B. MÊME SANS LA CRISE, LE DÉFICIT DEMEURERAIT DE L'ORDRE DE 3 POINTS DE PIB EN 2012

Bien entendu, les développements qui précèdent ne signifient pas que sans la crise, le déficit serait « réellement » inférieur de 3,8 points de PIB. En effet, la précédente majorité n'aurait alors sans doute pas pris les mesures considérables d'augmentation des prélèvements obligatoires qui ont été votées en 2011 et en 2012.

Pour évaluer ce que serait actuellement le déficit public s'il n'y avait pas eu la crise, il faut prendre en compte la stratégie de réduction du déficit annoncée par le Gouvernement en 2007.

1. La stratégie censée permettre au Gouvernement de revenir à l'équilibre en 2012 était inadaptée

Au début de la précédente législature, le rapport du Gouvernement relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2008, datant de juillet 2007, indiquait : « l'objectif du Gouvernement est de revenir à l'horizon 2012, et même dès 2010 si la croissance le permet, à une dette inférieure à 60 points de PIB et à un solde public équilibré ».

Il est possible de montrer que, compte tenu de la stratégie de réduction du déficit du précédent Gouvernement, même sans la crise, le déficit public serait toujours aujourd'hui de l'ordre de 3 points de PIB.

a) L'augmentation des prélèvements obligatoires d'environ 40 milliards d'euros en 2011 et en 2012 n'aurait pas été décidée sans la crise

La majorité précédente comptait sur une croissance de 2,5 % par an, soit nettement supérieure à la croissance potentielle (passée d'environ 2 % à 1,5 % à compter de 2008, à cause de la crise et de la démographie), pour compenser des actions discrétionnaires sur les recettes et les dépenses qui, considérées globalement, auraient été quasiment neutres.

La crise l'a obligée à prendre des mesures initialement non prévues, d'où un effort structurel de l'ordre de 1,5 point de PIB. L'ampleur des mesures nécessaires pour contenir le déficit, combinée à l'incapacité des gouvernements précédents à maîtriser les dépenses, à conduit la précédente majorité - en dépit de ses objectifs initiaux de réduction du taux de prélèvements obligatoires - à voter des augmentations massives d'impôts et de prélèvements sociaux entre 2010 et 2012.

Les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires en 2008-2012 ont été de l'ordre de 17,7 milliards d'euros, soit 0,9 point de PIB .

Le tableau ci-après, réalisé à partir des données publiées par le précédent Gouvernement, permet de distinguer trois grands blocs de mesures :

- d'un côté, des mesures coûteuses, pour 17 milliards d'euros (loi TEPA pour 10 milliards, TVA restauration pour 3 milliards, allégement de la taxe professionnelle pour 4 milliards) ;

- de l'autre, des dispositions faisant plus que compenser ces mesures coûteuses, pour près de 35 milliards d'euros (dont un milliard d'euros d'atténuations directes ou indirectes de la loi TEPA), en quasi-totalité concentrées sur 2011 et 2012 ;

- entre les deux, le plan de relance, qui a coûté 12,7 milliards d'euros en 2009, mais n'a eu qu'un coût temporaire.

Les principales mesures relatives aux prélèvements obligatoires depuis juin 2007

(hors mesures prévues par le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012)

(en mesures nouvelles et en milliards d'euros)

2007*

2008

2009

2010

2011

2012

Impact sur les recettes de 2012

Total des mesures nouvelles

-1,3

-9,4

-15,2

4,1

19,2

20,3

17,7

Dont :

Loi TEPA

-1,3

-6,2

-2,1

-0,5

-0,4

-0,5

-10,0

TVA restauration

0,0

0,0

-1,5

-1,5

0,0

0,0

-3,0

Réforme de la taxe professionnelle

0,0

0,0

0,0

-7,8

3,9

-0,1

-4,0**

Plan de relance

0,0

0,0

-12,7

11,0

3,2

0,0

1,5

Autres (essentiellement les deux « paquets fiscalo-sociaux » de 2011 et 2012)

0,0

-3,2

1,1

2,9

12,5

20,9

34,2

Lecture : conformément à ce qui est habituellement le cas dans les documents budgétaires, les mesures sont exprimées en « mesures nouvelles », c'est-à-dire en variation par rapport à l'année précédente. La dernière colonne, qui fait la somme des colonnes précédentes, indique donc le coût total pour l'année 2012.

Ainsi, la TVA restauration, qui coûte 3 milliards d'euros par an en « régime de croisière », mais est entrée en vigueur à la mi-2009, a réduit les recettes de 2009 de 1,5 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent, en 2010, 1,5 milliard d'euros de mesures nouvelles supplémentaires.

