B. LA PRESTATION DE COMPENSATION DU HANDICAP : UN DISPOSITIF INNOVANT, MAIS INACHEVÉ

1. Le droit à compensation : une avancée majeure de la loi de 2005
a) Une nouvelle approche reposant sur la notion de « projet de vie »

Le mode de mise en oeuvre du droit à la compensation constitue une innovation majeure de la loi de 2005 . Son article 11 dispose en effet que « les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu'ils sont exprimés dans son projet de vie , formulé par la personne elle - même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu'elle ne peut exprimer son avis » .

A partir du projet de vie, une évaluation des besoins de la personne est réalisée par l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH, composée de professionnels aux compétences à la fois différentes et complémentaires : médecins, ergothérapeutes, psychologues, mais aussi professionnels du travail social, de l'accueil scolaire ou de l'insertion professionnelle. Sa composition varie en fonction de la nature des besoins ou du handicap de la personne concernée.

L'importance donnée à la personnalisation des besoins et des réponses ainsi qu'à l'approche pluridisciplinaire est particulièrement pertinente pour les populations souffrant de handicaps à faible prévalence, parfois incompris voire inconnus, ou lorsque les personnes concernées par des handicaps complexes n'ont pas la possibilité de communiquer ni de s'exprimer.

L'évaluation des besoins consiste en une collecte d'informations, dans le cadre d'un échange avec la personne handicapée ou son représentant légal, éventuellement en des demandes d'expertises particulières, en des visites à domicile ou dans l'établissement d'accueil. Elle s'appuie sur le guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (Geva), qui constitue la référence nationale depuis 2008 et qui couvre tous les champs de la vie (professionnel, scolaire, médical, environnemental...).

Après cette évaluation, l'équipe pluridisciplinaire construit, en s'appuyant sur le projet de vie, un « plan personnalisé de compensation », qui propose différents types de réponses aux besoins : des prestations, des orientations, des préconisations ou des conseils.

Le plan de compensation est ensuite transmis pour avis à la personne handicapée ou à son représentant légal qui peut formuler ses observations, puis soumis à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) pour décision. Les décisions de la CDAPH sont motivées et précisent la durée d'ouverture des droits.

b) La prestation de compensation du handicap : une réponse individualisée aux besoins de la personne handicapée

La prestation de compensation du handicap (PCH) est un dispositif dont les principes sont originaux et ambitieux : universalité, attribution individuelle après évaluation et élaboration d'un plan personnalisé de compensation, absence quasi totale de condition de ressources. Les personnes handicapées qui bénéficiaient auparavant de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) 5 ( * ) , de nature forfaitaire et soumise à condition de ressources, disposent désormais d'un droit d'option pour la PCH.

Conformément à la conception globale de la compensation exprimée par la loi, la PCH permet de couvrir des besoins de nature très différente :

- les aides humaines, y compris celles apportées par les aidants familiaux ;

- les aides techniques, notamment les frais laissés à la charge de l'assuré lorsque ces aides relèvent d'une prise en charge par la sécurité sociale ;

- l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi que les éventuels surcoûts résultant de son transport ;

- les aides spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap ou des vacances adaptées ;

- l'attribution et l'entretien d'aides animalières.

Trois dates clés illustrent la mise en place de la PCH :

- janvier 2006 : entrée en vigueur de la PCH pour les personnes handicapées vivant à domicile ;

- février 2007 : parution des dispositions réglementaires relatives au bénéfice de la PCH pour les personnes accueillies en établissement social, médico-social ou sanitaire ;

- avril 2008 : ouverture de la PCH aux enfants.

c) Une progression très dynamique du nombre d'allocataires de la prestation de compensation du handicap

Après un démarrage lent en 2006, le nombre de bénéficiaires de la PCH a fortement augmenté à partir de 2007, au fur et à mesure que les structures départementales (MDPH, CDAPH) stabilisaient leur organisation et informaient les publics concernés. Le nombre total d'allocataires est ainsi passé d'environ 8 900 en 2006 à près de 159 000 en 2010 .

