Audition de M. Dominique-Jean CHERTIER,
président du conseil d'administration de Pôle emploi
(mardi 29 mars 2011)

M. Serge Dassault , président . - Monsieur le président, je vous remercie pour votre présence. Nous souhaitons connaître votre point de vue sur la manière dont s'est opérée la fusion, sur le fonctionnement de Pôle emploi et sur les partenariats noués avec les autres acteurs du service public de l'emploi.

M. Dominique-Jean Chertier . - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue au sujet de Pôle emploi.

Je vous propose tout d'abord de replacer la création de cette institution dans une perspective historique. En 1958, l'assurance chômage a été créée, avec le réseau des Assedic et l'Unedic pour piloter l'ensemble. En 1967, l'ANPE voit le jour. A la différence d'autres pays, la France comporte donc, dès l'origine, deux institutions de nature différente, relevant de droits différents. En 2007, les pouvoirs publics décident du principe de leur fusion. La loi du 13 février 2008 organise la création de Pôle emploi. La mise en place de cette nouvelle institution débute, en mai 2008, par la création d'une instance nationale provisoire qui préfigure le conseil d'administration de Pôle emploi. Parallèlement, les deux institutions continuent à fonctionner. La création effective de Pôle emploi a lieu à la fin de l'année 2008. Bizarrement, la convention tripartite régissant les rapports entre Pôle emploi, l'Unedic et l'Etat est signée postérieurement, le 2 avril 2009. Elle a, en tout cas, été négociée avant la crise.

Cette fusion ayant eu lieu, une question se pose. Aurait-on pu agir différemment ? La réponse est probablement positive. Le statu quo aurait pu être conservé et la séparation entre le réseau des Assedic et celui de l'ANPE aurait pu perdurer.

Cependant, d'ores et déjà, des rapprochements avaient été opérés. Dans les années 1990, l'inscription des demandeurs d'emploi (IDE) a été transférée de l'ANPE au réseau des Assedic. La logique d'un tel transfert paraissait claire, puisque la première préoccupation d'une personne ayant perdu son emploi est de connaître le montant de son allocation. La frontière est devenue plus poreuse quand l'Unedic et les Assedic ont commencé à s'occuper, même de façon marginale, de placement. Des réseaux privés se sont vus confier ce type de mission, à titre expérimental.

La confusion a été portée à son comble quand le réseau des Assedic s'est mis à effectuer du profilage, c'est-à-dire à évaluer la difficulté, pour un chômeur, de retrouver un emploi. Il n'était pas rare, quand un demandeur d'emploi allait s'inscrire et effectuer ses démarches d'indemnisation à l'Assedic, que ce profilage lui soit proposé. Or l'opération recommençait à l'ANPE. Une clarification est apparue nécessaire pour éviter ces redondances.

Une autre attitude, plus « libérale », aurait pu consister à confier au réseau des Assedic l'inscription et l'indemnisation et à déléguer le placement à un opérateur public ou à des opérateurs privés, selon le choix des intéressés. Ce système existe dans d'autres Etats : en Californie, les demandeurs d'emploi effectuent eux-mêmes des démarches auprès d'un organisme privé ou semi-étatique, avant d'en rendre compte à l'organisme chargé de leur indemnisation. Cette option n'a pas été retenue, en France.

L'unification des réseaux, au sein d'une institution qui emploie 50 000 personnes, est loin d'être simple. Il faut constituer l'organigramme, bâtir le premier budget alors que chaque institution, jusqu'à présent, bâtissait son budget de manière différente. En outre, il convient d'uniformiser des réseaux informatiques particulièrement lourds. Il faut également négocier le statut des personnels. Les anciens agents de l'ANPE se sont vus proposer le choix entre le maintien de leur statut public et l'adoption d'un statut de droit privé inspiré de celui appliqué aux Assedic. Les anciens agents des Assedic sont couverts par la nouvelle convention collective qui a été négociée, de même que les nouveaux embauchés. Au total, un nombre très important d'agents de l'ex-ANPE ont opté pour la convention collective.

