation anormale sans rejet de matières radioactives » de nature à porter atteinte à la santé des populations ou à l'environnement. Hors situation couverte par un plan de secours ou d'intervention (notamment PPI, plan de secours spécialisé pour les transports de matières radioactives, plans Pirate applicables aux menaces terroristes), des modalités d'intervention en réponse à un événement susceptible d'entraîner une situation d'urgence radiologique sont prévues par une circulaire interministérielle du 23 décembre 2005.

b) Les actions menées par l'exploitant nucléaire

Premier responsable de la sécurité de son installation, l'exploitant nucléaire a le devoir d'anticiper les accidents, de prévoir leurs conséquences, et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour en limiter les effets. En cas de crise, il déclenche son plan d'urgence interne (PUI) dont l'objet est de ramener l'installation à un état sûr et de limiter les conséquences de l'accident. Ce plan précise les modalités de l'interaction avec les pouvoirs publics.

LE PLAN D'URGENCE INTERNE (PUI)

Prévu par l'article L. 1333-6 du code de la santé publique, pour toute activité susceptible de provoquer un incident ou un accident de nature à porter atteinte à la santé des personnes par exposition aux rayonnements ionisants, le PUI est obligatoire pour toutes les installations nucléaires de base (INB). Il doit être transmis par l'exploitant à l'autorité de sûreté, préalablement à la mise en service de l'installation. Il peut être commun à plusieurs INB voisines ayant le même exploitant.

En application du décret du 2 novembre 2007, le PUI définit « les mesures d'organisation, les méthodes d'intervention et les moyens nécessaires que l'exploitant met en oeuvre en cas de situation d'urgence pour protéger des rayonnements ionisants le personnel, le public et l'environnement et préserver ou rétablir la sûreté de l'installation ». En outre, il « précise les modalités de mise en oeuvre des mesures incombant à l'exploitant en application du plan particulier d'intervention » 13 ( * ) .

Par ailleurs, le code de la santé publique précise les conditions de l'intervention des travailleurs en situation d'urgence radiologique. Il dispose notamment que des équipes spéciales d'intervention doivent être préalablement constituées et formées pour faire face à une situation d'urgence radiologique et fixe les limites de doses efficaces susceptibles d'être reçues lors des interventions.

INTERVENANTS EN SITUATION D'URGENCE RADIOLOGIQUE
(STATUT RÉGLEMENTAIRE)

1- Au sens du Code de la santé publique, sont considérés comme « intervenants en situation d'urgence radiologique » :

- les différentes catégories de personnels susceptibles d'être engagés dans la gestion d'une situation d'urgence radiologique ;

- toutes les personnes agissant soit dans le cadre de conventions avec les pouvoirs publics, soit dans le cadre des réquisitions prévues par l'article 17 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, sous l'autorité du directeur des opérations de secours, notamment au titre des plans d'urgence et de secours prévus par cette loi.

En vue de déterminer leurs conditions de sélection, de formation et de surveillance médicale et radiologique, les intervenants sont classés en deux groupes :

- le premier groupe est composé des personnels formant les équipes spéciales d'intervention technique, médicale ou sanitaire préalablement constituées pour faire face à une situation d'urgence radiologique ;

- le second groupe est constitué des personnes n'appartenant pas à des équipes spéciales mais intervenant au titre des missions relevant de leur compétence.

Les femmes enceintes ou allaitant et les personnes âgées de moins de dix-huit ans ne peuvent être intégrées dans les équipes du premier groupe. Lorsque le risque d'exposition aux rayonnements ionisants est avéré, les femmes enceintes ou allaitant et les personnes âgées de moins de dix-huit ans du second groupe sont exclues du périmètre du danger radiologique.

Les personnels appartenant au premier groupe font l'objet d'une surveillance radiologique et d'un contrôle d'aptitude médicale. Ils bénéficient d'une formation portant en particulier sur le risque associé à une exposition aux rayonnements ionisants. Ils disposent d'un équipement adapté à la nature particulière du risque radiologique lorsqu'ils sont engagés en opération.

