2. Les ports français ne parviennent pas à enrayer leur déclin
a) Les ports français enregistrent de piètres performances depuis 20 ans

Entre 1989 et 2006, le trafic des ports français a augmenté de 24 %, contre une moyenne de 60 % pour les ports européens 19 ( * ) ; la part de marché des ports français est passée de 18 % à 14 %. Le port de Marseille n'occupe plus que la cinquième place en Europe, le port d'Amsterdam ayant pris l'ascendant depuis deux ans. L'aire d'influence du port de Marseille atteint seulement 66 % dans le sud-est de la France, et chute à 7 % dans l'est de la France 20 ( * ) . Quant au port du Havre, sixième port européen pour le trafic total, il est talonné par Brême et Valence.

S'agissant des conteneurs, on estime qu'entre un tiers et la moitié des conteneurs à destination de la France transitent par des ports étrangers. Cette évaluation est complexe car depuis 1993, la douane ne fait pas de distinction entre les vecteurs d'acheminement (air, mer, route, fer) ni entre les modalités d'acheminement (conteneur ou vrac). Pour les douanes, toutes marchandises comprises, la part des importations françaises transitant par un autre État membre, en valeur, serait passée de 11 % en 2000 à 16 % en 2008, et se serait stabilisée depuis ; cette statistique globale recouvre des variations sectorielles importantes : pour l'électronique grand public, par exemple, dont l'acheminement est assuré entièrement par conteneur, 40 % des importations françaises transitent par un autre État-membre - ce qui revient quasiment à dire : par les ports du range Nord concurrents du Havre.

Le trafic de conteneurs a doublé en France entre 1989 et 2006, pour atteindre 35,6 millions de tonnes en 2006, mais les parts de marché des ports français ont été divisées par deux sur ce segment, pour atteindre 6 % . Selon le responsable du port fluvial de Paris, la région francilienne reçoit un million de conteneurs par an, dont la moitié provient du port du Havre (soit un cinquième des conteneurs havrais), l'autre moitié d'Anvers, étant rappelé que le port d'Anvers envoie 15 % de ses conteneurs en France, soit plus d'un million par an. Sur ces 500 000 conteneurs -débarqués dans le port flamand, et à destination de la Région Île-de-France-100 000 sont transportés directement par camion, les autres étant traités dans les zones logistiques belges. A titre d'exemple, votre groupe de travail a appris que sur les 12 700 conteneurs à destination d'Auchan France et de l'entrepôt européen d'Auchan en 2010, un cinquième transitait par les ports de Zeebrugge et d'Anvers.

La situation après la crise économique de 2009 n'a pas renforcé la position des ports français. En effet, le tonnage du port de Marseille a chuté de 17 millions de tonnes entre 2006 et 2009, passant de 100 à 83 millions de tonnes.

b) En dépit d'atouts indéniables en termes de positionnement géographique et d'infrastructure

La France dispose d'atouts maritimes indiscutables. Jouissant de la première zone économique maritime mondiale, devant les États-Unis, grâce notamment à ses territoires ultramarins, notre pays occupe une place de carrefour au centre de l'Europe de l'ouest. Possédant l'ensemble côtier le plus long d'Europe, la France est le seul pays à être ouvert sur quatre façades maritimes, avec des ports placés à des endroits stratégiques sur chacune d'elle : Dunkerque sur la mer du Nord, le Havre sur la Manche, Nantes/Saint-Nazaire, Bordeaux et La Rochelle sur la façade atlantique, et Marseille sur la façade méditerranéenne. Les grands ports maritimes français possèdent des réserves foncières considérables, alors que les ports d'Hambourg, de Rotterdam et d'Anvers sont saturés. De plus, la France dispose d'un réseau routier, et, dans une moindre mesure, fluvial et ferroviaire, assurant un bon maillage du territoire mais le vieillissement des réseaux de transport est un sujet de préoccupation fondamental pour votre commission 21 ( * ) .

Votre groupe de travail rappelle que les ports du Havre et de Rouen occupent une place privilégiée pour alimenter la région francilienne, la plus importante d'Europe en termes de produit intérieur brut. La réussite du projet du Grand Paris Express est indissociable de la création d'un axe Seine performant pour le développement fluvio-portuaire. La région francilienne est le premier bassin d'emploi d'Europe, avec 5,3 millions d'emplois, la deuxième région européenne en matière d'investissements étrangers et son produit intérieur brut représente 4,5 % du PIB de l'Union européenne et 28 % du PIB national.

Les ports normands pourraient également alimenter le centre de l'Europe. De fait, le trajet par bateau entre le Havre et les ports du Nord de l'Europe dure entre deux et trois jours. Il y a donc une carte à jouer très intéressante pour les ports normands s'ils disposaient d'une desserte ferroviaire et fluviale performante. Une marchandise débarquée au Havre par un porte-conteneurs pourrait en théorie atteindre l'Allemagne par voie de chemin de fer ou par voie fluviale avant que ce même navire n'atteigne le port d'Hambourg.

De même, le port de Marseille pourrait devenir le premier port en Méditerranée pour les conteneurs , grâce à ses nombreux avantages naturels et ses infrastructures:

- ses quais sont en eau profonde et d'accès très facile, ce qui permet aux gros, voire très gros navires d'accoster ;

- environ 80 % du terrain n'est pas utilisé à Fos, dont la surface totale avoisine 10 000 hectares, soit la superficie de la ville de Paris (105 km²) ;

- les conditions climatiques sont globalement favorables (pas de marée ni de brume comme dans les ports du Nord de l'Europe, même si parfois la manutention est contrariée par des vents violents) ;

- l'accès est direct vers Lyon et le centre de l'Europe via l'axe rhodanien, ce qui épargne 5 jours de navigation par rapport aux ports du Nord de l'Europe (en outre, Marseille ne pâtit pas d'obstacles montagneux contrairement aux ports italiens et espagnols) ;

- Marseille est le seul port méditerranéen à disposer de tous les modes de transport pour desservir l'arrière-pays (fleuve, train, route et pipeline).

Bien entendu, le positionnement stratégique de Marseille ne suffit pas à assurer son essor : le déclin de Marseille est exemplaire du décrochage des ports français .

Votre groupe de travail a également constaté le dynamisme du port de Dunkerque. Son trafic potentiel est estimé à 200 millions de tonnes, et il pourrait concurrencer très sérieusement dans les années à venir les ports flamands et hollandais.

De manière générale, il ne faut pas opposer les deux grands ports français et les autres ports, car leur développement est complémentaire. En effet, les ports du Havre et de Marseille ont une double mission : d'une part, accueillir de gros navires porte-conteneurs pour irriguer leurs arrière-pays ; d'autre part, redistribuer ces marchandises vers les autres ports. Ainsi, le développement des ports du Havre et de Marseille profite aux autres ports, et les ports de l'Atlantique souhaitent que le port normand poursuive sa croissance.


* 19 Cf. le rapport sur la modernisation des ports autonomes, Inspection générale des finances, Conseil général des Ponts et Chaussées, établi par Anne Bolliet, Claude Gressier, Michel Laffitte, René Genevois, juillet 2007, p. 2.

* 20 Cf. le rapport au premier ministre, « La desserte ferroviaire et fluviale des grands ports maritimes », par le député Roland Blum, mars 2010, page 21.

* 21 Cf. le rapport d'information fait au nom du groupe de suivi, présidé par M. Louis Nègre, sur l'avant-projet consolidé de schéma national des infrastructures de transport (SNIT), de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, 8 juin 2011, p. 12.

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