EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 juillet 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Pierre Jarlier, rapporteurs du groupe de travail sur la mise en oeuvre de la péréquation financière entre les collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président . - Mes chers collègues, nous allons entendre la présentation des conclusions du groupe de travail que nous avons constitué en début d'année sur la mise en oeuvre de la péréquation entre les collectivités territoriales, c'est-à-dire la péréquation horizontale.

Ce groupe de travail a achevé ses travaux. Il a tenu six réunions à l'occasion desquelles nous avons procédé à des auditions de personnalités extérieures mais, surtout, nos rapporteurs ont effectué un travail à la fois pédagogique, car la matière est complexe, et prospectif.

Il s'agit en effet d'un domaine où le législateur est peu intervenu - à part l'exemple du fonds de solidarité francilien - et où nous manquons de repères. Il faudra pourtant, dès la loi de finances pour 2012, poser les bases de cette nouvelle péréquation.

La tâche est rendue plus difficile encore du fait de l'absence de simulations disponibles. Cela nous oblige à beaucoup de prudence sans pour autant nous interdire de présenter des propositions.

Le groupe de travail a décidé de découper son périmètre d'investigation en quatre sujets confiés à quatre rapporteurs :

- Pierre Jarlier, sur la définition des potentiels financiers ;

- Philippe Dallier et Charles Guené sur la péréquation au sein du bloc communal, le fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) et le nouveau fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF), sujets qui s'entrecroisent ;

- et, enfin, Albéric de Montgolfier sur les deux fonds, régional et départemental, de péréquation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Je vais leur céder la parole pour présenter les conclusions du groupe de travail. Puis, nous aurons entre nous un débat qui sera suivi par une double audition, celle de Gilles Carrez, en tant que Président du comité des finances locales, et celle d'Eric Jalon, directeur général des collectivités locales.

Si le Sénat et notre commission en particulier doivent faire entendre leur voix sur ce sujet fondamental, nous devons, en effet, être à l'écoute des autres lieux de réflexion qui travaillent à la mise ne place de la péréquation.

M. Pierre Jarlier . - La réforme de la taxe professionnelle a été une excellente occasion d'engager un débat sur les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier. Ce débat est nécessaire puisque ces notions sont au coeur même de la définition de la richesse de chaque collectivité territoriale. Ainsi, c'est l'idée que le potentiel financier est plus représentatif de la richesse d'une collectivité que le seul potentiel fiscal qui nous a guidés pour modifier, en de nombreux points, les dispositions relatives à la péréquation lors de la discussion des projets de lois de finances pour 2010 et pour 2011.

Grâce à notre groupe de travail, nous avons pu mener une réflexion approfondie, hors de l'urgence liée à la discussion des projets de loi de finances, sur les critères qui devront servir de base aux nouveaux dispositifs de péréquation. Au terme de ses nombreuses réunions, je vous présente donc aujourd'hui, sur ce sujet, les orientations qu'il propose à la commission d'adopter.

De manière générale, il se dégage de nos travaux que la péréquation doit se fonder sur deux grandes notions :

- d'une part, la notion de « potentiel financier de base », qui doit servir de fondement à la péréquation verticale. Ce potentiel financier de base a deux composantes : une composante fiscale et une composante de dotations et de compensations, notamment la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans son volet forfaitaire ;

- d'autre part, la création d'un nouvel indicateur de richesse : la notion de « potentiel financier corrigé » qui sera utilisée dans le cadre de la péréquation horizontale. Cette notion de potentiel financier corrigé ajoute au potentiel financier de base les dotations versées par l'Etat dans le cadre de la péréquation verticale. Elle est ainsi plus représentative de la richesse réelle d'une collectivité. Seule cette prise en compte permet d'avoir un indice de richesse fiable et juste. Sinon, deux collectivités ayant un même niveau de richesse pourraient être traitées de manière inéquitable si l'une tient sa richesse de compensations versées par l'Etat tandis que celle de l'autre provient d'une dotation de péréquation. De même, les écarts constatés entre les dotations de péréquation versées à l'une ou l'autre des collectivités ne seraient pas du tout pris en compte, alors qu'ils ont un impact sur leur richesse.

Traitons tout d'abord de la définition des nouveaux potentiels au niveau communal et intercommunal.

La première question à laquelle nous devons répondre est : quelles ressources fiscales doivent être intégrées dans le potentiel financier de base ?

Le groupe de travail s'est prononcé pour une prise en compte la plus large possible des ressources fiscales des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Plus le champ des taxes prises en compte sera large, plus la notion de potentiel financier sera objective et moins elle sera sujette à contestations.

Il faut donc prendre en compte : la taxe d'habitation (TH), les taxes foncières, la cotisation foncière des entreprises (CFE), la part communale et intercommunale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER), mais aussi la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), la taxe d'aménagement, celles sur les casinos, sur les remontées mécaniques et la taxe « hippodromes ».

Ne seraient finalement exclues que les ressources fiscales affectées, telles que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM), la taxe de séjour ou le produit des amendes de police.

En effet, ces ressources ont vocation à financer des dépenses spécifiques et ne constituent donc pas à proprement parler une richesse pour la collectivité territoriale.

La seconde question est : quelles dotations et compensations prendre en compte dans ce même potentiel financier de base ?

La réponse que nous apportons est que les compensations versées au titre de la réforme de la taxe professionnelle - dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) - doivent être intégrées, en valeur nette, dans le potentiel financier de base.

