B. UNE FORMATION EN DESHÉRENCE

1. Une division intenable entre l'éducation nationale et les universités
a) L'articulation déficiente du master et du concours

Les retours après les premières années de mise en oeuvre de la mastérisation sont très mauvais. Tant les inspections générales que la Cour des comptes et le président du comité Master pointent de lourdes carences. Votre rapporteure est particulièrement préoccupée par la rupture de l'égalité de traitement entre les étudiants se destinant au métier d'enseignant qui naît d'un cadrage national déficient et du manque de coordination entre les universités et les rectorats. Si l'on considère le défaut d'articulation entre les politiques autonomes menées par les universités dans l'élaboration des cursus de masters, d'un côté, et les besoins de l'éducation nationale, ainsi que les contraintes du fonctionnement de ses écoles et de ses établissements, de l'autre, force est de constater et de déplorer que les deux univers scolaire et universitaire s'ignorent encore trop, alors que leur collaboration étroite est nécessaire. Les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur partagent la responsabilité d'un échec qu'il convient de réparer au plus vite.

On ne peut que conclure des disparités criantes d'application de la réforme, à la fois sources d'inefficacité et d'inéquité, que ce mode de fonctionnement par délégation aux échelons locaux ne peut durablement persister et que l'État doit fixer des règles communes intangibles.

En outre, le cumul de l'obtention du master et de la préparation au concours n'a clairement pas été suffisamment réfléchi et préparé. Pour garantir la cohérence de la réforme, quel qu'en soit le bien-fondé, il aurait été au moins nécessaire de distinguer clairement ce qui relevait du diplôme et du concours. En effet, puisqu'il s'agissait d'augmenter le niveau de formation des enseignants tout en les plaçant en responsabilité complète devant une classe dès après le concours, l'acquisition du master aurait dû valoir comme moyen de valider les connaissances, tandis que la réussite au concours aurait dû sanctionner la maîtrise de compétences professionnelles. En réalité, la professionnalisation a été largement oubliée par les universités comme par l'éducation nationale et le concours reste une validation d'épreuves disciplinaires se surajoutant au master.

De surcroît, l'articulation au sein du cursus de master de l'initiation à la recherche et de la formation au métier d'enseignant est très insatisfaisante. D'une part, la préparation du concours absorbe les efforts des étudiants et ne leur permet pas de se concentrer convenablement sur l'élaboration de mémoires, dont par conséquent la qualité paraît souvent faible pour le surcroît de travail qu'ils demandent. D'autre part, selon le président du comité Master, Jean-Michel Jolion 28 ( * ) , dans beaucoup d'universités, la recherche est conduite sans aucun lien avec l'exercice projeté du métier, si bien qu'aucun gain ne peut en être retiré en termes de réflexivité et de recul sur les pratiques pédagogiques. Sans doute est-ce liée à la faible attention portée par le monde universitaire au sens large à la didactique et à la pédagogie des disciplines dont ils participent à la construction et à l'extension.

L'accumulation des réquisits ne peut pas mettre les étudiants en situation de réussite. Il leur est en effet demandé de préparer un master, y compris la rédaction d'un mémoire de recherche, de présenter un concours, de réaliser des stages et de valider des certificats informatiques et linguistiques. Ceux qui en plus doivent travailler pour poursuivre leurs études sont lourdement pénalisés, ce qui ne peut qu'accroître le biais social dans le recrutement des futurs enseignants, en éloignant davantage encore les enfants des milieux populaires de cette profession.

Le problème des reçus-collés est particulièrement inquiétant sous toutes ses formes. Premièrement, l'obtention du M1 ne garantit pas l'entrée en M2. Alors même que l'on demande aux étudiants de mûrir leur projet et de se préparer en amont à entrer dans la carrière, on leur impose des réorientations brutales au moment crucial. Ensuite, les certificats en langues et en informatique peuvent servir d'obstacle de dernière minute après l'obtention du master et la réussite au concours. Toutes les universités ne préparent pas à l'obtention de ces certificats qui sont de plus payants. Cette exigence paraît d'autant plus paradoxal que le diplôme de master intègre la maîtrise d'une langue vivante, ce qui devrait rendre caduque toute demande supplémentaire en ce domaine. Enfin, les étudiants qui ont obtenu leur master mais échoué aux concours ne bénéficient plus du statut d'étudiant, si bien qu'ils ne peuvent pas les préparer et les repasser dans de bonnes conditions s'ils le souhaitent. L'inscription dans un autre master ou dans un doctorat ne constitue pas une solution viable.