Evolution du nombre de bénéficiaires de la PCH

Année

2006

2007

2008

2009

2010

Bénéficiaires PCH

Total bénéficiaires

8 892

37 260

69 674

102 693

158 978

- dont enfants

-

-

1 270

4 363

10 068

Evolution annuelle
(année n/n-1)

+ 319 %

+ 87 %

+ 47,4 %

+ 54,8 %

- dont enfants

-

-

+ 243,5 %

+ 130,7 %

Source : Mission Inspection générale des affaires sociales-Inspection générale de l'administration 6 ( * )

d) L'amélioration de la couverture des besoins de compensation

Six ans après sa mise en oeuvre, la PCH a nettement amélioré la couverture des besoins de compensation , tant par le montant que par la diversité des aides attribuées.

L'histogramme ci-dessous illustre l'évolution des montants moyens attribués par élément de la PCH. Pour l'année 2011 :

- les montants attribués mensuellement pour les aides humaines étaient en moyenne de 857 euros ;

- ceux versés, le plus souvent en une seule fois, au titre des aides techniques étaient de 816 euros ;

- les montants moyens d'un aménagement de logement et d'un aménagement de véhicule, eux aussi attribués en un seul versement, s'élevaient à respectivement 3 204 euros et 2 627 euros ;

- le montant moyen des aides spécifiques ou exceptionnelles était de 207 euros, celui des aides animalières de 49 euros.

Ce sont les aides humaines qui concentrent le plus d'attentes de la part des personnes handicapées. Il s'agit, en effet, du type d'aide qui reste le plus central pour le maintien à domicile d'un grand nombre d'entre elles.

Le graphique suivant illustre la répartition des différents éléments de la PCH au premier semestre 2011 : les aides humaines représentent 42,5 % des éléments de PCH attribués , les aides techniques, 24,2 %.

2. Une prestation de compensation encore incomplète au regard des objectifs initiaux
a) Le périmètre de la PCH : des marges de progrès à concrétiser

La première Conférence nationale du handicap, qui s'est tenue le 10 juin 2008, a permis de mettre en lumière les marges de progrès que présente la PCH en termes de périmètre :

- la couverture des besoins en aide humaine est souvent jugée restrictive, notamment pour la prise en charge des aides domestiques ;

- la PCH ne prend pas en charge l'aide humaine nécessaire pour les parents handicapés qui ont besoin d'assistance pour s'occuper de leur(s) enfant(s) (aide à la parentalité) ;

- l'acquisition de certaines aides techniques demeure coûteuse et difficile à financer par les personnes concernées ;

- la prise en charge des frais de transport est inadaptée aux situations particulières (nécessités d'accueil de jour, de recours à un transport médicalisé).

A la suite de cette conférence, le Gouvernement s'était engagé à procéder à des ajustements de la PCH, dans le cadre de la réforme annoncée sur le cinquième risque de protection sociale . Celle-ci n'ayant jamais vu le jour, ces ajustements sont restés lettre morte . Le rapport du Gouvernement au Parlement consécutif à la deuxième Conférence nationale du handicap du 8 juin 2011 7 ( * ) n'en fait d'ailleurs même plus mention.

Seule la question des frais de transport des personnes handicapées accueillies pour la journée en foyer d'accueil médicalisé (Fam) et en maison d'accueil spécialisée (Mas) a fait l'objet d'une avancée ; le décret n° 2010-1084 du 14 septembre 2010 prévoit en effet que ces frais sont désormais à la charge de ces établissements.

Lors de la discussion au Parlement de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des MDPH et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, l'extension de la PCH aux aides domestiques et aux aides à la parentalité a été écartée en raison de son coût .

En tout état de cause, ce point devra être expertisé au moment où sera examinée la question de la perte d'autonomie.