Les personnes appartenant au second groupe bénéficient d'une information adaptée portant sur le risque associé à une exposition aux rayonnements ionisants.

Pour une intervention en situation d'urgence radiologique identifiée, des niveaux de référence d'exposition individuelle, constituant des repères pratiques, exprimés en termes de dose efficace, sont fixés comme suit :

- la dose efficace (*) susceptible d'être reçue par les personnels du groupe 1, pendant la durée de leurs missions, est de 100 millisieverts. Elle est fixée à 300 millisieverts lorsque l'intervention est destinée à protéger des personnes ;

- la dose efficace susceptible d'être reçue par les personnels du groupe 2 est de 10 millisieverts.

Un dépassement des niveaux de référence peut être admis exceptionnellement, afin de sauver des vies humaines, pour des intervenants volontaires et informés du risque que comporte leur intervention.

La dose efficace intègre l'ensemble des doses reçues par exposition interne et externe. Elle est évaluée selon les modalités définies en application de l'article R. 1333-10.

Les personnels appelés à intervenir doivent bénéficier de protections individuelles et être munis de dispositifs dosimétriques appropriés.

En aucun cas, la dose efficace totalisée sur la vie entière d'un intervenant ne doit dépasser 1 sievert.

2- Le code du travail, dans sa partie relative aux rayonnements ionisants, s'applique dès lors que des travailleurs sont susceptibles d'être exposés à un risque dû aux rayonnements ionisants survenant au cours d'interventions réalisées en situation d'urgence radiologique (sont visés par exemple les travailleurs des exploitants nucléaires).

Seuls les travailleurs volontaires peuvent réaliser les travaux ou les opérations prévues dans les situations d'urgence radiologique. Ils disposent à cet effet des moyens de dosimétrie individuelle adaptés à la situation.

Les travaux ou les opérations exposant aux rayonnements ionisants dans les situations d'urgence radiologique ne peuvent être confiés qu'aux travailleurs :

- appartenant à la catégorie A ;

- ne présentant pas d'inaptitude médicale ;

- ayant été inscrits sur une liste préalablement établie à cet effet ;

- ayant reçu une information appropriée sur les risques et les précautions à prendre pendant les travaux ou l'opération ;

- n'ayant pas reçu, dans les douze mois qui précèdent, une dose supérieure à l'une des valeurs limites annuelles fixées pour les expositions soumises à autorisation spéciale.

Les jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans, les jeunes travailleurs âgés de seize à dix-huit ans autorisés lors de leur formation à être occupés à des travaux les exposant aux rayonnements ionisants et les femmes enceintes ne peuvent être affectés à des travaux ou des opérations effectués lors d'une situation d'urgence radiologique.

Il peut être dérogé à cette valeur au cours d'expositions professionnelles de personnes intervenant dans une situation d'urgence radiologique sur la base des niveaux de référence d'exposition fixés en application des dispositions précitées du code de la santé publique (cf supra). Un dépassement de ces niveaux de référence peut être admis exceptionnellement dans le cadre d'opérations de secours visant à sauver des vies humaines pour des intervenants volontaires et informés du risque que comporte leur intervention.

_________

(*) Dose efficace (ou dose au corps entier) : somme fictive des différentes doses équivalentes affectant les différents organes.

Dose équivalente (ou équivalent de dose) : l'effet biologique produit par les rayonnements ionisants pour une même dose absorbée varie selon la nature du rayonnement et l'organe considéré. On calcule la dose équivalente en fonction de coefficients affectant l'organe considéré et le rayonnement produit.

Lors de l'audition précitée du 5 mai, trois des principaux exploitants nucléaires français (EDF, Areva et le CEA) ont précisé leur organisation face à l'éventualité d'une crise nucléaire.

Le schéma d'organisation de crise d' EDF est fondé sur les principes suivants :

- des équipes « action » distinctes des équipes « expertise » ;

- des équipes d'astreinte immédiate sur chaque site et au plan national spécifiquement formées et entraînées (cf. encadré ci-après) ;

- des locaux et moyens de télécommunications dédiés ;

- une intégration du retour d'expérience issu des exercices et des situations réelles. 300 exercices sont réalisés chaque année sur le parc EDF, soit une quinzaine d'exercices par site.

