Rapport d'information n° 55 (2012-2013) de M. Yann GAILLARD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 octobre 2012

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N° 55

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 octobre 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la Philharmonie de Paris ,

Par M. Yann GAILLARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En application des dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), votre rapporteur spécial a choisi de mener une mission de contrôle sur l'un des grands chantiers culturels en cours : la Philharmonie de Paris .

Le 10 septembre dernier, dans un entretien au journal « Le Monde », la Ministre de la culture et de la communication a annoncé l'arrêt, la suspension ou le report de plusieurs projets culturels, pour un peu plus d'un milliard d'euros.

Cependant, la Philharmonie de Paris, a elle, été épargnée : le ministère a jugé le chantier trop avancé pour l'interrompre, tout en précisant que le nouveau Gouvernement partageait sa finalité, à savoir la construction d'une salle de concert symphonique au niveau des standards internationaux, tant en termes de jauge que d'acoustique .

Selon les défenseurs du projet, l'absence de grand auditorium serait en effet préjudiciable au rayonnement culturel de la capitale , malgré une offre musicale classique déjà diversifiée.

Toutefois, le dimensionnement très ambitieux du projet ne laisse pas d'étonner, puisque la Philharmonie ne sera pas une simple salle de concert mais un véritable « multiplexe » consacré à la musique. Fallait-il voir si grand ? La question se pose, compte tenu notamment de la présence « mitoyenne » de la Cité de la Musique.

En 2007, la Cour des comptes avait réalisé, à la demande de votre rapporteur spécial, une enquête sur l'Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) 1 ( * ) . Ce travail s'était accompagné, la même année, d'un rapport public thématique sur les « grands chantiers culturels », actualisé en 2012, qui dénonçait notamment l'inflation des coûts et la dérive du calendrier de la plupart d'entre eux.

Malheureusement, à cet égard, le projet de la Philharmonie n'a pas fait exception et a subi de nombreuses « vicissitudes », tant du point de vue du pilotage, que de celui des délais et des coûts .

Votre rapporteur spécial s'interroge en outre, au-delà de la construction du nouvel auditorium, sur les enjeux associés à son ouverture . D'autres questions doivent en effet, dès à présent, être posées : notamment, la reconfiguration de l'offre musicale à Paris, la gouvernance et l'équilibre économique de la Philharmonie en « rythme de croisière » .

De fait, à bien des égards, le projet de cette salle de prestige, qui intervient dans une période budgétaire très contrainte , constitue un pari culturel risqué .

Le contexte de lancement du projet de la Philharmonie de Paris est en effet différent de celui de l'Opéra Bastille. Il est vrai que le défi de ce dernier a été gagné, contre toutes les prédictions de ses détracteurs. Mais, alors que l'Opéra Bastille a été, dès son ouverture, doté d'importants crédits publics dans une période de relative croissance des dépenses culturelles, l'ouverture de la Philharmonie de Paris intervient dans un environnement économique et budgétaire extrêmement défavorable.

PREMIÈRE PARTIE : POURQUOI LA PHILHARMONIE DE PARIS ?

Paris présente une offre symphonique riche et diversifiée, mais ne peut cependant rivaliser avec des villes comme Londres ou Berlin. Cette situation s'expliquerait en partie du fait de l'absence de grand auditorium dédié au répertoire symphonique, « carence » identifiée de longue date et qui fait aujourd'hui l'objet d'un relatif consensus. Selon les défenseurs du projet de Philharmonie de Paris, cette « exception française » serait préjudiciable aussi bien au public qu'aux orchestres, et doit donc être comblée par la construction d'un grand auditorium respectant les standards internationaux en termes de taille et d'acoustique.

I. UNE ABSENCE DE GRAND AUDITORIUM PRÉJUDICIABLE AU RAYONNEMENT MUSICAL DE PARIS

A. PARIS, CAPITALE SYMPHONIQUE DE SECOND RANG ?

1. Une offre symphonique riche et diversifiée...
a) Onze salles dédiées en tout ou partie au concert « classique »

Un recensement des principales salles de concert parisiennes effectué par l'association de la Philharmonie de Paris à la demande de votre rapporteur spécial enseigne que la capitale dispose de onze équipements pouvant être répartis en trois catégories :

1) quatre salles de concert à proprement parler , que sont la Salle Pleyel, la salle de la Cité de la musique, le futur auditorium de Radio France et la Salle Gaveau ;

2) cinq salles de théâtre lyrique : Opéra Bastille, Opéra Garnier, Opéra comique (Salle Favart), Théâtre du Châtelet et Théâtre des Champs-Elysées ;

3) deux lieux pluridisciplinaires accueillant de la musique de chambre : l'auditorium du Louvre et l'auditorium d'Orsay.

Ces salles offrent une jauge totale de près de 15 700 places, dont 5 213 places pour les seules salles de concert. Ces dernières offrent un volume compris entre 18 000 mètres cubes pour la Salle Pleyel et 8 000 mètres cubes pour la Salle Gaveau ( cf . tableau).

Les principales salles de concert parisiennes

* La notion de volume n'est pas opérante pour les théâtres lyriques du fait d'un espace découpé en trois volumes découplés qui se juxtaposent : la scène délimitée par un cadre de scène, le parterre, les zones sous balcons.

Source : commission des finances, d'après la Philharmonie de Paris

b) Des orchestres importants, une programmation riche

Les principaux orchestres parisiens peuvent être regroupés en quatre grandes catégories :

1) les « grandes » institutions symphoniques fortement soutenues par les pouvoirs publics que sont l'Orchestre de Paris, opérateur du ministère de la culture au sens de la LOLF et futur résident principal de la Philharmonie de Paris, l'Orchestre national de France et l'Orchestre philharmonique de Radio France, dépendants de Radio France ;

2) l'orchestre de l' Opéra national de Paris , formation spécialisée dans l'accompagnement du chant lyrique et occupant la « fosse » du Palais Garnier et de l'Opéra Bastille, mais donnant occasionnellement quelques concerts symphoniques ;

3) plusieurs orchestres de qualité , quoique moins prestigieux que les précédents, parmi lesquels l'Orchestre national d'Île-de-France (ONDIF), et les orchestres « associatifs » Colonne, Pasdeloup, Lamoureux ;

4) quelques formations dites « spécialisées » , n'occupant pas à proprement parler le champ du répertoire symphonique. Ainsi de l'Ensemble intercontemporain (spécialisé dans la musique contemporaine), de l'Ensemble orchestral de Paris (formation chambriste), des Arts florissants, des talents lyriques, du Concert d'Astrée (musique ancienne) et de l'Orchestre des Champs-Elysées (jeu sur instruments d'époque de Haydn à Mahler), ou du Cercle de l'harmonie (ensemble sur instruments d'époque spécialisé dans le répertoire de la fin du XVIII ème siècle).

Les principaux orchestres parisiens

Formation

Statut

Musiciens permanents

Subventions de l'Etat en 2011 en euros

Orchestre de Paris

Association - opérateur de l'Etat

119 - contrats CDI

9 000 000

Orchestre national de France

Intégré à la SN Radio France

119 - contrats CDI

nd

Orchestre philharmonique de Radio France

Intégré à la SN Radio France

141 - contrats CDI

nd

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Intégré à l'EPIC Opéra national de Paris

174 - contrats CDI

nd. Le financement de cet orchestre est intégré à la subvention totale de l'établissement

Orchestre national d'Île-de-France

Association

95 - contrats CDI

2 247 000

Orchestre Colonne

Association

Effectif variable - musiciens intermittents

102 000

Orchestre Pasdeloup

Association

Effectif variable - musiciens intermittents

97 300

Orchestre Lamoureux

Association

Effectif variable - musiciens intermittents

100 700

Ensemble intercontemporain

Association - opérateur de l'Etat

31 - contrats CDI

3 862 000

Arts florissants

Association

Effectif variable - musiciens intermittents

873 000

Concert d'Astrée

Association

Effectif variable - musiciens intermittents

300 000

Talents lyriques

Association

Effectif variable - musiciens intermittents

358 800

Orchestre des Champs-Elysées

Association

Effectif variable - musiciens intermittents

740 000

Source : commission des finances

2. ... qui supporte néanmoins difficilement les comparaisons internationales

Malgré cette richesse du nombre de salles et de formations musicales, certains estiment que Paris n'est pas en mesure de rivaliser avec les grandes capitales européennes telles que Berlin, Londres ou Amsterdam, voire avec d'autres grandes métropoles européennes ou internationales (Los Angeles). Plusieurs rapports ont émis un tel constat. Par exemple, la Cour des comptes, dans son relevé d'observations définitives relatives à la construction de la grande salle philharmonique de la Villette, estimait que « sans être négligeable, l'offre musicale parisienne ne peut se comparer à celle d'autres capitales européennes comme Londres ou Berlin, où l'offre symphonique et opératique est beaucoup plus riche ».

De même, le rapport Larquié de 1999, comparant l'offre musicale de Paris à celle existant à Londres et Berlin, constatait déjà que « le nombre de grands orchestres symphoniques permanents (plus de 70 musiciens et plus de 50 concerts) y est supérieur : 6 à Londres, 5 à Berlin, dans un pays, l'Allemagne, où, par ailleurs, de nombreuses grandes villes, Hambourg, Cologne, Munich, Leipzig, etc... disposent elles-mêmes de plusieurs orchestres dont la qualité et la renommée se comparent largement à celles de nos orchestres (...). Les comparaisons internationales montrent que la situation parisienne ne se caractérise pas, en valeur absolue, par une pléthore de l'offre ni du nombre des formations de qualité ».

Ce constat a été confirmé, neuf ans plus tard, par le rapport Chambert-Soufi de 2008 : « l'analyse de l'offre de concerts de musique classique dans les salles de référence met en relief un niveau très nettement supérieur à Londres et Berlin qu'à Paris. Ainsi, la moyenne de concerts pour Londres et Berlin se situe à 800 contre 400 seulement pour Paris ».

Au-delà de ces indications quantitatives, votre rapporteur spécial a interrogé les représentants de la Philharmonie de Paris sur le statut et l'image de Paris , en comparaison des autres grandes capitales symphoniques du monde. Ces derniers indiquent qu'un « mouvement vers le haut est en train de s'opérer. Notamment, si la formule de "capitale symphonique" prend en compte comme critère prioritaire le nombre d'orchestres internationaux de premier rang invités, la réponse est positive ».

Les principaux atouts de Paris seraient une bonne répartition des formations invitées entre Pleyel et, de manière moins prononcée, le Théâtre des Champs-Elysées, l'attractivité de Paris auprès des grands orchestres internationaux du fait de sa renommée, du mouvement de mondialisation au sein de la musique classique qui favorise les villes prestigieuses et de la perspective de la Philharmonie qui « motive les artistes » , ainsi qu'un bassin de public important et sensible aux offres nouvelles, comme semble en attester le succès de la réouverture de Pleyel.

Pour autant, Paris souffrirait encore, en particulier, d'un marché des agents d'artistes insuffisamment développé et concentré en comparaison avec ce qui existe en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis, et de l'absence de lieux de référence dévolus à la musique symphonique.

B. L'ABSENCE PRÉJUDICIABLE DE GRAND AUDITORIUM

Le rang « honnête » mais perfectible tenu par Paris parmi les grandes capitales musicales du monde tiendrait donc, en particulier, à l'absence de grand auditorium dédié au répertoire symphonique . Identifiée de longue date, cette carence serait préjudiciable tant au public qu'aux artistes.

1. Un débat ancien, une « exception française »
a) Le grand auditorium parisien, « serpent de mer » de la vie musicale française

L'idée de bâtir un grand auditorium symphonique dans la capitale est ancienne et constitue l'un des « serpents de mer » de la vie culturelle parisienne . Les défenseurs du projet soulignent qu'en son temps, Berlioz déplorait déjà l'absence à Paris d'une salle de concert digne de ce nom...

Plus récemment, dans les années 1970, l'idée avait cheminé de bâtir un auditorium dans le « trou » des Halles, sans pour autant aboutir en raison des problèmes techniques posés par la proximité des infrastructures de transports en commun et de conditions de financement inadaptées.

L'idée refit surface lors de la construction - décidée en 1984 - de la Cité de la musique à la Villette, mais fut abandonnée pour des raisons essentiellement budgétaires. Seuls une salle de musique de chambre (900 places) et un amphithéâtre (250 places) seront donc réalisés et inaugurés en 1995. Cet abandon n'alla pas - semble-t-il - sans susciter de vives protestations de la part du monde musical et de ses représentants les plus prestigieux, notamment Pierre Boulez.

Enfin, si le Gouvernement de cohabitation des années 1986-1988 envisagea un temps de transformer l'Opéra Bastille - alors en cours de construction - en salle de concert, le chantier fut considéré comme trop avancé et les coûts de restructuration trop importants pour qu'il y soit donné suite.

Il aura donc fallu attendre le milieu des années 2000 pour qu'un arbitrage ferme intervienne sur la construction du grand auditorium . En octobre 2005, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, clôtura la Foire internationale d'art contemporain en exprimant son intention de remettre à l'étude « la construction d'une grande salle, adaptée notamment aux nouvelles pratiques musicales » 2 ( * ) . En mars 2006, à l'occasion de la présentation à la presse de la saison de réouverture de la Salle Pleyel, Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la culture et de la communication, et Bertrand Delanoë, maire de Paris, confirmèrent cette intention en annonçant l'association de l'Etat et de la Ville pour construire, « dans le 19 ème arrondissement, une grande salle de concert de 2 200 à 2 500 places » 3 ( * ) , dont l'ouverture était envisagée pour octobre 2012. Ces déclarations marquèrent à la fois la fin d'une « histoire (...) longue de rendez-vous manqués ou reportés » 4 ( * ) et le point de départ du projet de Philharmonie de Paris sous sa forme actuelle.

b) Une « exception française »

Malgré les « vicissitudes » du projet, un relatif consensus entoure l'idée selon laquelle Paris ne dispose pas d'une salle de concert symphonique de premier plan . Dans son rapport de 1999, André Larquié relevait ainsi que « de toutes les grandes capitales disposant de plusieurs formations musicales permanentes, Paris apparaît bien comme la seule qui ne dispose pas d'un auditorium dont les qualités acoustiques seraient unanimement reconnues, et à laquelle les professionnels et le public s'identifieraient sans réserve aucune . »

Comme votre rapporteur spécial vient de le montrer, Paris n'est évidemment pas dépourvue de salles de concert, mais il est communément admis qu'aucune d'entre elles ne peut aujourd'hui prétendre aux plus hauts standards internationaux en termes de confort et d'acoustique . Si la Salle Pleyel est la seule à être expressément reconnue comme une véritable salle de concerts symphoniques, plusieurs imperfections demeurent en dépit des travaux de rénovation qu'elle a subis dans le courant des années 2000. Selon l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris, « Pleyel est aujourd'hui perçue comme une salle "moyenne / acceptable" sur un plan mondial. Les imperfections de la Salle Pleyel sont liées aux proportions de départ qui n'ont pu être modifiées qu'à la marge lors de la rénovation : volume insuffisant (...) pénalisant les orchestres dans l'interprétation des grandes symphonies (...) ; manque de hauteur sous-plafond au niveau de la scène ; trop grande longueur et trop faible largeur de salle. Au total, l'acoustique est assez analytique mais ne favorise pas une bonne fusion sonore . »

Cette lacune, qui fait de Paris une exception parmi les grandes métropoles mondiales 5 ( * ) , est apparue d'autant plus criante qu'au cours des dernières décennies, de nombreuses villes, d'envergure parfois moindre, se sont dotées d'auditoriums de qualité , avec le concours d'architectes de renom 6 ( * ) . Ainsi de Londres, Birmingham, Manchester, Glasgow, Cardiff, Hambourg, Cologne, Leipzig, Essen, Munich, Barcelone, Madrid, Valence, San Sebastian, Rome, Porto, Luxembourg, Lucerne, Belfast, Copenhague, Athènes ou Budapest en Europe , de Seattle, Philadelphie, San Francisco, Baltimore, Dallas, Nashville, Los Angeles aux Etats-Unis ou encore de Tokyo, Sapporo, Kyoto, Hiroshima ou Okayama au Japon .

Quelques exemples d'auditoriums symphoniques récents

Le Town Hall & Symphony Hall de Birmingham (1991) . - Le Town Hall a une capacité de 1 086 places assises, une forme de « boîte à chaussures », et dispose d'une scène rectangulaire, avec deux angles en diagonale, pour des dimensions de 14,6 m de large x 8 m de profondeur. Par ailleurs, il est doté d'un coffee bar et de foyers bars. Le Symphony Hall , réalisé par les architectes Percy Thomas Partnership et Renton Howard Wood Levin, constitue la résidence de l'orchestre philharmonique de Birmingham. Situé au sein du Palais des Congrès, sa capacité de places assises est de 2 262, réparties sur quatre niveaux. Il est de forme rectangulaire « hybride », dispose d'une plateforme d'orchestre semi-circulaire (23 m de large x 15 m de profondeur), d'un café, de foyers bars et d'une boutique de musique.

Le Kultur und Kongresszentrum (KKL) de Lucerne (1999) . - Le Palais de la culture et des congrès de Lucerne est le lieu de résidence de l'orchestre philharmonique de Lucerne et du Festival de Lucerne. Réalisé par l'architecte Jean Nouvel, il possède une salle de concert d'une surface de 2 100 m 2 et d'une capacité de 1 892 places assises, en forme de « boîte à chaussures ». Son volume acoustique est de 22 300 m 3 . La plateforme d'orchestre est rectangulaire, avec deux angles arrondis. Le KKL abrite également une salle multifonctionnelle (3 D et multimédia) d'une surface de 1 280 m 2 et d'une capacité de 826 places assises, le musée d'art de Lucerne, un espace business , un restaurant, quatre bars et un espace lounge .

Le Walt Disney Concert Hall (WDCH) de Los Angeles (2003) . - Réalisé par l'architecte Franck Gehry, le Walt Disney Concert Hall est la résidence de l'orchestre philharmonique de Los Angeles. L'auditorium, de forme enveloppante (orchestre sur plateforme centrale avec public tout autour), dispose de 2 265 places assises. Sa superficie est de 18 600 m 2 . De plus, le WDCH abrite deux amphithéâtres extérieurs, un foyer, une petite salle de concert et de théâtre pour enfants, un restaurant, une boutique, un café, des bureaux, ainsi que des salles de répétition chorales et orchestrales.

Source : commission des finances

Au total, Paris ne dispose pas de salle de concerts symphoniques aux meilleurs standards acoustiques et de confort et fait de plus en plus figure d'exception, à mesure que de nombreuses villes dans le monde se dotent de tels équipements.

2. Une source de frustration pour le public...

Selon les défenseurs du projet de Philharmonie, les inconvénients tenant à l'absence de grand auditorium symphonique à Paris sont légion : alors que le public se trouve privé de conditions optimales d'écoute ou d'actions de démocratisation culturelle, les orchestres voient leur développement entravé faute de conditions de travail satisfaisantes.

a) L'absence de conditions optimales d'écoute pour le répertoire symphonique

L'absence de grand auditorium ne frustre guère l'amateur d'art lyrique ou de musique ancienne. Le premier dispose à Paris, de deux opéras et de plusieurs théâtres adaptés à la voix, et le second s'adonne à un répertoire qui peut être aisément joué dans des salles de taille réduite.

C'est donc principalement l'amateur de répertoire symphonique qui se trouve privé de conditions optimales d'écoute, faute de salle aux dimensions adaptées. En effet, alors que les orchestres comprenaient, jusqu'à la fin du XVIII ème siècle, des effectifs restreints (de l'ordre d'une trentaine d'instrumentistes 7 ( * ) ), le développement du répertoire romantique et post-romantique a fait appel à des formations beaucoup plus étoffées, pouvant atteindre jusqu'à 140 musiciens. L'essor de ces orchestres « romantiques » et de la forme symphonique a donc impliqué le développement de lieux de concert adaptés, sur le plan acoustique, à l'accueil d'effectifs instrumentaux importants .

Selon le rapport d'activité 2006-2007 de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris, « pour jouer correctement le répertoire symphonique, il faut (...) un volume global de 20 000 à 30 000 mètres cubes pour une parfaite qualité du son et une ergonomie générale qui favorise une diffusion homogène ». Un tel volume correspond habituellement à une jauge de 2 000 à 2 400 places .

De fait, aucune salle de concert parisienne ne remplit actuellement cumulativement ces conditions de volume et de jauge . Dans sa configuration actuelle, la Salle Pleyel n'offre ainsi qu'un volume de 18 000 mètres cubes et une jauge de 1 700 à 1 900 places 8 ( * ) . En outre, si le Théâtre du Châtelet et le Théâtre des Champs-Elysées remplissent peu ou prou le critère de jauge, leur morphologie est inadaptée au concert symphonique. En effet, selon Laurent Bayle 9 ( * ) , il est « indispensable que l'espace soit le moins morcelé possible : le cadre de scène des théâtres lyriques est une contrainte forte qui nuit à la circulation du son et l'on peut en dire autant des balcons souvent proéminents dans les théâtres à l'italienne qui empêchent toute réception homogène de la musique et créent une hiérarchie très forte entre les (rares) bonnes et les (trop nombreuses) mauvaises places » .

Enfin, les autres salles parisiennes sont trop exigües . L'auditorium modulable de la Cité de la musique présente une jauge insuffisante (900 places), de même que bon nombre de « petites » salles parisiennes telles que Gaveau, Favart, ou les auditoriums de Radio France ou de l'Opéra Bastille.

b) Un obstacle à la diversification des publics et des répertoires

Le mélomane averti ne serait toutefois pas le seul à pâtir de l'absence de grande salle de concerts parisienne, cette lacune étant également préjudiciable au développement d'actions de démocratisation culturelle et de diversification des publics et des répertoires .