Elles s'ajouteront à la part forfaitaire de la DGF et à la compensation de l'ex-part salaire de la taxe professionnelle (TP).

Concernant les EPCI, la dotation d'intercommunalité doit également être prise en compte dans la mesure de leur richesse.

C'est donc sur la base de ces ressources que sera déterminée la richesse des communes et des intercommunalités pour le versement, par l'Etat, des dotations de péréquation verticale.

Venons-en à la deuxième étape, celle de la construction du potentiel financier corrigé.

Il nous semble, et c'est un avis partagé par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et assez consensuel au comité des finances locales (CFL), qu'il convient d'ajouter au potentiel financier de base toutes les dotations de péréquation verticale, c'est-à-dire la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) ou la garantie de sortie. C'est le seul moyen de traiter équitablement l'ensemble des communes, en prenant en compte dans le calcul de leur richesse la plus ou moins grande part de dotation de péréquation qu'elles ont perçue. Les dotations de péréquation verticale, comme les autres ressources, peuvent accroître significativement la richesse des collectivités.

Il convient par ailleurs, également pour éviter des injustices entre deux communes, de prendre en compte dans le potentiel financier corrigé les versements perçus par chaque collectivité en provenance des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). En effet, ces derniers sont financés, depuis la réforme de la TP, par des dotations de l'Etat et non par des prélèvements sur des établissements exceptionnels. Ils font donc partie de la péréquation verticale et il est juste de traiter différemment une commune qui n'a rien reçu du FDPTP et une commune qui a perçu de ce fonds des montants importants.

Enfin, le groupe de travail s'est exprimé en faveur d'une mesure de la richesse à l'échelon de chaque territoire, en agrégeant la richesse de l'EPCI et celles de ses communes membres. Cela présente deux grands avantages :

- comparer les territoires quel que soit leur mode d'organisation : EPCI à fiscalité professionnelle unique, EPCI à fiscalité additionnelle ou commune isolée (l'achèvement de la carte intercommunale n'étant pas prévu en petite couronne parisienne) ;

- simplifier les outils de péréquation à créer, en les faisant reposer sur un nombre limité de collectivités : 2 600 EPCI plutôt que 36 000 communes.

Ce potentiel financier agrégé des EPCI, qui sera à la base du fonctionnement de la péréquation horizontale, doit être égal à la somme :

- du potentiel financier de l'EPCI ;

- des potentiels financiers corrigés des communes membres de l'EPCI.

Cette définition de la richesse au niveau territorial, via le potentiel financier agrégé, fait également l'objet d'un consensus large.

Concernant maintenant les départements, les mêmes notions de potentiel financier de base et de potentiel financier corrigé s'appliqueront.

Les ressources fiscales à prendre en compte correspondront à celles perçues par les départements :

- la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

- la part départementale de CVAE ;

- la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) versée en compensation de la réforme de la TP ;

- les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ;

- et les IFER perçues par le département.

Les compensations et dotations à prendre en compte seront :

- la part forfaitaire de la DGF ;

- la DCRTP ;

- les reversements ou contributions au FNGIR ;

- les autres compensations.

Enfin, s'agissant de la détermination du potentiel financier corrigé, comme pour le bloc communal, il suffit, pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé, d'y intégrer les dotations de péréquation verticale : dotation de péréquation urbaine (DPU), dotation de fonctionnement minimale (DFM) ou garantie de sortie.

Ce potentiel financier corrigé servira pour mettre en oeuvre la péréquation horizontale.

Le même mécanisme s'appliquera s'agissant des régions.

Le potentiel financier de base comprendra leurs ressources fiscales (CVAE, IFER) ainsi que les dotations de l'Etat (DCRTP, FNGIR). Concernant la prise en compte de la DGF, une question spécifique se pose puisqu'il faudra parvenir à exclure de la DGF les éléments qui y ont été intégrés mais qui visent à compenser des transferts de compétences pour certaines régions.

Comme pour les autres collectivités, il convient d'ajouter la dotation de péréquation verticale des régions pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé.

Voilà, mes chers collègues, les orientations retenues par le groupe de travail que nous vous proposons d'adopter sur la question de la nouvelle définition des potentiels, qui nous permettront demain de bénéficier d'indicateurs de richesse précis et d'évaluer surtout les différences de richesse entre les collectivités, ainsi que les effets de la péréquation mise en place.

M. Jean Arthuis, président . - Votre exposé a le mérite de clarifier les concepts et de nous donner des instruments objectifs et clairement identifiés, dont les contenus sont mesurables. Cela permettra d'éviter certaines injustices flagrantes. Je pense par exemple à la répartition des fonds entre les départements à la fin de l'année 2010. La DFM n'est pas entrée dans l'appréciation de la richesse relative des départements. Or, l'écart peut représenter plus de vingt euros par habitant. Cette situation d'inégalité est inacceptable.

M. Philippe Adnot . - Vous avez intégré les versements FDPTP pour effectuer le calcul du potentiel financier. Dans ces fonds, il y a deux parts. D'abord, la part des communes concernées, qui est récurrente et que vous avez raison d'intégrer dans le calcul. En revanche, la part des communes défavorisées n'est pas une somme affectée tous les ans aux mêmes bénéficiaires. Dès lors, comment intégrer cette donnée dans le calcul du potentiel financier, alors qu'elle varie selon les années, dans les départements où cette somme n'est pas attribuée à tout le monde mais où elle sert par exemple à financer des investissements ? Je pense donc qu'il est difficile d'inclure le FDPTP dans le calcul du potentiel financier des communes, dans la mesure où il s'agit d'une recette irrégulière.