Proposition n° 7 : Engager une réflexion, associant les conseils généraux et les associations représentatives du secteur, sur les modalités d'un meilleur ajustement de la PCH aux besoins de compensation des personnes handicapées

b) La suppression des barrières d'âge : une promesse non tenue faute de financement

L'exigence d'équité a conduit le législateur à faire le choix, dans la loi de 2005, de s'orienter vers une convergence des modes de compensation existants pour les différentes classes d'âge et de supprimer les barrières d'âge, porteuses d'effet de seuil : l'article 13 prévoit ainsi la suppression, dans un délai de cinq ans, des dispositions opérant une distinction en fonction de critères d'âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d'hébergement en établissement .

Or, la PCH demeure à ce jour encadrée par de strictes limites d'âge. L'éligibilité doit en effet être constatée avant le soixantième anniversaire, ou rétroactivement à la condition de prouver son éligibilité avant cet âge de soixante ans et d'en faire la demande avant d'avoir atteint l'âge de soixante-quinze ans. Des modalités spécifiques perdurent également pour les moins de vingt ans, malgré une première ouverture du dispositif à ce public par la loi du 19 décembre 2007.

Le Gouvernement ayant lié ce dossier à la réforme promise de la dépendance, celui-ci n'a pu être mené à son terme .

Selon un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale de l'administration (IGA) sur la PCH 8 ( * ) , une modification des conditions d'âge serait susceptible d'alourdir son poids financier et devrait donc être envisagée dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la dépendance.

En revanche, la suppression de la limite d'âge fixée à soixante-quinze ans pour demander le bénéfice de la PCH, dès lors que le demandeur y était éligible avant soixante ans, répondrait à un objectif d'équité sans peser excessivement sur les finances départementales. En effet, cette borne pénalise ceux qui n'ont pas jugé utile de demander la PCH avant soixante - quinze ans mais qui se retrouvent, passé cet âge, en difficulté en raison d'un changement survenu dans leur environnement (par exemple, vieillissement ou décès du conjoint qui apportait une aide humaine).

Proposition n° 8 : Supprimer la limite d'âge actuellement fixée à soixante-quinze ans pour demander la PCH, dans le cas des personnes qui étaient éligibles avant soixante ans

c) La PCH enfant : un instrument inadapté

L'extension de la PCH aux enfants, prévue par l'article 13 de la loi de 2005, a rapidement posé la question du devenir de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) jusqu'alors versée aux parents et, plus généralement, celle du mode de compensation du handicap des enfants .

Les deux prestations sont en effet différentes dans leur conception : l'AEEH est une prestation forfaitaire familiale, destinée à aider les familles dans leur rôle éducatif et à compenser les charges d'éducation des enfants 9 ( * ) , tandis que la PCH est une prestation de compensation individualisée, visant à solvabiliser des besoins de prise en charge. Elles se distinguent également par leurs conditions d'éligibilité, le périmètre des besoins couverts et le niveau de couverture.

Compte tenu de la complexité du sujet et afin de donner immédiatement leur effectivité aux dispositions de la loi de 2005, un droit d'option entre la PCH et les compléments d'AEEH a été ouvert aux parents depuis mai 2008. Ces derniers peuvent choisir, sous certaines conditions, entre le bénéfice d'un complément d'AEEH, auquel s'ajoute éventuellement l'élément de la PCH lié à l'aménagement du logement et du véhicule ainsi qu'à d'éventuels surcoûts résultant du transport, et le bénéfice de la PCH dans son intégralité.

Une deuxième phase de l'ouverture de la PCH aux enfants était planifiée pour 2010 avec, pour objectif, un ajustement plus fin de la PCH aux besoins spécifiques des enfants en matière de compensation.

Pour y parvenir, un comité de pilotage associant les directions centrales des ministères concernés, la CNSA, la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), les départements et les acteurs associatifs a été installé en 2008, dans le but :

- d'identifier les besoins spécifiques des enfants, notamment en matière d'aides humaines (garde d'enfant, accompagnement pour soins, accompagnement à caractère éducatif, interventions liées à des besoins sur les temps scolaires et périscolaires) ;

- d'adapter les critères d'accès à la PCH aux jeunes enfants ;

- de régler la question de l'articulation entre la PCH et l'AEEH.