André Larquié considérait ainsi, dans son rapport de 1999, que « la vie musicale se diversifie (...). Outre les grands concerts de la formation, il convient aussi de pouvoir développer des activités musicales multiples : musique de chambre, activités pédagogiques, etc. qui mobilisent à chaque fois des effectifs plus réduits et donc nécessitent de disposer de lieux plus adaptés que le seul grand auditorium. L'activité musicale dans le domaine classique ne se limite plus au seul concert traditionnel. Elle s'ouvre sur la cité, pour aller au devant de son public potentiel, en offrant une gamme d'activités nouvelles. Cela suppose un lieu ouvert et accueillant, où se déploie, dans la journée, une série d'activités : information sur la vie musicale, information sur la musique, répétitions ouvertes, services de billetterie pour tous concerts, etc... Il est frappant de constater que les travaux effectués dans les grandes salles américaines tendent essentiellement à permettre le développement de ces fonctions, et que les autres auditoriums les plus récemment construits, prennent en compte cette dimension nouvelle. A Paris, on arrive pour le concert, et on rentre après le concert ».

De fait, les grands auditoriums construits au cours des dernières décennies ont été conçus, non simplement comme de prestigieuses salles de concert, mais comme de véritables multiplexes offrant une gamme étendue de services culturels, d'activités récréatives et de commodités diverses à tous types de publics . On citera, à titre d'illustration, le Gasteig de Munich, qui compte plusieurs salles et héberge des congrès, un conservatoire municipal et une bibliothèque, le Barbican Center de Londres qui regroupe, outre l'auditorium, une salle de théâtre et de nombreux espaces d'exposition pour les arts plastiques, ou encore le Parco della Musica de Rome ( cf . encadré).

Le Parco della Musica à Rome

Réalisé par l'architecte Renzo Piano et inauguré en décembre 2002, le Parco della Musica , doté de trois auditoriums, accueille plus d'un million de visiteurs par an et héberge l'académie nationale de Sainte Cécile, un orchestre réputé pour ses concerts symphoniques et de musique de chambre. La programmation du Parco della Musica est éclectique, et va de la musique symphonique au jazz, en passant par la pop, le rock et la musique du monde. De plus, le Parco della musica propose des oeuvres cinématographiques, des expositions, des représentations théâtrales et des performances littéraires.

L'auditorium symphonique, coeur du bâtiment culturel, peut accueillir près de 3 000 spectateurs. Enfin, au-delà des lieux consacrés aux activités musicales et artistiques, le Parco della Musica comprend aussi des espaces destinés à des conférences, débats et rencontres avec les compositeurs et les musiciens, des lieux dédiés à la recherche (bibliothèque, audiothèque) et didactiques (laboratoires multimédias...), ainsi qu'une librairie, un bar et un restaurant.

A travers ses activités variées, le Parco della Musica se veut un pilier de la relance culturelle et de la rénovation de la cité, avec une ambition urbanistique également, puisqu'il prend place dans des zones excentrées de la capitale italienne.

Grâce à ce lieu polyvalent, Rome a effectué depuis quelques années un bond en avant, parvenant à se mettre au niveau des capitales européennes les plus dynamiques dans le domaine culturel. Renzo Piano avait lui-même défini son oeuvre comme une véritable « fabrique de la culture ».

Source : commission des finances

La pertinence de ce modèle en multiplexe était également soulignée par le rapport Belaval-Auberger en 2003 : « Dans la plupart des villes qui se sont dotées récemment d'un auditorium, cette décision marquait en fait l'aboutissement d'une longue démarche de diffusion de la culture musicale auprès d'un public de plus en plus large et renouvelé ; deux types d'initiatives sont susceptibles, en particulier, d'accroître l'impact de la musique : les actions en direction de certaines catégories de public (scolaires, famille, seniors...), et les "événements", faisant appel à l'attrait exercé par les formules inhabituelles de programmation (...), ou par des interprètes et des oeuvres hors du commun. De telles initiatives requièrent des locaux appropriés, offrant des services auxquels le public s'attend désormais : restauration, animation, toilettes suffisantes, accès handicapés, desserte par les transports en commun, parking... ».

A cette aune, les salles parisiennes apparaissent une fois de plus inadaptées : « bien moins confortables que n'importe quel complexe de cinéma, peu modulables, mal équipées en installation d'enregistrement, les salles parisiennes actuelles ne peuvent certainement pas attirer un public plus large que celui dont la passion musicale est fortement enracinée » 10 ( * ) .

3. ... comme pour les artistes

Source de frustration pour les publics, l'absence de grand auditorium porterait également préjudice à l'attrait des grandes formations étrangères pour la capitale et au développement des orchestres parisiens.

a) Paris « boudée » par les grands orchestres internationaux ?

Selon le rapport Belaval-Auberger, « à force de devoir se produire dans des lieux de qualité très inférieure à celle à laquelle ils sont habitués dans d'autres villes, les chefs les plus éminents, les formations symphoniques les plus prestigieuses ont tendance à éviter Paris . Seul un lieu d'excellence est susceptible de maintenir une vie et une pratique musicales brillantes à Paris. »

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, il n'existe pas de statistiques comparatives précises sur la présence à Paris et dans les autres grandes capitales du monde des meilleurs orchestres internationaux. Les représentants de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris invitent néanmoins à nuancer le jugement du rapport Belaval-Auberger en faisant valoir que, depuis la réouverture de la Salle Pleyel et grâce à la perspective offerte par la Philharmonie, Paris est redevenue une ville fréquentée par tous les plus grands orchestres .

Un classement indicatif identifierait une première catégorie de capitales symphoniques très vivantes et attractives comprenant Vienne, Londres, Berlin, Amsterdam, New York et Tokyo. Paris serait désormais plus proche de ce « peloton de tête » que des poursuivants européens que sont Madrid, Barcelone, Rome, Bruxelles ou Saint-Pétersbourg.

Il semblerait enfin que Paris « achète » un orchestre étranger pour une série de concerts à un prix identique à celui pratiqué en Allemagne par exemple. Aucun handicap d'attractivité ne serait donc à déplorer et à compenser par le paiement de cachets plus élevés . Pour mémoire, un concert des Berliner Philharmoniker coûte 175 000 euros incluant la totalité des frais de l'orchestre 11 ( * ) hors cachet du chef et, le cas échéant, du soliste. Un concert du London Symphony Orchestra , du Concertgebouw d'Amsterdam ou du Gewandhaus de Leipzig dans les mêmes conditions coûte 90 000 euros. Pour les orchestres américains, les dépenses d'hébergement et de transport sont un facteur inflationniste, mais l'apport d'un sponsor spécifique ramène la dépense à un coût global généralement compris entre 100 000 euros et 150 000 euros par soirée.

b) Une entrave au développement des formations parisiennes

Un motif fréquemment avancé à l'appui de la construction de la Philharmonie de Paris réside enfin dans la nécessité d'offrir aux orchestres parisiens les moyens de se développer et d'améliorer leur niveau . Ainsi, selon le rapport Belaval-Auberger, l'absence de grand auditorium est « éminemment préjudiciable à la qualité des grands orchestres parisiens : Orchestre de Paris, bien-sûr, mais aussi orchestres de Radio-France, Orchestre national d'Île-de-France, Ensemble orchestral de Paris, orchestres d'associations symphoniques. (...) Il paraît clair que les conditions de travail imposées aux orchestres parisiens ne contribuent pas à la qualité de leurs prestations . »

Les insuffisances pointées par les promoteurs d'une grande salle de concert sont de deux ordres.

Techniquement, l'absence d'auditorium contraint les artistes à travailler dans des conditions matérielles difficiles . Le rapport Belaval-Auberger dépeint, non sans un certain pathos , une situation accablante : « ballottés, avec leurs instruments et leurs partitions, entre lieux de répétition et lieux de représentation, contraints de travailler les oeuvres dans des conditions acoustiques différentes les unes des autres, et différentes de celles du concert, privés de studios permettant de travailler par groupes ou par pupitres, de vestiaires et de toilettes décents, comment les musiciens de ces orchestres pourraient-ils, malgré la chaleur de l'accueil du public, avoir l'impression du respect dû à leur art ? ». Il est un fait que l'évolution des méthodes de travail des orchestres symphoniques conduit leurs membres à répéter davantage par pupitre (répétitions dites « partielles »), à se familiariser avec des instruments anciens ou à s'adapter au répertoire contemporain. Ces techniques impliquent souvent de disposer d'espaces de travail diversifiés que n'offrent pas les lieux de concert existants.

Esthétiquement, cette absence prive les orchestres parisiens de « centre de gravité » , l'hypothèse étant faite que l'excellence d'une formation réside dans la coïncidence - on n'ose dire la « cristallisation » - d'un effectif, d'un chef, d'une politique musicale claire, d'un public et... d'un lieu . Le rapport d'activité 2006-2007 de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris relevait ainsi que « les exemples étrangers ont démontré que l'épanouissement des formations symphoniques est fortement lié à la force de leur point d'ancrage : un orchestre forge sa qualité et sa sonorité dans la stabilité : stabilité de la relation entre les musiciens et les directeurs musicaux d'abord 12 ( * ) , stabilité des conditions de travail car la qualité des répétitions est évidemment liée à la qualité sonore du lieu. On constate ainsi que les meilleurs orchestres répètent dans leur propre salle et/ou dans des espaces de répétition adjacents. Stabilité enfin du lieu de diffusion : une saison doit être lisible, visible et s'insérer dans une programmation dynamique ». Ainsi le « nomadisme » de l'Orchestre de Paris, longtemps privé de salle, est-il souvent considéré comme la principale entrave à son essor. A contrario , le succès du Philharmonique de Berlin, du Gewandhaus de Leipzig ou du Concertgebouw d'Amsterdam tend à démontrer que les grands orchestres s'identifient à leur lieu de concert attitré 13 ( * ) ...

Il est délicat de porter un jugement sur le rang international des orchestres français sans s'exposer à des partis pris esthétiques discutables. En 2008, onze critiques musicaux 14 ( * ) avaient par exemple établi un classement des vingt meilleurs orchestres mondiaux pour le magazine britannique Gramophone , faisant autorité en matière de presse musicale spécialisée. Venait en tête de ce classement l'Orchestre royal du Concertgebouw d'Amsterdam, devant les orchestres philharmoniques de Berlin et de Vienne 15 ( * ) . Aucun orchestre français ne figurait en revanche parmi les vingt meilleurs du monde, selon les critères retenus par le jury .

On peut donc donner acte aux promoteurs de la Philharmonie de Paris de la nécessité de « hisser » les orchestres français au meilleur niveau international, tout en relevant que l'argument tiré de leur « insuffisance » pourrait être aisément retourné contre le projet. En effet, l'absence d'orchestre philharmonique français de rang international pourrait autant être regardée comme rendant superflue la construction d'une salle de prestige, au motif que nul « bijou » ne viendrait garnir un tel « écrin » ... Rappelant que « la réalisation d'une grande salle philharmonique à Paris divise le milieu musical » , la Cour des comptes 16 ( * ) , citant les arguments des contempteurs du projet, relève ainsi qu' « au plan de sa programmation, une grande salle philharmonique ne se justifie que si l'on peut y installer en résidence permanente un orchestre de premier rang (...). Certains font observer qu'à ce jour, aucun de nos orchestres nationaux ne se classe parmi les toutes premières phalanges mondiales » .

Votre rapporteur spécial ne s'attardera pas sur ces débats, considérant :

1) qu' aucun appareillage statistique fiable n'est susceptible de fonder une appréciation objective, assis par exemple sur la régularité et l'importance des tournées internationales des orchestres français permanents ou sur le « prix de vente » de nos formations dans une ville donnée ;

2) que le niveau des orchestres français, à supposer qu'il soit « moyen », dépend de paramètres multiples, qui ne se réduisent pas à l'existence ou non d'une grande salle de concert . Les interlocuteurs rencontrés dans le cadre du présent contrôle se sont notamment accordés à reconnaître que le niveau et la santé des orchestres étaient également liés à la qualité de la formation initiale des musiciens 17 ( * ) et au rapport entretenu par l'individu au collectif . Selon les représentants de la Philharmonie de Paris, « la culture collective est au départ moins "naturelle" en France que dans les modèles germaniques ou anglo-saxons. Cette dimension collective est primordiale car elle seule permet à un orchestre donné de se situer régulièrement tout au long de l'année à un haut niveau de qualité ». En somme, le musicien français se rêverait davantage en soliste qu'en musicien du rang et nos formations pâtiraient d'une réputation d'indiscipline qui, pour être de moins en moins fondée, n'aurait pas disparu pour autant !

Au total, l'absence de grand auditorium est considérée comme particulièrement préjudiciable à l'interprétation du répertoire symphonique, qui requiert des salles de volume important. Elle est également regardée comme une entrave à la diversification des publics et au développement qualitatif des orchestres parisiens .

II. LA PHILHARMONIE DE PARIS : UNE RÉPONSE AMBITIEUSE OU SURDIMENSIONNÉE ?

Les constats qui viennent d'être dressés ont conduit les pouvoirs publics à décider, à la fin de l'année 2005, l'édification d'un grand auditorium symphonique au sein du Parc de la Villette. Essentiellement motivée par la possibilité de développer des synergies entre le nouvel équipement et les infrastructures existantes - au premier rang desquelles la Cité de la musique - cette localisation relativement « périphérique » a néanmoins fait débat et continue de susciter des interrogations .

Mais, plus encore que son lieu d'implantation, c'est le dimensionnement très ambitieux du projet qui ne laisse pas d'étonner. Plus qu'une extension ou un « complément » à la Cité de la musique, dont il faut rappeler que le dessin original intégrait un grand auditorium, la Philharmonie de Paris semble avoir été conçue comme un pôle autonome dont certains équipements annexes dupliqueront les infrastructures déjà présentes sur le site.

A. UNE LOCALISATION DANS LE 19ÈME ARRONDISSEMENT

Le lieu d'implantation du nouvel équipement a provoqué maints débats et le choix final pour le parc de la Villette continue de susciter des interrogations. En 2003, le rapport Belaval-Auberger insistait sur la nécessité d'une localisation aussi centrale que possible, tant du point de vue du public que des artistes :

1) la centralité permettant d'accéder facilement à l'auditorium, elle « correspond aux souhaits et à l'intérêt même du public du concert symphonique : dans n'importe quelle partie de la région parisienne qu'il réside, c'est toujours vers le centre de la capitale qu'il est attiré, ne serait-ce que par la configuration même du réseau de transports en commun ; et sa composante la plus aisée, située majoritairement à l'ouest de la capitale et indispensable au lancement d'un nouvel équipement, éprouve une certaine réticence à se déplacer à l'autre extrémité de la région. Il faut être réaliste : confronté à une offre culturelle multiple, le public ne surmontera pas les difficultés de transport et de parking pour atteindre un auditorium lointain (...) » ;

2) le centre de Paris est le plus à même d'offrir un environnement accueillant, sûr et convivial pour l'activité vespérale qu'est le concert ;

3) le succès du nouvel équipement en termes de démocratisation culturelle et de conquête de nouveaux pratiquants et amateurs (notamment scolaires) implique qu'il soit « situé en un lieu propice à une fréquentation naturelle et spontanée d'un public attiré éventuellement par d'autres activités, ce à quoi le coeur de Paris sera toujours mieux adapté que la périphérie » ;

4) les musiciens, chefs, solistes et orchestres invités expriment une nette préférence pour les localisations centrales.

1. Les options envisagées et abandonnées

Un grand nombre de localisations possibles ont été envisagées, avant d'être abandonnées, reposant soit sur l'hypothèse d'une reconversion de structures existantes (culturelles ou non), soit sur celle d'une construction ex nihilo .

a) La reconversion de structures existantes

Une implantation au coeur de Paris a, compte tenu de la rareté des espaces disponibles, conduit les promoteurs du projet à envisager la reconversion d'équipements existants . Le rapport Larquié évoquait ainsi, en 1999, le Grand Palais, le théâtre de la Gaieté Lyrique et le théâtre de Chaillot. Ces pistes n'ont cependant pas été suivies, les inconvénients qu'elles présentaient étant jugés supérieurs aux avantages . Il en alla de même d'hypothèses plus excentrées, telles que le Palais des Sports de la porte de Versailles, les terrains à libérer par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (Laennec, Boucicaut, Broussais, Bichat) ou les terrains de la ZAC du 13 ème arrondissement, à proximité de la Bibliothèque nationale de France.

Six ans plus tard, et outre l'utilisation de lieux de culture existants 18 ( * ) , le rapport Belaval-Auberger avait également évoqué les pistes de la Poste de la rue Bréguet, de l'Imprimerie nationale, du campus de Jussieu, des entrepôts d'Austerlitz, du Palais Brongniart ou de la Bourse du commerce. Les auteurs n'avaient toutefois mentionné ces options que pour mémoire, « au cas où une opportunité sérieuse viendrait à s'y faire jour » , mais n'en avaient pas fait leur préconisation privilégiée en raison des délais de réalisation qu'une reconversion aurait impliqués .

Au-delà de la reconversion de structures existantes, d'autres quartiers avaient également été évoqués dans l'hypothèse d'une construction ex nihilo . On peut citer à cet égard l'avenue de France, dans le 13 ème arrondissement, et l'avenue des Batignolles, dans le 17 ème arrondissement, la zone Paris nord-est, ou encore, l'Ile Seguin.

b) Des lieux qui présentaient au final davantage d'inconvénients que de qualités

Le tableau qui suit fait la synthèse des avantages et inconvénients respectifs des sites les plus sérieusement examinés, mais finalement non retenus pour la construction de la Philharmonie de Paris.

Tableau de synthèse des localisations alternatives à la Villette

Site

Avantages

Inconvénients

Reconversion de sites existants

Théâtre Mogador

Travaux d'amélioration de l'acoustique et de la fonctionnalité réalisés en 2000.

Inapproprié au travail d'un orchestre international, image de « salle d'opérette », quartier peu attractif.

Salle modulable de l'Opéra Bastille

-

Dimensions insuffisantes, nécessité d'une révision architecturale complète, enclavement et absence de visibilité du nouveau site symphonique au sein d'une maison d'opéra.

Travée E de la Cité des sciences et de l'industrie

Vastes espaces disponibles, synergies avec les équipements en place (parking), proximité avec le parc et les hôtels attenants, complémentarité avec un grand ensemble multiculturel.

Site brut non conçu pour la musique, nécessitant des aménagements aussi coûteux qu'une construction neuve (100 millions d'euros), nécessité de refondre toute l'organisation actuelle pour réaliser une unité de direction.

Palais de Chaillot

Prestige du site, surface adaptée, présence de foyers et sous-foyers ouvrant sur le jardin du Trocadéro, inscription dans une « grande voie artistique » longeant la Seine.

Nécessité de décaisser de 4 mètres le sol afin de parvenir à une hauteur sous plafond convenable, nécessité de déplacer l'équipe théâtrale en place, absence de locaux fonctionnels pour les orchestres en résidence, aménagements à réaliser dans un espace boisé et paysager.

Salle Pleyel

Excellente situation, point de repère connu des mélomanes, vastes espaces pour les artistes

Absence de salle de répétition, acoustique perfectible (nécessité de réduire la jauge), tristesse des foyers, animation commerciale limitée dans le quartier, stationnement difficile.

Construction ex nihilo

Avenue de France (Paris, 13 ème )

Réalisation attractive « concluant » une des plus majestueuses avenues de Paris.

Coût et délais associés à la couverture des voies ferrées, desserte médiocre, absence d'animation nocturne.

Batignolles (Paris, 17 ème )

Desserte correcte, site à la fois central et périphérique, possibilité de raser un immeuble au métro Brochant.

Nécessité d'attendre la décision du Comité international olympique sur la localisation des Jeux de 2012.

Zone Paris-Nord-Est

-

Aucun avantage évident par rapport au site de la Villette.

Ile Séguin

Surface disponible, inclusion dans un aménagement mi-urbain, mi-paysager en bordure de fleuve.

Délais de réalisation (nettoyage du site), médiocre desserte, absence de complémentarité avec les activités essentiellement diurnes de l'île, charge foncière.

Autres localisations périphériques (terrains militaires de la porte de Sèvres, périphérique couvert porte de Vincennes, friches ferroviaires de Bercy).

-

Aucun avantage décisif, notamment en termes de desserte par les transports en commun.

Source : commission des finances, d'après les rapports Larquié (1999) et Belaval-Auberger (2003).