M. Philippe Dallier . - Nous avons connu le même problème en Ile-de-France avec le FSRIF et le fonds national. Effectivement, une commune peut percevoir des ressources à ce titre une année, mais pas la suivante. Cependant, nous avons considéré que l'année où elle perçoit ces recettes, cela doit être intégré dans son potentiel financier. Je pense qu'il doit en être de même en ce qui concerne la DSU. On sait que l'on peut entrer ou sortir du dispositif, mais lorsqu'on est dedans, la recette doit être prise en compte. Sinon, on fera des exceptions sur l'ensemble de ces dotations, ce qui aboutirait à une véritable usine à gaz. Au surplus, en termes d'équité, cela me semble normal.

M. François Marc . - Ma question porte sur les différences restantes entre les communes. En effet, en intégrant des éléments nouveaux dans le potentiel financier, on peut logiquement restreindre le différentiel de richesse existant. Disposez-vous d'éléments à cet égard ?

M. Pierre Jarlier . - Nous ne disposons pas pour le moment d'estimations précises sur les effets de la prise en compte de ces critères dans le calcul du potentiel financier.

En ce qui concerne la question de Philippe Adnot, nous avons intégré les FDPTP car ils deviennent une dotation d'Etat, donc de compensation. Certes, les variations sont importantes d'une année sur l'autre. Mais, de la même façon, il peut y avoir des variations de DSR et de DSU. Il faut bien considérer que tout cela rentre dans le calcul de la richesse de la commune l'année où elle est perçue. De toute façon, le potentiel financier de la commune sera revu chaque année au regard des sommes perçues l'année précédente par ladite commune.

M. Charles Guéné . - Sur l'intégration des FDPTP, il est vrai que l'on peut être partagé. Il y a ainsi des communes qui risquent de connaître des écarts importants d'une année sur l'autre, mais nous avons décidé de suivre notre logique jusqu'au bout.

En ce qui concerne les simulations, nous disposons au CFL de simulations prenant en compte l'intégration de l'ensemble des dotations, avec et sans strates. Il est vrai que plus on intègre de dotations, plus le faisceau se restreint. C'est la logique du système. On veut apprécier la véritable richesse des collectivités, donc on intègre toutes les données. Avec les dotations de solidarité verticale, il y a un rétrécissement du faisceau, mais cela me paraît logique.

M. Jean Arthuis, président . - En conclusion, nous parlerons des dotations et de la péréquation verticale. Les injustices les plus criantes relèvent en effet de celle-ci. Il ne faut pas que l'arbre dissimule la forêt.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Il serait bon de disposer de ces simulations.

M. Jean Arthuis, président . - Cependant, lorsque l'on fonde la réflexion à partir de simulations, il me semble que cela nous rend moins impartiaux, car on se demande inévitablement alors si les collectivités que nous représentons y gagnent ou y perdent. Je pense donc qu'il est intéressant d'avoir tout d'abord un exercice de principe.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Certes, mais une fois cet exercice de principe réalisé, les simulations nous seraient utiles pour nous préparer aux évolutions, notamment concernant les fusions éventuelles et les rapprochements de telle ou telle collectivité. Les préfets ne disposent pas aujourd'hui du logiciel financier nécessaire.

De plus, je souhaiterais savoir comment on prend en compte la taxe d'habitation, dans la mesure où une partie de celle-ci allait aux départements et va maintenant aux EPCI. Il me semble à cet égard dangereux de prendre en compte la totalité de cette taxe.

M. Jean Arthuis, président . - Cet exercice semble très complexe, mais il a une réelle vertu de simplification et de clarification. L'objectif est bien de simplifier la législation en la matière et de mettre fin à des situations d'injustice insupportables.

M. Pierre Jarlier . - Sur la taxe d'habitation, on prendra en compte l'aspect territorial, de sorte que tout sera agrégé. La TH sera prise en compte à la fois pour sa part communale et sa part intercommunale, avec les bases et les taux correspondants, sans que cela pose de difficultés.

Nous avons décidé de mettre en place un potentiel financier corrigé prenant en compte la péréquation verticale. Il serait en effet malvenu de commencer à répartir de l'argent entre les différentes collectivités, avant même de savoir de combien elles bénéficient en terme de solidarité nationale. Il faut donc avoir une idée précise de leur richesse corrigée par la solidarité nationale, pour voir à quel moment on commence à demander aux collectivités de faire jouer la solidarité entre elles. Nous aboutirions autrement à des aberrations.

M. Charles Guené . - Nous allons maintenant vous présenter les orientations retenues par le groupe de travail sur la péréquation au sein du bloc communal et sur l'articulation du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) et du nouveau fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC), sujets étroitement imbriqués et sur lesquels il était important que le groupe dégage des orientations consensuelles.

Ces orientations concilient à nos yeux les intérêts nationaux pour une solidarité partagée entre toutes les collectivités du bloc communal, sans exception, et les intérêts propres à l'Ile-de-France, qui peut souhaiter légitimement restreindre prioritairement les déséquilibres internes à la région.

Nous espérons en conséquence que les débats à venir, quelles que soient leurs enceintes, CFL ou Parlement, dépassent les clivages habituels entre la France « urbaine » et la France « rurale ».