Par ailleurs, le conseil d'administration s'est mis en place : il rassemble des représentants de l'Etat, du patronat, des syndicats, un représentant des collectivités territoriales et deux personnalités qualifiées, dont je fais partie.

Dans chaque région, une instance paritaire réunit les partenaires sociaux. Elle favorise les échanges sur la situation régionale de l'emploi. Elle permet aussi de porter une appréciation sur le fonctionnement local de Pôle emploi et de traiter les dossiers contentieux qui ne sont pas gérés par les directions de Pôle emploi, par exemple des admissions en non-valeur ou le règlement des indus. La mise en place de ces instances paritaires régionales s'est avérée complexe. Les difficultés ont essentiellement résulté des débats internes au monde patronal. Une organisation patronale ayant considéré que j'avais agi brutalement, l'affaire a même été portée devant le Conseil d'Etat. Mon souci était cependant de mettre en place ces instances, dont la création avait été décidée par le législateur, et de faire en sorte que les dossiers contentieux soient traités.

Par ailleurs, il a été procédé à une simplification de l'accès aux services. Des numéros d'appel uniques, tant pour les demandeurs d'emploi que pour les employeurs, ont été institués. Tous les mois, les taux de réponse et les délais de réponse font l'objet d'un suivi.

Pour des raisons immobilières, il n'a pas été facile de regrouper les personnels au sein de sites uniques. Proposer des locaux centralisés, y compris au sein d'une même ville, est une affaire complexe. Cependant, dans la plupart des cas, le demandeur d'emploi ou l'employeur disposent d'un point d'accueil unique, même si certains usagers doivent encore se rendre en deux sites différents. A ce titre, en octobre 2010, les pouvoirs publics ont réalisé une enquête auprès de 100 000 personnes, notamment auprès de demandeurs d'emploi qui avaient déjà été au chômage auparavant. Selon cette enquête, les deux tiers des personnes interrogées considèrent que le traitement de l'ensemble des formalités en un seul lieu constitue une avancée sensible.

L'amplitude des horaires de travail a fait l'objet d'une uniformisation. Désormais, l'ensemble des bureaux sont ouverts au public trente-cinq heures par semaine. Par ailleurs, les entretiens redondants ont été supprimés, pour éviter aux demandeurs d'emploi d'avoir à répondre aux mêmes questions ou à effectuer plusieurs fois les mêmes formalités.

S'agissant de l'offre de services, l'amélioration a consisté à définir trois niveaux de suivi : un parcours d'appui est proposé aux demandeurs d'emploi les plus autonomes ; un accompagnement, à ceux qui sont plus éloignés de l'emploi ; enfin, certains demandeurs d'emploi se lancent dans l'aventure de la création d'entreprise.

Désormais, tous les demandeurs d'emploi, quelle que soit leur indemnisation, sont reçus de la même façon. Aucun service privilégié n'est réservé à un demandeur d'emploi au motif que son indemnisation est supérieure. Cette évolution constitue, depuis la création de Pôle emploi, une avancée essentielle.

Néanmoins, la création de Pôle emploi s'est élaborée dans un contexte de fortes contraintes, à la fois conjoncturelles et structurelles. Alors que cette institution a été officiellement créée au début de l'année 2009, elle a dû accueillir, chaque jour, dès le mois de janvier, 3 000 demandeurs d'emploi supplémentaires. Il est devenu plus difficile, en pleine crise, de leur proposer des débouchés : les employeurs se montraient plus préoccupés de sauver leur entreprise que de créer des emplois. L'orientation que le conseil d'administration a donnée à la direction générale a consisté à concentrer les missions de Pôle emploi sur les tâches d'inscription et d'indemnisation. Ayant vécu la crise de 1992-1994, à la tête de l'Unedic, je gardais le souvenir des difficultés rencontrées par les demandeurs d'emploi lorsque l'indemnisation leur parvenait tardivement dans le mois. Pôle emploi a fait le nécessaire : les retards de paiement sont restés très limités et le nombre de dossiers en instance n'a jamais représenté plus de deux jours de traitement.