2. Le choix du site de la Villette : atouts et faiblesses

Tant le rapport Larquié (1999) que le rapport Bayle (2001) ou le rapport Belaval-Auberger (2003) ont conclu à l'opportunité de bâtir le nouvel auditorium au Parc de la Villette . Cette solution obéissait notamment à des considérations de coût et reposait sur la possibilité de dégager des synergies avec les équipements existants. Si des justifications relevant de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire ont également guidé ce choix, la Villette présente néanmoins un certain nombre de faiblesses liées à sa desserte ou à son image, qu'il conviendra de surmonter.

a) Des synergies possibles avec les équipements existants

Pour le rapport Larquié, le principal atout de la Villette était qu'il concentrait déjà de nombreux équipements à caractère culturel, au premier rang desquels la Cité de la musique, son musée, son petit amphithéâtre et sa salle de concert modulable (mais également la Cité des sciences et de l'industrie, la Grande halle, le Petit théâtre de Paris-Villette, le Zénith et le Conservatoire national supérieur de musique et de danse). L'auteur souligne ainsi, à l'époque, que « l'existence de ces équipements et leur présence sur un même site permet, dès l'abord, d'envisager (...) le développement de réelles complémentarités :

« - l'existence de la salle modulable permet déjà de disposer de la "petite salle" nécessaire aux activités annexes d'un orchestre résident ;

« - la programmation de la Cité de la musique et ses activités pédagogiques permettront d'élargir l'expérience acquise en matière d'ouverture sur des publics diversifiés ;

« - la présence notamment d'une médiathèque pédagogique, d'un centre d'information "musique et danse", d'un atelier de gamelan a d'ores et déjà permis de structurer des activités de pédagogie, d'information et de documentation , qui trouveront ainsi une matière nouvelle sur laquelle s'appuyer. »

La complémentarité des équipements présents ou à construire permettait donc, selon André Larquié, « d'envisager, dès le départ, deux types de synergie :

« 1) en ce qui concerne les publics : la diversité des équipements et des activités déployés sur le site (...), l'éclectisme des activités musicales qui s'y développent déjà avec succès permettent de s'inscrire dans une démarche proche de celles rencontrées à Londres, Munich ou Birmingham qui inclut l'activité de concerts dans une vie culturelle ouverte, qui permet à des publics divers de se rencontrer. Cette diversité permet aussi d'accueillir un public familial en offrant aux diverses générations les services qu'elles attendent, autant d'arguments auxquels les publics de la tranche 25-45 ans sont très sensibles ;

« 2) en ce qui concerne les professionnels : la proximité de plusieurs salles de tailles différentes, des collections du musée, du Conservatoire national supérieur de musique, permettrait aux musiciens, tant français qu'étrangers de passage, de développer des activités diverses dans un environnement favorable : concerts ou récitals, conférences ou activités pédagogiques publiques, "master class", etc. »

La possibilité de développer une complémentarité avec la Cité de la musique a également été mise en avant par Philippe Belaval et Bernard Auberger en 2003 : « un tel projet présenterait surtout un certain nombre d'avantages en termes artistiques et culturels, en constituant un ensemble de trois salles de dimensions variées qui, de l'avis général, est aujourd'hui le mieux à même de fonder une politique dynamique de l'offre musicale et qui est, d'ailleurs, le schéma fréquemment retenu dans le monde en cas de construction nouvelle (à Rome, par exemple). La Cité pourrait ainsi aborder tous les genres, sauf ceux exigeant une mise en scène. La notoriété acquise par la Cité tant auprès des artistes que de certains publics bénéficierait d'emblée à la nouvelle salle . En outre, des "synergies" pourraient s'établir entre l'ensemble des institutions musicales regroupées sur le site de la Villette . » Les auteurs relativisaient néanmoins l'importance de telles synergies et estimaient qu'elles devaient être précisément documentées, puis réellement mises en oeuvre 19 ( * ) .

Le plaidoyer le plus étayé pour l'implantation du grand auditorium au Parc de la Villette est sans doute dû à Laurent Bayle, actuel président de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris qui concluait ainsi son étude de 2001 20 ( * ) : « si l'implantation d'un auditorium à la Villette semble s'imposer, c'est justement parce qu'il s'inscrirait dans un complexe culturel dont la stratégie déjà mise en oeuvre correspond à ce besoin d'ancrage et s'en trouverait renforcée . »

Interrogés sur la nature concrète des synergies attendues entre la Philharmonie et les autres équipements existants - au premier rang desquels la Cité de la Musique -, les représentants de l'association de préfiguration indiquent que celles-ci porteront notamment sur :

- l'harmonisation des programmations de concert ;

- le partage des dépenses de pédagogie et d'expositions ;

- le co-financement de certaines charges de fonctionnement ;

- la mise en commun de personnels.

Outre ses atouts en termes de complémentarité, le site de la Villette offrait enfin - et surtout - une emprise disponible et appartenant à l'Etat , comprise entre le bâtiment de la Cité de la musique et le boulevard Sérurier. Selon le rapport Belaval-Auberger, « cet espace (...) fait naturellement de la Cité de la Musique l'hypothèse d'implantation la plus évidente d'une nouvelle salle de concerts à Paris ». Laurent Bayle indiquait dès 2001 dans le rapport précité que l'absence de charge foncière contribuait à « rendre ce projet [d'implantation sur le site de la Villette] particulièrement attractif sur le plan financier » 21 ( * ) .

b) Des enjeux urbains

La localisation à la Villette a également obéi à des enjeux urbains et a été à la fois considérée comme un moyen d'achever le parc de la Villette, de redynamiser le 19 ème arrondissement de Paris, ou encore de « tirer un trait d'union » entre Paris et sa banlieue, dans le cadre d'une démarche structurante pour le Grand Paris.

L' insertion de la Philharmonie de Paris dans le parc de la Villette a fait l'objet d'un soin particulier. Selon les représentants de l'association de préfiguration, la qualité de cette insertion a été l'un des éléments déterminants ayant conduit le jury du concours d'architectes à désigner comme lauréat le projet des Ateliers Jean Nouvel. Une brochure éditée en février 2012 vante un « lien étroit entre le parc et la Philharmonie » , matérialisé par :

1) le placement en hauteur de la salle de concert, qui libère au sol un large espace public. « L'espace ainsi dégagé est conçu comme un vaste abri donnant accès à l'une des entrées de la Philharmonie et permettant au public de se protéger des intempéries. Il offre un usage nouveau pour le parc de la Villette, en lien avec la construction de la Philharmonie et la proximité de différents équipements culturels. Cet abri est accessible librement au public » ;

2) la création, grâce aux rampes de la Philharmonie, d'une nouvelle entrée au parc de la Villette, directement raccordée à la porte de Pantin et au futur arrêt du tramway, boulevard Sérurier ;

3) le choix d'une « architecture minérale parcourable » : la forme extérieure du bâtiment est constituée d'un assemblage de plans obliques formant rampes, emmarchements et parvis, à caractère public, qui sont autant de promenades et de circulations piétonnes, dont une « promenade en belvédère » offrant un point de vue sur le parc, Paris et sa banlieue.

En deuxième lieu, la construction de la Philharmonie de Paris à la Villette peut être considérée comme un élément de redynamisation du 19 ème arrondissement de Paris. Cette vocation doit néanmoins être relativisée, dans la mesure où le parc de la Villette et ses abords immédiats ont, ces quarante dernières années, subi une transformation radicale . Selon Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour 22 ( * ) , « quand le Parc de la Villette fut réalisé progressivement au cours des années 1980, le nord-est parisien souffrait d'un grave déficit d'équipements publics, notamment dans le domaine culturel. Trente ans plus tard, les équipements implantés dans le parc ont fait leurs preuves, notamment grâce à l'action fédératrice de l'Etablissement public du parc et de la grande halle de la Villette. Par ailleurs, la Ville de Paris a, depuis 2001, investi massivement pour rénover le nord-est de Paris et pour rééquilibrer l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire parisien. Dans le domaine culturel, de nombreux équipements ont été ouverts ou le seront prochainement : Cent-quatre, Maison des Métallos, Médiathèque Marguerite Duras, MK2 Quai de Seine, cinéma de la Porte des Lilas, UGC de la ZAC Claude Bernard ou encore le cinéma de la 4 ème travée de la Cité des sciences et de l'industrie. Si des efforts sont encore nécessaires pour réhabiliter certains quartiers, la situation s'est donc nettement améliorée et l'implantation de la Philharmonie ne créera pas à elle seule une révolution urbaine dans le nord-est de Paris . »

La Philharmonie de Paris est enfin présentée comme le moyen de « tirer un trait d'union entre Paris et la banlieue » . La documentation produite par l'association de préfiguration indique que « le bâtiment parcourable installe un dialogue entre Paris et sa banlieue. Projet urbain, préfigurant le Grand Paris de demain, la Philharmonie de Paris est la liaison qui permet une porosité dynamique avec la banlieue. De nouveaux liens entre Paris et sa périphérie sont créés. Les limites de la ville sont déplacées. Le bâtiment, continuité du parc, est un lieu de rencontres ouvert, donc désacralisé. Il permet son appropriation par tous les mélanges de publics, en phase avec la mixité des musiques présentées. Le bâtiment n'offre pas de façade principale, il s'ouvre sur toutes les directions - une conception qui correspond à la nécessité de penser des cheminements différents pour des flux spécifiques et à la volonté de capter tous les publics environnants ».

Interrogés sur le voisinage immédiat du boulevard périphérique , élément puissant de ségrégation socio-spatiale, les représentants de la Philharmonie de Paris relèvent que l'environnement de l'auditorium connaît un processus de gentrification « que l'existence du boulevard périphérique n'a pas empêché. L'architecture de Jean Nouvel est en soi un geste fort qui rend le bâtiment appréhendable depuis Pantin, au-delà du périphérique, ce qui n'est le cas d'aucun autre immeuble dans cette zone. (...) Pour le reste, il appartiendra au projet artistique de la Philharmonie de répondre aux attentes des banlieusards en installant notamment en week-end une programmation attractive pour les familles, avec des prix de places abordables » 23 ( * ) .

c) Des faiblesses à surmonter en matière de desserte et d'image

Ces éléments ne doivent cependant pas occulter un certain nombre de faiblesses affectant la Villette et ses abords immédiats, qu'il conviendra de surmonter pour assurer le succès du nouvel équipement.

La première de ses faiblesses concerne la médiocre desserte du site , maintes fois relevée. En 2003, le rapport Belaval-Auberger pointait déjà la faible offre de transports en commun et l'encombrement des artères voisines, préconisant « une réflexion sur le plan de circulation et les conditions de stationnement autour du site ». La mission d'inspection IGF-IGAC de 2009 confirmait cette analyse fin 2009 en soulignant que « l'accessibilité du site de la Philharmonie n'est pas satisfaisante. (...) La Ville de Paris reconnaît l'ampleur de l'effort nécessaire d'aménagement de la voirie, des accès et du stationnement. » 24 ( * )

Début 2010, une note de la direction du budget relevait la nécessité de « travailler à l'accessibilité » et déplorait des « parkings (...) notoirement insuffisants et (des) transports en commun de faible qualité » 25 ( * ) . Enfin, dans un relevé d'observations définitives daté de 2011 26 ( * ) , la Cour des comptes notait : « certains font aussi remarquer qu'il ne sera pas évident de drainer, en semaine et en début de soirée, à la Villette, dans une zone excentrée et très médiocrement desservie, un public qui va au concert "en sortant du bureau" ».

Quant aux représentants de la Région Île-de-France auditionnés par votre rapporteur spécial, ils ont particulièrement insisté sur le besoin impérieux d'une accessibilité satisfaisante lors des fréquents pics de fréquentation simultanée de la Grande Halle, de la Cité de la Musique, du Zénith et de la future Philharmonie de Paris .

Interrogés sur ces divers éléments, les responsables de l'association de préfiguration font preuve d'un relatif optimisme et de volontarisme, estimant que « l'arrivée du tramway va progressivement améliorer la desserte. Mais cet apport doit être complété par une amélioration du confort de la ligne de métro n° 5 et un accroissement de sa fréquence en soirée. Les nouvelles rames sont en cours d'installation sur la ligne » . Dans une brochure de février 2012, le site de la Philharmonie est même qualifié de « lieu aisément accessible » , puisque joignable à pieds, en voiture, en transports en commun, à vélo et même... en bateau ( cf . encadré).

L'accessibilité de la Philharmonie de Paris

Au moment de son ouverture, la Philharmonie de Paris sera desservie par tous les modes de transport :

Transports en commun : métro (lignes 5 et 7), bus (lignes 75, 151 et 684), noctilien (N13, N41, N45, N140), RER (ligne E), tramway (ligne T3) dont la mise en service est prévue en 2012.

Voiture : la Philharmonie possédera son propre parking (600 places) avec un accès aisé au périphérique et au boulevard Sérurier en complément des parkings déjà existants de la Cité de la musique (348 places) et de la Cité des sciences (2 000 places).

Taxi : une nouvelle station de taxis sur le boulevard Sérurier sera créée 27 ( * ) en complément de celle qui existe déjà avenue Jean-Jaurès. Service d'autobus : la Philharmonie de Paris mettra gratuitement à la disposition de ses spectateurs un service de bus/navettes.

À pied ou en vélo : les alentours de la Philharmonie offrent un cadre agréable pour ces modes de transport. Nombreux points de stationnement deux-roues et stations vélib' . De Bastille au Centre national de la danse de Pantin, les berges des canaux offrent un cheminement protégé aux piétons et aux cyclistes.

En bateau : le Conseil général de Seine-Saint-Denis organise chaque été des navettes fluviales. Deux sociétés (Canauxrama et ParisCanal) proposent des croisières desservant le site de la Philharmonie.

Accès prioritaire : les véhicules adaptés aux personnes handicapées accèdent au parvis et déposent les spectateurs à proximité immédiate de l'entrée principale.


Source : brochure de présentation de la Philharmonie de Paris de février 2012

Ces appréciations méritent d'être relativisées . Comme le fait justement valoir le rapport précité de la mission IGF-IGAC, « la desserte par les transports en commun est incomparable avec celle dont jouit l'Opéra Bastille » et « le parking de la Cité des sciences et de l'industrie ne peut être mobilisé qu'au prix d'un long cheminement piéton dans le parc » , potentiellement rédhibitoire le soir, notamment en hiver. Par ailleurs, si le parking de 600 places constitue indéniablement un atout, Radio France dispose d'un parc de stationnement de 800 emplacements pour un auditorium de 1 000 places inférieur à celui de la Philharmonie . Quant aux accès à pied, en vélo ou en bateau, ils sont assurément possibles pour le public fréquentant la Philharmonie en journée ou par beau temps, mais ils ne sauraient être les moyens de transport privilégiés du mélomane concevant le concert comme une activité vespérale.

Les représentants de la Ville de Paris, entendus par votre rapporteur spécial, ont assuré qu'un travail approfondi était actuellement mené entre la Ville et l'association de préfiguration afin de mettre en lumière toutes les difficultés liées aux infrastructures de transports, au stationnement et à la signalétique.

Ensuite, et malgré les améliorations considérables apportées au quartier et évoquées ci-avant, la Villette pâtit encore de ce que le rapport Belaval-Auberger qualifiait de « handicap d'image » : « malgré le succès de la Cité, et d'ailleurs d'autres institutions du site, la Villette souffre encore d'un handicap d'image dans l'esprit de nombre de personnes qui ne sont pas habituées à le fréquenter. Ce handicap peut se révéler redoutable pour une institution comme une salle de concerts symphoniques appelée à programmer des manifestations coûteuses, dont certaines, telles les tournées d'orchestres étrangers, ont de surcroît une connotation prestigieuse . (...) Le quartier n'offre pas aujourd'hui de perspectives pleinement satisfaisantes quant à une convivialité nocturne , propice au succès d'un grand équipement culturel devant attirer un large public venu de tous les horizons. »

L'association de préfiguration juge que « si le "handicap d'image" existe, c'est surtout auprès des personnes plus âgées et d'un niveau social aisé habitant plutôt l'ouest parisien . Ce n'est pas le cas pour les catégories d'âge intermédiaires ou plus jeunes qui occupent des emplois tertiaires et habitent toutes les arrondissements de Paris moins centraux et de la première couronne (...). Dans l'environnement immédiat, le développement très rapide de la plaine Saint-Denis (bureaux, centres commerciaux) est aussi un atout. A l'égard de ces nouveaux publics , la localisation sur un site ouvert, faisant dialoguer cultures populaires et savantes, est un signe fort de renouvellement. Le manque de convivialité nocturne est surtout perçu en hiver . Au contraire, pendant les beaux jours, le site de la Villette, notamment sa partie sud, est très animé et convivial. L'amélioration de l'éclairement général doit contribuer à améliorer la situation ».

On ne saurait trop insister sur le caractère crucial de ces questions pour le succès futur de l'auditorium, succès qui parie sur l'attrait de nouveaux publics venant compenser la fraction du public aisé de l'ouest parisien qui ne fera probablement pas le déplacement jusqu'à la Villette. Selon le rapport Chambert-Soufi, « les problèmes relatifs à la desserte des lieux et aux conditions d'accueil du public (...) semblent être déterminants dans le renouvellement d'un public » . Votre rapporteur spécial partage donc, sur ce point, les conclusions de la mission IGF-IGAC aux termes desquelles « la Philharmonie ne peut pas se permettre de ne pas être à l'optimum dès son inauguration, et de fonctionner pendant plusieurs années dans des conditions de confort d'accès dégradées bien que transitoires. (...) Pour que la Philharmonie soit un succès, il faut que les spectateurs ne fuient pas le quartier après le concert » .

B. UNE SALLE DE PRESTIGE, UN LUXE D'ÉQUIPEMENTS ANNEXES

Le programme général qui a servi de base au concours d'architecte ne prévoyait pas la simple construction d'une salle de concert, mais la réalisation d'un véritable multiplexe consacré à la musique .

En avril 2007, le jury a retenu le projet conçu par les Ateliers Jean Nouvel. D'une surface utile de 20 000 mètres carrés, le futur bâtiment se veut « marquant » et nettement visible des environs. La salle de concert sera placée en hauteur et signalée par une « façade tourbillon » en inox. Haute de 37 mètres, la construction, qualifiée de « bâtiment géographie » , de « colline » ou de « soulèvement de métal » , sera barrée d'une arête culminant à 52 mètres. Cette lame constituera un écran vertical perpendiculaire au boulevard périphérique et servira de support à un dispositif de signalétique lumineuse dynamique, concourant à la visibilité nocturne de la Philharmonie.


Perspective sur la Philharmonie de
Paris depuis le boulevard périphérique

Source : Philharmonie de Paris.

1. La salle de concert : une jauge importante et modulable, une acoustique exceptionnelle
a) Une jauge de 2 400 places, une salle modulable

La salle de la Philharmonie de Paris accueillera 2 400 spectateurs en configuration symphonique, 2 330 spectateurs en configuration « jazz et musiques du monde », et jusqu'à 3 650 spectateurs en configuration « public debout ». Cette salle sera en effet modulable, afin de pouvoir s'adapter à d'autres répertoires que le répertoire symphonique . Il y sera notamment possible d'effacer le parterre et la scène et de transformer les gradins de fond en nouvelle scène frontale. Selon les promoteurs du projet, « cette nouvelle typologie de salle, plus flexible, favorise une pluralité musicale qui représente un élément d'attractivité pour de nouveaux publics et un outil stimulant pour des créateurs souhaitant jouer avec la dimension spatiale de la musique » 28 ( * ) .

La surface au sol de la salle sera de 2 200 mètres carrés et la hauteur sous plafond de 22 mètres. Plutôt qu'une configuration dite « en boîte à chaussures », où le public fait face à l'orchestre et au choeur, la salle de la Philharmonie de Paris sera, comme celle de la Philharmonie de Berlin, enveloppante (de type « vignoble »). Ce modèle, où le public entoure la scène, permet d'accueillir un nombre important de spectateurs tout en limitant l'éloignement de l'auditoire aux artistes. La distance du dernier spectateur au chef d'orchestre n'excèdera pas 32 mètres.

L'architecture des balcons, détachés des parois de la salle, donnera l'illusion de « nacelles suspendues dans l'espace » et s'harmonisera avec la forme en « nuages » et en « rubans » des réflecteurs acoustiques. Malgré sa jauge importante, la salle est ainsi conçue comme un « espace intime, un cocon voluptueux et généreux propice à l'expérience partagée du concert » .


La salle de concert « enveloppante » vue depuis les gradins du choeur

Source : Philharmonie de Paris.

b) Une acoustique exceptionnelle

Le succès du nouvel auditorium est naturellement conditionné à la qualité irréprochable de son acoustique, qui doit être spécifiquement adaptée au concert symphonique . Cet aspect semble avoir été au coeur des préoccupations des responsables du projet, qui n'ont guère « lésiné » sur les moyens et l'expertise mobilisés. La configuration de la salle a ainsi fait l'objet d'études sur maquettes informatiques et des tests ont été réalisés sur une maquette acoustique au 1/10 ème .

Le volume acoustique actif sera de 30 500 mètres cubes et le temps de réverbération sera compris entre 2 et 2,3 secondes, soit des ordres de grandeur adaptés aux « grands » orchestres symphoniques. Selon une brochure de présentation du projet, le « son philharmonie » se caractérisera par son amplitude, sa clarté et son intimité .

Un soin particulier a également été apporté à la neutralisation des nuisances sonores environnant la salle de concert , qu'elles résultent de l'intérieur de la Philharmonie (foyers, parking, équipements techniques, circulations, livraisons...) ou de l'extérieur (trafic aérien et routier, bruits émanant du parc). Enfin, le faîte de la Philharmonie étant accessible aux promeneurs, une toiture sur plots antivibratiles a été prévue.

Le rapport Larquié avait, en son temps, mis en garde contre le préjudice acoustique qui pourrait résulter d'une modularité trop « sophistiquée » de la salle de concert : « s'agissant de la conception du volume de l'auditorium, toutes réserves doivent être faites, quant à d'éventuelles tentations de modulabilité, tant fonctionnelle, - qui prévoirait notamment une possibilité d'usage d'une scène à l'italienne ou des configurations par trop diverses -, que dimensionnelle, - permettant de passer, par exemple, de 2 000 à 500 places dans le même volume -. Ces options feraient peser sur le résultat acoustique attendu un risque , qu'il convient de déconseiller ». Dans le même esprit, le rapport Belaval-Auberger estimait qu' « il ne faut pas viser à satisfaire le public de tous les types de musiques. Si l'acoustique est bonne pour la musique symphonique, elle n'aura pas la même qualité pour la musique amplifiée. C'est donc bien à une acoustique adaptée au concert classique qu'il faut se tenir. »

La contradiction potentielle entre excellence acoustique et modularité semble avoir été résolue par le recours à des murs de scène à absorption variable, des rideaux acoustiques absorbants déployables, ainsi qu'un mur de réflecteurs sonores situé quinze mètres au-dessus de la scène - le canopy - dont la hauteur pourra être réglée en fonction de la configuration de la salle.