Nous tenons à souligner que toutes nos propositions ont été formulées sans que nous disposions de simulations. Nous nous sommes donc appuyés exclusivement sur des principes et des raisonnements. Cela signifie que nos orientations doivent être appréciées « sous toutes réserves » et nous souhaitons faire simuler ces hypothèses par les services de la DGCL.

Nous avons regroupé les propositions du groupe de travail en trois blocs.

M. Philippe Dallier . - Le premier bloc concerne l'articulation générale du nouveau FSRIF et du futur fonds de péréquation intercommunal et communal et la définition des objectifs aux échéances 2012 et 2015.

Nous avons tranché pour une superposition des deux fonds de péréquation, qui doivent fonctionner de manière indépendante, l'Ile-de-France étant contributrice et bénéficiaire des deux fonds, le reste de la France étant contributeur et bénéficiaire du seul FPIC.

Certains plaident encore pour une articulation entre les deux fonds avec un dispositif de préciput pour la région Ile-de-France, mais aucun système opérationnel n'a pu être trouvé et cette solution serait excessivement complexe.

En outre, les écarts de richesse sans commune mesure au sein de la région Ile-de-France plaident pour un FSRIF qui les atténuera, avant la mise en oeuvre du FPIC.

M. Charles Guené . - Sur l'objectif à atteindre pour le FPIC, nous sommes plutôt favorables à un chiffrage en valeur absolue, clair, des montants qui devront faire l'objet d'une redistribution via les fonds de péréquation. Il nous a semblé que c'était plus simple que de prendre un pourcentage de telle ou telle ressource, qui poserait sans doute des problèmes d'interprétation. Nous nous sommes calés sur les chiffres envisagés au départ. L'augmentation de l'objectif du FPIC serait donc linéaire, soit  250 millions d'euros en 2012, 500 millions d'euros en 2013, 750 millions d'euros en 2014 et 1 milliard d'euros en 2015.

En tout état de cause, nous sommes défavorables à un report à 2013 de la mise en oeuvre du FPIC, que certains appellent de leurs voeux. Ces montants ne sont pas excessifs au regard du montant de la DGF et des dotations de péréquation verticale (DSU, DSR). Il y aura certes une montée en puissance, mais le point de départ est raisonnable. On peut donc commencer en 2012.

M. Philippe Dallier . - Pour ce qui est du FSRIF, je rappelle que l'amendement adopté prévoyait une progression de 50 % à horizon 2015. Nous avons choisi un point de départ de 200 millions d'euros, ce qui porterait le montant du FSRIF à 300 millions d'euros à cet horizon. Il est vrai que nous n'étions pas tout à fait à 200 millions pour l'année de référence. Il faudra sans doute s'accorder sur le montant initial. Sur la dernière année, le fonds avait en effet diminué, car la ville de Paris avait joué entre les dépenses portées par les départements et celles portées par la ville, et sa quote-part au FSRIF avait ainsi diminué. Je souhaiterais donc que l'on en revienne à l'avant-dernière année de référence, pour laquelle le montant du FSRIF était plus élevé.

M. Jean Arthuis, président . - Pour la ville de Paris, comment distinguer ce qui relève de la ville et du département ?

M. Philippe Dallier . - C'est là toute la question. Comme ils ont la double casquette, ils peuvent faire passer d'un côté à un autre de la barrière un certain nombre de dépenses. Nous avons inscrit 300 millions d'euros en 2015, car je souhaitais être assez volontariste sur le sujet. Nous avons donc choisi une référence de 200 millions d'euros, mais il est vrai qu'il y a une incertitude sur le point de départ.

Nous aurions également souhaité que la DGCL regarde les choses d'une autre manière. On pourrait par exemple donner comme objectif au FSRIF de faire en sorte que les communes les plus pauvres remontent à au moins 70 % de la moyenne régionale. Je rappelle qu'aujourd'hui, les communes les plus pauvres sont très en-deçà de ce pourcentage. On souhaiterait par là même voir ce qu'il serait nécessaire de mettre sur la table comme moyens financiers pour que les communes les plus pauvres de la région atteignent ce seuil. Ce sont deux simulations à faire.

M. Charles Guené . - A partir du moment où l'on a fixé des montants en valeur absolue pour le FPIC comme pour le FSRIF, nous serions favorables à ce que la loi prévoie une clause expresse de « revoyure » en 2015, de manière à ce que, au vu de l'évaluation des résultats de cette péréquation horizontale, on fixe alors une sorte de nouveau contrat pour les cinq années suivantes.

J'en viens maintenant au sujet important des prélèvements. Il nous faut d'abord répondre à la question de savoir quelles sont les collectivités concernées et les critères de prélèvement. Il nous paraît fondamental, pour y répondre, de faire appel au concept de potentiel financier agrégé précédemment défini par Pierre Jarlier, à savoir la somme de toutes les richesses des collectivités.

Dans notre idée, les prélèvements ne doivent porter directement que sur les EPCI et sur les communes isolées. Les communes membres d'EPCI ne feraient pas l'objet de prélèvements directs au profit du fonds. Le prélèvement serait uniquement fonction du potentiel financier de chaque commune isolée ou EPCI par rapport au potentiel financier moyen. Pour les EPCI, le potentiel financier est le potentiel financier agrégé. Pour la commune isolée, il est le potentiel financier corrigé de celle-ci. On peut ainsi comparer un EPCI de 20 000 habitants en province à une commune isolée de 20 000 habitants en petite couronne parisienne. Il y a ainsi une véritable neutralisation de l'organisation juridique sur le terrain, à travers une territorialisation globale.

