B. DE LA RECHERCHE À L'INNOVATION : BOITE À OUTILS POUR DES UNIVERSITÉS AUTONOMES

La loi Liberté et Responsabilité des Universités (LRU) peut apparaître comme le dernier pas dans la longue marche d'autonomisation des Universités françaises. En effet, depuis la loi Faure de 1968, les universités ont évolué, au fil des lois, comme par exemple la loi Savary de 1983, des décrets et circulaires, vers de plus en plus d'autonomie.

Historiquement, l'Université française n'avait que peu de marges de manoeuvre . Ainsi les décisions concernant les deux composantes primordiales de ses fonctions, à savoir son personnel enseignant-chercheur et son offre de formation, lui échappaient très largement ; la gestion des postes et des carrières était largement dirigée par les sections du Conseil national des universités (CNU) et les commissions de spécialistes, et l'offre de formation était largement pilotée par le pouvoir central.

Une première inflexion dans ce centralisme apparaît avec les procédures de contractualisation en 1989. Le pouvoir exécutif de l'époque met en place un système de contrat, renégocié périodiquement, entre les universités et l'État et portant tant sur l'offre de diplômes que la stratégie de l'établissement. Cette réforme, suivie de différents appels d'offres visant à remettre à niveau un patrimoine bâti déjà en voie de dégradation (plan Université 2000 et Université du 3 ème millénaire), tend à donner plus d'autonomie aux universités et notamment à leur pouvoir exécutif.

Au niveau de la recherche, la large vague « d'UMRisation » 1 ( * ) entamée à la fin des années 60 et achevée au cours des années 90, a largement renforcé le potentiel de recherche des universités en les associant de manière très étroite aux organismes de recherche. De plus, ce processus leur a donné un réel pouvoir de décision sur la recherche via des procédures de négociation et de contractualisation, notamment avec le CNRS.

1. Les apports et limites de l'autonomie des universités

Au 1 er janvier 2011, 90 % des universités françaises étaient passées aux compétences élargies. Le reste des universités est passé, comme le prévoit la loi, aux compétences élargies le 1 er janvier 2012.

La LRU, comme il est spécifié dans son premier article, vise à rendre les universités autonomes. Pour réaliser cet objectif, deux moyens ont été utilisés.

Le premier a été de largement remodeler les équilibres de gouvernance et les compétences des différents conseils décisionnaires des universités. Le second a été d'opérer un vaste transfert de compétences au détriment du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

a. Des instances de gouvernance plus efficaces ?

La LRU a eu pour premier effet de réformer profondément la gouvernance de l'université, notamment en ce qui concerne l'équilibre entre le conseil d'administration (CA), le conseil scientifique (CS) et le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU).

Les deux principaux changements qui ont affecté ces conseils sont une réduction du nombre des administrateurs et un transfert de pouvoir au CA au détriment du CS et du CEVU qui deviennent des conseils consultatifs. L'idée était d'en finir avec l'image d'institutions très complexes à gouverner.

Dans la nouvelle organisation des universités, le CA devient l'élément clé de la gouvernance. Afin de renforcer la stabilité et l'efficacité, l'élection des membres académiques du CA se fait par un scrutin de liste à un tour avec prime majoritaire. L'idée était de permettre au président de disposer d'une majorité forte. Néanmoins, ce mode de scrutin peut conduire au blocage des CA. En effet, dans le cas où les listes qui arrivent en tête dans les collèges professeurs et maîtres de conférences ne sont pas les mêmes, l'effet des primes majoritaires s'annihilent. Nous souhaitons ainsi une évaluation de la loi sur la responsabilité des universités (loi LRU).

De plus, le mode d'élection par collège a pour effet d'aboutir à une représentation « corporatiste » et surtout donne lieu à un débat pré-électoral essentiellement tourné vers les intérêts de chaque collège.

Ainsi, bien souvent le débat politique de projet global pour l'université ne se fait jour que lors de l'élection du président par le conseil d'administration restreint (sans les représentants extérieurs).

Les CA, dans leur mode d'élection actuel, sont donc plus sur des « super-CTP » (conseils techniques paritaires) que de vrais organes politiques nécessaires à des universités autonomes.

Lors d'une de nos visites préparatoires à ce rapport, nous avons eu l'occasion de nous rendre à l'université de Louvain-la-Neuve . Nous y avons appris que le président y est élu au suffrage universel direct par les personnels et les étudiants avec pondération des voix . Le président nouvellement élu y a la charge de constituer son équipe de présidence. L'avantage de ce mode d'élection est qu'un réel débat quant à l'avenir de l'université et à son projet peut être mené. Ainsi, lors des dernières élections le débat s'est notamment porté sur la création d'une direction de service à la société (valorisation, au sens large tel qu'évoqué précédemment, des connaissances créées).

Nous souhaitons plus de démocratie et plus de collégialité dans le processus de prise de décision.

Sans copier cet exemple qui est très éloigné du modèle français, nous devons réfléchir à une évolution du mode d'élection des membres des CA de nos universités. Nous devons notamment tendre à ce que le débat pré-électoral porte sur un projet d'avenir global pour l'université et pallier le problème de majorité parfois difficile à trouver.

L'utilisation d'un scrutin de type « régional » (élections dans différents collèges à la proportionnelle avec prime majoritaire sur la base du résultat global) pourrait tout à la fois garantir la représentation des différentes populations de l'université mais aussi une majorité stable et faire porter le débat sur un projet global.


* 1 Néologisme issu d'UMR : Unité Mixte de Recherche, laboratoire de recherche en cogestion entre un organisme de recherche et une université

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