2. Une configuration en « multiplexe »

La Philharmonie de Paris s'inscrit dans la filiation des salles de concert érigées au cours des dernières décennies, et qui présentent la particularité de s'intégrer au sein de complexes où se déploient des activités culturelles et récréatives multiples .

a) Des espaces de travail nombreux et un accueil soigné pour les musiciens

Le rapport Belaval-Auberger considérait comme indispensable de fournir aux artistes des espaces de travail reproduisant aussi fidèlement que possible les conditions du concert , l'une des carences rédhibitoires des salles parisiennes étant précisément de n'offrir aucune salle de répétition à proprement parler. Selon ce rapport, « l'aménagement d'une salle de répétitions s'impose donc. Celle-ci, pour un grand orchestre symphonique de plus de 100 exécutants, doit être d'un volume suffisant et surtout offrir un plateau identique à celui de la salle de concert, faute de quoi tout orchestre de classe est justifié à exiger de répéter dans la salle de concert ».

La Philharmonie de Paris offrira, non une, mais six salles de répétition :

1) une grande salle destinée aux enregistrements ou aux séances de travail des orchestres au complet (140 musiciens), équipée d'une scène identique à celle de la salle de concert, la partie arrière pouvant accueillir des gradins pour les choeurs ou pour un public pouvant atteindre 200 personnes ( cf . illustration ci-après) ;

2) une seconde « grande » salle dédiée aux formations plus restreintes (60 musiciens et 120 spectateurs) ;

3) cinq autres salles de répétition de 100 à 250 mètres carrés, non accessibles au public, permettant de travailler dans des conditions spécifiques, dont une salle pour les petites formations, une salle pour les cordes, une salle pour la musique vocale et une salle pour les percussions assortie d'un espace de rangement pour les instruments.

Ces équipements seront complétés par dix studios de répétition destinés à des artistes en résidence ou à des groupes restreints, par une bibliothèque de consultation, de conservation et de reproduction des partitions, ainsi que par des « espaces d'accueil (des musiciens) fonctionnels et chaleureux ».

La grande salle de répétition

Source : Philharmonie de Paris

Partant du constat que « la réputation d'une salle s'établit également à travers la qualité des différents espaces de vie réservés aux artistes » , la Philharmonie offrira enfin des « vestiaires, loges et foyers (...) conçus pour être chaleureux et disposés de façon à établir une relation rapide avec les salles de travail. Le foyer des musiciens (sera) un lieu convivial, où les artistes des orchestres résidents et invités (pourront) se rendre tout au long de la journée, lors d'une pause, au milieu d'une répétition, et en soirée, avant les concerts. Un bar et des éléments de restauration rapide y (seront) proposés. Les vestiaires des musiciens et des choeurs, de même que les loges des solistes, (seront) disposés derrière la salle de concert sur plusieurs niveaux. La loge du chef d'orchestre (sera) située à proximité de son entrée en scène » 29 ( * ) .

b) Un pôle pédagogique, une salle de conférences et une galerie d'expositions temporaires

1 800 mètres carrés du rez-de-chaussée du futur bâtiment seront, en outre, dédiés à un pôle pédagogique comprenant deux salles d'éveil à la musique, deux salles de cours, cinq salles de pratique collective, cinq salles de pratique instrumentale individuelle, un studio et une « salle de pique-nique » équipée de bancs et tables où les groupes scolaires pourront « faire une pause déjeuner ou goûter ». Les espaces d'éveil, de cours et de pratique collective seront dimensionnés pour accueillir de quinze à soixante élèves encadrés par un ou deux enseignants.

Ce pôle sera complété par une salle polyvalente de 200 places destinée à l'organisation de colloques, séminaires, petits concerts, séances de projection ou répétitions en public.

Une galerie d'environ 800 mètres carrés proposera, deux fois par an, des expositions en rapport avec la programmation musicale. Sa hauteur sous plafond favorisera notamment l'installation d'oeuvres de grandes dimensions et ses équipements numériques, d'éclairage, de climatisation et de sécurité permettront « de présenter des oeuvres venant de tous les grands musées du monde et de les mettre en relation avec des installations sonores et visuelles » . La galerie sera assortie d'un espace logistique, d'une salle de diffusion sonore et d'un hall de présentation des actualités du lieu.

c) Les espaces d'accueil des publics

Conçue comme un « lieu ouvert » , la Philharmonie de Paris comprendra de nombreux espaces de circulation et de convivialité ouverts au public :

1) le foyer parc , de plain-pied avec le parc de la Villette, constituera l'entrée principale depuis l'allée longeant la Cité de la musique et abritera un vestiaire. Il donnera sur un café-jardin de 100 places et une boutique de 130 mètres carrés. Le café-jardin sera lui-même attenant à une « grotte » de 4 900 mètres carrés, « lieu poétique ponctué de bassins, de rideaux d'eau, de fontaines et de grands traits de lumière naturelle » 30 ( * ) ;

2) le hall parvis , au troisième niveau, donnera accès à la salle de concert. Il intègrera des banques d'accueil et de billetterie ;

3) des foyers offrant divers services (notamment huit bars) garniront chaque niveau d'accès à la salle et permettront au public de « déambuler pendant l'entracte, prendre un verre ou se restaurer dans des conditions confortables et dans un espace généreux » ;

4) 340 mètres carrés de salons privatisables avec terrasse et vue sur Paris seront accessibles au cinquième niveau ;

5) le restaurant , situé au sixième étage, sera accessible non seulement aux différentes catégories de visiteurs, artistes et publics, fréquentant la Philharmonie, mais également au public extérieur grâce à un accès indépendant par le Parc. Il offrira 150 places assises en salle à manger et 40 à 50 places en terrasse.

d) Les espaces administratifs et logistiques

Le nouvel équipement sera enfin doté de 1 600 mètres carrés d'espaces administratifs et logistiques nécessaires à son exploitation, abritant les bureaux de la Philharmonie et des orchestres résidents, des zones de stockage, des espaces de régie, des réserves, des locaux pour les artistes et les techniciens, un restaurant d'entreprise (200 places) et un parking sous-terrain de 600 places environ.

3. Fallait-il voir si grand ?

La décision de construire la Philharmonie de Paris et la définition du programme général de l'équipement sont intervenues avant que le surgissement de la crise financière, le creusement spectaculaire des déficits publics et les tensions sur les dettes souveraines ne rappellent douloureusement l'Etat à la nécessité urgente de maîtriser la dépense publique. Les porteurs du projet et leurs autorités de tutelle n'en étaient pas pour autant dispensés de calibrer celui-ci dans des proportions aussi économes que possible des deniers publics .

a) Geste architectural ou définition économe des besoins ?

Selon des magistrats de la Cour des comptes entendus par votre rapporteur spécial : « Tout se passe comme si le geste architectural et le perfectionnement technique du projet avaient primé sur une stricte et économe définition des besoins réels. »

Dans un relevé d'observations définitives 31 ( * ) consacré au grand auditorium de la Villette, la Cour des comptes estime plus particulièrement que « la question de l'opportunité de l'opération en cache aussi une autre, celle de la taille (...) du projet . A côté de la grande salle projetée, on a en effet multiplié les équipements accessoires (salles de répétitions, studios d'enregistrement, salles de musique de chambre, salles pédagogiques, lieux d'exposition). (...) On pouvait tout aussi bien défendre le principe d'un projet plus sobre, plus économe , limité à la construction d'une grande salle de concert et jouant en synergie, pour ses animations, avec les autres espaces du parc de la Villette ».

Ces interrogations sur la taille du projet vont au-delà même de la seule question de l'opportunité des espaces annexes et soulèvent celle du choix de la jauge et de la modularité de la salle.

b) Les questions soulevées par la jauge et la modularité de la salle

Prenant comme contre-exemples l'auditorium symphonique du Parco della Musica de Rome (2 756 places) ou le Royal Festival Hall de Londres (3 000 places), le rapport Belaval-Auberger préconisait une jauge de 2 000 places et attirait l'attention sur les risques que présenterait un auditorium trop grand pour « la qualité de la prestation pour le spectateur et la gestion rationnelle de la salle » . Le rapport Bayle évoquait, quant à lui, 2 200 places.

La jauge finalement retenue sera de 2 400 places . Selon l'association de préfiguration, « les exemples de Berlin et de Los Angeles, deux salles souvent évoquées pour leur exemplarité acoustique, montrent que le modèle 2 200 + 200 places partagées par le choeur ou le public en arrière scène est très opérant. Dès lors, limiter la jauge à 2 000 places serait une contrainte de fonctionnement supplémentaire . Pour atteindre la même recette, il faudrait augmenter tendanciellement le prix de chaque billet. Le pari de la Philharmonie est de s'ouvrir à de nouveaux publics, en baissant notamment le prix du billet unitaire, avec une recette de billetterie identique à la Salle Pleyel grâce au supplément de jauge. La configuration de la salle qui offrira un très grand nombre de bonnes places permettra d'optimiser le rapport jauge / prix moyen ».

A titre de comparaison, il apparaît que la jauge de la Philharmonie de Paris sera inférieure à celle des salles de Rome, Philadelphie, Londres ( South Bank Centre ), New York ( Carnegie Hall et Avery Fisher Hall ), Chicago, San Francisco, Seattle ou Tokyo. Elle sera, en revanche, identique à celles de Berlin, Hambourg, Los Angeles, Barcelone, Manchester ou Glasgow .

Une seconde question a trait au caractère modulable de la salle de la Philharmonie de Paris. Selon l'association de préfiguration, la modularité peut désigner des situations très différentes :

1) une salle modulable peut s'entendre d'une salle totalement transformable où le rapport entre les musiciens et le public peut être revisité dans de multiples configurations (scène frontale, scène centrale, musiciens répartis en plusieurs groupes dans ou autour du public...), ce qui n'est pas le cas de la salle de la Philharmonie 32 ( * ) ;

2) la modularité peut également être acoustique : le KKL de Lucerne est ainsi équipé d'un système permettant de faire varier le volume de la salle de 22 000 à 26 000 mètres cubes. Ce système n'existera pas davantage à la Philharmonie de Paris ;

3) la modularité renvoie enfin, dans le cas de la Philharmonie de Paris, à une modularité physique partielle destinée à corriger le principal défaut des salles enveloppantes, à savoir le caractère directionnel de la diffusion sonore des voix, qui empêche une bonne écoute des publics placés à l'arrière et sur les côtés de la scène lorsqu'un programme inclut une partie chantée. Cette modularité permettra de retirer le gradin arrière afin de lui substituer la scène et d'envisager en certaines occasions que l'ensemble du public soit en position frontale. Cette configuration sera adaptée aux récitals vocaux et aux musiques amplifiées.

Les représentants de l'association de préfiguration indiquent que « le choix de la Philharmonie a fait suite à des échanges approfondis avec les responsables de deux grandes salles enveloppantes (Berlin et Los Angeles). Ce modèle de modularité partielle est plébiscité par tous les artistes habitués des grandes scènes internationales, parmi lesquels les plus grands chefs » .

Au total, le carnet des configurations de la Philharmonie de Paris fait état de six aménagements possibles de la salle de concert , destinés à accueillir de la musique symphonique, bien sûr, mais aussi de la musique de chambre et des récitals, de la musique avec orgue, de la musique spatialisée, des musiques actuelles et traditionnelles, ainsi que de la musique «  mise en scène » ( cf. encadré).

Les différentes configurations de la Philharmonie de Paris


La musique symphonique

« La mission première de la Philharmonie de Paris est l'accueil des formations orchestrales. Grâce à sa flexibilité scénique et acoustique, la salle s'adapte aussi bien aux petits qu'aux très grands effectifs orchestraux et vocaux :

« - s'agissant du répertoire pour petits ensembles , ces différentes configurations trouvent leur place sur la scène centrale de la Philharmonie sans nécessiter aucune extension . L'optimisation acoustique est garantie par le réglage en hauteur des plates-formes et du canopy ;

« - en ce qui concerne les répertoires orchestral et concertant , les plateaux de la scène centrale sont totalement mobiles : le fait d'en relever certains et de les étager lors d'un concert d'orchestre offre un meilleur confort visuel aux musiciens et optimise la fusion sonore entre les pupitres ;

« - pour le répertoire pour très grands effectifs , il est possible de disposer d'un espace scénique supplémentaire en transformant tout ou partie des gradins situés à l'arrière de la scène. »


La musique de chambre et les récitals

« La hauteur du canopy qui surplombe la scène centrale peut être abaissée afin de réduire le volume sonore et d'optimiser l'acoustique. Il est également possible d'aplanir la totalité de la scène centrale en tenant les plateaux qui la composent abaissés . »


La musique avec orgue

« Pour les récitals d'orgue, il est envisageable d' aplanir les gradins arrière et la scène centrale, puis de fermer le bas du parterre : les sièges se soulèvent, se retournent et s'abaissent pour laisser place à un parquet en moins de trente minutes. Les propriétés de la salle sont dès lors modifiées, l'acoustique devenant plus ample et se rapprochant de celle des églises (avec un temps de réverbération plus long). »


La musique spatialisée

« À la Philharmonie, il est possible, en plusieurs endroits de la salle, de mettre en place des estrades et des praticables afin d'y accueillir des musiciens, voire d'y installer des équipements électro acoustiques. Il est également envisageable de combiner cette première approche avec le fait de transformer le parterre bas, la scène centrale et la place occupée par les gradins arrière en une surface plate et uniforme, occupée soit exclusivement par des musiciens, soit par des musiciens et des spectateurs. »


Les musiques actuelles et traditionnelles

« Pour les concerts de musique dite « amplifiée » - relevant le plus souvent de la pop, du rock ou de l'électro -, il est possible d'aplanir le parterre et la scène de façon à former un vaste plateau à même d'accueillir des spectateurs debout . »


La musique « mise en scène »

« Pour certaines oeuvres musicales, à mi-chemin entre l'opéra et la symphonie, il est concevable d'augmenter la portée du spectacle au moyen d'une mise en scène légère, sans décor, ou d'une simple mise en espace . Dans ce cas, il convient de replier les gradins et d'installer les instrumentistes sur la scène arrière ; celle-ci peut, le cas échéant, être allongée au moyen de praticables. Chanteurs, danseurs et comédiens disposent, eux, de la scène centrale abaissée (réglable en hauteur selon les besoins) ; pour les oeuvres nécessitant un faible effectif orchestral, ils peuvent être aussi placés sur la scène arrière, aux côtés des musiciens. L'intégration d'un ou de plusieurs écrans surplombant les différents interprètes est également envisageable . »

Source : Philharmonie de Paris - carnet de configurations

Votre rapporteur spécial prend acte de ces précisions tout en s'interrogeant sur différents éléments.

1) Etait-il, tout d'abord, nécessaire - voire indispensable - de prévoir une salle modulable, compte tenu de l'existence de la salle modulable de la Cité de la musique et du projet de reconvertir la Salle Pleyel en salle pour musiques amplifiées ?

A cette première interrogation, les représentants de l'association de préfiguration indiquent que, compte tenu de ses caractéristiques, l'amplification dans la Salle Pleyel restera forcément modérée et que la configuration « public debout » y sera, de toute façon, impossible. S'agissant de la Cité de la musique, de par son volume et sa jauge, cette salle ne serait pas, malgré sa modularité, adaptée aux répertoires symphoniques et aux grands récitals.

2) La question du « double emploi » se pose également en ce qui concerne la configuration « public debout » que proposera la Philharmonie de Paris avec la présence à proximité immédiate du Zénith .

A cette seconde interrogation, les représentants de l'association de préfiguration font valoir que le Zénith, salle de 8 000 places, devra très certainement être remplacé dans la décennie, du fait de son statut initial de salle temporaire. Il deviendra dès lors vraisemblablement une salle de 10 000 à 12 000 places accueillant des artistes « liés à l'industrie musicale et développant une économie purement commerciale », alors que la Philharmonie a vocation à accueillir des artistes de jazz, de variété, de musiques du monde émergentes, menant leur carrière plutôt en marge de l'industrie musicale.

L'association de préfiguration insiste par ailleurs sur la nécessité pour la Philharmonie de transcender « les barrières artificielles souvent établies entre les genres savants et populaires ».

En tout état de cause, le « surcoût » induit par cette modularité est évalué à 3,17 millions d'euros 33 ( * ) , qui se décomposent de la façon suivante :

- 2 millions d'euros pour le mécanisme de sièges retournables du parterre ;

- 0,17 million d'euros pour la tribune télescopique des choeurs ;

- 0,63 million d'euros pour la plate-forme dite « jazz et musiques du monde » ;

- 0,30 million d'euros pour les systèmes de commande ;

- 0,07 million d'euros pour les rideaux.

Outre cet investissement initial, « faire jouer la modularité » entraînera également des coûts de fonctionnement . A cet égard, tout en considérant la modularité comme un atout, le rapport Belaval-Auberger estimait que la modularité, devait « pouvoir être mise en oeuvre en moins de trois heures » sans obérer les frais d'investissement, ni les coûts de fonctionnement de l'auditorium . Selon l'association de préfiguration, ces objectifs seront atteints : « Le passage d'une configuration à une autre est prévu en un service avec quatre machinistes supplémentaires (soit quatre heures), de même pour le retour à la configuration centrale. Sur l'année, avec une hypothèse moyenne de 40 concerts l'an en version frontale, le nombre de services requis est de l'ordre de 400. Soit une traduction financière d'environ 50 000 euros qui seront largement contrebalancés par la hausse des recettes de billetterie . ».

c) Les espaces annexes

Surtout, plus qu'une salle de concert, la Philharmonie de Paris offrira, comme cela a été indiqué précédemment, un luxe d'espaces annexes .

Dans la mesure où le nouvel auditorium devait notamment s'inscrire en complémentarité avec la Cité de la musique, la question se pose de savoir s'il était indispensable de le dimensionner de manière aussi ambitieuse. Plus qu'une extension ou un « complément » à la Cité de la musique, la Philharmonie de Paris semble en effet avoir été conçue comme un pôle autonome dont certains équipements annexes risquent de dupliquer des infrastructures déjà présentes sur le site (boutique, café, restaurant, ateliers pédagogiques, galerie d'exposition notamment).

A cet égard, les représentants de la Philharmonie font valoir que la Cité de la musique ne dispose pas de salle de conférences ou de salons privatisables et que la galerie d'exposition actuelle ne permet pas d'accueillir tous les publics, notamment le week-end. Ils insistent, en outre, sur la convivialité qu'apportent de tels espaces.

Cependant, la question des éventuels « doublons » avec les équipements de la Cité de la musique mérite d'être posée, ceci d'autant plus que la politique de développement des recettes propres du futur établissement repose, pour une part non négligeable, sur les ressources issues de ces équipements ( cf. infra ).

Enfin, s'agissant des espaces de travail, on peut s'interroger sur la justification de l'existence de salles de répétition aussi nombreuses , dans la mesure où, selon le rapport IGF-IGAC précité, l'Orchestre de Paris , qui sera l'orchestre résident principal de la Philharmonie, aurait fait part de son souhait de répéter directement dans la salle de concert et aurait minimisé l'importance des répétitions « partielles » .

Pour les représentants de l'association de préfiguration, « la position de l'Orchestre de Paris qui craint une détérioration de ses conditions de travail est compréhensible. C'est pourquoi une attention toute particulière a été portée à la grande salle de répétition (volume approprié) afin d'éviter toute déperdition qualitative entre l'espace de répétition et celui de jeu ».

La présence des salles de répétition se justifierait en outre, selon l'association de préfiguration, par d'autres éléments :

« - même si l'Orchestre de Paris fera de nombreuses répétitions dans la salle, il aura besoin des salles de répétition, ne serait-ce que pour favoriser le travail en simultané par pupitres (cordes, vents, cuivres, percussions, etc.), le travail du choeur et le travail chambriste ;

« - les orchestres, choeurs et solistes invités trouveront, lorsque la scène sera occupée, des espaces appropriés à la préparation du concert ;

« - d'autres formations parisiennes sont demandeuses d'espaces de répétition adaptés afin de stabiliser et d'élever leur niveau de jeu collectif ;

« - une partie du travail de pratique collective mené par les formations professionnelles parisiennes auprès de jeunes étudiants ou auprès de publics divers (avec l'Education nationale, etc.) se déploiera dans ces espaces de répétition dès lors qu'ils mettront en présence plus de 30 participants . »

Votre rapporteur spécial est néanmoins surpris de la quasi-absence d'association de l'Orchestre de Paris au projet de Philharmonie alors même qu'il est destiné à devenir l'orchestre résident du nouvel auditorium . Ainsi, le directeur général de l'Orchestre de Paris indiquait à votre rapporteur spécial : « Depuis le démarrage du chantier et jusqu'au mois de mars 2012, l'Orchestre n'a été ni associé à la réflexion sur la gouvernance, sur le contenu du projet artistique et culturel ou sur les aspects budgétaires de la future Philharmonie, ni informé du travail accompli dans ces différents domaines » 34 ( * ) .

En octobre 2012, le cabinet de la Ministre de la culture et de la communication indiquait, dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, que les modalités de résidence de l'Orchestre de Paris n'étaient pas encore totalement définies.

DEUXIÈME PARTIE : LA CONDUITE DU PROJET

Par le passé, la mise en oeuvre des grands chantiers culturels a fait l'objet de nombreux travaux de contrôle, parfois sollicités par votre commission des finances. En 2007, la Cour des comptes avait ainsi réalisé, à la demande de votre rapporteur spécial, une enquête sur l'Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) 35 ( * ) . Ce travail s'était accompagné, la même année, d'un rapport public thématique sur les « grands chantiers culturels » 36 ( * ) , qui dénonçait notamment l'inflation des coûts et la dérive du calendrier de la plupart d'entre eux. Enfin, au mois de février 2012, le rapport public annuel de la Cour comprenait une insertion de suivi du rapport sur les grands chantiers culturels, à bien des égards instructive.