S'agissant du prélèvement, il nous semble qu'il ne doit pas y avoir de prise en compte, à ce stade, de critères de charge, qui seront évalués au moment de la redistribution. La mise en oeuvre d'un tel prélèvement est novatrice par rapport au texte de la loi de finances pour 2011, qui mettait en place un système très complexe et à notre sens impossible à faire fonctionner, de trois parts distinctes (EPCI, communes membres et communes isolées). Notre approche fait toutefois l'objet d'un large consensus.

J'en viens maintenant à la question de la prise en compte des strates pour cette appréciation, qui a suscité un débat, car certains estiment que cela revient à introduire un critère de charges. Globalement, nous sommes partisans de la prise en compte d'un nombre réduit de strates (quatre ou six), celles-ci s'appliquant indifféremment aux EPCI ou aux communes isolées. On est bien sur des strates territoriales. Nous avons demandé à la DGCL des simulations sur les différents cas.

Cette proposition ne devrait pas se traduire par un impact majeur. En effet, nous sommes sur des strates territoriales, au niveau de chaque EPCI, ce qui réduit les écarts par rapport aux actuelles strates communales. Il faut observer cependant que la non prise en compte de strates pourrait aboutir à ce que l'on ait un prélèvement uniquement urbain au profit de la ruralité. Au contraire, la prise en compte de strates peut faire envisager l'inverse, à savoir que les petites collectivités seraient pénalisées.

Au total, nous nous sommes rangés à la prise en compte de strates davantage dans un esprit de consensus que dans un esprit de logique. Soyons clair, il s'agit de faire avancer le dossier. Ce système de strates permet en réalité de ne pas effrayer le monde urbain.

M. Philippe Dallier . - J'étais assez favorable à la stratification, et j'estime que quatre à six strates constituent un bon équilibre. On sent bien que les discussions seront difficiles et qu'il faut trouver le bon compromis pour emporter l'adhésion. Le prélèvement FSRIF, quant à lui, n'est pas stratifié actuellement. Nous pensons que cette caractéristique doit être maintenue puisqu'on est dans un cadre régional.

M. Pierre Jarlier . - Les strates ont toujours un effet pervers sur le seuil. Dans ce cas précis, si on ne prévoit pas suffisamment de strates, on voit que la différence la plus importante de richesse se fait dans les strates basses. Si la première est très large, les petites villes seront très pénalisées, étant en haut de celle-ci. Elles ne pourront donc pas bénéficier de la péréquation. Il faut donc être prudent, même s'il peut y avoir des ajustements. C'est un vrai sujet.

M. Charles Guené . - Je rappelle que nous raisonnons ici au niveau territorial et non pas au niveau de la commune simple. L'impact des strates est donc différent.

M. Jean Arthuis . - De toute façon, la péréquation ne se fait pas à l'intérieur d'une strate.

M. Charles Guené . - Non, sinon notre logique aurait été affaiblie... Concernant les seuils de prélèvement, nous sommes favorables à la suppression du seuil d'éligibilité actuel prévu par la loi de finances pour 2011, soit 1,5 fois le potentiel financier moyen, ce qui nous paraît relativement élevé et qui n'aurait fait cotiser qu'un nombre très restreint de territoires, en procurant un fort effet de seuil. Nous souhaitons donc faire réaliser des simulations sur des valeurs inférieures, sans seuil ou avec un seuil de l'ordre de 0,8 fois le potentiel financier moyen, de façon à élargir le nombre de cotisants, quitte à ce que cela soit redistribué ensuite.

M. Philippe Dallier . - Pour le prélèvement FSRIF, nous sommes favorables à la suppression de tout seuil d'éligibilité ainsi que des régimes d'exonération existants (par exemple les communes bénéficiaires de la DSU), dont nous avions montré les effets incohérents. On prend tout en considération.

M. Charles Guené . - En ce qui concerne la définition des taux de prélèvement, nous proposons de concevoir un système de taxe par répartition. Il s'agit de déduire les taux à partir du produit attendu. Ce système permet de garantir le niveau du produit prélevé. Pour assurer une progressivité du taux en fonction de l'écart au potentiel financier moyen de la strate, il serait nécessaire de définir cinq ou six paliers.

Plusieurs hypothèses sont ouvertes :

- soit un prélèvement qui s'applique à l'ensemble des communes et EPCI. Il touche donc des communes en-dessous de la moyenne, mais cette dernière est élevée et il faut raisonner évidemment en net, après imputation des reversements, donc tout le monde participe et bénéficie ;

- soit un prélèvement qui ne s'applique qu'aux communes et EPCI dont le potentiel est supérieur à 80 % de la moyenne ou à la moyenne. Le risque de ce choix est que le prélèvement soit excessivement concentré sur certaines communes. Nous attendons les simulations sur ce point.

M. Philippe Dallier . - Pour le nouveau FSRIF, il y aurait lieu d'appliquer un mécanisme similaire, avec un ajustement des taux de prélèvement au montant à prélever en faveur du FSRIF.