L'ORGANISATION DE L'ASTREINTE CHEZ EDF

L'astreinte immédiate concerne :

- environ 350 personnes par site nucléaire, réparties par équipes de 70 personnes qui sont d'astreinte une semaine sur cinq. L'équipe de 70 personnes est elle même divisée en plusieurs sous équipes correspondant à des fonctions de l'organisation (direction, sûreté, environnement, analyse technique indépendante, spécialités de maintenance). A noter que la taille de l'équipe est variable selon les sites (nombre de réacteurs, palier technologique...). Cette équipe est présente sur le site dans un délai de 30 mn.

- 300 personnes au niveau national réparties en 6 équipes de 50 personnes. L'équipe de 50 personnes est répartie en deux groupes principaux physiquement séparés (direction d'une part et appuis technique d'autre part, incluant notamment la sûreté, mais aussi l'expertise constructeur ou concepteur). Cette équipe est présente dans les locaux de crise dans un délai d'une heure.

La relève est organisée par les cellules logistiques. L'alerte de mobilisation des personnes d'astreinte est adressée à toutes les personnes qui figurent dans une équipe d'astreinte. Les personnes qui sont au tableau d'astreinte du jour se rendent immédiatement dans les locaux de crise, les autres accusent réception du message et signale leur disponibilité éventuelle pour une relève à venir. C'est le responsable logistique national qui, à partir des accusés de réceptions du message automatique d'alerte par les personnes qui ne figurent pas dans l'équipe d'alerte immédiate de la semaine, prépare la constitution de l'équipe de relève.

Source : EDF

Le représentant d'EDF a précisé, en outre, que la liste nominative des intervenants en situation de crise ne serait pas improvisée puisque l'exposition d'urgence faisait l'objet d'un cadre réglementaire précis : « les volontaires devront s'être déclarés et auront dû subir un suivi médical particulier avant l'accident 14 ( * ) » , l'enregistrement des doses étant également prévu.

Areva gère un spectre de risques plus larges, chimiques et nucléaires, lié à ses activités en amont et en aval du cycle du combustible au sein de ses deux grandes plateformes de La Hague et du Tricastin et à l'usine Melox de fabrication de combustible MOX (Marcoule).

Areva supervise, par ailleurs, une importante activité de transport. La gestion de crise y est fondée sur une capacité de mobilisation rapide (astreinte) et confortée par le retour d'expérience de situations réelles (Niger, Socatri, Fukushima). Des exercices nationaux et internationaux sont organisés, impliquant les différentes dimensions de l'organisation (technique, personnel, communication, juridique...) ainsi que les relations avec les parties prenantes (autorité de sûreté, politiques, médias).

Entre douze et quinze exercices de niveau national sont effectués chaque année, deux à quatre étant organisés avec l'ASN et l'administration. Un exercice sur 36 heures a été expérimenté en 2010, pour améliorer la gestion de crise dans la durée. Cet exercice s'est efforcé d'intégrer également la dimension politique de l'événement. Afin de gérer les problématiques spécifiques au transport de matières nucléaires, Areva a prévu une organisation de type PUI pour le transport, de même nature que l'organisation prévue pour les installations.

Enfin, le CEA a également présenté son fonctionnement en situation d'urgence, qui s'articule autour d'un centre de coordination en cas de crise (CCC), situé à Saclay, en liaison avec le site en difficulté et l'ensemble des autorités compétentes. Une démarche de simplification des procédures a été réalisée, afin de privilégier l'acquisition de réflexes immédiats et efficaces :

- réduction de la chaîne de responsabilité interne ;

- mise en place de fiches d'information immédiate d'une seule page permettant de faire remonter l'information de manière sécurisée.