Compte tenu de la lente maturation dont il avait fait l'objet, l'on aurait pu s'attendre à ce que le projet de Philharmonie de Paris, une fois arbitré, soit promptement mis en oeuvre. Il n'en a rien été . Le projet de la Philharmonie n'a malheureusement pas fait exception à la « loi » des grands chantiers culturels et a subi de nombreuses vicissitudes, tant du point de vue du pilotage, que de celui des délais et des coûts .

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2012, « le projet a connu, depuis 2006, de nombreux retards liés aux fluctuations des arbitrages publics, au caractère infructueux de l'appel d'offres constructeurs, à la nécessité de substituer à un improbable partenariat public-privé un nouveau tour de table difficile à boucler avec les collectivités partenaires » .

I. UN PILOTAGE PEU EFFICIENT, UNE SÉCURITÉ JURIDIQUE EN QUESTION

A. UNE MAÎTRISE D'OUVRAGE ASSOCIATIVE INSUFFISAMMENT PILOTÉE PAR LES TUTELLES

1. Le choix d'un portage associatif
a) Un choix commandé par le caractère cofinancé du projet

Le portage du projet a été confié à une association de loi 1901 constituée en novembre 2006, présidée par Laurent Bayle, l'actuel directeur général de la Cité de la musique et président de la Salle Pleyel. Baptisée « Philharmonie de Paris », l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris est chargée d'assurer la maîtrise d'ouvrage de la construction puis l'exploitation de la Philharmonie 37 ( * ) . Selon le rapport remis en décembre 2009 par la mission IGF-IGAC 38 ( * ) , ce choix atypique a résulté du caractère cofinancé du projet, à parts égales, par l'Etat et la Ville de Paris (déduction faite de la participation de la région Île-de-France), ce qui est inhabituel. Il était néanmoins censé demeurer provisoire , dans l'attente de la constitution d'un établissement public de coopération culturelle (EPCC).

Synthétiquement, le fonctionnement de l'association repose sur un conseil d'administration composé à parité de représentants de l'Etat et de la Ville de Paris, ainsi que sur une assemblée générale . Le conseil d'administration et l'assemblée générale sont chargés des attributions revenant traditionnellement à ce type d'instance au sein d'une structure associative.

Une commission consultative de cinq membres veille en outre aux conditions de passation des marchés et des accords-cadres, ainsi que de leurs avenants 39 ( * ) . Les comptes de l'association sont certifiés annuellement et approuvés par l'assemblée générale, qui statue sur le rapport du commissaire aux comptes.

Composition du conseil d'administration de la Philharmonie de Paris

Membres de droit : Georges-François Hirsch, directeur général de la création artistique, représentant le Ministre de la culture et de la communication, Christophe Girard, adjoint au maire de Paris chargé de la culture, représentant le maire de Paris, Gabriel Hacquin, sous-directeur de l'urbanisme et de la construction, représentant le préfet de la région Île-de-France, Anne Hidalgo, 1 ère adjointe au maire de Paris chargée de l'urbanisme et de l'architecture, Roger Madec, maire du 19 ème arrondissement, Guillaume Boudy, secrétaire général du ministère de la culture et de la communication, Philippe Belaval, directeur général des patrimoines, Anne Poursin, déléguée à la musique, représentant le directeur de la musique, représentant le directeur général de la création artistique, François Brouat, directeur des affaires culturelles de la Ville de Paris, Jacques Monthioux, directeur du patrimoine et de l'architecture de la Ville de Paris.

Personnalités qualifiées : Laurent Bayle, président de la Philharmonie de Paris, André Ladousse, trésorier de la Philharmonie de Paris.

Source : Philharmonie de Paris

b) Un portage « peu orthodoxe » ?

Dans son rapport de 2009, la mission d'inspection IGF-IGAC avait qualifié le portage associatif du projet de « peu orthodoxe ». De fait, la direction des affaires juridiques du ministère chargé du budget avait pointé un triple risque de requalification de tous les actes et contrats conclus par l'association en les faisant entrer dans le champ de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage public, de qualification d'association transparente et de gestion de fait .

Ces incertitudes semblent néanmoins avoir été progressivement levées , dans la mesure où la réalité de l'existence de l'association n'était pas douteuse 40 ( * ) et où le risque lié au détournement de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'ouvrage privée (dite loi « MOP ») n'était pas avéré 41 ( * ) .

2. Des tutelles défaillantes

Si les incertitudes juridiques initialement soulevées quant au portage associatif du projet ont été dissipées, celui-ci semble néanmoins avoir affecté l'implication des tutelles dans son suivi.

a) Une contre-expertise quasiment inexistante jusqu'en 2009

Selon le rapport IGF-IGAC de décembre 2009, « la forme associative de la structure de portage du projet a favorisé une défaillance de suivi des tutelles , dont la capacité de contre-expertise des actions et propositions de l'association de préfiguration en matière juridique, économique et financière n'a pas été suffisamment mobilisée » . De fait, celles-ci semblent, au moins dans un premier temps, avoir déploré une absence de visibilité sur la qualité et la pertinence des choix stratégiques présentés par les représentants de l'association, alors que ces derniers exprimaient leur regret de ne pouvoir disposer d'au moins un interlocuteur en matière financière et budgétaire...

A l'appui de ce constat, la mission d'inspection cite en particulier :

1) les difficultés à trancher la forme juridique de la future structure chargée d'exploiter la philharmonie, ainsi que les hésitations et fluctuations des arbitrages concernant le recours à un partenariat public-privé, sur la procédure d'appel d'offres à retenir ou sur le mode de financement à privilégier ( cf. infra ) ;

2) l'analyse insuffisante des prévisions financières, d'investissement et de fonctionnement de l'association, en raison de l'absence de représentation du ministère du budget et de la direction financière de la Ville de Paris au conseil d'administration.

Ces défaillances ont inspiré des commentaires particulièrement sévères à la mission d'inspection, qui a, par exemple, relevé que « le fait de laisser une association décider (...) d'un mode de financement susceptible d'engager une collectivité et l'État sur une période de 15 années pour des montants supérieurs à 200 millions d'euros ne témoigne pas d'un niveau de contrôle suffisant de la part des tutelles » .

b) Les leçons tirées de la mission d'inspection

Votre rapporteur spécial a interrogé l'association de préfiguration, le ministère de la culture et de la communication et le ministère du budget sur les leçons qui avaient été tirées des constats dressés par la mission d'inspection en matière d'implication des tutelles.

En réaction aux critiques de la mission, celles-ci ont en particulier mis en place, à compter de 2010, un dispositif de pilotage articulé autour de trois instances de suivi :

- un comité technique regroupant la Ville de Paris, l'Etat, la Philharmonie de Paris et la maîtrise d'oeuvre : il se réunit une fois par mois pour faire le point sur l'avancement et sur les blocages éventuels des travaux, ainsi que pour examiner les questions de circulation et de stationnement ;

- un comité de suivi administratif regroupant la Ville de Paris, l'Etat et la Philharmonie : il se réunit également une fois par mois pour examiner les questions juridiques, culturelles et budgétaires liées au projet ;

- un comité stratégique , associant la Ville de Paris, la région Île-de-France, l'Etat et la Philharmonie : il se réunit en tant que de besoin, et a une vocation décisionnelle, à travers la mise en oeuvre des conclusions des comités de suivi.

Par ailleurs, on peut mentionner que le ministère de la culture s'est doté d'un expert indépendant pour assurer le suivi du projet de la Philharmonie de Paris et réaliser un travail de contre-expertise, qui faisait jusque-là défaut au partenaire « Etat » du projet 42 ( * ) , alors que la Ville de Paris dispose d'une contre-expertise technique, en tant que maître d'ouvrage direct de la plupart de ses chantiers.

De façon plus générale, au-delà des améliorations apportées au suivi du chantier de la Philharmonie, on peut citer la création d'une commission ministérielle des projets immobiliers (CMPI) en 2010, dont le but est de maîtriser les risques budgétaires des grands projets culturels . Dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2012, le ministère de la culture et de la communication indique ainsi que la CMPI « se prononcera systématiquement sur les conditions d'exercice de la maîtrise d'ouvrage des grands projets. Elle évaluera notamment si l'existence d'une équipe de maîtrise d'ouvrage interne proportionnée à la dimension du projet justifie de confier la maîtrise d'ouvrage du projet à l'établissement public concerné ou, le cas échéant, à une structure de préfiguration, en lieu et place de l'OPPIC, qui demeure le maître d'ouvrage de droit commun ».

Toutefois, même si les mesures précitées ont contribué à améliorer le suivi du projet par les tutelles, des marges de progression semblent subsister .

B. UN MARCHÉ DE CONSTRUCTION PASSÉ DANS DES CONDITIONS DE SECURITÉ JURIDIQUE DOUTEUSES

1. L'abandon du partenariat public-privé
a) L'hypothèse initiale d'un partenariat public-privé

Selon l'association de préfiguration, en 2007, les tutelles ont souhaité que soit étudiée l'opportunité de recourir à un contrat de partenariat public-privé (PPP) 43 ( * ) . Cette solution semblait, au regard des contraintes de temps, la plus adaptée à la complexité du projet. Selon l'étude alors conduite par l'association, le périmètre couvert par le contrat aurait inclus le financement, la construction de l'ouvrage et ses équipements, l'entretien et la maintenance technique, ainsi que certains services d'exploitation et de gestion 44 ( * ) . La Philharmonie de Paris aurait, en revanche, conservé la maîtrise totale du contenu de la programmation culturelle . Fin 2007, la Philharmonie a remis son projet de dossier d'évaluation préalable à la Mission d'appui au partenariat public-privé (MAPPP), qui a conclu, pour le volet financier, à un léger différentiel de valeur actualisée nette en faveur de la solution en PPP.

b) Des hésitations prolongées

Plusieurs documents transmis à votre rapporteur spécial indiquent que des hésitations ont perduré pendant plusieurs mois sur la forme que devait revêtir le marché de construction . Deux notes du secrétaire général du ministère de la culture au directeur de cabinet, préparatoires à des réunions interministérielles prévues fin 2008, pesaient ainsi les avantages et inconvénients respectifs du recours à un marché de travaux sous le régime de la loi « MOP »  précitée, de la conclusion d'un partenariat public-privé « classique » ou encore d'un PPP « adapté ». Le tableau ci-dessous synthétise ses réflexions.

Avantages et inconvénients d'un marché de travaux sous la loi MOP, du PPP classique et du PPP « adapté »

Avantages

Inconvénients

Marché de travaux

(loi MOP)

Contrôle sur les travaux ; économie de certains frais par rapport à l'option PPP

Impossibilité de transformer l'association en EPCC pendant la durée du contrat ; risque de requalification en PPP ; nécessité d'une disponibilité immédiate des crédits budgétaires

PPP adapté

Contrôle sur les travaux

Risque d'infructuosité de l'appel d'offres ou d'accroissement des coûts ; frais liés au PPP

PPP classique

Contrôle sur les travaux existant de fait

Frais liés au PPP

Source : commission des finances

c) Le choix final d'un contrat global de construction-exploitation

Pour autant, la piste du contrat de partenariat a finalement été abandonnée , l'association de préfiguration souhaitant conserver le contrôle de la maîtrise d'ouvrage d'un projet techniquement très complexe. De fait, le recours à un tel contrat aurait pu susciter plusieurs difficultés :

1) le bâtiment étant particulièrement complexe à construire, le transfert des risques de la maîtrise d'ouvrage au partenaire privé aurait pu décourager les entreprises à se porter candidates , ce qui aurait nui à une mise en concurrence suffisante pour modérer le prix de la construction ;

2) l'association souhaitait pouvoir piloter directement un chantier particulièrement innovant sur le plan architectural qui nécessiterait vraisemblablement des arbitrages et adaptations permanents ;

3) un transfert de la maîtrise d'ouvrage risquait de compromettre l'exigence de qualité acoustique 45 ( * ) ;

4) il convenait de prendre en compte, au gré du chantier, les contraintes de fonctionnement futures de l'établissement, ce pourquoi un mandataire, avant tout soucieux de respecter ces délais, ne serait pas le mieux placé.

Il n'en reste pas moins que, selon la mission d'inspection conjointe IGF-IGAC, l'association de préfiguration a manifesté une nette préférence pour la rapidité d'exécution, au détriment de la maîtrise des coûts et des risques . C'est dans ce contexte que les tutelles auraient dû être plus présentes. Au final, a été acté le recours à un marché unique de construction, maintenance et entretien . Selon les responsables de l'association, ce marché global permettra à la Philharmonie de Paris de :

« - conserver la maîtrise d'ouvrage du projet tout en étant en capacité de sécuriser les délais de construction et de mise en exploitation grâce à des dispositions contractuelles ad hoc ;

« - maîtriser ses coûts d'investissement et d'exploitation , le titulaire assurant la construction de l'ouvrage ainsi que les services de maintenance et d'entretien, sur la base d'une rémunération forfaitaire, pendant toute la durée du contrat ;

« - limiter la durée contractuelle d'engagement en dissociant la durée d'amortissement de l'ouvrage de la durée du contrat de prestations ;

« - réduire les délais et les coûts de procédure : la procédure d'appel d'offre public restreint est plus courte et moins onéreuse qu'un dialogue compétitif. » 46 ( * )

Cette décision ne signait pas pour autant la fin des vicissitudes du projet. En effet, la procédure d'appel d'offres s'est avérée quelque peu chaotique .

2. L'échec de l'appel d'offres et ses conséquences
a) Un appel d'offres infructueux

Le 26 février 2009, la Philharmonie de Paris a lancé une procédure d'appel d'offres restreint . Alors que le ministère du budget avait exprimé sa préférence pour une procédure de dialogue compétitif 47 ( * ) , le choix d'un appel d'offres restreint semble avoir été commandé par la volonté de l'association de préfiguration :

1) de raccourcir au maximum les délais et de tenir l'objectif d'une ouverture de l'équipement à l'automne 2012 ;

2) de ne pas déstabiliser la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage en laissant entendre que l'ensemble des éléments du projet étaient discutables.

A la date de réception des candidatures, fixée le 8 avril 2009, deux dossiers ont été déposés respectivement par le groupement Bouygues et le groupement SICRA. Après analyse des candidatures, ces deux groupements ont été admis à déposer une offre. Suite à la réception de deux courriers de demande de report émanant de chacun des deux groupements, la date limite de réception des offres initialement fixée au 9 juillet 2009 a été reportée au 5 août 2009. L'analyse des offres reçues a conclu à leur non-conformité, en raison des surcoûts très significatifs qu'elles présentaient par rapport aux évaluations initiales de l'association .

Ainsi, selon la mission IGF-IGAC, « alors que le seul budget de construction avait été fixé à 175 millions d'euros, l'offre la plus basse - celle du groupe Bouygues - se situait à 306 millions d'euros, soit 75 % au-dessus du budget initial, tandis que l'offre SICRA se montait au niveau très élevé de 365 millions d'euros, soit 108 % au-dessus de ce même budget initial » 48 ( * ) . Par ailleurs, la Philharmonie de Paris fait valoir que SICRA avait rayé la durée du marché telle qu'elle figurait dans l'acte d'engagement et n'avait pas fourni de lettre d'acceptation sans réserves des pièces contractuelles, mais un courrier expliquant que l'offre était assortie de modifications d'ordre technique et administratif indissociables de l'offre elle-même.

b) Le recours contestable à un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence

Selon la Philharmonie de Paris, « compte tenu de ce qui précède, il a été décidé de relancer la consultation sous la forme d'un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence 49 ( * ) . L'offre remise par le groupement SICRA ne respectant pas les modalités de présentation des offres, il a été décidé de ne faire participer à la négociation que le seul groupement Bouygues » 50 ( * ) .

Ce choix n'était pourtant pas le seul qui s'offrait à l'association. Celle-ci aurait, en effet, pu :

1) procéder à un nouvel appel d'offres ou à un dialogue compétitif sur la base du même projet. Cette solution n'a pas été retenue en raison du faible nombre d'acteurs susceptibles de se porter candidats ;

2) recourir à une procédure négociée avec publicité et mise en concurrence des deux candidats. Cette option aurait toutefois nécessité d'offrir à ces derniers un nouveau délai de remise des offres incompatible avec le calendrier souhaité par les promoteurs du projet ;

3) allotir la tranche de construction et exploitation en différents corps d'état, ce qui aurait favorisé une plus large mise en concurrence. Une fois de plus cette solution ne paraissait pas compatible avec les délais impartis 51 ( * ) .

En décembre 2009, la mission d'inspection IGF-IGAC de 2009 portait un jugement nuancé sur le choix de recourir à une procédure de négociation sans publicité ni mise en concurrence. Elle considérait en premier lieu que l'exclusion du groupement SICRA n'avait pas permis de le faire participer à la négociation et de faire bénéficier le projet de l'effet déflationniste d'une mise en concurrence . Par ailleurs, le recours à la procédure négociée interdisait de modifier substantiellement les conditions initiales du marché, ce qui en limitait drastiquement les opportunités d'aménagement . Là encore, cette solution n'a pas favorisé la baisse des coûts, puisque les seuls gisements d'économies ont résidé dans une explicitation de certaines particularités du projet potentiellement mal appréhendées par les entreprises candidates, ou dans la modification d'aspects techniques non substantiels et dans la redéfinition de certains modes opératoires.

3. Des négociations supplémentaires pour un marché complexe

Le groupement Bouygues a été invité à remettre une offre pour le mardi 29 septembre 2009. Cette offre ne comportait qu'un rabais commercial et s'établissait à 303,7 millions d'euros hors taxes pour les travaux . Elle n'était, à l'évidence, toujours pas compatible avec l'enveloppe budgétaire assignée au projet.

a) Plusieurs mois de négociations pour aboutir à la passation finale du marché

La nouvelle offre de Bouygues ayant encore été jugée trop élevée, la maîtrise d'ouvrage a alors conduit plusieurs mois de négociations pour parvenir à une diminution des coûts. Au final, après des discussions complexes, la maîtrise d'ouvrage a réussi à ramener le coût des travaux à 215,9 millions d'euros 52 ( * ) . Le marché a été validé par la commission des marchés le 21 décembre 2010, approuvé par les membres du conseil d'administration le lendemain et signé par le directeur de la Philharmonie de Paris le 25 janvier 2011 .

Il comprend donc, au total, les travaux de construction de la Philharmonie proprement dits, décomposés en six domaines techniques 53 ( * ) , ainsi que les prestations de services confiées au titulaire. Ces dernières concernent l'entretien et la maintenance des ouvrages réalisés par le titulaire au titre des travaux de construction, ainsi que l'entretien et le renouvellement des espaces verts , le nettoyage de l'enveloppe du bâtiment et l'exploitation, l'entretien et la maintenance du parc de stationnement .

b) Les marchés annexes

Outre le marché de construction, maintenance et entretien, ont été ou seront passés :

1) un marché de financement pour la part financée par emprunt garanti par la Ville de Paris ( cf. infra ) ;

2) des marchés liés au fonctionnement et à l'exploitation du site (accueil des publics, surveillance et sécurité du site, services généraux, services informatiques et télécom, adaptation de l'équipement à l'usage) ;

3) des marchés liés aux mobiliers et aux premiers équipements et notamment à la fabrication, l'installation et l'harmonisation de l'orgue ( cf . encadré), ainsi qu'aux autres équipements, destinés à accueillir, informer, orienter et proposer un service aux publics 54 ( * ) , les équipements nécessaires à la programmation, à la conception et à la production d'un concert 55 ( * ) , à la programmation, à la conception et à la production d'une activité pédagogique ou d'une exposition 56 ( * ) et les équipements destinés à assurer la gestion administrative et financière de l'établissement, le pilotage des services délégués et la maintenance du site 57 ( * ) ;

4) les marchés relatifs aux services d' assurance de l'ouvrage 58 ( * ) , à l'aménagement et à l'exploitation des espaces de restauration et de l'espace boutique-librairie .

L'orgue de la Philharmonie

Le projet de salle de concert de la Philharmonie de Paris comporte un grand orgue pour les répertoires symphonique et soliste . L'intégration de cet instrument dans la salle sera une synthèse entre musique et architecture. Les caractéristiques de l'orgue couvriront l'ensemble du répertoire symphonique interprété par les différentes formations que la Philharmonie de Paris accueillera : orchestres symphoniques, orchestres de chambre, choeurs, ensemble divers. Il privilégiera un répertoire de concert. L'enjeu est aussi de jouer la musique symphonique et la musique contemporaine destinée spécifiquement à l'orgue avec des incursions possibles dans d'autres répertoires . Il s'agira également d'un instrument source d'inspiration pour les compositeurs et interprètes d'aujourd'hui.

Le marché relatif à la fabrication, à l'installation et à l'harmonisation de l'orgue recouvre : 1) la fabrication de l'orgue s'intégrant à l'architecture de la salle, comportant quatre ou cinq claviers, au minimum 75 jeux, une console mécanique et une console déportée sur la scène, suivant les détails communiqués au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ; 2) l'installation de l'orgue derrière les gradins de choeur, dans la grande salle de concert suivant les détails communiqués au CCTP ; 3) l'harmonisation de l'orgue ; 4) la formation des futurs utilisateurs.

A l'issue de la commission des marchés du 27 janvier 2010, Il a été proposé d'attribuer le marché à la société Rieger Orgelbau Gmbh. Il y sera consacré un budget de 2,57 millions d'euros hors taxes , recouvrant la conception, la fabrication, l'harmonisation et la mise en place de l'instrument.