Votre rapporteure estime que tant le besoin de professionnalisation que la réduction du nombre des reçus-collés et le souci de la mixité sociale au sein de la communauté enseignante plaident en faveur de prérecrutements dès la licence.

b) Le statut incertain des IUFM et l'insuffisance de la préparation au métier en master

Deux systèmes de formation coexistent : l'un pour le 1 er degré, l'autre pour les enseignants des collèges et des lycées. La formation des professeurs des écoles est la plupart du temps implicitement confiée aux instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), les unités de formation et de recherche (UFR) devant assurer un appui pour le volet disciplinaire. En revanche, la formation des enseignants du 2 nd degré dont l'orientation demeure très fortement disciplinaire, est maîtrisée par les UFR, charge à l'IUFM d'organiser les stages en interface avec les rectorats.

D'après Jean-Michel Jolion 29 ( * ) , il convient de compliquer cette description schématique en tenant compte des disparités importantes existant entre les divers champs disciplinaires. Ainsi, pour le 2 nd degré, les UFR des secteurs scientifiques, où les candidats sont moins nombreux, auraient en général, bon an mal an, travaillé en collaboration avec les IUFM. En revanche, en lettres, les universitaires, inquiets du siphonnage potentiel des filières de recherche, ont tissé le minimum de lien avec les IUFM.

Cette séparation étanche entre la formation des enseignants du 1 er et du 2 nd degrés est regrettable. Il est pourtant important d'établir des lieux d'échanges et de pratiques pédagogiques, entre les enseignants de primaire et de collège, si l'on veut assurer une authentique fluidité du parcours des élèves et une prise en compte du développement de l'enfant dans sa globalité tout au long de sa scolarité. Votre rapporteure souhaite que ne soient pas réactivés de faux débats et de fausses oppositions, entre le pédagogue généraliste pour le 1 er degré et le spécialiste académique dans le 2 nd degré. Il convient de revenir, en l'adaptant aux évolutions du métier, à l'ambition qui avait présidée à la création des IUFM : celle d'un lieu commun pour tous les enseignants de la maternelle au lycée où sont dispensées des formations interdisciplinaires ancrées dans les résultats de la recherche.

Le maintien de structures spécifiques au sein des universités distinctes des UFR est nécessaire pour que les dimensions proprement didactiques et pédagogiques ne soient pas trop diluées dans les masters enseignement. Votre rapporteure souligne que disciplines universitaires et matières enseignées à l'école ne se recouvrent que partiellement : certains savoirs essentiels à l'enseignant, comme la géométrie euclidienne à deux dimensions par exemple ont été depuis fort longtemps dépassés par la recherche et constituent un vieux corpus sédimenté qui n'a plus d'intérêt pour des maîtres de conférences et des professeurs d'université. En revanche, ils constituent encore la base des programmes et des apprentissages et les futurs enseignants doivent être préparés à les enseigner spécifiquement, à comprendre leurs enjeux, ainsi que les difficultés qu'ils représentent pour des enfants.

C'est pourquoi il faut que les structures de formation en charge des futurs enseignants soient étroitement liées aux universités sans pour autant s'y dissoudre. Pour l'heure, leur autonomie financière en l'absence de fléchage des moyens au sein des budgets des universités n'est pas assurée. La conférence des directeurs d'IUFM (CDIUFM) 30 ( * ) a indiqué, par exemple, que l'IUFM de la Réunion avait vu ses moyens fondre par décision du conseil d'administration de l'université. Votre rapporteure s'inquiète des risques de voir les IUFM devenir une variable d'ajustement des budgets des universités, au détriment des filières de formation les moins rentables, comme celles destinées à l'enseignement en lycée professionnel. En outre, sur une académie, l'IUFM est intégré à une université et non transversalement au pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) par exemple. Ceci pose des problèmes de répartition des charges et des budgets entre les universités. La CDIUFM a signalé à la mission par exemple que lorsque le site de l'IUFM a été transféré à l'université de La Rochelle, l'université de Poitiers, le plus gros pôle de l'académie, s'en est désintéressée.