M. Charles Guené . - Dernier point de ce volet : la répartition du prélèvement au sein des EPCI. Nous pensons que la répartition du prélèvement entre l'EPCI et chacune de ses communes membres doit s'effectuer au prorata de la contribution de chacun au potentiel financier agrégé. C'est un système simple et logique, qui ne requiert pas d'intervention au sein des communes.

M. Jean Arthuis, président . - On prend le potentiel financier corrigé, qui détermine l'assiette, et tout le monde participe ?

M. Charles Guené . - Oui, tout le monde participe au prorata de sa contribution au potentiel agrégé. Cela tient d'ailleurs compte de l'intégration ou de la non-intégration de l'EPCI s'il y en a un.

M. Jean Arthuis, président . - L'EPCI devient le lieu de péréquation entre les communes du secteur.

M. Charles Guené . - Cette règle nous paraît la plus incontestable. Certes, une ville riche dans un EPCI pauvre contribuera moins que si elle était une commune isolée, et une ville pauvre dans un EPCI riche contribuera davantage que si elle était isolée. Mais il faut partir du postulat que l'EPCI joue déjà un rôle de péréquation et lui laisser sa part de responsabilité dans la mise en oeuvre de la péréquation. Cela signifie concrètement que deux territoires semblables à l'organisation juridique différente auront le même prélèvement, mais suivant leur organisation et leur degré de péréquation, le prorata sera différent entre les communes et l'EPCI.

Passons maintenant au sujet des reversements. Il convient d'abord de définir les bénéficiaires de ceux-ci. La règle fondamentale que nous proposons est que, comme pour les prélèvements, les reversements ne bénéficient directement qu'aux EPCI et aux communes isolées, si c'est un territoire sans EPCI. La redistribution se fera à l'intérieur. Si le prélèvement a un caractère presque automatique, la redistribution se fera à travers une palette d'outils fixée par la loi, si les communes de l'EPCI ne s'entendent pas sur une autre voie.

M. Philippe Dallier . - Je rappelle qu'il restera des communes isolées, puisque la loi le permet, en ce qui concerne la première couronne parisienne, dans l'attente d'une éventuelle réforme sur le Grand Paris.

M. Charles Guéné . - Pour les principes de reversement, nous préconisons d'utiliser un indice synthétique de ressources et de charges et de prévoir des reversements pour l'ensemble des collectivités en-deçà de la moyenne, afin d'éviter les effets de seuil, proportionnellement à l'écart à la moyenne. En ce qui concerne la composition de l'indice synthétique, nous avons retenu, d'une part, le potentiel financier par habitant de l'EPCI (ou de la commune isolée) comme critère de ressources et, d'autre part, le revenu moyen par habitant de la population de l'EPCI (ou de la commune isolée) comme critère de charge, ce qui fait l'objet d'un large consensus. En effet, la corrélation entre le revenu moyen par habitant et les charges d'une collectivité est plutôt bonne.

Nous serions assez favorables à la prise en compte de l'effort fiscal, à travers une pondération de l'indice synthétique.

Nous souhaiterions par ailleurs que soit examinée la possibilité de tenir compte des écarts de coût de la vie entre les territoires. Ainsi, le critère de revenu par habitant pourrait être pondéré par l'indice des coûts des loyers dans la zone.

M. Philippe Dallier . - Nous avons adopté la même logique au regard du FSRIF. Nous sommes ainsi partisans de retenir le même indice synthétique. Par conséquent, on ne conserverait pas le critère du logement social qui existe aujourd'hui, car il nous a semblé qu'il avait des effets pervers. Il est assez facile de démontrer que le revenu moyen par habitant est plus significatif des difficultés sociales sur le territoire qu'une pondération à partir du nombre de logements sociaux. Cela s'explique assez bien par le fait que, dans certains endroits, les logements sociaux ne sont pas forcément habités par des gens dont les revenus sont en-dessous de la moyenne. Dès lors, on offre un avantage à certaines communes qui ne devraient pas en bénéficier. Ceci étant dit, il faut être réaliste. Ce point fera l'objet de discussions importantes en Ile-de-France, où certaines communes ont un revenu moyen par habitant plutôt faible, mais un potentiel financier relativement fort car elles accueillent sur leur territoire beaucoup d'entreprises. Si l'on faisait sauter le critère du nombre de logements sociaux, de telles communes pourraient y perdre par rapport à la situation actuelle. Je pense à une ville comme Gennevilliers, riche des impôts versés par les entreprises, mais caractérisée par une population pauvre. Son potentiel financier est pourtant très au-dessus de la moyenne. Les élus des communes concernées montent au créneau. Mais, globalement, le système que nous présentons sera plus équitable.

M. Charles Guené . - En ce qui concerne la stratification du potentiel financier, logiquement, nous proposons de prévoir la même prise en compte des strates dans le potentiel financier servant à la redistribution que dans celui servant aux prélèvements. Cela ne veut pas dire qu'il y a strictement correspondance, comme on l'a évoqué tout à l'heure.

M. Philippe Dallier . - En ce qui concerne l'Ile-de-France, il faut rappeler que le FSRIF actuel est stratifié par la distinction de deux régimes. L'un pour les communes de plus de 10 000 habitants, l'autre pour les communes de 5 000 à 9 999 habitants. Il nous semble que ce système pourrait être maintenu dans le nouveau FSRIF, mais il ne s'agit pas là d'un point essentiel.