Source : commission des finances, d'après le dossier historique du projet fourni par la Philharmonie de Paris

II. DES DÉLAIS LARGEMENT DÉPASSÉS, UNE INFLATION SUBSTANTIELLE DES COÛTS

Les « vicissitudes » juridiques mentionnées plus haut - même si elles ne sont pas les seules responsables - ont eu un impact sur le calendrier initial du chantier qui prévoyait une ouverture de la Philharmonie en septembre 2012.

Ces délais ont, eux-mêmes, influé sur le coût de l'opération, sans être là aussi les seuls en cause dans l'évolution de l'enveloppe budgétaire consacrée à la construction du grand auditorium.

A. DES DÉLAIS LARGEMENT DÉPASSÉS

1. Deux années de retard...

Le calendrier de référence du projet, tel que défini lors de la signature du marché de maîtrise d'oeuvre (avril 2007), prévoyait l'ouverture au public de la Philharmonie de Paris en septembre 2012 , sur la base des dates jalons suivantes ( cf . tableau).


Les dates jalons principales du projet

Etape

Date

Désignation du maître d'oeuvre

Avril 2007

APS 59 ( * ) et permis de construire

Avril à décembre 2007

Avant-projet définitif

Décembre 2007 - Décembre 2008

Appel d'offres travaux

Septembre 2008 - Juillet 2009

Travaux préparatoires

Septembre 2008 - Septembre 2009

Etudes d'exécution et de synthèse

Juillet 2009 - Juin 2010

Travaux

Septembre 2009 - Octobre 2012

Ouverture au public

Septembre 2012

Source : Philharmonie de Paris

Néanmoins, dès septembre 2008 , une note 60 ( * ) du secrétaire général du ministère de la culture au directeur de cabinet du ministre, indiquait : « le planning actuel des travaux prévoit une ouverture du bâtiment en septembre 2012. Le début des travaux est envisageable au plus tôt en octobre 2009, voire en décembre selon le mode de réalisation retenu. L'échéance de septembre 2012 paraît donc irréaliste ou de nature à générer une forte augmentation des coûts pour tenir ces délais. Le projet est en effet particulièrement complexe et les travaux ne pourront être réalisés en moins de trois ans : certains aspects de la construction, notamment acoustiques, requerront des itérations successives nécessairement chronophages ».

En février 2012, le retard accumulé était estimé à 24 mois, reportant l'ouverture de l'équipement au dernier trimestre 2014 . Les principaux facteurs de retards identifiés par la Philharmonie de Paris sont de plusieurs ordres.

a) 2008 : des retards multiples affectant la phase d'études

Des « contretemps intervenus pendant la phase étude » auront ainsi retardé de quatre mois la date de remise du dossier de consultation aux entreprises. Ces contretemps ont résulté :

1) d'un délai de validation des études d'avant-projet définitif (APD) plus long que prévu ;

Les études d'avant-projet ont été réalisées par la maîtrise d'oeuvre en lien étroit avec la Philharmonie de Paris et ses assistants spécialisés. Pour vérifier le bon avancement des travaux et garantir le respect des exigences assignées au projet, des points d'étape réguliers ont été organisés tout au long des études : points hebdomadaires de revue générale ; points thématiques pilotés par les différents responsables de la Philharmonie de Paris. Des réunions et séminaires de présentation approfondis ont en outre été organisés à l'attention des tutelles ;

2) d'un processus d'instruction du permis de construire contrarié par la promulgation de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, dont l'article 14 modifiant le code de l'urbanisme prévoit la réalisation d'une étude d'impact et d'une étude de sûreté et de sécurité publique jointes au dossier de demande de permis 61 ( * ) , cette dernière devant faire l'objet d'un examen par une sous-commission, puis d'un avis notifié par le préfet. Selon les représentants de la Philharmonie, « outre le délai nécessaire à la production de cette étude initialement non prévue, la Philharmonie de Paris a dû composer avec le temps nécessaire à la désignation et à la mise en ordre de marche des sous-commissions nouvellement instituées » ;

3) d'un dépassement important du délai de validation du permis de construire , du fait d'une procédure associant un grand nombre d'intervenants 62 ( * ) . Selon la Philharmonie, « ces instances disposaient d'un délai de quatre mois pour instruire la demande. Les attendus du permis de construire n'ont été communiqués à la Philharmonie qu'au mois de décembre 2008, soit douze mois après la date de dépôt de la demande, alors que les séances de présentation des études d'APD aux tutelles avaient déjà été réalisées. Ces attendus ont dû être réintégrés dans les études de projet sur la base desquelles l'appel d'offre a été lancé » .

b) 2009-2010 : la Philharmonie de Paris « sur la sellette » ?

Comme votre rapporteur spécial l'a décrit ci-avant, la conclusion du marché de construction a été particulièrement difficile.

Quatre mois de retard auront ainsi résulté de la prolongation des négociations « pour explorer de nouvelles possibilités d'améliorations de l'offre tant sur les aspects financiers que techniques » . En décembre 2009, la négociation avec le consortium d'entreprises Bouygues avait abouti à un projet de marché d'un montant d'environ 215 millions d'euros. Selon la Philharmonie, « aucune décision ne s'étant dégagée quant à l'acceptabilité par les tutelles de l'offre des entreprises de décembre 2009, les négociations se sont poursuivies pendant une longue période pour explorer de nouvelles possibilités d'amélioration de l'offre tant sur les aspects financiers que techniques. La nouvelle négociation a été engagée en janvier 2010. Elle s'est terminée le 22 avril 2010 » .

Ce raccourci jette un voile pudique sur un moment charnière de l'histoire du chantier. En effet, tout porte à croire qu'au cours de ces quelques mois, le projet de Philharmonie de Paris a été sérieusement « sur la sellette » . Alors que la maîtrise d'ouvrage poursuivait ses négociations, les ministres chargés du budget et de la culture mandataient, le 4 novembre 2009, l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires culturelles pour expertiser la conduite du projet. En décembre 2009, un rapport confidentiel accablant était rendu par la mission, envisageant - entre autres solutions - l'arrêt pur et simple du chantier. Au même moment, et comme votre rapporteur spécial l'a explicité ci-avant, le ministère de la culture et de la communication faisait part de ses inquiétudes sur l'impact des négociations sur la qualité finale de l'ouvrage et de son acoustique. De surcroît, la régularité juridique même du marché de construction était remise en question par des expertises successives.

Selon la Philharmonie, « à l'issue de la phase de négociation, la procédure statutaire de passation des marchés devant conduire à la notification du marché et au démarrage des travaux dans de brefs délais a été mise en oeuvre par la convocation des instances internes à la Philharmonie de Paris » . Tel n'a pas été le cas, puisque la réunion des instances censées mettre en oeuvre ce processus a été ajournée à plusieurs reprises . Ainsi :

1) la commission consultative des marchés a été convoquée le 17 mai 2010, afin d'émettre un avis sur le projet de marché de construction, maintenance et entretien formulé le 22 avril 2010 et le conseil d'administration, chargé d'autoriser le directeur général à signer le marché, a été convoqué le 20 mai. Ces deux réunions n'ont finalement pas été tenues ;

2) ces deux instances ont été à nouveau convoquées pour le 19 juillet. La commission des marchés n'a, toutefois, pas eu lieu, et l'autorisation de signer le marché a, en conséquence, été retirée de l'ordre du jour du conseil d'administration.

Il aura donc fallu attendre le 21 décembre pour que la commission consultative se réunisse et donne un avis favorable à l'attribution du marché de construction, maintenance et entretien au groupement d'entreprises piloté par Bouygues. Le conseil d'administration s'est alors réuni le 22 décembre et a autorisé le directeur général à signer le marché. Cette signature est intervenue le 25 janvier 2011 et l'exécution du marché a débuté le 25 février.

Votre rapporteur spécial n'a pas pu établir avec certitude les raisons qui ont conduit à cette « suspension » du projet entre avril et décembre 2010. En effet, les pièces datées transmises tant par la direction du budget que par le ministère de la culture s'arrêtent lors de la réunion interministérielle du 21 janvier 2010, faisant suite à la remise du rapport de la mission IGF-IGAC, pour ne reprendre qu'en janvier 2011.

Une note non datée du directeur général de la création artistique du ministère de la culture fait néanmoins état d'une « orientation favorable » du cabinet du Président de la République « pour que l'association Philharmonie de Paris soit habilitée à conclure le contrat global de construction préparé avec le groupement Bouygues » . Copie a également été transmise à votre rapporteur spécial d'une lettre adressée le 19 novembre 2010 par le Président de la République au Maire de Paris, afin de lui « confirmer officiellement que l'Etat est bien entendu très attaché à la poursuite de la construction de la Philharmonie de Paris » et que le Chef de l'Etat a « donné l'instruction aux administrations (...) de procéder sans délais aux formalités nécessaires à la poursuite de cet ambitieux projet » .

La presse évoquait, fin 2010, un différend entre les ministères chargés de la culture et du budget 63 ( * ) . Il est tout à fait vraisemblable que l'année 2010 a donné lieu à un « bras de fer » entre ces deux ministères, tranché en faveur du projet par le Président de la République.

c) 2014 : l'organisation de tests complémentaires

L'accumulation de ces retards a reporté la date prévisionnelle de livraison de l'ouvrage à mars 2014 . Cette date étant incompatible avec le démarrage de la saison culturelle - qui a traditionnellement lieu à l'automne - les responsables de la Philharmonie ont décidé de « mettre à profit cette période [de mars à septembre] pour procéder à des tests complémentaires de mise au point des équipements et installations de l'ouvrage afin d'accueillir le public dans des conditions optimales ».

Selon les données recueillies auprès du ministère de la culture et de la communication, ces tests consistent à réaliser des réglages sur les différents équipements et sont nécessaires avant la mise en exploitation réelle du bâtiment. « Il s'agit d'une procédure inévitable à mener entre la livraison d'un équipement et son ouverture au public pour une exploitation optimale et on retrouve ce type [de tests dans] de nombreux projets du ministère . » 64 ( * )

Il semble y avoir ici une légère contradiction. De deux choses l'une : soit le décalage imprévu de l'ouverture de la Philharmonie est mis à profit pour faire des tests complémentaires, mais non indispensables ; soit, ces tests sont habituels et auraient dû être comptabilisés dès le départ dans le calendrier initial du projet.

En tout état de cause, selon le ministère de la culture et de la communication, ces tests ne sont pas susceptibles de générer de surcoûts .


Tableau de synthèse des principaux facteurs de décalage

Facteur de décalage

Ampleur

Décalage de la date de remise du dossier de consultation aux entreprises consécutif à des contretemps intervenus pendant la phase étude

+ 4 mois

Prolongation des négociations pour explorer de nouvelles possibilités d'améliorations de l'offre tant sur les aspects financiers que techniques

+ 4 mois

Délai de validation du marché à l'issue des négociations

+ 10 mois

Tests complémentaires des équipements avant ouverture du bâtiment au public

+ 6 mois

Total des décalages

+ 24 mois

Source : Philharmonie de Paris

Lors des dernières auditions de votre rapporteur spécial en septembre dernier, aussi bien le cabinet de la Ministre de la culture et de la communication que les représentants de l'association de préfiguration ont confirmé le maintien d'une ouverture de l'auditorium en septembre 2014 .

2. Quelles leçons pour l'avenir ?
a) Tentative de mise en perspective avec les autres grands chantiers culturels

Les retards constatés sur le chantier de la Philharmonie de Paris ne sont - hélas - pas exceptionnels en matière de grands chantiers culturels . Dans son rapport public annuel de 2012, la Cour des comptes relevait ainsi que « les dépassements de délais, qui affectent la réalisation des opérations, apparaissent (...) substantiels et systématiques ».

Selon la Cour, « si l'on exclut du panel de l'enquête les opérations de restauration au long cours comme celles du site de Versailles, le retard moyen entre la date d'achèvement des projets, telle qu'envisagée à leur lancement, et la date effective ou prévisible [de fin] des travaux au 31 décembre 2010 est d'une trentaine de mois ». Par ailleurs, sur les sept opérations du panel étudié par la Cour, achevées depuis 2007, « la durée moyenne de réalisation de ces opérations depuis la date de leur lancement est de cinq ans » . Le décalage moyen entre la date prévisionnelle fixée au début effectif des travaux et la fin de ceux-ci est, quant à elle, de 12,7 mois .

Appliqués à la Philharmonie de Paris, ces délais sont : 1) de 24 mois entre la date d'achèvement initialement prévue et la date d'achèvement initialement envisagée ; 2) de près de neuf ans entre la date de lancement et la date de mise en service ; 3) de quatre mois seulement pour les travaux (à raison de trois mois pour les travaux préparatoires et un mois pour les travaux de construction) 65 ( * ) .

Il faut néanmoins rappeler que ces délais ne constituent qu'une prévision , dans la mesure où le chantier est en cours, et que cette prévision peut à son tour être considérée comme optimiste , puisque les décalages anticipés sur la réalisation des travaux en eux-mêmes sont extrêmement faibles, en dépit de la très haute complexité technique du chantier.

b) Quelles leçons ?

Selon la Cour des comptes 66 ( * ) , ces délais sont imputables : « à des phases de procédure difficilement compressibles (mise en concurrence de la maîtrise d'oeuvre, consultation d'entreprises) et à des imprévus inévitables ou à des compléments d'études inéluctables »,

C'est ce que confirme le ministère de la culture et de la communication dans sa réponse à la Cour des comptes : [ces délais préalables au lancement des travaux] « s'explique [nt] par l'ambition culturelle et financière des projets, ainsi que par les contraintes techniques et administratives inhérentes : études préalables et diagnostics, concours et études de maîtrise d'oeuvre, obtention des autorisations de travaux et consultation des entreprises, avec des délais contraints à chaque étape, notamment par le code des marchés publics ».

Dans ce même rapport, la Cour des comptes note néanmoins qu' « ils n'en témoignent pas moins d'une insuffisante préparation des projets lors de la phase qui prélude à la prise de décision, ce qui implique de devoir ultérieurement retravailler à leur finalisation scientifique, culturelle et technique et d'en différer d'autant la réalisation. Certains projets enregistrent, du fait d'hésitations ou de temporisations dans les processus d'arbitrage, des retards très importants entre la date de lancement et le début effectif des travaux. (...) Les annonces officielles sont, en effet, souvent en décalage par rapport à l'état d'instruction préalable du dossier au triple plan technique, administratif et financier. Les erreurs ou omissions commises au stade de la présentation du projet (coût d'objectif, choix du site d'implantation, nature des équipements programmés) vont ensuite contaminer les autres étapes du processus (concours d'architecte, choix du maître d'oeuvre, montage financier), entraînant des recadrages brusques, des retards et des surcoûts. »

Dans ses réponses aux observations de la Cour des comptes relatives aux grands chantiers culturels (rapport public annuel 2012), le ministre du budget insistait, quant à lui, « sur la nécessité de rétablir un processus d'instruction des dossiers et de prise de décision qui implique l'ensemble des acteurs concernés, et notamment mon ministère . Avant toute annonce, un projet devrait avoir été examiné à l'aune des critères suivants : justification de la nécessité des projets ; discussions sur les modalités de financement à l'aune d'échéanciers pluriannuels en recettes et en dépenses ; intégration d'hypothèses d'actualisation et de provisions pour aléas ; estimation des coûts de fonctionnement futurs induits et comparaison au statu quo ; mise en discussion systématique de scenarii chiffrés » .

Votre rapporteur spécial ne peut bien évidemment qu'approuver ce processus vertueux proposé par le ministère chargé du budget qui devrait constituer les conditions « idéales » de conduite de tous les grands chantiers culturels .

Les représentants de la direction du budget rencontrés par votre rapporteur spécial ont indiqué, de façon plus générale, que l'Etat manquait surtout encore d'une structure de contre-expertise des grands projets d'investissement culturels ou autres . Des réflexions auraient été menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et il aurait été envisagé de confier une telle mission au Commissariat général à l'investissement (CGI) (son décret constitutif le prévoit déjà). Celui-ci effectue aujourd'hui ce type de missions, mais sur les « investissements d'avenir » seulement.

Ces réflexions devraient se concrétiser puisque l'article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour 2014-2017, actuellement en cours d'examen devant les assemblées parlementaires, prévoit la mise en place d'une procédure de contre-expertise des projets d'investissements civils les plus importants organisé par le CGI .

Cette contre-expertise pourrait également utilement participer au contrôle de l'évaluation initiale du coût de tels projets qui, dans le cas de la Philharmonie de Paris, comme dans d'autres chantiers culturels, connaît une inflation substantielle.

B. UNE INFLATION SUBSTANTIELLE DES COÛTS

L'étude de Laurent Bayle (2001) et le rapport Belaval-Auberger (2003) évaluaient, au début des années 2000, le coût du grand auditorium dans une fourchette comprise entre 100 millions et 150 millions d'euros .

Ainsi le rapport Belaval-Auberger, citant l'étude de l'actuel président de l'association de préfiguration, indiquait : « [La Philharmonie de Paris] a également fait l'objet d'un rapport particulièrement fouillé de Laurent Bayle en avril 2001. A partir d'un programme de 17 310 m 2 de surface utile globale, comprenant l'auditorium proprement dit de 2 200 places, partiellement modulable, des salles de répétition, des locaux techniques, une médiathèque, des espaces pédagogiques, un grand foyer public et divers locaux administratifs et fonctionnels, ce rapport aboutit à une évaluation du coût de réalisation de 111 millions d'euros (728,5 millions de francs hors taxe), incluant la construction d'un parking enterré de 1 000 places. Cette évaluation devrait naturellement être ajustée pour tenir compte de la diminution proposée de la jauge de la grande salle ou de la réalisation, d'ores et déjà en cours, de la médiathèque de la Cité. Cet ajustement venant s'ajouter à l'absence de charge foncière, contribue à rendre ce projet particulièrement attractif sur le plan financier. »

Le rapport Belaval-Auberger concluait en comparant le coût probable de la Philharmonie avec celui d'auditoriums étrangers : « Le coût d'une telle réalisation, hors charge foncière et travaux d'aménagement du sol, devrait se situer entre 100 millions d'euros (coût actualisé du Symphony Hall de Birmingham ou du Bridgewater Hall de Manchester) et 150 millions d'euros (coût des trois auditoriums du Parco della Musica de Rome). »

Le coût global du projet, qui a beaucoup fluctué depuis 2006, devrait aujourd'hui atteindre, selon les dernières données disponibles, 386,5 millions d'euros.

1. Un coût initial sous-estimé

La mission d'inspection, dans son rapport précité de décembre 2009, a retracé l'évolution du coût du projet de construction de la Philharmonie de Paris entre septembre 2006 et janvier 2009 . Cette étude montre que les évaluations initiales du coût du projet sont passées, en un peu moins de trois ans, de 173 millions d'euros à 276 millions .

Les principales étapes de cette chronologie, retracées ci-après, font apparaître que cette inflation des coûts tient, pour l'essentiel, au périmètre fluctuant de dépenses retenu à chacune de ces phases .


En septembre 2006 , l'association de préfiguration établit un « pré-programme » évaluant le coût du projet à 173 millions d'euros , ce montant recouvrant :

- les coûts de construction , soit 136 millions d'euros , en retenant les ratios de prix au mètre carré et en chiffrant les sous-ensembles ainsi que les ouvrages spécifiques (les équipements scéniques, les parkings ou les équipements extérieurs), en prenant en compte des frais d'aléas (de 15 % pour le bâtiment et de 8 % pour les équipements scéniques) ;

- les coûts prévisionnels des honoraires (frais d'études et d'accompagnement), soit 37 millions d'euros . Ce montant sera porté à 39 millions d'euros à compter d'octobre 2007.


En mars 2007 , l'enveloppe budgétaire présentée par l'association de préfiguration aux candidats à la maîtrise d'oeuvre est fixée à seulement 118 millions d'euros hors taxes . Selon la mission d'inspection, ce montant correspond au seul coût de construction du bâtiment, hors honoraires, et en excluant les provisions pour aléas .

La mission d'inspection indique à cet égard : « n'incluant pas de provisions pour aléas , [ce montant] ne pouvait être tenu pour une estimation représentative du coût effectif de la construction du bâtiment, ni a fortiori du coût total du projet, puisque son périmètre n'intégrait pas les honoraires ».

Le dossier remis par les Ateliers Jean Nouvel propose une estimation en phase avec ce dernier chiffrage, soit 120 millions d'euros hors taxes. Une contre-expertise conclut, pour sa part, à un coût relativement proche de 131 millions d'euros hors taxes.


En octobre 2007 , pour la première fois, le reporting de l'association prend en compte l'effet de l'actualisation des coûts de construction sur la durée du chantier 67 ( * ) , soit 34 millions d'euros . Comme l'indique la mission d'inspection, ce coût supplémentaire inéluctable aurait pu être intégré avant le concours de maîtrise d'oeuvre.

Le coût total du projet est alors évalué à 204 millions d'euros (coût de construction porté à 165 millions d'euros + coût d'études et d'accompagnement de 39 millions d'euros).


En janvier 2009 , les coûts des premiers équipements , évalués à 30 millions d'euros hors taxes en incluant l'orgue, sont, à leur tour, intégrés dans les chiffrages produits par l'association. Deux autres postes de dépenses (d'un montant de 9 millions d'euros hors taxes) sont également rattachés au coût global du projet :

- l' « interface site » qui correspond à une provision pour des travaux paysagers et d'éclairage, ainsi que d'aménagements extérieurs (4 millions d'euros) ;

- les assurances complémentaires (5 millions d'euros).

Pour l'IGF et l'IGAC : « il n'apparaît pas illégitime que [l'] estimation précise [de ces dépenses] n'ait pas été arrêtée dès le début du projet ; il aurait toutefois été possible de leur affecter une enveloppe prévisionnelle, susceptible d'être ultérieurement affinée ».