* Par convention, loi TEPA.

** Le coût de la loi TEPA indiqué ici est la somme des impacts annuels en mesures nouvelles figurant dans les rapports du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires. Le coût effectif peut légèrement différer.

Source : calculs de la commission des finances, d'après les données publiées par le précédent Gouvernement

b) L'hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % par an n'était manifestement pas réaliste

En sens inverse, alors que la précédente législature anticipait une amélioration spontanée du solde de l'ordre de 2,5 points de PIB, le solde s'est spontanément dégradé de 3,8 points de PIB, en raison de la crise économique.

Si ces 3,8 points de PIB ne sont évidemment pas imputables à sa politique, les 2,5 points d'augmentation spontanée du solde qui auraient résulté de son hypothèse de croissance (de 2,5 % par an) n'étaient, de toute évidence, pas réalistes.

2. Sans la crise, l'ancienne majorité n'aurait pas augmenté les recettes et le déficit serait toujours de l'ordre de 3 points de PIB en 2012

La précédente majorité affirme que c'est la crise qui explique le niveau actuellement très élevé du déficit.

Il est évident que sans la crise, le déficit serait actuellement plus faible. Mais quel serait le niveau du déficit sans la crise ? En particulier, la précédente majorité serait-elle parvenue à ramener le solde public à l'équilibre, comme elle s'y était engagée ?

a) Selon une approche purement comptable, l'action du précédent Gouvernement a contribué à réduire le déficit d'environ 1 point de PIB

Une première approche, excessivement simplificatrice, consiste à prendre en compte le seul impact comptable de la crise, en se référant à l'évolution du solde structurel et à l'effort structurel .

(1) Un déficit structurel réduit d'environ 0,7 point de PIB en 2008-2012, selon la Commission européenne

• Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juillet 2011, la Cour des comptes affirmait que sur les 7,1 points de PIB de déficit de 2010 , la crise en expliquait seulement 2,7 points, soit un peu moins de 40 %, comme le montre le tableau ci-après.

La décomposition du déficit public en 2010, selon la Cour des comptes

(en points de PIB)

Source : Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2011

La situation est analogue en 2012. Selon la Commission européenne, le déficit structurel serait de 3,1 point de PIB en 2012, pour un déficit effectif de 4,5 points de PIB. Si l'on prend en compte le fait que, sans mesures correctrices par l'actuelle législature, le déficit serait de 4,8 points de PIB, cela correspond à un déficit structurel de l'ordre de 3,4 points de PIB, soit environ 70 % du déficit total.

• Autrement dit, le déficit actuel correspond très majoritairement à l'héritage du passé. Mais quelle est la part de l'action conduite pendant la précédente législature dans le niveau actuel du déficit ?

Selon le tableau précité de la Cour des comptes, en 2010, sur les 7,1 points de PIB de déficit, 0,7 point provenaient d'un effort structurel négatif de 2008 à 2010, c'est-à-dire de l'action discrétionnaire du Gouvernement sur les recettes et les dépenses. La commission des finances parvient à une estimation légèrement plus défavorable : en 2008-2010 l'effort structurel a selon ses estimations été de -1,3 point de PIB, soit, après prise en compte du plan de relance, - 1 point de PIB.

Il était donc possible d'affirmer qu'en 2010 , sur les 7,1 points de PIB de déficit, 4,2 points provenaient de l'action des gouvernements successifs, dont 0,7 point de celle du gouvernement alors en place.

• Toutefois la situation a changé depuis 2010 puisque désormais, selon une approche purement comptable, les décisions prises sous la précédente législature ont globalement contribué à réduire le déficit .

Ainsi, selon la Commission européenne, le déficit structurel serait de 3,1 point de PIB en 2012. Comme en 2007 il s'établissait selon elle à 4,1 points de PIB, cela suggère que l'action discrétionnaire des pouvoirs publics sous la précédente législature aurait contribué à réduire le déficit pour environ 1 point de PIB ( 0,7 point de PIB si on prend en compte le fait que sans mesures correctrices, le déficit de 2012 ne serait pas de 4,5 points de PIB, comme le prévoit la Commission européenne, mais de 4,8 points de PIB).

Autrement dit, sans les mesures prises pendant la précédente législature, le déficit structurel ne serait pas de l'ordre de 3 points de PIB, mais de près de 4 points de PIB (et le déficit effectif ne serait pas de 4,8 points de PIB 2 ( * ) , mais d'environ 5,5 points de PIB).

(2) Un effort structurel de l'ordre de 1,5 point entre 2007 et 2012

Ces ordres de grandeur sont confirmés par une approche en termes d'effort structurel .