« LES FORMATEURS IUFM
FACE À LA RÉFORME DE LA MASTÉRISATION :
REMANIEMENTS IDENTITAIRES ET SENS DU TRAVAIL »

Thérèse Perez-Roux, Note du CREN n° 7, janvier 2012

La formation des enseignants à l'heure de la mastérisation :
rappel de l'évolution en 2010

Avant 2010

La formation initiale des enseignants du 2 nd degré était pensée dans un processus de professionnalisation progressive (première année d'IUFM orientée par la préparation des étudiants en concours, diversement associée à des aspects de pré-professionnalisation ; seconde année à visée quasi exclusivement professionnalisante et centrée sur le stage). Les enseignants-stagiaires s'inscrivaient alors dans un dispositif par alternance : enseignants « en responsabilité » dans un établissement d'accueil, stagiaires en formation à l'IUFM. La transmission/construction des savoirs professionnels était alors basée sur un cahier des charges de la formation des maîtres. 31 ( * ) Le processus de professionnalisation était alors principalement ` dans et par l'action ' (Wittorski, 2008), ce qui a pu ne pas satisfaire certains formateurs plus orientés vers la recherche.

Depuis la rentrée 2010

« Le processus de Mastérisation de la formation nécessite pour les étudiants comme pour les formateurs, la prise en compte de trois logiques, en parties concurrentes : l'obtention d'un master intégrant une orientation de recherche, la réussite à un concours de recrutement et la formation (pré) professionnelle aux métiers de l'enseignement ou de l'éducation. Pour les formateurs, ces nouvelles perspectives interrogent le sens du travail, entendu comme ` la composante des identités professionnelles qui concerne le rapport à la situation de travail, à la fois l'activité et les relations de travail, l'engagement de soi dans l'activité et la reconnaissance de soi par les partenaires ' (Dubar, 2000, 104). ». Il s'agit alors de s'interroger sur les effets de cette réforme sur les rapports au métier.

Méthodes de l'enquête

Un questionnaire mis en ligne en mai/juin 2011 a été proposé à l'ensemble des formateurs par l'intermédiaire des 22 IUFM du territoire national. 584 répondants ont été recensés.

Des formateurs confrontés à de nouveaux enjeux

Outre la mutation des objectifs poursuivis et le changement du contenu des enseignements, les formateurs notent que les concours occupent désormais une place majeure sur les deux années du Master, ainsi qu'une évolution des « caractéristiques des étudiants », repérés comme davantage consommateurs dans les différents enseignements proposés. Les changements de perspectives s'expriment à travers 4 items : « construire de nouveaux contenus » (37%), « mettre en adéquation les enseignements avec les caractéristiques des étudiants » (27%), « dispenser un savoir universitaire » (23%) et « adosser l'enseignement aux apports de la recherche en éducation ou disciplinaire » (22%).

Une question ouverte proposait de « donner trois mots clés résumant le bilan de l'année ». Sur 928 mots, les 10 premiers mots sont les suivants : travail (68), fatigue (44), stress (34), évaluation (33), formation (30), surcharge (30).... gâchis (22)...

La description, par les formateurs, de l'activité afin de comprendre le travail évoqué de façon critique fait apparaître les préoccupations suivantes :

- une improbable articulation entre savoirs théoriques et savoirs pratiques en raison d'espaces temps plus contraints sur les maquettes et de publics plus rétifs à entrer dans une démarche réflexive ;

- la minoration de la fonction d'accompagnement sur le terrain, jugée déconnectée du reste des contenus ;

- une dispersion de l'activité et un morcellement des savoirs.

Des formateurs à la recherche de sens

« Les résultats de l'enquête montrent un manque de visibilité des effets de la réforme et un manque de sens pour de nombreux formateurs en prise avec une nouvelle réalité contre laquelle, en amont de sa mise en oeuvre, beaucoup se sont mobilisés. La prise en comptes des trois finalités à tenir dans les Master (professionnalisation, préparation au concours, recherche) vient bousculer les organisations antérieures des IUFM et, de fait, les positionnements des formateurs. »

Logiques de formation contre logiques d'enseignement ?

Pérez-Roux évoque une « tension ravivée », en référence à une analyse faite par Charlot en 1990, entre logique de formation, organisée autour et à partir des pratiques, et logique d'enseignement, davantage centrée sur des savoirs constitués, nombreux, plus distants des questions liées à l'expérience professionnelle.