Cependant, l'image de Pôle emploi a pâti de ce contexte de crise. Lorsque les offres d'emplois sont rares et que les personnes inscrites affluent aux guichets, ces personnes repartent persuadées que Pôle emploi ne propose aucun débouché. En outre, lorsque les personnels consacrent tous leurs efforts à l'inscription et à l'indemnisation, qui constituent deux missions fondamentales, le temps manque pour prospecter les entreprises et trouver des offres d'emploi.

Dans le cadre du plan de relance lancé par le pouvoir exécutif, des aides variées ont été mises en place, ajoutant au travail quotidien des agents. Cette situation n'a d'ailleurs pas changé, alors même qu'une sortie de crise s'amorce. Les pouvoirs publics se préoccupent, à juste titre, du chômage de longue durée. En effet, comme au début des années 1990, la reprise bénéficie d'abord aux jeunes et aux personnes qui ont perdu leur emploi récemment. Pour les autres publics, le chômage de longue durée risque de perdurer, accentuant les situations d'exclusion. Lorsque les pouvoirs publics mettent l'accent sur l'accueil de quelque 800 000 personnes, le rythme habituel du travail des agents s'en trouve bouleversé.

D'autres contraintes, récurrentes, portent sur les moyens dont Pôle emploi dispose. Les représentants du personnel, bien légitimement, insistent sur cette question. Il convient de trouver un équilibre entre les contraintes budgétaires de l'Etat et le point de vue des partenaires sociaux. Il convient également, lorsque l'on assume les responsabilités de président du conseil d'administration, de favoriser les gains d'efficacité en supprimant les redondances et en revisitant les procédures : l'objectif consiste à dégager, à moyens constants, des possibilités opérationnelles plus importantes. Or l'Etat annonce parfois les réductions budgétaires de façon inopinée, ce qui, au sein d'un conseil d'administration, soulève de l'irritation.

D'autres contraintes sont liées aux métiers. Nous avions pensé, peut-être benoîtement, que le mariage des métiers au sein de Pôle emploi serait facile. Or, nous constatons que l'inscription et l'indemnisation d'un côté, et le placement de l'autre, restent deux métiers de nature différente. Certains agents peuvent se montrer polyvalents mais d'autres n'y parviennent pas. Il est donc préférable que les personnes travaillent en binôme, plutôt que de les contraindre à exercer ces deux métiers.

Pôle emploi doit désormais travailler sur plusieurs objectifs.

Premièrement, l'offre de services doit tenir compte non du niveau de l'indemnisation du demandeur d'emploi mais de sa distance à l'emploi, qui peut nécessiter un accompagnement renforcé. Une segmentation des services doit être recherchée en fonction des différents publics.

Deuxièmement, Pôle emploi doit retravailler ses relations avec les autres acteurs de l'emploi. Lors de la fusion entre les deux institutions, une phase de forte centralisation s'est avérée inévitable. Cependant, Pôle emploi n'a pas de vocation « impérialiste », d'autant que cette conception serait particulièrement inefficace. Sur le terrain, il existe une multiplicité d'acteurs dans les domaines de la formation, du placement, ou encore de l'orientation des jeunes. Le rapport présenté au conseil d'administration par Mme Rose-Marie Van Lerberghe, ancienne déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, insiste sur ce point.

Troisièmement, en termes de gouvernance, il conviendra de retravailler la place respective des partenaires sociaux et de l'Etat. Dans les prochains jours, je présenterai des propositions aux ministres du travail et du budget.

En conclusion, Pôle emploi est une institution qui a fortement souffert. Comment en serait-il autrement, alors que sa mise en place s'est effectuée dans le contexte d'une crise survenue avec une telle rapidité ? Certes, la destruction des emplois, proportionnellement à l'emploi salarié global, s'est avérée moindre que lors des crises précédentes. Néanmoins, elle s'est manifestée de façon particulièrement violente, touchant des populations déjà fragilisées, essentiellement les intérimaires et les titulaires de CDD. L'institution en a supporté le contrecoup, en tentant de remplir au mieux ses obligations.