Selon les estimations de la commission des finances, en 2008-2012 les mesures nouvelles sur les recettes (c'est-à-dire en quasi-totalité les 17,7 milliards d'euros d'augmentations de prélèvements obligatoires) et la maîtrise des dépenses ont réduit le déficit de respectivement 0,4 et 1,1 points de PIB, soit 1,5 point de PIB au total (avant prise en compte des mesures correctrices devant être prises en 2012 par l'actuelle législature).

Selon cette approche, on peut donc affirmer que, d'un point de vue purement comptable, l'action du précédent Gouvernement a contribué à réduire le déficit pour environ 1,5 point de PIB . L'écart par rapport à l'approche en termes d'évolution du solde structurel indiquée ci-avant peut s'expliquer par le fait que la commission des finances retient une estimation plus élevée de la croissance potentielle que celle de la Commission européenne.

b) Toutefois, sans la crise, la politique que le gouvernement précédent prévoyait de conduire aurait accru le déficit

Cependant, on ne peut évidemment affirmer que sans la crise, le déficit de 2012 serait celui de 2007 (2,7 points de PIB), diminué de 1,5 point, et qu'il aurait donc été ramené à 1,2 point de PIB .

En effet, sans la crise, le précédent Gouvernement n'aurait pas pris les mesures sur les recettes qui ont permis de réduire le déficit puisque, au contraire, il prévoyait de réduire les prélèvements obligatoires. C'est la crise qui l'a obligé à revenir sur son programme et à alourdir massivement les prélèvements obligatoires.

Le tableau ci-après permet de reconstituer ce qui se serait sans doute passé s'il n'y avait pas eu de crise.

Ce que serait le solde public en 2012 sans la crise, compte tenu du programme de la précédente majorité

(en points de PIB)

Programme de stabilité 2008-2012*

Exécution*****

Ce qui se serait passé sans la crise

A

Solde 2007

-2,7

B

Effort structurel [C+D]

0,1

1,5

-0,6

C

Maîtrise des dépenses**

1,1

0,4

0,4

D

Mesures nouvelles sur les recettes***

-1

1,1

-1

E

Dont : mesures nouvelles sur les PO

-1

0,9

-1

F

Evolution spontanée du solde [G+H]

2,5

-3,6

0,2

G

Evolution du solde conjoncturel

2,5

-3,8

0

H

Impact d'une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB différente de 1****

0

0,2

0,2

I

Solde 2012 [A+B+F]

0

-4,8*****

-3,1

NB : on suppose ici que même sans la crise la précédente majorité aurait légèrement infléchi le rythme de croissance des dépenses publiques (passé de plus de 2 % par an en volume à 1,4 % par an en volume en 2008-2011 et 0,5 % en 2012). En réalité, sans la crise le déficit de 2012 serait donc probablement plus élevé.

* Répartition par facteurs d'évolution calculée , à titre indicatif, par la commission des finances.

** Evolution du ratio dépenses/PIB potentiel.

*** Y compris augmentation du ratio recettes hors PO/PIB.

**** Evolution spontanée du taux de prélèvements obligatoires.

***** Hors mesures correctrices devant être prises par l'actuelle législature.

Source : commission des finances

Le programme de stabilité 2008-2012 (décembre 2007) prévoyait de ramener le solde public à l'équilibre en 2012, en totalité grâce à une croissance de 2,5 % par an. En effet, la maîtrise de la dépense aurait seulement permis de compenser les baisses de recettes.

L'exécution a été différente : loin d'être revenu à l'équilibre, le solde est passé de - 2,7 points de PIB à - 4,8 points de PIB. Cela vient du fait que les dépenses ont augmenté plus vite que prévu (la maîtrise des dépenses n'ayant amélioré le solde que de 0,4 point de PIB) et que la crise a dégradé le solde de 3,8 points de PIB.

Dans ces conditions, il est possible de reconstituer ainsi un « scénario sans crise » :

- la précédente législature n'aurait évidemment pas massivement alourdi les prélèvements obligatoires en fin de mandat, mais s'en serait tenue à son programme, consistant à les alléger d'1 point de PIB ;

- de manière peut-être optimiste, on peut supposer que le Gouvernement serait tout de même parvenu, sinon à ramener la croissance des dépenses à environ 1 % en volume comme il s'y était engagé, à les réduire comme il l'a fait en réalité (ce qui correspond à une croissance en volume de 1,4 % en 2008-2011 et 0,5 % en 2012) ;

- cette action sur les recettes et les dépenses aurait légèrement accru le déficit, le portant de 2,7 points de PIB à environ 3 points de PIB .


* 2 Avant mesures correctrices devant être prise par la présente législature.

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