Nous nous sommes aussi posé la question de la nécessité d'un mécanisme de garantie de sortie. Bien entendu, elle ne se pose que pour le FSRIF, puisque le FPIC est quant à lui totalement nouveau. Compte tenu des évolutions que nous envisageons, il nous semble important de prévoir des modalités de sortie de l'ancien système FSRIF sur une durée par exemple de deux ans.

Mme Nicole Bricq . - Sur le FSRIF, je suis plutôt d'accord avec Philippe Dallier sur le fait d'exclure les logements sociaux et de prendre en compte le revenu moyen par habitant. Cela pose cependant le problème des villes riches à population pauvre. A cet égard, il sera intéressant d'analyser ce que donne la CVAE, car des villes de type industriel, telles que Gennevilliers, devraient bénéficier de moins de revenus, malgré la compensation. Cela risque de créer des difficultés.

M. Philippe Dallier . - En théorie, indépendamment de l'évolution des recettes des communes, à partir du moment où, tous les ans, le potentiel financier est recalculé de même que la contribution ou la part touchée, je pense qu'on est dans un système assez équitable.

M. Charles Guené . - La redistribution au sein des EPCI des reversements du FPIC est une question très importante. Nous avons prévu des dispositions légales. La loi doit ainsi prévoir des règles de répartition qui s'appliqueront à défaut, selon les critères suivants :

- répartition entre l'EPCI et leurs communes membres proportionnellement au coefficient d'intégration fiscale ;

- répartition entre les communes membres de manière inversement proportionnelle au potentiel financier par habitant de chaque commune multiplié par son nombre d'habitants.

Toutefois, il nous semble possible de prévoir que les EPCI seront libres de déterminer, par une décision prise à l'unanimité, d'autres modalités de répartition. Il s'agit en effet d'un domaine sensible. Nous avons recherché le consensus sur cette question.

M. Jean Arthuis, président . - Il faut d'abord faire passer le principe, et on verra pour la suite.

M. Philippe Dallier . - Il convient enfin de définir le calendrier des deux prélèvements. A cet égard, nous proposons que le prélèvement et les reversements du FSRIF soient effectués en premier. Ceci permettrait que, pour le FPIC, les prélèvements du FSRIF soient déduits du potentiel financier et les reversements du FSRIF intégrés au potentiel financier.

En conclusion, nous avons une opportunité à saisir à l'automne 2012, à ne pas laisser passer. Nous devrons traiter à la fois du cas de l'Ile-de-France et du fonds de péréquation au niveau national. Si on ne le fait pas maintenant, nous en resterons au statu quo pour de nombreuses années.

M. Jean Arthuis, président . - Je remercie les rapporteurs pour la clarté des principes et des concepts qu'ils ont exposés. Nous pourrions décider de ne rien faire et de laisser le système actuel dériver mais, en l'occurrence, il convient de passer aux actes.

M. François Marc . - Nos rapporteurs ont procédé à un travail approfondi et étayé, qui doit servir à légiférer. Deux remarques toutefois : d'une part, la péréquation proposée nous paraît trop modeste. Se cantonner à un milliard d'euros comme objectif pour l'année 2015 n'est pas suffisant. D'autre part, pour contourner le problème des strates, nous sommes favorables à un dispositif, déjà appliqué pour une partie du calcul de la DGF, qui pondère le potentiel financier par la population de la commune, majorée en fonction de la taille de cette commune. Je soumets cette proposition au débat.

Par ailleurs, je suis satisfait de voir que le revenu est pris en compte comme critère de charges.

M. Jean Arthuis, président . - Je signale toutefois que le mécanisme qu'on nous propose peut permettre de péréquer 200 millions d'euros comme 2 milliards d'euros. La question du volume se pose indépendamment de celle du mécanisme, sur lequel nous pourrions d'ores et déjà trouver un accord. La vraie péréquation, toutefois, ne peut être que verticale.

M. Nicole Bricq . - Je suis tout à fait d'accord.

M. François Fortassin . - Je félicite nos rapporteurs sur le travail effectué mais il faut repartir des concepts de base. Veut-on créer une réelle solidarité entre les territoires ou seulement calmer l'irritabilité de ceux qui sont les plus défavorisés ? Faut-il mettre en place une péréquation « à l'espagnole », où l'on se fixe pour principe la réduction de un à quatre des écarts de richesses, ou seulement atténuer ces écarts sans se fixer de but spécifique ?

M. Charles Guené . - Sur la question des strates, je suis d'accord pour examiner la proposition de François Marc, en restant attentif au nombre de territoires mis à contribution.

Sur l'articulation entre la péréquation verticale et la péréquation horizontale, il y a deux écoles :

- celle qui présuppose que dans quelques années, les deux seront fondues dans une unique péréquation ;

- celle adoptée par notre groupe de travail, qui propose que la péréquation horizontale soit, en quelque sorte, la « voiture balai », ce qui me semble pouvoir se justifier.

Notre dispositif ne me semble pas trop modeste. Si nous voulons faire accepter les mécanismes de péréquation, il est préférable de prévoir une montée en puissance progressive.

Ce que nous avons fait ne me paraît pas nécessairement imparable mais très satisfaisant. A partir des concepts qualitatifs que nous définirons, nous pourrons ajuster le quantitatif et prévoir l'ampleur effective de la péréquation.

M. Eric Doligé . - Concernant les départements et les régions, je remplace notre collègue Albéric de Montgolfier, qui n'a pu venir aujourd'hui.