Le coût global du projet est alors évalué, en janvier 2009, à 276 millions d'euros , décomposés comme suit :

- un coût de construction, finalement évalué à 198 millions d'euros ;

- un coût d'équipement de 39 millions d'euros ;

- un coût d'études et d'accompagnement de 39 millions d'euros.

2. Des surcoûts multiples


• Selon les données retracées dans le rapport d'inspection précité, le montant total de 276 millions d'euros arrêté en janvier 2009 a été, de nouveau, réévalué par l'association de préfiguration en décembre 2009 à 294 millions d'euros , en raison de cinq éléments jouant à la hausse ou à la baisse retracés ci-dessous :

Sources de surcoûts et d'économies

(en millions d'euros)

Surcoût lié à la construction des parkings

+ 14

Surcoût lié au second oeuvre

+ 16

Réduction du poste scénographique

- 9,5

Réévaluation des provisions pour aléas

+ 7

Réduction des provisions pour marge de contrat global

- 8

Total

+ 19,5*

* L'écart entre ce chiffrage (+19,5 millions d'euros) et la différence entre le coût initial (276 millions d'euros) et le coût réévalué du projet (294 millions d'euros) tient, sans doute, aux arrondis de ces données.

Source : mission d'inspection - décembre 2009

Cette nouvelle évaluation correspond à l'hypothèse, un temps envisagée, d'une procédure en lots séparés.


• Malgré cette réévaluation par l'association de préfiguration de l'ordre de 18 millions d'euros, la mission conjointe d'inspection pointe encore 53 millions d'euros de coûts supplémentaires à intégrer , portant ainsi le coût total de l'opération à 347 millions d'euros (si l'hypothèse de lots séparés est retenue).

La mission d'inspection estime alors qu'il convient, en effet, d'ajouter :

- 5 millions d'euros au titre du retraitement de l'évaluation non étayée du poste scénographique ;

- 27 millions d'euros au titre des dépenses cumulées de maîtrise d'ouvrage (dépenses de fonctionnement de l'association de préfiguration) ;

- 14 millions d'euros au titre de l'actualisation des coûts de construction sur 18 mois supplémentaires ;

- 7 millions d'euros au titre du coût des risques.


En octobre 2011 , le ministère chargé de la culture indique en réponse à la question 31 du questionnaire budgétaire (PLF pour 2012) de votre rapporteur spécial que le coût du projet est désormais estimé à 336,53 millions d'euros , en raison de l'abandon de l'hypothèse des lots séparés et à la suite « d'économies réalisées sur certains marchés de travaux préparatoires ».


• Interrogé par votre rapporteur spécial sur le dernier chiffrage disponible, le ministère de la culture et de la communication lui a indiqué que la commission ministérielle des projets immobiliers du ministère, réunie le 18 septembre dernier, a constaté officiellement l'augmentation du coût du projet de 336,5 millions d'euros à 386,5 millions .

Les principales sources du dépassement identifiées sont les révisions de prix des matières premières, les exigences de la commission de sécurité et les demandes relatives à la qualité architecturale du bâtiment .

Face à cette situation et outre les négociations en cours avec les Ateliers Jean Nouvel, des propositions d'économies ont été demandées à l'association, sur le projet architectural lui-même ou sur les coûts du premier équipement . Selon le ministère, « ces pistes, actuellement en cours d'examen, sont cependant complexes dans la mesure où il est à ce stade très difficile de remettre en cause des spécificités fondamentales du projet . »

Principales sources de surcoûts identifiées


Révisions de prix

« L'actualisation initiale (+1,2 %/an) a été calculée à partir d'un mois de référence correspondant à la remise des offres des entreprises, soit juin 2009. L'enveloppe prévue initialement pour les révisions de prix (incluse dans les 336 millions d'euros TDC TTC du coût global de l'opération) a donc été évaluée à 7,8 millions d'euros.

« Mais l'évolution récente des prix du bâtiment a fortement dépassé ces hypothèses et la Philharmonie prévoit que les courbes se prolongent dans le temps suivant des taux de +4 % à 4,5 %/an. Dans un tel cas, l'enveloppe pour révisions devrait être augmentée de 30 ou 35 millions d'euros environ. A titre de comparaison, la plupart des projets du ministère, sous maîtrise d'ouvrage OPPIC, incluent des hypothèses de révisions de 3,5 %/an. »


Enveloppe aléas

« L'enveloppe globale de 336 millions d'euros inclut des provisions pour aléas à hauteur de 18 millions d'euros, soit 7,4 % du montant HT des travaux. Des ordres de services venant grever cette enveloppe ont déjà été identifiés, pour un montant estimé à ce stade de 7,8 millions d'euros, ce qui laisse 10,2 millions d'euros disponibles sur l'enveloppe aléas.

« La Philharmonie demande maintenant une mise à jour de l'enveloppe aléas (+10 ou 15 millions d'euros) pour les raisons suivantes :

« - la commission de sécurité remet en cause les principes arrêtés au permis de construire (notamment en ce qui concerne le désenfumage) engendrant de nouvelles dépenses pour un montant estimé à 5 millions d'euros environ ;

« - l'ensemble des demandes formulées par Jean Nouvel , au titre de la qualité architecturale du projet, est chiffré à 15 millions d'euros, mais la Philharmonie pense réussir à limiter le surcoût ;

« - des discussions complexes avec la commission de sûreté, et divers autres postes peuvent également occasionner des difficultés ;

« - un protocole transactionnel, un avenant et un marché complémentaire sur le marché de maîtrise d'oeuvre qui doit mener à une réévaluation des honoraires évaluée à 1,8 million d'euros. »

Source : ministère de la culture et de la communication

Le dernier montant arrêté à 386,5 millions d'euros représente ainsi un surcoût de :

- 213,5 millions d'euros par rapport à l'estimation initiale de septembre 2006 (+ 123 %)

- 182,5 millions d'euros par rapport au budget arrêté en octobre 2007 (+ 89 %) ;

- 110,5 millions d'euros par rapport au budget arrêté en janvier 2009 (+ 40 %).

PdP : Philharmonie de Paris ; QB : questionnaire budgétaire ; MCC : ministère de la culture et de la communication

Source : Commission des finances, d'après les données du rapport IGF/IGAC de 2009 et du ministère de la culture et de la communication

Dans son rapport public annuel de 2012, la Cour des comptes indiquait déjà que la Philharmonie de Paris ne faisait pas - hélas -, de ce point de vue, exception aux dérives budgétaires des grands chantiers culturels : « même si les bases de l'analyse sont nécessairement moins solides pour les opérations qui sont toujours en cours, le coût final estimé au 31 décembre 2010 de neuf d'entre elles connaissent un doublement, en valeur constante, du montant du devis annoncé à la date du lancement. Il s'agit du Quadrilatère Richelieu, du département des arts de l'Islam, de la rénovation du pavillon Sully au Louvre, du centre d'archives de Pierrefitte, du musée Picasso, du musée d'Orsay, du MUCEM et de la Philharmonie de Paris. Après intégration partielle de compléments programmatiques et révision des prix, la différence entre le coût d'objectif initial (actualisé à la date prévisionnelle d'achèvement du projet) et le nouveau coût d'objectif fixé au 31 décembre 2010 reste, pour ces neuf opérations, encore supérieure à 25 %. Dans certains cas, l'écart ainsi calculé apparaît exorbitant (Philharmonie : + 65 % ; Louvre-aile Sully : + 48 % ; Musée Picasso : + 39 %) ».

L'inflation des coûts constatée sur les grands chantiers « culturels »

Louvre-aile Sully

+ 48 %

Musée Picasso

+ 39 %

Ecole d'architecture de Paris-Belleville

+ 51 %

Cité de l'architecture et du patrimoine

+ 84 %

Philharmonie de Paris :

- sur la base du chiffrage alors retenu par la Cour (336 millions d'euros) :

- sur la base du dernier chiffrage retenu par le MCC (386,5 millions d'euros) :

+ 65 %

+ 89 %*

(*) Commission des finances

Source : Cour des comptes, rapport public annuel de 2012

Dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes, le ministère de la culture et de la communication indiquait alors : « l'absence de stabilité des coûts s'explique en premier lieu par la spécificité et le caractère complexe des grands chantiers culturels . La définition des contours d'un projet d'équipement culturel et la détermination de son coût constituent un processus itératif complexe associant le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre et les tutelles. (...) La prévision des coûts est donc par nature moins aisée que pour des projets de construction classique. »

Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour indiquaient quant à eux, dans un article daté de novembre 2010 : « cette augmentation des coûts prévus était malheureusement prévisible, compte tenu de l'ambition culturelle du projet, du projet architectural retenu et de la dérive des coûts observés par le passé pour la création d'établissements culturels » 68 ( * ) .

Votre rapporteur spécial prend acte de ces éléments, mais insiste pour que l'inflation des coûts sur les chantiers culturels ne devienne pas une fatalité .

A cet égard, il accueille favorablement la mis en place, dans le cadre de la commission ministérielle des projets immobiliers (CMPI) du ministère de la culture, d'un modèle de décomposition détaillée des coûts d'opération qui doit être complété par les maîtres d'ouvrages présentant leurs projets à la commission, de manière à s'assurer que l'ensemble des coûts ont été chiffrés et que le budget de l'opération permet de les financer.

Concernant la Philharmonie, le ministère chargé de la culture et la Ville de Paris indiquent avoir mis en place, suite aux recommandations formulées par l'IGF, un reporting de suivi, structuré à l'identique à chaque réunion, afin d'éviter toute détérioration de l'information dans des changements de périmètre.


• Ce dernier chiffrage disponible (386,5 millions d'euros) est-il pour autant définitif
? Le ministère de la culture et de la communication précise dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur que « ce dernier total [de 386,5 millions d'euros] est considéré dorénavant comme un maximum ».

Bien évidemment votre rapporteur spécial souhaite que cet objectif soit atteint . Comme indiqué précédemment, l'écart entre la première évaluation réalisée en septembre 2006 et la dernière évaluation disponible à ce jour du projet atteint déjà 213,5 millions d'euros.

Il reste néanmoins prudent sur ce montant plafond compte tenu des multiples facteurs de renchérissement possibles et de la complexité du projet. Par ailleurs, compte tenu de son état d'avancement, il semble peu probable, même en cas de dépassement de l'enveloppe, de stopper le chantier. En effet, des coûts importants résulteraient de son arrêt .

Enfin, comme le suggérait la mission conjointe d'inspection dans son rapport de décembre 2009, « le coût complet » de l'opération devrait également inclure les charges de fonctionnement de l'association de préfiguration .

Selon les données du ministère de la culture et de la communication transmises à votre rapporteur ( cf. tableau ci-dessous), ces dépenses peuvent être évaluées, en cumulé sur la période 2006-2012, à 23,1 millions d'euros .

L'association de préfiguration est principalement financée par une subvention, à quasi parts égales, de l'Etat et de la Ville de Paris.

Charges et ressources de l'association de préfiguration

(en euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012(p)

Total

Dépenses

262 236

4 108 944

2 930 867

3 139 093

2 913 746

5 786 303

3 999 387

23 140 576

Dont charges de personnel

30 095

438 604

727 235

825 809

903 812

1 081 830

1 613 974

5 621 359

Dont charges de fonctionnement

232 141

2 823 116

1 302 168

1 949 526

1 413 916

2 158 843

2 291 013

12 170 723

Ressources

262 236

4 106 094

2 920 678

4 333 175

2 913 746

5 427 107

3 796 402

23 759 438

Dont Etat

169 614

1 920 498

1 410 000

1 949 929

1 100 000

1 326 407

1 898 201

9 774 649

Dont Ville de Paris

92 622

2 128 906

1 410 000

1 949 929

1 100 000

1 326 407

1 898 201

9 906 065

Dont Région

0

0

0

433 317

0

0

0

433 317

Source : commission des finances, d'après les données du ministère de la culture et de la communication

En extrapolant les dépenses de fonctionnement de l'association de préfiguration jusqu'à la fin 2014 (sur la base de 3,8 millions d'euros par an 69 ( * ) ), le montant total des dépenses liées à la maîtrise d'ouvrage s'élèverait à 30,7 millions d'euros, portant le coût complet du projet de Philharmonie de Paris à 417,2 millions d'euros .

3. Une définition par itérations des modalités de financement
a) Un cofinancement entre l'Etat, la Ville de Paris et la région Île-de-France

La Philharmonie de Paris sera financée par l 'Etat et la Ville de Paris, à parts égales, déduction faite de la participation, plus réduite, de la région Île-de-France .

De nombreux documents font état d'une hypothèse de financement du projet selon la clé de répartition suivante :

- 45 % assuré par l'Etat ;

- 45 % financé par la Ville de Paris ;

- 10 % supporté par la Région.

Cependant, la participation du Conseil régional d'Île-de-France fait l'objet d'interprétations différentes :

- pour le conseil régional, sa contribution se limite à un montant forfaitaire de 20 millions d'euros qui représentait, au moment de son engagement, 10 % du coût du chantier, alors évalué à 204 millions d'euros ;

- pour l'Etat et la Ville de Paris, la Région devrait, au contraire, participer à hauteur de 10 % du coût final du projet, et donc assumer une partie des surcoûts .

L'issue de ce « différend » n'est pas négligeable : si l'on ne tient compte que du chiffrage arrêté en octobre 2011, soit 336,5 millions d'euros, une participation de la Région proportionnelle au coût du projet, à hauteur de 10 % de celui-ci, minore le coût supporté respectivement par l'Etat et la Ville de Paris de 6,8 millions d'euros , mais majore celui de la Région de 13,6 millions d'euros.

La clé de répartition du coût du projet selon la nature de la participation de la Région

(en millions d'euros)

Hypothèse 1 : participation forfaitaire de la région à 20 millions d'euros

Hypothèse 2 : participation de la région à hauteur de 10 % du coût du projet

Ecart

Participation Etat

158,25

151,45

-6,8

Participation Ville de Paris

158,25

151,45

-6,8

Participation Région

20,0

33,6

+ 13,6

Source : commission des finances

Interrogé sur la nature de l'engagement pris par le Conseil régional d'Île-de-France, le ministère de la culture et de la communication a indiqué qu'il n'existait pas de document formalisant un engagement de la Région proportionnel au coût du projet .

La convention signée avec l'association de préfiguration le 16 juillet 2009 prévoyait simplement une participation de la Région de 20 millions d'euros. L'avenant à cette convention approuvé par le conseil d'administration de l'association de préfiguration le 26 juillet dernier a plafonné ce montant à 20 millions d'euros en valeur absolue.

Il est également à noter qu'en « contrepartie », la convention du 16 juillet 2009 prévoyait que la Philharmonie s'engageait à accueillir l'Orchestre national d'Île-de-France pour environ 12 concerts par an , et à mettre en place un partenariat pour les activités pédagogiques.

Il semble que ces « contreparties » aient été en partie accordées pour sécuriser la participation financière de la région Île-de-France. En effet, dans une note du 20 octobre 2009 au directeur du cabinet du Ministre de la culture, le directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles indiquait : « la Région conditionne sa contribution à des engagements sur l'accueil à terme par la Philharmonie de l'Orchestre national d'Île-de-France. Malgré des réserves sur ce point, il nous semble indispensable de signer cette convention dans les plus brefs délais, afin de sécuriser cette contribution de 20 millions d'euros sur l'investissement. »

Lors de leur audition en septembre dernier, les membres du cabinet de l'actuelle Ministre de la culture et de la communication ont annoncé à votre rapporteur spécial que des négociations étaient, de nouveau, en cours afin d'obtenir une éventuelle contribution complémentaire de la région.

S'il n'appartient pas à votre rapporteur spécial de porter de jugement sur le niveau de la participation financière de chacune des collectivités publiques concernées, il appelle néanmoins au règlement rapide de cette question cruciale qui aurait dû intervenir plus tôt .

Il est assez étonnant, à cet égard, qu' aucune rencontre n'ait jamais réuni le ministre chargé de la culture, le maire de Paris et le président de la région Île-de-France .

Cette question devient aujourd'hui d'autant plus prégnante que des surcoûts importants (de l'ordre de 50 millions d'euros) ont été récemment officiellement constatés ( cf. supra ). Interrogés par votre rapporteur spécial sur les modalités de financement de ces surcoûts, le ministère de la culture et de la communication indique : « il existe à ce jour une incertitude sur les surcoûts, donc sur les financements de ces surcoûts et, in fine, sur la part qui incombera à l'Etat ».

Au final, en l'absence d'économies, selon l'option retenue (participation forfaitaire ou proportionnelle de la région Île-de-France), le différentiel de contribution s'élève à +/- 9,3 millions d'euros pour l'Etat et la Ville de Paris, et à +/- 18,6 millions d'euros pour la région.

Hypothèses de répartition du coût global de financement du projet

(en millions d'euros)

Hypothèse 1 : participation forfaitaire de la région à 20 millions d'euros

Hypothèse 2 : participation de la région à hauteur de 10 % du coût du projet

Ecart

Coût retenu : 336,5 millions d'euros (évaluation octobre 2011)

Participation Etat

158,25

151,45

- 6,8

Participation Ville de Paris

158,25

151,45

- 6,8

Participation Région

20,0

33,6

+ 13,6

Surcoûts attendus : 50 millions d'euros (évaluation octobre 2012)

Participation Etat

25

22,5

- 2,5

Participation Ville de Paris

25

22,5

- 2,5

Participation Région

0

5

+ 5,0

Coût global du projet (évaluation octobre 2011 + surcoûts attendus) : 386,5 millions d'euros

Participation Etat

183,25

173,95

- 9,3

Participation Ville de Paris

183,25

173,95

- 9,3

Participation Région

20,0

38,6

+ 18,6

Source : commission des finances

b) L'hypothèse d'un emprunt garanti par l'Etat et la Ville de Paris

S'agissant des modalités de financement du projet, il a été initialement envisagé de recourir à un emprunt garanti par l'Etat et la Ville de Paris , permettant ainsi la non-prise en charge immédiate du coût du projet par les collectivités publiques.

Malgré l'abandon de l'hypothèse d'un PPP qui nécessitait un financement externe initié par le partenaire, la Ville de Paris, comme l'Etat, ont en effet souhaité, pendant un temps, conserver un mode de financement externalisé et différé, en recourant à l'emprunt. Cette première formule a néanmoins fait l'objet de modalités fluctuantes.


• Dans un premier temps, l'association de préfiguration a proposé une solution dans laquelle deux emprunts auraient été contractés : un emprunt relais pendant la construction et un emprunt bancaire pendant l'exploitation .


• A partir de 2009, l'association de préfiguration a privilégié l'hypothèse d'un endettement par émission d'obligations en trois temps ( cf. tableau ci-après). L'association requerrait, pour ce faire, la garantie de l'Etat et de la Ville de Paris.

Echéancier des émissions obligataires envisagées

(en euros)

Février 2010

Juillet 2012

Janvier 2013

Total

Montant total de l'émission

141 663 000

65 589 000

34 239 600

241 491 600

Part Etat

66 291 500

32 794 500

17 119 800

116 205 800

Part Ville de Paris

75 371 500

32 794 500

17 119 800

125 285 800

Source : rapport de la mission d'inspection IGF-IGAC (décembre 2009)

L'association de préfiguration justifiait ce nouveau choix par plusieurs éléments :

- d'une façon générale, le recours à une solution « désintermédiée » -l'emprunteur s'adresse directement à un arrangeur chargé de recueillir les offres de financement sans nécessairement passer par une banque -, offre, à niveau de garanties équivalentes, des conditions de financement plus performantes qu'un emprunt bancaire classique ;

- dans un contexte financier caractérisé par une raréfaction de l'offre de crédit bancaire sur des maturités longues, le recours à une émission obligataire devait permettre à la Philharmonie de Paris de sécuriser son accès à la ressource , les émissions émises étant susceptibles d'être placées auprès d'un panel élargi d'investisseurs potentiels.

Pour l'ensemble de ces raisons, le 28 avril 2009, la Philharmonie de Paris a lancé une consultation destinée à sélectionner un « arrangeur » dont le rôle aurait été de conseiller la Philharmonie et d'assurer le placement des titres obligataires émis auprès d'investisseurs sur la base de ses besoins prévisionnels.

Suite à cette consultation, quatre établissements ont remis une offre dans les délais arrêtés au 28 mai 2009, dont trois répondaient aux caractéristiques des emprunts recherchés par la Philharmonie de Paris à savoir :

- « un profil de remboursement en phase avec le rythme de versement des subventions destinées au financement de la construction ;

- « un démarrage du remboursement du capital et des intérêts après 2013 ;

- « une émission des titres définie en fonction des échéanciers de paiement des travaux . » 70 ( * )

La Société Générale, arrangeur finalement pressenti, a alors présenté une simulation de remboursement de l'emprunt obligataire qui ne serait intervenu qu'après l'ouverture de la Philharmonie, alors prévue en 2013. Les intérêts dus par l'Etat auraient atteint 53 millions d'euros .

Modalités de remboursement de l'emprunt obligataire envisagé (sur 15 ans) - répartition entre capital et intérêts

(en millions d'euros)

Etat

Ville de Paris

Total

Capital

Intérêts

Total

Capital

Intérêts

169

116

53

189

125

64

Source : rapport de la mission d'inspection IGF-IGAC (décembre 2009)

A ces coûts, il aurait également été nécessaire d'ajouter les frais d'arrangement de la Société Générale (700 512 euros) soit, pour l'Etat, 350 256 euros. Le coût total de l'opération pour l'Etat aurait alors atteint 185,3 millions d'euros, répartis comme suit :

Estimation du coût total du projet pour la part Etat, à l'issue de la phase de négociations, avec émission d'obligations par l'association

(en milliers d'euros)

Nature des versements

Montant des versements

Subventions déjà votées

15 750

Remboursement en capital emprunts 2010-2013

116 206

Part d'intérêts + frais d'arrangement

53 428

Total part Etat

185 384

Source : rapport de la mission d'inspection IGF-IGAC (décembre 2009)

c) La solution mixte finalement retenue

A la suite des conclusions du rapport d'inspection IGF-IGAC, le recours à l'emprunt pour la quote-part de l'Etat a été abandonné au profit d'un financement par crédits budgétaires. La Ville de Paris a en revanche, quant à elle, maintenu le recours à l'emprunt .