Les travaux de ce comité de pilotage ont achoppé, en 2009, sur la délicate question du financement d'un élargissement du périmètre de la PCH enfant. Depuis lors, les familles sont toujours confrontées à ce droit d'option, qui ne répond que très partiellement à leurs attentes.

Il importe donc que ce sujet soit réexaminé dans le cadre d'une réflexion sur les moyens de mieux adapter la PCH aux besoins réels des personnes handicapées.

Proposition n° 9 : Poursuivre la réflexion sur l'élargissement du périmètre de la PCH enfant

3. Une réforme pernicieuse de l'allocation aux adultes handicapés
a) Une revalorisation de 25 % en cinq ans...

Conformément aux engagements pris par le Président de la République en 2007, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) a, lors du précédent quinquennat, été revalorisée de 25 % . Au 1 er septembre prochain, le montant de l'AAH s'élèvera à 776,59 euros contre 621,27 euros en 2007.

Echéancier de revalorisation de l'AAH

Echéances

Taux de revalorisation

AAH correspondante

Progression depuis 2007

En pourcentage

En euros

Au 31 décembre 2007

1,10 %

621,27

1 er janvier 2008

3,90 %

628,10

1,10 %

6,83

1 er septembre 2008

2,20 %

652,60

5,00 %

31,33

1 er avril 2009

2,20 %

666,96

7,40 %

45,69

1 er septembre 2009

2,20 %

681,63

9,70 %

60,36

1 er avril 2010

2,20 %

696,63

12,10 %

75,36

1 er septembre 2010

2,20 %

711,95

14,60 %

90,68

1 er avril 2011

2,20 %

727,61

17,10 %

106,34

1 er septembre 2011

2,20 %

743,62

19,70 %

122,35

1 er avril 2012

2,20 %

759,98

22,20 %

138,71

1 er septembre 2012

2,20 %

776,59

25,00 %

155,32

b) ... mais l'éviction d'anciens titulaires

Pour endiguer la montée en charge des dépenses d'AAH et harmoniser les pratiques d'attribution entre MDPH, le Gouvernement a procédé au cours de l'année 2011 à une réforme de l'AAH par voie réglementaire .

Celle-ci a notamment consisté à préciser les conditions d'appréciation, par les MDPH, de la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » , qui permet à une personne, dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 %, de bénéficier de l'allocation.

Désormais, pour évaluer la « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » , seul le handicap, sous son aspect médical, est pris en compte. L'environnement économique et social du demandeur - par exemple, sa chaîne de déplacement ou le bassin d'emploi dans lequel il vit - ne fait pas partie des critères d'appréciation.

Cette approche à minima fonctionne comme un « filtre » visant à exclure du bénéfice de l'AAH des personnes pourtant handicapées, donc à diminuer le nombre d'allocataires . L'économie attendue de cette mesure se chiffre à près de 74 millions d'euros.

Très préoccupée par les conséquences sociales de cette réforme, l'équipe de la MDPH de l'Aisne a témoigné de l'extrême difficulté à faire comprendre à des personnes handicapées, jusqu'ici éligibles à l'AAH, qu'elles ne le sont plus parce qu'un texte réglementaire est venu modifier la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » .

4. De lourds enjeux financiers
a) La croissance très dynamique des dépenses de PCH : un sujet d'inquiétude pour les conseils généraux

Conséquence de la forte progression du nombre d'allocataires, le rythme d'augmentation des dépenses de PCH a atteint 35 % par an sur la période 2009-2011 . Par comparaison, les dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) progressent à un rythme beaucoup plus faible, de 5 % par an depuis 2007.