Au sein du CEA, 19 exercices ont été réalisés en 2010, impliquant très souvent les responsables locaux. L'organisation de crise a également été confrontée à des situations réelles, cinq au cours de l'année 2010, dont une contamination au tritium à Saint-Maur-des-Fossés, ainsi qu'un accident dont l'occurrence était jugée très improbable : la perte totale, le 30 août 2006, de l'alimentation électrique sur le site de Cadarache.

L'organisation de la filière nucléaire française est propice à la mutualisation des moyens et diffère en cela de la situation japonaise. La présence d'un opérateur unique des centrales nucléaires en France permet de mettre en commun des moyens entre centres nucléaires de production électrique (CNPE) en cas d'accident au sein de l'un d'eux. La mutualisation est également possible entre opérateurs, comme en témoigne l'existence du GIE INTRA (groupe d'intervention robotique sur accidents) qui regroupe EDF, Areva et le CEA.

UN EXEMPLE DE MUTUALISATION : LE GIE INTRA

Depuis sa création en 1988, le Groupe d'Intervention Robotique sur Accidents (INTRA) a en charge de concevoir, exploiter et maintenir à disposition 24 h sur 24 h une flotte d'engins robotisés capables d'intervenir, à la place de l'homme, en cas d'accident nucléaire majeur, dans et autour des bâtiments industriels de ses membres. Il assure aussi la formation permanente de pilotes répartis au sein des installations des entreprises membres.

Le Groupe INTRA a été créé pour intervenir en cas d'accident nucléaire majeur dans une des unités de ses maisons mères.

Les équipes et le matériel doivent être prêts à intervenir dans un délai maximum de 24 heures sur l'ensemble du territoire français.

En cas de situation accidentelle majeure, la mobilisation des moyens INTRA peut être déclenchée par :

- le centre national de crise d'un des membres du Groupe INTRA ;

- les pouvoirs publics (direction de la défense et de la sécurité civile) ;

- une société étrangère bénéficiant d'une convention d'assistance.

L'équipe d'intervention, en astreinte 24h/24 est mobilisée immédiatement après l'alerte initiale, et à pied d'oeuvre dans les locaux du Groupe INTRA en moins d'une heure.

Source : GIE INTRA

c) La responsabilité de l'État

Garant de la sécurité des populations, l'État met en oeuvre les dispositifs de protection de la population propres aux installations nucléaires, dans le cadre plus général de l'organisation de la sécurité civile.

• Le cadre ORSEC

La loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, après avoir rappelé que l'État était garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national, et que « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile », définit le schéma général d'organisation de celle-ci. Ce schéma se fonde sur l'anticipation des événements, l'organisation d'une réponse planifiée et la réalisation d'entraînements et d'exercices, dans le souci de renforcer la culture du risque et de la sécurité. La loi est complétée par trois décrets d'application du 13 septembre 2005 15 ( * ) , relatifs respectivement aux plans communaux de sauvegarde (PCS), aux plans ORSEC et aux plans particuliers d'intervention (PPI).

ARTICLE 1 ER DE LA LOI DU 13 AOÛT 2004

« La sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature, l'information et l'alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en oeuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l'État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. »

L'organisation des secours au niveau départemental est déterminée par le plan ORSEC, arrêté par le préfet. Le nouveau dispositif ORSEC ainsi institué est bâti sur trois piliers :

- un recensement et une analyse préalable des risques et de leurs conséquences ;

- un dispositif opérationnel définissant une organisation unique de gestion des événements majeurs ;

- des phases de préparation, d'exercice et d'entraînement illustrant l'aspect pragmatique de la démarche.

Les dispositions générales du plan ORSEC sont applicables en toute circonstance, quelle que soit la cause de l'événement : l'objectif est de mettre en place une organisation opérationnelle permanente et unique de gestion des événements affectant la population, afin de favoriser l'acquisition de réflexes et la maîtrise partagée et pérenne du savoir-faire opérationnel. Les dispositions relatives à l'organisation du commandement s'appliquent, notamment la répartition des compétences entre le centre opérationnel départemental (COD), en préfecture, et le poste de commandement opérationnel (PCO), en sous-préfecture. Lorsque la crise à gérer dépasse le cadre départemental, l'échelon de la zone de défense et de sécurité intervient, notamment pour coordonner les opérations de sécurité civile, l'usage des forces militaires et maritimes, les relations transfrontalières, la circulation routière 16 ( * )

Une organisation spécifique existe pour optimiser l'intervention médicale (plan rouge) et l'accueil des victimes, y compris en grand nombre, au sein des structures hospitalières (plan blanc).

