B. REPENSER L'OFFRE DE FORMATION ET L'ATTRIBUTION DES DOTATIONS

1. Refuser l'abandon des établissements en difficulté

Le refus du fatalisme qui anime la démarche de votre rapporteure l'amène à rejeter le principe des fermetures d'établissement sous prétexte de leur ghettoïsation, sauf situation locale exceptionnelle. Il est certain que dans certaines zones notamment en région parisienne, la mixité sociale ne reviendra que difficilement au sein des établissements scolaires, quelles que soient l'ingéniosité du redécoupage des secteurs, la richesse de l'offre éducative et la transparence des procédures d'affectation. A plusieurs reprises, il a été suggéré aux membres de la mission qu'il fallait procéder à la fermeture des collèges où, du fait de la ségrégation urbaine, se concentraient de grandes difficultés sociales. Votre rapporteure ne peut accepter cet artifice.

Il faut considérer que les zones paupérisées peuvent s'étendre sur le territoire entier d'une commune, voire de plusieurs communes limitrophes. L'enclavement de ces quartiers doit aussi être pris en compte ; il limite de fait les possibilités de réaffectation des élèves, qui seront répartis dans les collèges les plus proches dont le profil sociologique est similaire à celui du collège fermé. Dans un tel contexte, la fermeture d'un établissement ghettoïsé ne fera que renforcer les difficultés dans les autres collèges. Le gonflement des effectifs dans les collèges restants en compliquera la gestion et pourrait déstabiliser les équipes. On ne peut en attendre aucun progrès en termes de mixité ou de réduction des inégalités, ni en matière d'amélioration des apprentissages.

En outre, dans certains quartiers sensibles, le collège même très ségrégué est un lieu de vie essentiel qui participe à l'animation de territoires trop délaissés. Aussi bien concrètement que symboliquement, sa fermeture constituerait un véritable abandon aux conséquences redoutables. Elle rejaillirait sur toute la population du quartier, définitivement stigmatisée et privée d'un service public fondamental. Elle éloignerait encore davantage de l'école des familles qui n'en sont pas familières, alors que tout doit être fait au contraire pour renforcer la coopération entre les établissements et les parents, en particulier dans l'éducation prioritaire. Comment solliciter leur implication dans la vie du collège et le suivi attentif de la scolarité de leurs enfants, quand on complique leur accès aux équipes enseignantes, qui ne va pourtant déjà pas de soi ?

Plutôt que de fermetures, votre rapporteure préconise d'agir sur plusieurs leviers, complémentaires des politiques de la ville et de l'emploi. En premier lieu, il convient de maintenir les ressources des établissements très évités pour leur éviter de subir une double peine . Les recteurs se sont attachés à maintenir les moyens supplémentaires associés au classement dans un dispositif de l'éducation prioritaire. Sans doute était-ce nécessaire, mais votre rapporteure souhaite que soit plus largement maintenu le niveau des dotations, même en cas de suppressions de divisions consécutives aux dérogations, pendant au moins une année supplémentaire. Dans le même temps, seraient figées les dotations des établissements les plus attractifs . Ce double mécanisme, qui reviendrait en quelque sorte à retarder l'adaptation des dotations aux effectifs, constituerait un premier instrument de régulation financière. Il évite de pénaliser les établissements en difficulté en leur donnant le temps et les moyens d'amorcer leur redressement. Il n'encourage pas les établissements plus réputés à accroître encore leur attractivité au détriment des autres.

En outre, il est fondamental d'assurer dans les établissements évités et défavorisés la stabilité de l'équipe éducative. La forte proportion de néotitulaires ou de jeunes enseignants nommés dans ces établissements complique la tâche, en même temps qu'elle ne facilite pas leur entrée dans le métier. C'est pourquoi votre rapporteure préconise de réduire progressivement les affectations de jeunes titulaires dans les établissements d'éducation prioritaire pendant leurs deux premières années d'exercice . Même si certains sont motivés dès leurs premières années par la perspective de l'éducation prioritaire, il faut aussi pouvoir leur donner du temps pour se poser dans leur travail et pour se préparer à affronter des tâches plus complexes dans des collèges plus difficiles. Des modules spécifiques de formation au traitement de la difficulté scolaire, en lien avec la recherche en sciences de l'éducation, devront être intégrés en amont au sein des cursus universitaires. Pour réussir cette évolution, il convient également d'inciter des enseignants plus expérimentés à consacrer quelques années de service à l'éducation prioritaire. Pour fluidifier le mouvement, il faudra trouver les moyens, en concertation avec les syndicats d'enseignants, de valoriser le passage dans un établissement difficile comme étape de carrière.

Les établissements bénéficiant d'équipes éducatives stabilisées et de moyens préservés pourront se consacrer au mieux à la mise en oeuvre de projets éducatifs innovants. Il leur faut retrouver du souffle pédagogique pour redonner confiance aux parents et enclencher une dynamique vertueuse : de la confiance des parents viendra leur implication vertueuse dans l'école et la diffusion d'une image positive de l'établissement à l'extérieur, l'amélioration des résultats devant ensuite permettre de conforter cette évolution positive.

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