D. LE TRANSFERT FORCÉ DE POPULATION : UNE VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME

Phénomène apparu à la fin du XIX ème siècle et généralisé au siècle suivant, le transfert de population recoupe des réalités multiples. Technique de guerre ou mesure de rétorsion d'après guerre, il a pu être considéré comme un moyen de régler des conflits ethniques ou religieux. Au regard de leurs conséquences tragiques, ces manoeuvres sont, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, considérées comme de graves violations du droit international. Le droit français l'assimile, à cet égard, à un crime contre l'humanité. Les guerres de sécession au sein de l'ex-Yougoslavie ont cependant souligné que ces déplacements pouvaient rester d'actualité. La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme a souhaité condamner fermement de telles pratiques.

Si le concept est condamné, la commission relève cependant une absence de définition juridique commune à l'ensemble des États. Mme Christine Marin (Nord - UMP) a souhaité insister sur ce point :

« Je félicite le rapporteur pour la qualité de son travail sur cette question difficile et malheureusement toujours d'actualité. C'est en effet un sujet sensible puisque l'Europe, lors des deux guerres mondiales - mais pas uniquement -, fut le théâtre de nombreux transferts de populations dus aux volontés expansionnistes territoriales de certains États et résultant d'une politique dépassée de règlement des conflits ethniques et religieux. Cette politique est contraire aux principes du droit national moderne mais, pour éviter que sa dénonciation n'ait qu'une portée déclarative, il importe d'établir un instrument juridiquement contraignant qui pénalise et dénonce clairement les transferts forcés de populations. L'un des enjeux du problème, et non le moindre, réside dans la définition juridique qui sera donnée à ces transferts. Cette clarification est pourtant indispensable afin de se doter d'un instrument efficace qui permettra d'éviter la poursuite de telles politiques et d'ouvrir droit à une véritable réparation matérielle et morale.

En outre, de nombreux instruments juridiques condamnent indirectement les transferts forcés de population. Établir une définition juridique unique, dès lors, facilitera la mise en oeuvre de la responsabilité des États vis-à-vis de leur population, rejoignant en ce sens le principe d'obligation, pour un État, de protéger sa propre population, principe défini par la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États.

Je soutiens donc le projet de résolution dans son ensemble - car il est équilibré - et je soutiens également l'amendement 7. »

Cet amendement incitait les États membres du Conseil de l'Europe à adopter des instruments juridiquement contraignants pour assurer l'indemnisation équitable de telles victimes de transferts forcés de population qui ont été contraintes de quitter leur territoire. Il n'a pas été adopté.

La résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire invite les États membres à porter ce message à destinations d'États tiers usant encore de ce type de pratique. Le texte insiste sur la mise en place d'un instrument international juridiquement contraignant, qui définirait précisément toutes les formes de transferts forcés de population pour mieux les interdire.

Le texte invite également les États membres à favoriser la création d'un centre international dédié à cette question, destiné à présenter aux jeunes générations les modalités et les conséquences de ces transferts. La question de la mémoire était, à cet égard, au centre de l'intervention de M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi de féliciter chaleureusement le rapporteur, M. Vareikis, pour la qualité de son travail sur ce sujet difficile.

Les débats actuels sur ces questions montrent une absence de consensus sur cette définition. Absence de consensus pour des raisons politiques mais également pour des raisons historiques.

Le rapport met en évidence, dans un long paragraphe historique, les différents transferts forcés de population dont l'Europe a été le théâtre.

Pour nombre de ces transferts forcés, les traces sont toujours visibles, qu'il s'agisse de « conflits gelés » ou de conflits autour de mémoires non réconciliées, parce que ces violations caractérisées des droits de l'Homme n'ont pas été reconnues.

Je partage l'ensemble des conclusions du rapport et je soutiens également le projet de résolution.

Si une définition juridique devra être établie pour que ces violations des droits de l'Homme cessent, je souhaiterais plus précisément centrer mon intervention sur la question de la mémoire.

Le paragraphe 3 du projet de résolution précise « que le transfert forcé de population est un traumatisme pour les populations concernées, une source considérable de souffrance individuelle et un facteur d'instabilité politique . » C'est pourquoi la réconciliation des mémoires doit être un préalable.

La reconnaissance par un État des violations des droits de l'Homme qui ont eu lieu dans son passé n'implique évidemment pas la responsabilité de l'État actuel mais favorise une réconciliation nécessaire à la reconstruction individuelle et collective. A l'inverse, le refus d'un État de reconnaître ses fautes passées ne conduit qu'à l'escalade de la reconnaissance mémorielle. Engageons donc les acteurs internationaux à faire face à leur responsabilité : il faut reconnaître les erreurs du passé ! L'enseignement de l'histoire nationale doit se faire sans tabous historiques pour que la mémoire individuelle se réconcilie avec la mémoire nationale. La concorde nationale et le respect des droits de l'Homme sont à ce prix. »

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