2. La coopération avec la Russie sera-t-elle une option ou une condition pour la défense antimissile de l'OTAN ?

Depuis la fin de la guerre froide, la relation entre l'OTAN et la Russie a été affectée de nombreuses secousses. La volonté affirmée d'un partenariat s'est traduite par un Acte fondateur en 1997 puis par la création du Conseil OTAN-Russie en 2002. Les guerres du Kosovo et d'Irak, l'élargissement de l'OTAN, notamment la pression en faveur d'une adhésion future de l'Ukraine et de la Géorgie, les projets américains de défense antimissile en Europe, la suspension de l'application du traité FCE par la Russie et l'invasion par cette dernière d'une partie de la Géorgie ont été autant d'obstacles au développement d'un tel partenariat. La Russie considère toujours l'OTAN avec méfiance, et au sein de l'OTAN, plusieurs nouveaux Etats membres considèrent toujours la Russie comme une menace pour leur sécurité et leur souveraineté.

Le sommet de Lisbonne marque une nouvelle tentative de « remettre le compteur à zéro », pour reprendre l'image du « reset » utilisée par l'administration Obama.

Le nouveau concept stratégique souligne que « la coopération OTAN Russie revêt une importance stratégique car elle contribue à la création d'un espace commun de paix, de stabilité et de sécurité ». Les dirigeants de l'Alliance affirment que « malgré certaines divergences sur des points particuliers, la sécurité de l'OTAN et celle de la Russie sont indissociablement liées et qu'un partenariat solide et constructif, s'appuyant sur la confiance mutuelle, la transparence et la prévisibilité, servirait au mieux notre sécurité ».

La question se pose donc de savoir quelle sera la priorité accordée par l'OTAN à la réalisation de ce partenariat crucial pour son environnement de sécurité par rapport au développement d'une capacité de défense antimissile pour la protection de son territoire .

Sur ce point, les intérêts des Européens et ceux des Etats-Unis ne sont pas nécessairement identiques . La défense antimissile de l'OTAN, telle qu'envisagée aujourd'hui, s'articulera autour de déploiements américains dont la finalité ultime n'est pas la protection de l'Europe, mais celle des Etats-Unis face à une future menace intercontinentale en provenance du Moyen-Orient.

L'OTAN a beaucoup insisté sur le fait que la nouvelle approche américaine, « phasée » et « adaptative », était plus propice à une coopération avec la Russie, mais il est vite apparu que l'EPAA n'était pas aussi flexible qu'elle le prétendait. On n'entrevoit guère de marges dans l'enchaînement des différentes phases, et notamment la phase IV qui concentre les préoccupations principales de la Russie, mais qui est fondamentalement la raison d'être du schéma imaginé par les Etats-Unis pour l'OTAN.

L'établissement d'un accord avec Moscou peut-il être une condition préalable de la mise en place d'une défense antimissile de l'OTAN ?

C'est ce que souhaite la Russie, en demandant des garanties et à être pleinement associée à la définition de l'architecture finale du système, de telle sorte qu'il ne puisse pas diminuer la capacité de ses forces stratégiques.

Mais cette exigence est difficilement acceptable pour les Etats-Unis et l'OTAN. Elle impliquerait la transmission d'informations parmi les plus sensibles, comme les performances des capteurs et des intercepteurs, et donnerait à la Russie une sorte de droit de veto sur les projets alliés.

Un accord avec la Russie peut-il n'être qu'une simple option ?

La volonté américaine de déclarer dès que possible des capacités opérationnelles et la nécessité pour l'OTAN d'accélérer les échéances pour s'adapter à celui de l'EPAA laissent ce sentiment. Il y a pourtant un risque, en se fixant un calendrier trop rapide et en faisant de l'EPAA une référence intangible, à tuer toute réelle possibilité de coopération avec la Russie. Celle-ci a déjà indiqué qu'elle aurait peu de chance de participer à un système sans avoir été consultée sur sa définition.

L'OTAN va-t-elle simplement prendre acte du rejet de ses propositions par la Russie sans modifier ses plans ?

Ce serait renoncer bien hâtivement à une véritable opportunité pour créer un espace commun de sécurité avec la Russie et risquer d'entretenir un climat de méfiance et de confrontation qui n'est de l'intérêt d'aucun des deux partenaires.

Il est probable que le contexte électoral, tant en Russie qu'aux Etats-Unis, ne permettra pas d'avancée décisive dans l'année qui vient.

Il faut mettre à profit cette période pour évaluer les nombreux domaines de coopération potentiels : échanges d'informations sur l'analyse de la menace, mesures de confiance, procédures de consultation en cas d'attaque balistique.

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