Des dispositions propres à certains risques technologiques sont néanmoins nécessaires ; elles figurent au sein des plans particuliers d'intervention (PPI).

• Les PPI

Obligatoire pour certaines installations et certains ouvrages, le PPI est arrêté par le préfet et révisable tous les cinq ans. Il prévoit les modalités de l'alerte et l'organisation des services en cas d'accident ou de risque d'accident, susceptible d'avoir une incidence sur la population et l'environnement à l'extérieur du site concerné.

INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE DEVANT FAIRE L'OBJET D'UN PPI

D'après le décret du 13 septembre 2005 relatif aux PPI, doivent faire l'objet d'un PPI, outre certaines installations classées pour la protection de l'environnement et certains aménagements hydrauliques, les sites comportant au moins une installation nucléaire de base (INB), qu'elle soit ou non secrète, de type suivant :

- un réacteur nucléaire d'une puissance thermique supérieure à 10 mégawatts ;

- une usine de traitement de combustibles nucléaires irradiés ;

- une usine de séparation des isotopes de combustibles nucléaires ;

- une usine de conversion chimique de combustibles nucléaires ;

- une usine de fabrication de combustibles nucléaires ;

- une unité de production de matières radioactives à usage militaire ;

- une unité de fabrication, d'assemblage ou de mise en oeuvre d'éléments intégrant des matières radioactives à usage militaire.

En conséquence de ces dispositions, 39 sites nucléaires sont inclus dans le champ d'un plan particulier d'intervention.

En cas d'accident, le PPI est déclenché par le préfet qui assure alors la direction des opérations de secours et active la chaîne de commandement. Depuis une circulaire du 10 mars 2000, qui a prescrit une révision des PPI relatifs aux INB, le PPI peut être activé selon deux modes :

- Le PPI est activé en mode réflexe lorsque l'accident est à cinétique rapide, c'est-à-dire qu'il risque de conduire à des rejets de radioactivité hors du site avant six heures.

- Le PPI est activé en mode concerté lorsque l'événement est à cinétique lente et qu'une montée en puissance échelonnée de l'organisation de crise est possible.

L'instauration d'un « mode réflexe » dans les PPI est venue en réponse à une lacune car les PPI étaient calibrés pour répondre à un accident majeur sur un réacteur nucléaire, mais prenaient mal en compte le risque de situations accidentelles à cinétique rapide mais aux conséquences moindres, possibles pour quelques situations identifiées sur les réacteurs EDF et plus couramment pour les autres installations nucléaires.

L'alerte à destination de la population est fondée sur l'utilisation de moyens d'alerte complémentaires. Le PPI en recense les modalités : sirènes PPI mises en oeuvre par l'exploitant sous la responsabilité du préfet dans un rayon de 2 km, système d'appel des populations en phase réflexe (SAPPRE) d'EDF pour ses installations, également sous la responsabilité du préfet, mise en oeuvre du réseau national d'alerte (RNA) et d'engins mobiles de diffusion d'alerte (EMA), application de conventions avec les médias (chaînes de radio et télévision). A titre d'exemple, le tableau ci-dessous répertorie les moyens d'alerte prévus par le PPI de Gravelines. Le 18 janvier 2011, lors de l'exercice réalisé autour du centre nucléaire de Gravelines, 6000 abonnés ont été appelés en cinq minutes. L'appel ayant été renouvelé six fois si personne ne décrochait, environ 71 % des appels ont abouti.