L'emploi constitue une problématique de terrain. Dans le cadre de la décentralisation, il existe des spécificités propres aux régions, de la Franche-Comté à la Bretagne ou au Nord-Pas-de Calais. Pôle emploi doit donc s'attacher maintenant à travailler de manière beaucoup plus décentralisée.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Concernant l'implantation géographique des agences, quels sont les objectifs du conseil d'administration ? Dans mon département, certains points d'accueil sont appelés à disparaître. Les agents, mais aussi les élus sont inquiets.

S'agissant de l'organisation du travail, les syndicats soulignent qu'ils ne savent pas où ils vont, ignorant quels postes seront supprimés. Le recours aux CDD, qui a été décidé lors de la crise, est désormais freiné. Les objectifs, en termes de service rendu, vont-ils être élargis pour aller au-delà de la seule indemnisation ?

Enfin, comment voyez-vous évoluer les relations avec les cotraitants de Pôle emploi, comme les missions locales ou Cap emploi ?

Mme Annie David . - En complément à ces questions, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le statut juridique de Pôle emploi ? Les personnels ont du mal à déterminer si les contentieux doivent être traités par le tribunal de grande instance ou le tribunal administratif.

Par ailleurs, les organisations syndicales mettent l'accent sur la perte du sens que ressentent les agents dans leur métier, par rapport à la mission de service public assumée auprès des usagers, qu'il s'agisse des demandeurs d'emploi ou des entreprises. Les métiers s'avérant différents, ne conviendrait-il pas de favoriser le travail en binôme qui commence à se mettre en place ?

S'agissant du placement, celui-ci va de pair avec le lien qu'il est nécessaire d'entretenir avec les entreprises. Or ce lien n'apparaît pas suffisamment étroit.

Pourriez-vous également préciser dans quels domaines des redondances ont été constatées entre les ex-Assedic et l'ex-ANPE ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Vous avez décrit le contexte de crise dans lequel le travail des agents s'est effectué, qui les a conduits à se concentrer sur les tâches d'inscription et d'indemnisation. Je voudrais évoquer le contrôle des demandeurs d'emploi, ainsi que les radiations. Parmi maints exemples, je citerai le cas d'une mère seule, en situation de chômage de longue durée. Etant souffrante, et ne pouvant se rendre à son entretien mensuel personnalisé, cette femme a joint une conseillère de Pôle emploi : celle-ci lui a demandé de justifier son absence à l'entretien et ses recherches d'emploi par mail. Or quelques jours plus tard, une radiation lui a été notifiée, la privant de son indemnisation. Ayant effectué un recours, cette femme s'est vue répondre que, selon la jurisprudence administrative, un certificat médical était requis, qu'elle n'avait pas produit. Or ce document ne lui avait pas été demandé par la conseillère de Pôle emploi. Ce dysfonctionnement n'a fait qu'aggraver sa situation de précarité. Je pourrais citer d'autres cas, tout aussi terribles. L'un des objectifs du contrôle des demandeurs d'emploi consiste probablement à les radier des statistiques.

M. Ronan Kerdraon . - Monsieur le président, vous venez d'énoncer, pour Pôle emploi, des objectifs que les syndicats n'ont pas forcément perçus, ce qui résulte peut-être de la méthode mise en place. En effet, tout comme la crise de 2008-2009, la fusion a été menée de façon très rapide et particulièrement violente pour les salariés. Aujourd'hui, cet élément pèse lourd dans le dialogue social et sur les usagers. Une réflexion est-elle engagée à ce sujet ? Comment rendre la démarche de Pôle emploi plus compréhensible et mieux partagée ?