D'un montant de 79 millions d'euros en 2006, les dépenses de PCH atteignent désormais 1,4 milliard d'euros . La PCH représente aujourd'hui un cinquième du montant total de l'effort des départements en faveur des personnes handicapées, estimé à environ 5,2 milliards d'euros en 2009.

c) La lente diminution des dépenses d'ACTP

D'après les administrations centrales interrogées lors de la mise en place de la PCH, le sentiment général était que les bénéficiaires de l'ACTP opteraient majoritairement pour la nouvelle prestation. Or, s'il y a bien, au niveau national, une diminution régulière des bénéficiaires et des dépenses d'ACTP, elle reste lente et contrastée selon les départements.

Evolution du nombre de bénéficiaires et des dépenses d'ACTP (2006-2010)

2006

2007

2008

2009

2010 (p)

Evolution 2006-2009

Evolution provisoire 2006-2010

Bénéficiaires

127 575

124 694

112 177

100 608

102 341

- 21,13 %

- 19,77 %

Evolution annuelle des bénéficiaires

- 6,5 %

- 2,25 %

- 10,03 %

- 10,3 %

+ 1,72 %

Dépenses

755,73

682,98

629,71

580,32

537,41

Evolution des dépenses

+ 0,58 %

- 9,62 %

- 7,79 %

- 7,84 %

- 7,39 %

- 23,21 %

- 28,88 %

Source : Mission Igas-IGA

Depuis 2006, l'ACTP a perdu près de 20 % de ses bénéficiaires pour concerner aujourd'hui un peu plus de 100 000 personnes auxquelles sont versés environ 537 millions d'euros.

L'option pour la PCH a probablement concerné les personnes les plus lourdement handicapées pour lesquelles la nouvelle prestation a constitué une très nette amélioration de la prise en charge, non seulement de l'aide humaine, mais aussi d'autres dépenses importantes non couvertes par l'ACTP (aides techniques, aménagement du logement et du véhicule).

Ceux qui avaient intérêt à basculer vers la PCH l'ont donc probablement déjà fait. Les actuels bénéficiaires de l'ATCP pourraient être perdants financièrement s'ils optaient pour la PCH. En outre, les bénéficiaires de l'ACTP ne deviendraient pas tous éligibles à la PCH, le taux d'incapacité de 80 % ne correspondant pas obligatoirement à des difficultés suffisantes pour qu'ils soient éligibles à la PCH.

d) La dégradation du taux de concours de la CNSA

Afin de couvrir les dépenses qu'ils engagent au titre de la PCH, les départements perçoivent depuis 2006 des concours versés par la CNSA , calculés sur la base d'une fraction comprise entre 26 % et 30 % des recettes de la caisse. D'un montant annuel global compris, selon les années, entre 500 millions et 550 millions d'euros, ces concours font l'objet d'une répartition selon des critères légaux et réglementaires.

En 2012, les versements de la CNSA aux départements au titre de la PCH s'élèvent à 550 millions d'euros (+ 5,6 %). Cette progression est certes supérieure à celle enregistrée en 2011 (4,4 %), mais elle reste sans commune mesure avec le rythme de progression des dépenses de PCH .

Le taux de concours de la CNSA n'a dès lors cessé de se dégrader, passant de 60 % en 2009 à 37 % en 2011 . Cette situation revient à laisser les départements supporter seuls l'explosion des dépenses liées à la compensation du handicap.

Evolution des dépenses de PCH et des concours de la CNSA

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Concours CNSA

530,5

550,8

509,7

501,9

461,8

550,0

Dépenses de PCH

276,9

568,8

843,3

1 087,9

1 404,0

-

Taux de concours

191,6 %

96,8 %

60,4 %

46,1 %

37,3 %

e) La pérennité très incertaine des fonds départementaux de compensation

La loi de 2005 a prévu que chaque MDPH mette en place un fonds départemental de compensation dont elle assure la gestion. Ce fonds est destiné à accorder des aides financières pour permettre aux personnes handicapées de supporter les frais de compensation restant à leur charge, notamment dans les cas où la PCH ne couvre pas entièrement ces frais.