MOYENS D'ALERTE DE LA POPULATION PRÉVUS PAR LE PPI DE GRAVELINES

Moyens d'alerte

Déclenchés par

A destination de

Couverture

Sirène PPI

EDF

Des salariés et de la population résidant à proximité immédiate du site

Rayon de 2 km

Système SAPPRE

EDF

Message automatique envoyé par téléphone à tous les abonnés au téléphone de Gravelines, Grand-Fort-Philippe et du quartier du Clair Marais de Saint-Folquin ainsi qu'une liste particulière de numéros d'appels. Parmi ces numéros peuvent figurer les numéros des établissements industriels les plus proches de la centrale nucléaire.

Rayon de 2 km

Sirène RNA

Commune

Des administrés et salariés de la commune

Cf. Plan communal de sauvegarde

EMA

Commune/SDIS

Des administrés et salariés de la commune

Cf. Plan communal de sauvegarde

Moyens radiophoniques et audiovisuels

Préfecture (bureau de la communication interministérielle)

La population

Cf. conventions France Bleu Nord, Delta FM, France 3

Les principales actions de protection de la population (« contre-mesures ») prévues par les PPI sont la mise à l'abri, l'évacuation et l'administration d'iode stable :

- Les PPI des centrales nucléaires prévoient les dispositions nécessaires pour une mise à l'abri jusqu'à environ 10 km, et une évacuation jusqu'à environ 5 km, dans le cas de scénarios accidentels
« lents ». Dans l'hypothèse d'un scénario à cinétique rapide, une mise à l'abri dans un rayon de 2 km est retenue en phase « réflexe ».
On considère que la mise à l'abri réduit d'un facteur 2 la dose efficace par inhalation et d'un facteur 8 à 10 l'exposition externe. Quant à l'évacuation, elle peut être librement effectuée ou à l'aide de cars affrétés par les pouvoirs publics. Le 18 janvier 2011, 55 cars ont ainsi été affrétés dans le cadre de l'exercice autour de la centrale de Gravelines. Une base de données des entreprises de transport et des entreprises des travaux publics permet de joindre celles-ci jour et nuit.

- L'administration d'iode stable, qui protège contre l'iode radioactif, est prévue par les PPI, dans un rayon de 10 km. L'iode stable doit être ingéré deux heures avant l'inhalation pour atteindre une efficacité maximale (98 %). Il n'est plus efficace qu'à 50 % si la prise intervient 6 h après l'exposition. Les habitants du rayon des 10 km reçoivent à titre préventif des pastilles d'iode stable à consommer sur instruction du préfet. Au-delà de ce rayon de 10 km, la prise d'iode devrait être organisée à partir de stocks existants à cet effet, notamment à l'intention des enfants et femmes enceintes qui sont les populations les plus sensibles aux risques causés par l'iode radioactif. Une circulaire est en préparation pour préparer le stockage et la distribution d'iode en complément du système financé par les exploitants sur les zones PPI.

Pour les réacteurs à eau pressurisée (REP) français, ces périmètres ont été fixés à partir de scénarios élaborés par l'Institut de protection et de sûreté nucléaire dans les années 1970 et 1980, qui permettent d'estimer l'évolution, en fonction du temps, des distances auxquelles certains seuils de dose efficace sont reçus par la population, en cas d'accident impliquant la fusion du coeur d'un réacteur conduisant à des rejets différés (diffus autour de l'enceinte de confinement au cours des premières 24 heures, puis massifs au-delà de 24 heures) et filtrés.

Ces seuils de dose efficace sont les suivants :

- 10 mSV pour la mise à l'abri ;

- 50 mSV pour l'évacuation ;

- une « dose équivalente à la thyroïde 17 ( * ) » , antérieurement fixée à 100 mSV pour l'administration d'iode stable, abaissée récemment à 50 mSV par l'ASN pour accorder la pratique française à celle des pays limitrophes.

D'autres scénarios de référence ont été élaborés pour fixer le cadre des plans de secours d'autres installations, ou dans l'hypothèse d'un accident de transport.