Source : CREN - Commission de la culture

La préprofessionnalisation demeure trop absente dans les parcours de formation antérieurs au concours. L'organisation des stages est dans la main des rectorats, ce qui constitue une très lourde tâche. Les contacts avec les universités sont trop faibles comme si l'institution formatrice était déchargée de l'aspect professionnel du futur métier, uniquement confié au futur employeur. Dans ces conditions, il est inévitable que l'insertion des stages dans les masters ne soit pas optimale : les stages sont vécus par les étudiants comme des parenthèses, qui ne sont pas utilisées à des fins formatrices. De même, le concours ne tient absolument pas compte des expériences vécues. Il est impossible alors de préparer les futurs enseignants à devenir des praticiens réflexifs.

Les conditions d'accès aux stages en responsabilité des étudiants de master 2 se destinant au 2 nd degré varient beaucoup en fonction des politiques des académies et des universités. Les académies dans lesquelles les choix concertés des universités et du recteur conduisent à offrir les stages en responsabilité à tous les étudiants de M2, qu'ils soient admissibles ou pas, sont peu nombreuses : il s'agit des académies de Grenoble, de Lyon et de Montpellier. Ailleurs, toutes les options ont été relevées par les inspections générales. 32 ( * )

De nombreuses universités tendent à limiter l'obligation du stage en responsabilité aux seuls admissibles. D'autres refusent d'inscrire des stages en responsabilité dans leurs maquettes de master comme les universités Bordeaux 3 ou Toulouse 3. Certaines le rendent optionnel parmi d'autres types de stages possibles comme l'université Paris Est-Créteil. Certaines autres qui appartiennent à la même académie valorisent diversement le stage dans le master, par exemple le stage en responsabilité est valorisé par 15 ECTS 33 ( * ) par l'université de Poitiers et par 6 ECTS par celle de La Rochelle. On rencontre aussi le cas d'universités comme celle de Nancy-Metz qui n'encouragent pas leurs étudiants à faire ces stages en considérant que leur durée, réduite à peau de chagrin, ne correspond pas aux standards de durée des stages dans les masters professionnalisants, comme à Nancy-Metz. La logique universitaire de diplômation l'emporte ici sur la préparation à l'entrée dans le métier. Enfin, certaines dissuadent carrément les étudiants, y compris les admissibles, de faire un stage en responsabilité sous le prétexte inverse que la préparation des épreuves du concours est beaucoup plus utile que la préparation de cours pour des classes prises en responsabilité. La logique de préparation au concours, sous forme de « bachotage » l'emporte ici clairement sur la préparation à l'exercice du métier.

Les politiques académiques d'organisation des stages sont très contraintes. Les inspections générales mettent l'accent sur les réticences des professeurs à confier leurs classes à des étudiants pendant plusieurs semaines, notamment au cours du second trimestre de l'année scolaire. En outre, les demandes de stages en responsabilité se concentrent sur les établissements des villes possédant des centres universitaires, d'où la saturation des capacités d'accueil et de prise en charge dans les établissements concernés. 34 ( * )

c) Des difficultés accentuées dans la voie professionnelle

Les problèmes de recrutement des enseignants de lycée professionnel sont anciens, mais chaque élévation du niveau de recrutement qui ne prend pas en compte la spécificité de la profession, assèche davantage le vivier. L'exigence de détention d'un master pour se présenter au concours ne pouvait être appliquée telle quelle aux concours de recrutement des professeurs de lycée professionnel (PLP). En effet, dans plusieurs disciplines professionnelles, comme coiffure, chaudronnerie ou transport routier par exemple, il n'existe bien évidemment pas de cursus de master. En outre, dans certaines autres disciplines comme le génie électrique par exemple, les diplômés de master ou de niveau III peuvent trouver des postes nettement mieux rémunérés que l'enseignement.

Le décret n° 2009-918 du 28 juillet 2009 mettant en oeuvre la mastérisation dans l'enseignement professionnel et modifiant le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des PLP tient partiellement compte de cette situation particulière. Il distingue en effet trois catégories principales de candidats au concours de PLP :

- les enseignants des disciplines générales (français, histoire-géographie, mathématiques...) ou des spécialités professionnelles pour lesquelles existe un diplôme de niveau I, qui doivent justifier de la détention d'un master ou d'un diplôme équivalent, en général pour les spécialités professionnelles un diplôme d'ingénieur ;

- les enseignants des spécialités professionnelles pour lesquels il n'existe qu'un diplôme de niveau III (DUT, BTS, DMA...), qui doivent justifier, outre la possession de ce diplôme, de cinq années de pratique professionnelle ou d'enseignement de cette pratique ;

- les enseignants des spécialités professionnelles pour lesquels il n'existe pas de diplôme supérieur au niveau IV (baccalauréat, brevet professionnel, brevet de technicien...), qui doivent alors justifier, outre la possession d'un diplôme de niveau IV, de sept années de pratique professionnelle ou d'enseignement de cette pratique.