Par ailleurs, Pôle emploi n'est pas épargné par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Des suppressions de postes sont prévues. Dans mon département, Pôle emploi a longtemps employé des personnes en CDD, dont le contrat était périodiquement renouvelé. Ainsi, des salariés se sont vus renouveler sept fois leur contrat en huit ans. Dans le secteur privé, voire dans certaines institutions publiques, leur titularisation aurait été obligatoire. Or Pôle emploi les a renvoyés sur le marché du travail. Humainement, cette situation est-elle acceptable ? Pôle emploi se devrait de faire preuve d'une éthique en la matière.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Dans mon département, le plan local d'insertion est pratiquement inexistant. De toute évidence, il n'existe pas d'articulation suffisante entre Pôle emploi et le secteur de l'insertion par l'économique, depuis les chantiers d'insertion jusqu'aux régies de quartier. Si cette institution ne sait pas aborder cette problématique, la précarité de tels publics ne peut qu'empirer.

Concernant l'offre de services, une distinction est aujourd'hui opérée entre deux catégories de demandeurs d'emploi, si je mets de côté le cas de la création d'entreprise. Cette organisation de l'offre de services est-elle pertinente ? Comment envisagez-vous le travail avec les autres acteurs de terrain ?

Enfin, s'agissant de la gouvernance, les organisations syndicales que nous venons d'interroger évoquent une situation d'opacité, l'absence de dialogue interne. Ils expriment une demande de transparence au sein de Pôle emploi.

M. Serge Dassault , président . - Certains syndicats ajoutent que la situation était plus favorable avant la fusion. Le passage du droit public au droit privé semble poser des problèmes. De toute évidence, Pôle emploi manque de personnel et le budget consacré à la formation reste insuffisant. Des problèmes de locaux se posent également. J'avais demandé une augmentation des crédits en faveur de l'insertion des jeunes mais je n'ai pas été suivi.

M. Dominique-Jean Chertier . - Tout d'abord, s'agissant du régime juridique, il existe deux sources normatives principales, la loi et la convention d'assurance chômage. Le médiateur, dans son dernier rapport, a évoqué cette difficulté. Les contentieux sont tantôt orientés vers les tribunaux administratifs, tantôt vers les tribunaux civils. Je ne suis pas sûr cependant que cette difficulté puisse être résolue à court terme car les partenaires sociaux sont attachés à leurs prérogatives en matière d'assurance chômage.

S'agissant des redondances entre les ex-Assedic et l'ex-ANPE, l'une d'elles portait sur le profilage, comme je l'ai indiqué. Cette démarche, mise en oeuvre par l'Assedic, était souvent reconduite à l'ANPE.

En ce qui concerne l'implantation régionale de Pôle emploi, j'avais demandé à Mme Bernadette Malgorn, lorsqu'elle siégeait au sein de l'instance nationale provisoire, de réaliser un rapport sur cette question. J'ai souhaité que les instances paritaires régionales, qui connaissent bien le terrain, jouent un rôle important dans ce domaine. Globalement, les points d'accueil seront moins nombreux. Cependant, certaines antennes de l'ANPE et des Assedic se trouvaient auparavant très proches, ce qui justifie une fusion des locaux. Au total, nous veillons à ce que la distance entre un demandeur d'emploi et une agence ne soit pas excessive.

En ce qui concerne l'organisation du travail, je rappelle que je suis président d'un conseil d'administration et non directeur général. Je n'ai donc pas à interférer sur des questions comme la gestion des relations avec les partenaires sociaux en interne, ce qui paraîtrait d'autant plus maladroit que siègent au conseil d'administration les représentants des organisations syndicales.

S'agissant des effectifs, d'importants débats ont lieu et des études sont en cours. Il convient de relativiser la comparaison avec d'autres pays. En outre, les psychologues de l'Afpa et les personnels anciennement chargés du recouvrement au sein des Assedic constituent des apports supplémentaires. En ce qui concerne les CDD, la situation ancienne qui a été évoquée concerne l'ex-ANPE.