Les fonds départementaux sont financés, sur la base du volontariat, par différents contributeurs : l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes d'assurance maladie, les caisses d'allocations familiales et les mutuelles.

En 2006 et 2007, l'Etat a abondé ces fonds à hauteur de 14 millions d'euros chaque année, ce qui constitue la plus importante contribution. Une enquête réalisée en 2008 a cependant révélé une montée en charge très lente, les fonds ayant dépensé à peine la moitié des contributions qu'ils avaient reçues des différents financeurs. C'est dans ce contexte que l'Etat a décidé, en 2008 et en 2009, de suspendre sa participation financière , considérant que les réserves accumulées leur permettaient, pour un temps, de continuer à poursuivre leur action.

Le bilan de la situation financière des fonds en 2010 faisait donc apparaître la répartition suivante : 38 % des apports provenaient des caisses primaires d'assurance maladie (Cpam) et 35 % des conseils généraux . La mutualité sociale agricole (MSA) et les caisses d'allocations familiales (Caf) contribuaient respectivement pour 5 % et 2 %.

Malgré le désengagement massif de l'Etat, les fonds départementaux de compensation affichaient un solde positif, au 31 décembre 2010, de près de 29 millions d'euros. Toutefois, comme le constate la CNSA 10 ( * ) , cette situation globale masque des disparités entre départements : ainsi, vingt-deux fonds avaient un solde négatif et six, un solde nul.

Par ailleurs, même si près des trois quarts des fonds enregistraient un solde positif à cette même date, la CNSA estime que leur pérennité n'est, à terme, pas assurée en raison du rythme incertain des abondements . La suspension de la participation de l'Etat pendant deux années consécutives a en effet entraîné, par réaction, des comportements de désengagement des autres financeurs.

Compte tenu de cette imprévisibilité financière, un grand nombre de MDPH ont été contraintes de réviser à la baisse les critères d'accès aux aides dans le but de limiter les dépenses des fonds : baisse des plafonds, augmentation du ticket modérateur, modification des conditions de ressources, définition d'un nouveau périmètre des fonds, etc.

Face à la gravité de la situation, l'Etat a prévu de se réengager à hauteur de 11 millions d'euros sur trois ans, en fonction des besoins avérés. Un premier versement a été effectué sur l'exercice 2011 à hauteur de 4 millions d'euros.

L'urgence est désormais de rétablir la confiance dans un outil qui demeure indispensable pour diminuer les restes à charge des familles.

Pour mettre fin à l'actuel système de financement aléatoire, est notamment envisagée l'édiction de textes contraignants fixant les engagements financiers des différents contributeurs, en particulier de l'Etat. Une telle proposition se heurte toutefois à la raréfaction des ressources publiques.

Proposition n° 10 : Pérenniser les fonds départementaux de compensation, dont l'action est indispensable pour diminuer les restes à charge des personnes handicapées et de leurs familles


* 5 L'ACTP est une prestation d'aide sociale versée par le conseil général. Elle s'adresse aux personnes handicapées dont le taux d'incapacité est au moins de 80 % et qui ont besoin d'une aide humaine pour les actes essentiels de la vie.

* 6 « Evaluation de la prestation de compensation du handicap (PCH) », Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale de l'administration, août 2011.

* 7 Rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en oeuvre de la politique nationale en faveur des personnes handicapées, février 2012.

* 8 « Evaluation de la prestation de compensation du handicap (PCH) », inspection générale des affaires sociales, inspection générale de l'administration, août 2011.

* 9 L'AEEH comprend une allocation de base qui peut s'accompagner d'un complément pour prendre en compte la réduction ou la cessation d'activité professionnelle de l'un ou l'autre des parents, l'emploi rémunéré d'une tierce personne, les dépenses supplémentaires engendrées par le handicap de l'enfant.

* 10 « MDPH, cinq ans déjà ! Synthèse des rapports d'activité 2010 des MDPH », CNSA, décembre 2011.

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