E. COMPLÉMENTARITÉ AVEC LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE
« C TO C »

1. Une articulation cohérente pour les consommateurs

Pixmania a récemment décidé d'organiser l'hébergement d'offres de particuliers. Selon son directeur exécutif, Ulric JEROME, « cette proposition sera essentielle car elle devient complémentaire, dans l'esprit du consommateur, de l'activité B to C, puisque ce dernier envisage de plus en plus, dès l'acte d'achat, la perspective d'une revente. Cette démarche d'ensemble est cohérente avec une « activité produit » de plus en plus forte ».

De fait, le développement du commerce C to C, notamment porté par eBay, « a transformé l'Internet en un gigantesque vide grenier » 130 ( * ) et cet essor est tel qu'une proportion croissante de consommateurs anticipe une revente sur Internet pour évaluer le coût de revient final d'un bien, sur lequel ils se fixent pour leur décision d'achat. Le B to C s'articule de plus en plus avec le C to C...

La recherche d'un bien d'occasion dans un cadre « C to C » débouchera de plus en plus fréquemment, à partir d'un même site, sur la proposition d'un bien neuf par un commerce de type « B to C » - et réciproquement. Les plateformes grand public d'achat/vente de type eBay ou PriceMinister sont d'ores et déjà ouvertes aux professionnels, qui les utilisent notamment dans la perspective d'écouler leurs invendus.

2. Des interactions économiques complexes, qui restent à explorer

La croissance de l'e-commerce C to C tend à s'auto-alimenter : une opération réussie en appelle un autre, et donne l'idée d'opérer en sens inverse, en passant de l'achat à la vente ou réciproquement ; il existe en outre une incitation à vendre pour financer ses acquisitions, et les ventes permettent d'envisager de nouveaux achats.

La question se pose alors de l'impact économique de l'essor du commerce électronique C to C sur l'e-commerce B to C ; il nous semble fondamentalement ambigu.

Dans un sens, certaines ventes B to C peuvent être facilitées par la perspective d'une revente C to C ultérieure, voire immédiate pour des biens simplement remplacés. Mais, dans un sens opposé, il se peut que des consommateurs se détournent ponctuellement de l'e-commerce B to C lorsqu'ils trouvent en « C to C » un bien équivalent à moindre prix, ou de meilleure qualité au même prix.

Il est donc difficile de préjuger de l'impact du C to C sur la dynamique des ventes, cet aspect ne semblant pas avoir donné lieu, d' ailleurs, à des études microéconomiques significatives. Les opinions des acteurs que nous avons approchés sont, en la matière, peu tranchées. Pour Ulric JEROME ( supra ), « le C to C n'engendre [pas] d'effets pervers mesurables en termes de demande de biens neufs »

On peut avancer que l'e-commerce C to C est susceptible d'encourager au renouvellement accéléré des gammes, dans la mesure où la demande de biens nouveaux se trouverait de plus en plus solvabilisée par des perspectives de revente auprès de particuliers.

Suivant la même logique, on peut encore avancer que le C to C pourrait favoriser certaines « montées en gamme » :

- avec un marché de l'occasion profond et fluide, permettant l'acquisition de biens d'occasion récents à moindre prix, les biens neufs doivent être plus différenciateurs que par le passé pour trouver à s'écouler ;

- à budget donné, les consommateurs sont désormais en situation d'arbitrer entre des biens neufs ou des biens d'occasion plus haut de gamme, ce dernier choix offrant un débouché aux acquéreurs de « première main », davantage incités, ainsi, à l'achat de produits plus chers.

Enfin, le marché C to C venant concurrencer le B to C pour les produits qui ne sont pas nouveaux, il ne serait pas étonnant que les commerçants soient incités à baisser les prix pour la partie de leur offre qui ne relève pas des « dernières collections » ou ne bénéficie pas de la dernière technique. Cet effet ne pourrait qu'encourager davantage les commerçants à un renouvellement continuel de leurs gammes afin d'en éviter l'obsolescence...

Marc Lolivier, Délégué général de la FEVAD 131 ( * ) , part du constat, réciproque, que la tendance au raccourcissement du cycle de vie des produits entraîne des besoins croissants d'écoulement des stocks. Il conclut de même : « les ventes évènementielles se multiplient et, en complément du B2C, se développe le C2C qui permet aux consommateurs d'écouler des produits en bon état mais dont le renouvellement accéléré des gammes précipite l'obsolescence. Par ailleurs, les politiques tarifaires s'adaptent : ainsi, Apple a dû réviser à la baisse les tarifs de l'Ipad 1, lors de la sortie de l'Ipad 2 ».

En fin de compte, la montée en gamme d'une offre au renouvellement accéléré, et le renforcement des échanges C to C, pourraient former une boucle auto-entretenue.

Mais il ne s'agit là que d'un scénario, dont les enchaînements sont parfaitement réversibles . Le développement des transactions C to C entraîne, d'une façon générale, une optimisation de l'allocation des biens dans la population. On entrevoit alors sur quel type de maximisation de l'utilité collective pourrait déboucher, dans un contexte de crise et de récession, un recours général au C to C : un degré de satisfaction général à peu près préservé avec une production plus faible, en quantité et en qualité.

En effet, si des contraintes économiques accrues devaient s'exercer sur les ménages, ces derniers pourraient fort bien se détourner des nouveautés proposées par les e-commerçants pour se focaliser sur les produits les moins chers, tout en prévoyant leur revente ou leur location systématiques sur un segment du marché C to C de plus en plus actif, où la faiblesse du pouvoir d'achat révoquerait l'idée même d'obsolescence.


* 130 Catherine Barba, Ibid.

* 131 Fédération du e-commerce et de la vente à distance.

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