La question de la « culture d'entreprise » de Pôle emploi reste difficile. Celle-ci ne se mettra pas en place du jour au lendemain. Dans certains cas, une personne peut assumer deux métiers, quand la pression ne s'avère pas trop forte. Par ailleurs, je crois beaucoup à la notion de collectif de travail. Face à un demandeur d'emploi, des agents peuvent constituer un binôme.

La situation était-elle meilleure auparavant ? J'ai vécu de nombreuses situations de fusion au sein de différentes entreprises, chez Usinor-Sacilor ou Air France, et je sais que les salariés conservent longtemps le souvenir de leur ancienne maison. L'enjeu consiste à dépasser cette nostalgie, sans la gommer pour autant, en se projetant vers des objectifs positifs.

La décentralisation et la territorialisation constituent une ouverture vers la sous-traitance ou la co-traitance. La capacité à travailler ensemble, sur la base d'un cahier des charges, et à apprécier le service rendu par tel ou tel partenaire paraît indispensable. Cependant, pourquoi confie-t-on à la sous-traitance les chômeurs qui vivent les plus grandes difficultés ? On peut se poser la question. Quoiqu'il en soit, plus la régionalisation sera effective, plus les personnels de Pôle emploi seront impliqués dans la démarche.

Quand une institution est périodiquement attaquée de l'extérieur, ces attaques peuvent susciter des phénomènes de repli. Je me souviens de personnes, lorsque j'exerçais des fonctions aux Assedic, qui avaient tendance à dissimuler leur profession et qui, par la suite, en sont devenues fières. Encore faut-il que la collectivité reconnaisse leur apport. Certes, il existe des cas douloureux : la réglementation s'applique globalement et ne tient pas toujours compte des spécificités de chacun.

Le médiateur national apporte son soutien aux médiateurs qui exercent dans l'ensemble des régions. Il ne faut pas hésiter à saisir ces instances. Souvent, dans le contexte d'une réglementation complexe et changeante, les agents ont peur de prendre des décisions qui pourraient faire jurisprudence.

En ce qui concerne les radiations, je tente de les suivre en termes de statistiques et de déceler d'éventuelles évolutions. Mois par mois, des variations peuvent être constatées. Cependant, depuis l'époque où j'exerçais des fonctions au sein de l'Unedic, c'est-à-dire depuis 1992, je n'ai pas assisté à des évolutions majeures, ni à l'injonction d'un gouvernement pour opérer des radiations massives. D'ailleurs, même si des pressions de cette sorte s'exerçaient sur les agents, ils ne s'y plieraient pas facilement. On ne vient pas travailler par hasard à Pôle emploi, pas plus que dans les hôpitaux, il faut posséder une fibre sociale. Même si des réactions de saturation s'expriment, les agents sont très sensibles aux difficultés des publics qu'ils côtoient.

Du travail collectif reste à effectuer. Après la phase de mise en place et la crise que nous avons traversée, il convient de définir une nouvelle étape, et de trouver un nouveau souffle. Pôle emploi est une institution encore jeune. La pire situation consisterait en un repli sur elle-même, dans un déni de la réalité. A l'inverse, un excès de critiques infondées constituerait l'autre écueil.

En France, le taux de chômage peine depuis longtemps à descendre en-dessous de 8 % de la population active. Chez les jeunes, il atteint 25 %. Chaque année, six millions de personnes passent par Pôle emploi. Cette institution rend de grands services. La communauté nationale doit l'inciter à mieux faire sans lui imputer toutes les difficultés d'ordre économique que le pays rencontre. Les agents exercent un métier difficile. Ils n'ont pas forcément de réponse à fournir aux personnes à la recherche d'un emploi, alors que cette problématique constitue la préoccupation majeure des Français.

M. Serge Dassault , président . - Je vous remercie, monsieur le président, et je vous propose, en septembre-octobre, de préciser vos besoins budgétaires pour 2012, afin que vous puissiez travailler dans de meilleures conditions, dans l'objectif primordial de réduire le nombre de demandeurs d'emploi.

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