Dans tous les cas, les périmètres de protection de la population retenus prennent en compte essentiellement les 24 à 48 premières heures d'un accident . Ils ne tiennent pas compte d'éventuels rejets accidentels sur une plus longue durée.

• La gestion post-accidentelle

Au-delà de la réponse de court terme, prévue par le dispositif ORSEC et par les PPI, l'ASN (alors DGSNR) a été chargée par la directive précitée du 7 avril 2005, en relation avec les départements ministériels concernés, d'établir le cadre, de définir, de préparer et de mettre en oeuvre les dispositions nécessaires pour répondre à la situation post-accidentelle.

Cette thématique a donné lieu à une réflexion au sein du Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d'une urgence radiologique (CODIRPA), piloté par l'ASN en lien avec de nombreux partenaires.

Les actions préconisées en sortie de phase d'urgence impliquent l'établissement d'un zonage du territoire incluant :

- une zone de protection de la population (ZPP) où seront engagées des actions de décontamination ;

- une zone de surveillance renforcée des territoires (ZST) à l'intérieur de laquelle la consommation et la commercialisation des denrées alimentaires produites seront interdites puis, dans un second temps, soumises à un contrôle libératoire en se basant sur les niveaux de radioactivité maximum admissibles fixés par la Commission européenne ;

- le cas échéant, une zone d'éloignement des populations, à l'intérieur de la ZPP, si les niveaux d'exposition externe dus aux dépôts le justifient.

d) Les réponses de proximité

Enfin, la planification est déclinée à l'échelle des communes, au plus près des populations et du terrain. Les communes dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou comprises dans le champ d'application d'un PPI ont l'obligation d'élaborer un plan communal de sauvegarde (article 13 de la loi précitée du 13 août 2004). Celui-ci détermine les mesures immédiates à prendre et les moyens à mettre en oeuvre pour protéger la population, en fonction des risques connus. Il est l'outil opérationnel à la disposition du maire pour l'exercice du pouvoir de police en cas d'événement de sécurité civile, lui permettant d'être le partenaire principal du préfet, directeur des opérations de secours lors de la gestion d'un événement majeur.

La mise en place des plans communaux de sauvegarde (PCS) dans les communes concernées est toutefois lente, et leur contenu est variable. Environ 50 % des communes qui ont l'obligation d'élaborer un plan (soit 17 à 20 % des communes) l'ont effectivement adopté. Les plans devraient être prochainement relancés, d'une part en raison de la modification du zonage sismique, qui fait entrer un grand nombre de communes en zones à risques, et d'autre part en raison du projet de loi relatif au risque de submersion marine, qui dispose que les communes où un plan de prévention des risques de submersion sera prescrit devront mettre en place un PCS.

Par ailleurs, un recensement des PCS adoptés ou non dans les zones incluses dans un PPI nucléaire est en cours . Il devrait permettre de rendre compte, d'ici à la fin de l'année, de l'état de préparation des communes confrontées au risque nucléaire.

LE RÔLE DES COMMUNES DANS LE DISPOSITIF ORSEC

Les missions qui relèvent de la compétence des communes dans le cadre ORSEC sont :

- l'alerte et l'information des populations,

- l'appui aux services de secours,

- le soutien des populations (hébergement, ravitaillement...),

- l'information des autorités.

La réalisation d'un PCS est donc fortement conseillée pour toutes les communes, au-delà de celles dans lesquelles elle est obligatoire, pour prendre en compte leurs missions ORSEC.


* 12 Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

* 13 Décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives (article 20).

* 14 M. Dominique Minière, directeur du parc nucléaire à EDF, audition ouverte à la presse du 5 mai 2011.

* 15 Décret n° 2005-1156 relatif aux plans communaux de sauvegarde, décret n° 2005-1157 relatif aux plans Orsec et décret n° 2005-1158 relatif aux plans particuliers d'intervention.

* 16 Décret n° 2010-224 du 4 mars 2010 relatif aux pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité

* 17 Voir ci-dessus la définition de la dose équivalente, dans l'encadré « Intervenants en situation d'urgence radiologique »

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