EXTRAITS DU DÉCRET N° 92-1189 DU 6 NOVEMBRE 1992
RELATIF AU STATUT PARTICULIER
DES PROFESSEURS DE LYCÉE PROFESSIONNEL

Version en vigueur avant la mastérisation

« Art. 6. Le concours externe donnant accès du corps des professeurs de lycée professionnel est ouvert :

1. Aux candidats justifiant d'une licence ou d'un titre ou diplôme équivalent sanctionnant au moins trois années d'études après le baccalauréat, délivré par un établissement d'enseignement ou une école habilitée par la commission des titres d'ingénieur, ou d'un titre ou diplôme de l'enseignement technologique homologué aux niveaux I et II en application de la loi du 16 juillet 1971 susvisée ou d'un autre titre ou diplôme permettant de se présenter au concours externe du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique ;

2. Aux candidats ayant ou ayant eu la qualité de cadre au sens de la convention collective du travail dont ils relèvent ou relevaient et justifiant de cinq années d'activité professionnelle effectuées en leur qualité de cadre ;

3. Dans les spécialités professionnelles aux candidats justifiant de cinq années de pratique professionnelle ou d'enseignement de cette pratique et possédant un brevet de technicien supérieur, ou un diplôme universitaire de technologie, ou un titre ou un diplôme de niveau égal ou supérieur, ou ayant bénéficié d'une action de formation continue conduisant à une qualification professionnelle de niveau III au sens de la loi du 16 juillet 1971 susvisée ;

4. Dans les spécialités pour lesquelles il n'existe pas de diplôme supérieur au niveau IV au sens de l'article L. 335-6 du code de l'éducation, aux candidats justifiant de sept années d'une pratique professionnelle ou d'enseignement d'une telle pratique et d'un diplôme de niveau IV ou de huit ans d'une pratique professionnelle ou d'enseignement d'une telle pratique et d'un diplôme de niveau V ;

5. Aux élèves professeurs recrutés par le concours d'accès au cycle préparatoire prévu au 1° de l'article 13 ci-dessous. »

Version modifiée par l'art. 3 du décret n° 2009-918 du 28 juillet 2009

« Article 6 - I.-Le concours externe donnant accès du corps des professeurs de lycée professionnel est ouvert :

1. a) Aux candidats justifiant de la détention d'un master ou d'un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l'éducation ;

b) Aux candidats justifiant qu'ils sont inscrits en dernière année d'études en vue de l'obtention d'un master ou d'un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l'éducation ;

2. (non modifié)

3. (non modifié)

4. (non modifié)

5. (non modifié)

II.- Pour être nommés dans le corps des professeurs de lycée professionnel, les candidats mentionnés au 1 du I doivent justifier d'un master ou d'un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l'éducation .

Les candidats reçus au concours et qui ne peuvent justifier d'un tel titre ou diplôme lors de la rentrée suivant leur réussite au concours gardent le bénéfice de celui-ci jusqu'à la rentrée scolaire suivante. S'ils justifient alors de l'un de ces titres ou diplômes, ils peuvent être nommés en qualité de fonctionnaires stagiaires. Dans le cas contraire, ils perdent le bénéfice du concours et ne peuvent être nommés . »

Votre rapporteure avait déjà remarqué dans son avis budgétaire sur l'enseignement professionnel pour 2010 que la réforme ne s'effectuait pas exactement à droit constant pour les enseignants de discipline professionnelle. En effet, contrairement à la situation qui prévalait jusque là, le concours externe n'est plus ouvert dans les spécialités professionnelles aux candidats justifiant de huit ans de pratique professionnelle ou d'enseignement et d'un diplôme de niveau V. Cette fermeture du concours à des personnes peu qualifiées mais ayant une solide expérience ne paraît pas justifiée. Elle va à l'encontre de la politique de validation des acquis de l'expérience, que l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle appellent de leurs voeux. Elle prive potentiellement l'éducation nationale d'un vivier de professionnels compétents.

