b) ...malheureusement largement inapplicables

Les AOT se heurtent au respect de l'application des dispositions de la loi Handicap, compte tenu des délais impartis, de l'importance des travaux à réaliser, et de la jurisprudence administrative, qui ne prend pas en compte les spécificités de certains transports publics locaux et des politiques auparavant mises en oeuvre par les collectivités, notamment les départements en matière de transport à la demande.

(1) La non-prise en compte des spécificités des transports locaux

M. Jacques Domergue 42 ( * ) a ainsi constaté que « les dispositions de la loi se fondent essentiellement sur la situation des transports urbains en général - et particulièrement sur le cas des transports franciliens - pour lesquels la mise en accessibilité des services avait commencé depuis plusieurs années ».

Par ailleurs, bien que le métro francilien fasse l'objet d'une dérogation implicite, ni les transports départementaux (notamment scolaires), ni les transports régionaux n'ont bénéficié de dispositions dérogatoires, malgré leurs nombreuses spécificités et l'existence de transports à la demande assumés par les départements, qui bénéficiaient principalement aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, et dont le bilan est largement positif.


Les transports à la demande (TAD) départementaux

Le département est compétent pour les services de TAD en milieu non urbain, conformément aux dispositions de l'article 29 de la LOTI.

L'exécution du TAD est assurée soit en régie soit par un tiers. Le département peut confier ses prérogatives en la matière à d'autres AOT, qualifiées alors d'autorités organisatrices secondaires (ou AO2), par le biais d'une convention qui doit définir le rôle respectif des cocontractants, notamment en matière de définition des services, des tarifs, des interventions financières et de leurs modalités d'exécution.

Les TAD peuvent être gérés par un syndicat mixte afin que les services de transports soient organisés sur un territoire plus vaste et plus pertinent.

(2) La contrainte budgétaire de l'accessibilité

Si l'objectif principal de la loi Handicap n'a évidemment pas à être remis en question, force est de constater que celle-ci ne prévoit aucune ressource pour financer les restructurations induites par les obligations législatives . Or, les difficultés de financement des transports publics que connaissent actuellement les AOT ne leur permettent pas de faire face aux objectifs dans les délais impartis.

Une décision récente du juge administratif donne un avant-goût des difficultés qui pourraient se poser aux AOT dans les prochaines années, notamment après 2015. La Cour administrative d'appel de Lyon , le 1 er juillet 2010, a annulé le schéma directeur des transports publics d'une communauté d'agglomération , qui prévoyait que seuls 40 % des arrêts existant sur les lignes régulières seraient aménagés « afin de tenir compte des contraintes techniques et budgétaires de la collectivité ». Cependant, le schéma précisait que les aménagements restants seraient poursuivis au-delà de la période considérée par le schéma et, dans cette attente, des moyens de transport de substitution adaptés aux besoins des personnes handicapées seraient organisés et financés par l'autorité compétente.

Le juge administratif a estimé que la collectivité publique ne pouvait limiter son effort « au seul motif que l'opération aurait un coût global trop élevé mais sans faire état, pour ces différents points d'arrêt de difficultés techniques qui rendraient le coût de leur aménagement manifestement disproportionné par rapport au coût constaté habituellement en la matière ». Ainsi, il considère que tous les arrêts des lignes régulières de transport doivent être aménagés en vue d'assurer leur accessibilité aux personnes handicapées , sauf lorsque des difficultés techniques avérées rendraient le coût de cet aménagement disproportionné, la seule contrainte financière étant jugée insuffisante .

Comme le note M. Yves Jégouzo 43 ( * ) , « l'interprétation donnée par le juge peut être discutée dans la mesure où l'obligation instaurée dans la loi du 11 février 2005 porte sur l'accessibilité des personnes handicapées aux "services de transport" et où celle-ci pourrait être assurée autrement que par l'aménagement des arrêts des lignes régulières ».

Cet exemple illustre la contradiction entre , d'une part, le plafonnement imposé par l'État appliqué aux dépenses des collectivités territoriales et à la pression fiscale locale et, d'autre part, les normes qui s'imposent aux collectivités territoriales . Il semble de plus en plus probable qu'une situation de blocage apparaisse « que le juge seul ne peut résoudre et qu'il appartient plutôt au législateur de prévenir en mesurant mieux l'impact de ses lois ».

A cela s'ajoute l' absence , pour les départements et les régions , d'une ressource spécialement dédiée au financement de la gestion et de l'organisation des transports , telle que le VT. Dans un contexte financier contraint pour ces deux niveaux de collectivités territoriales, lié à un déficit de compensations financières, de la part de l'État, du versement des trois prestations sociales universelles 44 ( * ) pour les départements, et la perte d'autonomie fiscale liée à la suppression de la taxe professionnelle pour les régions, le manque de ressources pourrait conduire à une situation de blocage pour ces collectivités .


* 42 Mission confiée par le Premier ministre à M. Jacques Domergue, député de l'Hérault, concernant [entre autres] la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 11 février 2005 (...), relatives à la mise en accessibilité des services de transport, janvier 2008.

* 43 AJDA du 25 octobre 2010, « Les collectivités territoriales face au handicap », p. 1961.

* 44 Allocation personnalisée d'autonomie (APA), Prestation de compensation du handicap (PCH), Revenu de solidarité active (RSA).

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