Le dispositif de péréquation horizontale prévu par les lois de finances pour 2010 et 2011 est différent de celui prévu pour le bloc communal. En effet, les fonds de péréquation ne concerneront que la CVAE et non l'ensemble des ressources de ces collectivités.

Le groupe de travail a défini les principales modalités des fonds qu'il souhaiterait voir mis en place. Je relève au passage que le comité des finances locales s'est concentré sur le fonds de péréquation communal et intercommunal et qu'il a, jusqu'à maintenant, totalement éludé la question, pourtant tout aussi essentielle, des fonds de péréquation départemental et régional.

Le groupe de travail se prononce pour le maintien de la position qui a été celle du Sénat lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011.

Il faut privilégier un dispositif qui met à contribution l'ensemble des départements et des régions dont la CVAE augmente et non seulement ceux dont la CVAE augmente plus rapidement que la moyenne. Ainsi, le fonds proposé par le Sénat sera plus ambitieux que celui proposé par l'Assemblée nationale, dont il est impossible de connaître les conséquences, puisqu'il faudrait pouvoir comparer, à l'avance, la croissance du produit de CVAE de chaque département à la croissance moyenne de la CVAE.

Pour répondre à l'objection soulevée par l'Assemblée nationale, il faut garantir à chaque collectivité prélevée que l'augmentation de la CVAE entre l'année « n » et 2011 sera prise en compte nette de l'inflation cumulée. Ainsi, on est sûr de ne pas prélever de richesse à une collectivité dont la CVAE aurait augmenté moins vite que l'inflation.

Comme nous l'avons voté dans la dernière loi de finances, le prélèvement serait donc égal à 50 % de la croissance de la CVAE - nette d'inflation - entre l'année « n » et 2011.

Nous pouvons conserver le principe de ne prélever que sur les seules collectivités dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne. En effet, grâce au mécanisme de l'effet « cliquet », le prélèvement ne peut avoir pour effet de faire repasser le potentiel financier par habitant d'une collectivité en dessous de la moyenne nationale.

S'agissant des reversements, il faut supprimer tout critère d'éligibilité et prévoir des reversements au profit de l'ensemble des collectivités dont l'indice synthétique de ressources et de charges est inférieur à la moyenne, proportionnellement à cet écart. Ainsi, les effets pervers souvent constatés des seuils d'éligibilité garantiront l'acceptabilité et l'efficacité du dispositif.

Enfin, se posait la question du choix des critères de redistribution pris en compte dans le calcul de l'indice synthétique de ressources et de charges.

Il me semble que pour les ressources, le potentiel financier corrigé par habitant, tel que défini par Pierre Jarlier, peut faire consensus. Il serait pris en compte pour moitié dans l'indice servant au reversement.

S'agissant des critères de charges, je propose, pour que le Gouvernement réalise nos simulations, de conserver les critères votés en loi de finances pour 2011, et qui n'ont pas été modifiés tout au long de la discussion du projet de loi de finances.

Ainsi, pour les départements, trois critères seront retenus avec une pondération d'un sixième pour chacun :

- la population ;

- les bénéficiaires de minima sociaux et la population de plus de 75 ans ;

- la longueur de la voirie départementale rapportée au nombre d'habitants.

Pour les régions, les trois critères pondérés à hauteur d'un sixième chacun également seront :

- la population ;

- le nombre d'élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et les stagiaires de la formation professionnelle ;

- la superficie.

Voilà, mes chers collègues, les propositions de notre groupe de travail sur la péréquation départementale et régionale de la CVAE que nous souhaitons pouvoir illustrer prochainement par des simulations que nous demanderons au Gouvernement.

M. François Marc . - Sur les fonds de péréquation de la CVAE, nous retrouvons un débat que nous avons eu en loi de finances pour 2011 sur le fonds départemental de péréquation des DMTO. Nous sommes favorables à la réintroduction d'une péréquation sur stock, sinon on exclut du prélèvement les collectivités riches dont la croissance de la CVAE est limitée, ce qui n'est pas satisfaisant. C'est un point de désaccord important.

M. Jean Arthuis, président . - La CVAE aurait été un excellent outil de péréquation. Le paradoxe, c'est que nous l'avons territorialisée et que nous sommes maintenant dans l'obligation de prévoir des dispositifs de péréquation pour compenser les inégalités résultant de cette territorialisation.

M. François Marc . - L'injustice est d'autant plus grande que le mécanisme de péréquation proposé risque de faire contribuer les collectivités pauvres en phase de rattrapage, dont la CVAE augmente fortement.

M. Eric Doligé . - Nous n'y voyons pas très clair encore sur les conséquences de la création de la CVAE. C'est pourquoi il faut procéder de manière progressive pour se laisser le temps d'appréhender le déplacement des masses financières entre les collectivités.

M. Jean Arthuis, président . - Le travail qui a été mené est clarificateur. Il nous servira d'instrument pour légiférer à l'automne et faire passer aux élus le message suivant : la nécessité de tendre vers davantage de justice. Ayant remercié les rapporteurs, puis-je considérer que la commission approuve leur rapport et autorise sa publication ?

M. François Marc . - Le groupe socialiste souhaite s'abstenir en raison notamment des trop faibles montants proposés pour la péréquation.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de leur communication à MM. Pierre Jarlier, Charles Guené, Philippe Dallier et Eric Doligé, représentant Albéric de Montgolfier, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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