Malgré les aménagements prévus pour certaines disciplines professionnelles, la mastérisation a ouvert, de l'aveu général des acteurs de terrain et comme cela était à prévoir, une crise majeure de recrutement d'enseignants en lycée professionnel. Les parcours appropriés de master dans les universités ont été mis en place très hâtivement et restent largement invisibles pour les candidats potentiels, ce qui a conduit à un tarissement sans précédent du vivier de candidats. Le Syndicat national unitaire de l'enseignement professionnel (SNUEP) a confirmé à votre rapporteure un effondrement du nombre de candidats au concours de PLP, avec moins d'un candidat pour deux postes mis au concours.

Le rapport Jolion remis aux ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur en octobre 2011 souligne que l'enseignement professionnel reste dans l'angle mort d'une réforme qui n'a pas été conçue pour lui :

« Les masters liés aux métiers de l'enseignement pour les filières technologiques et professionnelles ont connu une année très difficile avec une baisse très importante d'effectifs due tout autant à la très grande spécificité de ces filières qu'au flou trop important sur la mise en place de la réforme pour ces filières (décisions tardives de l'État, manque de communication auprès du public étudiant et professionnel,...). Ces filières sont incontestablement les grandes oubliées de cette réforme. » 35 ( * )

Beaucoup de filières ferment car elles ne sont pas financièrement viables en l'état pour les universités. En effet, les masters préparant au concours du CAPLP requièrent certains équipements spécifiques et peuvent donc être plus coûteux que d'autres. Les universités ferment en priorité les masters les moins fréquentés qui grèvent leur budget, si bien que de plus en plus de spécialités ne disposent d'aucun parcours universitaire approprié. Les disciplines générales ne sont pas épargnées par la crise de recrutement, les universités réorientant plutôt leur offre de formation vers le CAPES et l'agrégation.

Le défaut de PLP oblige alors les recteurs à multiplier les vacations, sans trop d'exigences sur le niveau de qualification et la compétence. Se prépare ainsi l'affaiblissement des formations dispensées dans les lycées professionnels par épuisement du recrutement de titulaires bien formés et recours massif à l'emploi précaire. Un cercle vicieux s'est amorcé qui pèsera sur les performances des élèves via la déstabilisation du corps des PLP, alors que l'enseignement professionnel rassemble la plus grande proportion d'élèves fragiles et socialement défavorisés.

Les difficultés sont accrues par les obstacles mis à la reconversion de salariés, dont la moitié du corps est actuellement issue. La baisse du nombre d'anciens salariés risque également de distendre les liens noués entre les entreprises et les lycées au détriment des élèves. Votre rapporteure souligne que même si de nombreux cadres et techniciens nourrissent le désir de changer de métier et de devenir enseignants, il demeure pour eux très difficile de s'éloigner du milieu familial pour une formation ou une affectation et de supporter même transitoirement l'interruption de leurs revenus le temps du concours.

Le financement des reconversions n'est pas assuré. Il ne permet pas en général de couvrir toute la durée de la période de transition, les dispositifs comme le congé individuel de formation (CIF) ne prenant en charge en général qu'une année. Mais, lorsque le salarié candidat à une reconversion n'est pas exempté de la détention d'un master, il doit envisager une reprise d'études sur deux ans, si bien qu'il doit prendre à sa charge une année de formation alors même qu'il ne reçoit plus de rémunération.

Dans les spécialités professionnelles pour lesquelles est levée la condition de master, les salariés concernés par une éventuelle reconversion sont très souvent éloignés de l'enseignement supérieur et leur préparation au concours semée d'embûches, d'autant que les procédures de validation des acquis de l'expérience demeurent lourdes à mettre en oeuvre.


* 28 Audition du 14 février 2012.

* 29 Audition du 14 février 2012 (Jolion).

* 30 Audition du 14 février 2012 (CDIUFM).

* 31 Bulletin officiel n °1, 4 janvier 2007. Cahier des charges de la formation des maîtres en Institut universitaire de formation des maîtres.

* 32 IGEN-IGAENR, Mise en oeuvre de la réforme de la formation des enseignants , Rapport n° 2011-045, avril 2011, p. 27.

* 33 ECTS : European Credit Transfer System.

* 34 Ibid., p. 28.

* 35 J.-M. Jolion, Mastérisation de la formation initiale des enseignants : enjeux et bilan , 10 octobre 2011, p. 9.

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