Un financement de la part Etat par crédits budgétaires

Le rapport d'inspection de décembre 2009 avait, en effet, révélé que le financement de la quote-part de l'Etat par un endettement obligataire de l'association aurait engendré un surcoût de l'ordre de 7 millions d'euros par rapport à un financement sur le budget de l'Etat.

Ce surcoût a été calculé en comparant la charge d'intérêts afférente à l'émission d'obligations (53,4 millions d'euros) aux conditions financières d'endettement de l'Etat, calculées à partir d'un taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) à 20 ans de 4,20 %.

Plus généralement, l'IGF et l'IGAC, dans ce même rapport, relevaient que le choix d'un emprunt obligataire était, en tout état de cause, inadapté à la nature du projet, la Philharmonie n'étant pas destinée à présenter une rentabilité susceptible de justifier un tel mode de financement .

En effet, selon la mission d'inspection, « un financement par emprunt se justifie pour un projet susceptible de dégager des flux de trésorerie positifs en exploitation, après une phase initiale d'investissement. L'endettement permet alors de combler le décalage temporel entre les versements et les encaissements dont la somme sur la durée de vie du projet fait apparaître une valeur actuelle nette positive . Or, en l'espèce, l'exploitation de la Philharmonie n'a pas vocation à être rentable [cf. infra]. Elle ne dégagera pas de capacité de remboursement propre en rythme de croisière : tout débours non financé initialement par crédits budgétaires devra l'être ultérieurement, majoré des intérêts (impliquant un coût complet actualisé supérieur pour l'Etat), sous forme de subvention récurrente ».

Le rapport concluait ainsi : « La sauvegarde des intérêts financiers de l'Etat ainsi que la transparence de la gestion et de la décision publiques commandent donc que le projet de Philharmonie soit financé sur crédits budgétaires ».

Cette recommandation a été suivie par le ministère de la culture et de la communication . Une note du secrétaire général et du directeur général de la création artistique au directeur de cabinet du Ministre de la culture, préparatoire à la réunion interministérielle du 21 janvier 2010, relève ainsi clairement : « le rapport [IGF-IGAC] indique que l'hypothèse d'emprunt bancaire obligataire de financement favorisée à ce stade ne saurait être retenue car elle représente un important surcoût pour l'État. Le projet devrait donc être financé par crédits budgétaires. Les analyses conduites par les services du ministère sont en accord avec cette conclusion qui semble désormais faire l'unanimité ».

Avant la mise en évidence de surcoûts de l'ordre de 50 millions d'euros en octobre 2012, l'échéancier d'ouverture et de consommation des crédits correspondant à la part financée par l'Etat au sein de la mission « Culture » était le suivant :

Ouvertures et consommation des AE et CP consacrés à la Philharmonie de Paris au sein de la mission « Culture »

(en euros)

Source : d'après les données du ministère de la culture et de la communication

A la fin de l'exercice 2011 (sur un budget total alors évalué à 336,5 millions d'euros, soit une part Etat de 158,2 millions d'euros), la totalité des autorisations d'engagement (AE) étaient ouvertes au sein de la mission « Culture » et 52,4 millions d'euros de crédits de paiement (CP) consommés .

Pour 2012, le ministère de la culture et de la communication précise que : « les crédits de paiement nécessaires avaient été chiffrés à 54 millions d'euros. Néanmoins, seuls 45 millions d'euros ont été budgétés en loi de finances pour 2012, auxquels il faut encore retrancher 2,7 millions d'euros au titre de la mise en réserve. Les 42,3 millions d'euros ainsi disponibles ne couvrent pas la totalité des besoins de l'exercice 2012 ; c'est pourquoi sont demandés le dégel des 2,7 millions mis en réserve, ainsi que l'ouverture de 9 millions de crédits de paiement supplémentaires » .

Pour 2013, les ouvertures de CP prévues pour la Philharmonie s'élèvent à 50 millions d'euros, contre 60,8 millions d'euros initialement prévus dans l'échéancier précité. Cette diminution correspond au montant des ouvertures de crédits anticipées en 2012.

Une ouverture de 25 millions d'euros d'AE complémentaires est, en outre, proposée en PLF 2013, pour faire face à la moitié des surcoûts identifiés en octobre 2012 (l'hypothèse retenue est celle d'une prise en charge de ces surcoûts à 50 % par l'Etat et 50 % par la Ville de Paris). Les CP correspondants devraient être ouverts en PLF pour 2014 .


Le maintien du recours à l'emprunt pour la quote-part du financement revenant à la Ville de Paris

La mission d'inspection précitée avait indiqué que le retrait de l'Etat dans l'emprunt obligataire n'impliquerait pas de surcoût pour la Ville de Paris .

Celle-ci a effectivement opté, s'agissant de sa part de financement, pour le maintien de l'octroi d'une garantie d'emprunt à l'association . La Philharmonie a ainsi souscrit en 2011, auprès de la Société Générale, un emprunt de 151,6 millions d'euros avec libération fractionnée en 2011, 2012 et 2013. Son remboursement est prévu sur 15 ans à compter de 2014. Les intérêts dus au titre de cette période sont capitalisés et leur montant est intégré dans le capital à rembourser à compter de janvier 2014. L'annuité s'élèvera à 15,7 millions d'euros sur la période 2014-2028 ( cf. encadré). Le calibrage de la subvention que versera la Ville tiendra compte de ces annuités d'emprunt.

Echéancier du remboursement de l'emprunt souscrit par la Philharmonie auprès de la Société Générale

Année

Intérêts dus

Principal du

Echéances

2014

8 396 487,93

7 261 745,79

15 658 233,72

2015

8 058 579,28

7 599 654,44

15 658 233,72

2016

7 594 208,17

8 064 025,55

15 658 233,72

2017

7 191 062,67

8 467 171,04

15 658 233,71

2018

6 745 856,47

8 912 377,25

15 658 233,72

2019

6 277 241,20

9 380 992,52

15 658 233,72

2020

5 783 986,00

9 874 247,71

15 658 233,71

2021

5 293 643,51

10 364 590,21

15 658 233,72

2022

4 706 891,27

10 951 342,45

15 658 233,72

2023

4 143 997,66

11 514 236,06

15 658 233,72

2024

3 538 575,93

12 119 657,79

15 658 233,72

2025

2 909 269,78

12 748 963,94

15 658 233,72

2026

2 243 201,42

13 415 032,30

15 658 233,72

2027

1 521 431,01

14 136 802,71

15 658 233,72

2028

780 150,48

14 878 083,24

15 658 233,72

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Cependant, les retards pris sur le projet et l'inflation de son coût ont eu pour incidence de réviser le montant de la garantie d'emprunt accordée par la Ville de Paris :

- le Conseil de Paris avait initialement (lors de sa séance de juillet 2009) accordé une garantie d'emprunt de 117,5 millions d'euros à l'association de préfiguration. Ce montant était fondé sur une participation à hauteur de 45 % du coût total de l'opération ;

- l'évolution de ce dernier a conduit à revoir la garantie de la Ville à 158,3 millions d'euros (soit une augmentation de 41,1 millions d'euros), correspondant à un financement à parité avec l'Etat du budget global de l'opération revu à 336,5 millions d'euros, déduction faite de la participation de 20 millions d'euros attendue de la région.

Si la Ville de Paris décidait de prendre en charge une partie des nouveaux surcoûts annoncés cet automne, elle devrait se prononcer sur leur financement. Cela impliquerait un nouveau processus complexe de validation par le Conseil de Paris .

Sur la période 2007-2011, la Ville de Paris, via la garantie d'emprunt accordée à la Philharmonie de Paris, a ainsi versé 52,4 millions d'euros . Pour 2012, ce montant devrait être de 54,3 millions d'euros, puis de 51,5 millions d'euros en 2013.


• S'agissant de la région Île-de-France , sur son engagement de 20 millions d'euros, elle a versé 3,3 millions d'euros entre 2007 et 2011 . 9,7 millions d'euros sont prévus pour 2012 et 7 millions d'euros en 2013.

Le tableau suivant synthétise l'ensemble des modalités de financement du projet de Philharmonie de Paris, en tenant compte de la moitié seulement des surcoûts identifiés en octobre 2012 qui seraient supportés par l'Etat.

Modalités de financement du projet de Philharmonie de Paris (sur la base d'une participation forfaitaire de la région de 20 millions d'euros et une prise en charge des surcoûts à 50 %)

(en millions d'euros)

Montant total financé

2007-2011

PLF 2012

2013

2014

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Total

361,1

351,9

336,5

108,1

-

109,0

25,0

108,5

-

26,3

MCC

183,2

173,7

158,2

52,4

-

45,0

25,0

50,0

-

26,3

VdP

158,2

158,2

158,2

52,4

-

54,3

-

51,5

-

-

IdF

20,0

20,0

20,0

3,3

-

9,7

-

7,0

-

-

MCC : ministère de la culture et de la communication ; VdP : Ville de Paris ; IdF : région Île-de- France

Source : ministère de la culture et de la communication

4. Une information très sommaire à destination du Parlement

Comme le montre le tableau ci-après, les données sur le coût global du projet et ses modalités de financement, transmises à votre rapporteur spécial dans le cadre de son questionnaire budgétaire depuis 2009, sont cohérentes avec celles qui étaient alors à la connaissance des tutelles .

Il regrette néanmoins le caractère très sommaire de l'information alors transmise - notamment dans le cadre de la justification au premier euro de la mission « Culture » -, malgré les enjeux financiers et la complexité du projet .

Votre rapporteur spécial note surtout qu'un chiffrage global du projet apparaît de façon indirecte dans le projet annuel de performances pour 2009 et ne réapparaît ensuite que dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012 .

Ce relatif enrichissement des documents budgétaires à compter du PLF pour 2012 est peut-être lié aux fortes interrogations émises par votre rapporteur spécial lors de l'examen de la loi de finances pour 2011.

En effet, à l'occasion du PLF pour 2011, il s'étonnait que, selon les réponses au questionnaire budgétaire, et alors que l'ouverture de l'auditorium était encore prévue en 2013, « les modalités de financement par l'Etat [étaient] en cours de finalisation » .

Votre rapporteur spécial n'avait pas non plus, à ce stade, obtenu d'explications détaillées sur les raisons qui retardaient l'ouverture des crédits nécessaires, et que la presse imputait à un différend entre les ministères chargés de la culture et du budget 71 ( * ) . En effet, et alors que 106 millions d'euros d'AE avaient déjà été reportées de 2009 vers 2010, aucun crédit de paiement n'était ouvert par la loi de finances pour 2011 (la loi de finances rectificative de juillet 2011 a finalement ouvert 39,3 millions d'euros de CP supplémentaires).

Interrogé sur ce point par nos collègues députés, le Ministre de la culture et de la communication avait formulé la réponse suivante en séance publique : « Sujet de préoccupation d'un certain nombre d'entre vous, je veux aborder la question de la Philharmonie de Paris. Sachez que je suis toujours un fervent défenseur de ce remarquable projet. J'espère pouvoir revenir vous voir prochainement avec un plan de financement validé pour que les travaux démarrent enfin ».

C'est en partie ce manque d'informations qui a conduit votre rapporteur spécial à décider de mener la présente mission de contrôle.

Données chiffrées sur le projet de Philharmonie de Paris à destination du Parlement

Date

Source

Estimation du coût total du projet

Remarques

Modalités de financement

Octobre 2007

Mission d'inspection IGF-IGAC (rapport décembre 2009)

204 millions d'euros

Il s'agit du budget arrêté avec actualisation.

26 septembre 2008

Dossier de presse du ministère de la culture sur le budget 2009 (page 12)

« 203 millions d'euros TTC, valeur août 2006, sur la base d'une actualisation des estimations de 2001 »

Il s'agit du « coût global de l'opération ».

• « Le financement est assuré à parité par l'Etat et la Ville de Paris à hauteur de 45 % et par le Conseil régional pour 10 %. »

• « Les crédits au titre du Grand Auditorium comprennent :

« - 139,97 Ms en AE, correspondant au montant total des AE nécessaires pour financer le lancement de la procédure de dialogue compétitif début 2009, dans l'hypothèse du recours à un partenariat public-privé (PPP) ;

« - 5,7 Ms en AE=CP qui feront l'objet d'un financement spécifique à partir du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». »

Septembre 2008

Note du secrétaire général du ministère de la culture au directeur de cabinet préparatoire à la réunion interministérielle du 17 septembre 2008

« S'agissant du coût total des travaux, le montant prévisionnel de 204 millions d'euros et sans doute sous-évalué, même si aucune contre-expertise précise n'a pu être faite à ce stade ».

Octobre 2008

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2009

Pas de données sur le coût total du projet.

« Le budget du Grand Auditorium (Philharmonie de Paris) comporte :

« - 139,97 M€ en AE, correspondant au montant total des AE nécessaires pour financer le lancement de la procédure de dialogue compétitif début 2009, dans l'hypothèse du recours à un partenariat public-privé (PPP) ;

« - 5,7 M€ en AE=CP qui feront l'objet d'un financement spécifique à partir du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

« L'État et la Ville de Paris ont décidé en 2008 de lancer Le financement est assuré à parité par l'État et la Ville de Paris à hauteur de 45 % et par le Conseil régional pour 10 %. »

Janvier 2009

Mission d'inspection IGF-IGAC (rapport décembre 2009)

276 millions d'euros

Il s'agit du budget arrêté au moment de l'offre.

Octobre 2009

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2010

Pas de chiffrage global.

Pas d'indications.

Réponse 28 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2010

276 millions d'euros (dont 128 millions d'euros de part Etat)

« Le coût global du projet a été estimé à 276 M€. Ce coût comprend l'équipement en tant que tel (intégrant le parking et les aménagements extérieurs), les études et prestations nécessaires à la construction, les postes d'assurance, le premier équipement. Ce montant intègre également une actualisation annexée sur les indices d'évolutions des prix dans le secteur du bâtiment.

« Ne sont pas compris dans ces postes de dépenses les coûts de fonctionnement de l'association de préfiguration, puis de la structure qui lui succédera (2,1 M€ prévus pour 2010 pour la part État). »

• « L'accord financier entre la ville de Paris et l'Etat repose sur une répartition à parts égales de la charge du projet. Initialement prévue avec une participation à hauteur de 10% du projet, la région Île-de-France a indiqué qu'elle ne dépasserait pas une enveloppe de 20M€ . La part relevant de l'Etat s'élève donc à 128 M€ sur la base des évaluations actuelles. »

• « L'Etat et la Ville de Paris ont d'ores et déjà financé le projet à hauteur de 32,l M€ pour les années 2006-2009. Pour le solde à financer, c'est l'hypothèse d'un financement par emprunt qui a été retenue et validée lors de la réunion interministérielle du 18 décembre 2008. Une garantie d'Etat devrait être inscrite au PLF 2010, pour permettre à la Philharmonie de contracter un emprunt. »

• « Compte tenu des frais bancaires associés, la Philharmonie devrait donc contracter un emprunt de 243,7 M€, garanti à parts égales par l'Etat et la Ville . Dans le montage envisagé, les premiers remboursements n'interviendraient qu'à compter de 2013. Une hypothèse de remboursement sur 15 ans impliquerait un financement pour la part Etat de 11,3 M€ par an. »

Décembre 2009

Mission d'inspection IGF-IGAC (rapport décembre 2009)

347 millions d'euros

Montant réévalué par la mission d'inspection (hypothèse de lots séparés)

Octobre 2010

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2011

Pas de chiffrage global.

Pas d'indications.

Réponse 33 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2011

345 millions d'euros environ

Il s'agit du « coût global (...) hors charges des intérêts d'emprunt pour la partie qui sera financée sur les crédits autres que budgétaires »

• « Ce montant a vocation à être financé conjointement par les trois collectivités publiques dans le cadre d'un partage à parité entre la Ville de Paris et l'État, après déduction de la participation de la région Ile-de-France, fixée à 20 M€ . »

• « Il comprend les dépenses déjà réalisées couvrant les études et les travaux de terrassement et de fondations (33 M€), le coût du contrat global qui doit être conclu très prochainement avec le groupement d'entreprises, soit 241 M€ (216 M€ + 25 M€), le coût du premier équipement (30 M€), et enfin le coût total, jusqu'en 2013, des charges de fonctionnement de la structure associative qui porte le projet (40 M€). »

Octobre 2011

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2012

336,5 millions d'euros

« Le coût total de cette opération est de 336,53 M€, la part de l'État s'élevant à 158,26 M€ en AE=CP. La Ville de Paris et la région Ile-de-France, autres collectivités locales impliquées dans le projet, le financent respectivement à hauteur de 158,26 M€ et 20 M€ . »

Réponse 31 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2012

336,53 millions d'euros actualisés

« Le coût global de l'opération défini au stade du programme était de 204,14 millions d'euros actualisés. Ce montant n'incluait pas l'ensemble des dépenses prises en compte dans les estimations suivantes, notamment le premier équipement et une provision pour aléas ».

« Début 2009, suite à la livraison de l'avant-projet définitif, le coût global de l'opération a été réévalué à 276,3 millions d'euros actualisés (...). Les premiers surcoûts sont surtout liés à l'intégration au périmètre de l'opération du premier équipement, de l'orgue et des assurances complémentaires ».

« En décembre 2010, le coût des travaux a été porté à 242,98 millions d'euros, dont les travaux supplémentaires dits « option 1 » et la prime de célérité. Par ailleurs, les aléas ont été revalorisés de 9,7 millions d'euros, conformément aux préconisations de l'inspection générale des finances ».

« Une partie des surcoûts a été absorbée par la Philharmonie suite à des économies réalisées sur certains marchés de travaux préparatoires ».

Octobre 2012

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2013

336,53 millions d'euros actualisés et annonce d'éventuels surcoûts

• « L'opération principale concerne la construction de la Philharmonie de Paris, pour laquelle 25 M€ en AE et 50 M€ de CP sont prévus en 2013, afin de couvrir les échéances de paiement de ce chantier de grande envergure. »

• « Le coût total prévisionnel de cette opération est de 336,53 M€, la part de l'État s'élevant à 158,26 M€ en AE=CP. La Ville de Paris et la région Île-de-France, ainsi que les autres collectivités locales impliquées dans le projet, le financent respectivement à hauteur de 158,26 M€ et 20 M€. L'autorisation d'ouverture de 25 M€ en AE est destinée à pouvoir faire face à d'éventuels surcoûts. »

Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial dans le cadre de son contrôle

386,5 millions d'euros

Surcoûts identifiés de l'ordre de 50 millions d'euros.

Réponse 33 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2013

387 millions d'euros

« L'opération doit aujourd'hui connaître une nouvelle révision de son coût liée à trois facteurs principaux : les révisions de prix du marché de construction (+35 millions d'euros) générés par une évolution de l'indice BT01 beaucoup plus importante que celle anticipée initialement sur un calendrier qui a connu un temps de latence en 2010, la mise à jour de l'enveloppe aléas (+10 à 15 millions d'euros) pour tenir compte notamment de prescriptions plus importantes liées à une meilleure appréhension d'un bâtiment complexe par les commissions de sécurité et l'obligation d'affermir des options non budgétées. La participation totale de l'Etat est de l'ordre de 158 millions d'euros (montant des AE ouvertes et engagées fin avril 2011). Une demande de 25 millions d'euros complémentaires a été portée au PLF 2013, pour prendre en compte, à parité avec la Ville de Paris, ces évolutions de coûts incompressibles (évoquées ci-dessus).

Source : commission des finances, d'après les sources citées dans le tableau ci-dessus

TROISIÈME PARTIE : LA PHILHARMONIE DE PARIS
EN « RYTHME DE CROISIERE »

L'ouverture du nouvel auditorium ne marquera pas la fin des interrogations sur ce projet d'ampleur. Certaines questions doivent, en effet, être posées dès maintenant . Elles tiennent en particulier à la reconfiguration de l'offre musicale à Paris, ainsi qu'à la gouvernance et à l'équilibre économique de la Philharmonie de Paris en « rythme de croisière ».

En effet, au-delà de sa dimension architecturale et musicale forte, le nouvel auditorium soulève aussi des enjeux de démocratisation culturelle . A la lecture du dossier réalisé par la Philharmonie, ses objectifs apparaissent très ambitieux et vont bien au-delà de la construction d'un nouvel équipement culturel de grande ampleur. Ainsi, d'après le document, « ce projet, fruit d'une réflexion menée depuis plusieurs années, répond à un réel besoin de modernisation de la pratique musicale et de renouvellement des publics . La Philharmonie de Paris est porteuse d'enjeux culturels forts (...). [Elle] est aujourd'hui, dans le domaine de la musique, une réponse forte aux enjeux sociétaux et au réel besoin de modernisation qui se fait ressentir aux niveaux national et du Grand Paris ».

A cet égard, votre rapporteur spécial retiendra en particulier les deux objectifs suivants :

- « doter la capitale d'un outil de travail moderne au service des orchestres », notamment à travers le développement d'une programmation au large spectre stylistique et chronologique, de l'époque baroque à la création actuelle, qui permettra de faire se côtoyer des artistes classiques et des pratiques plus populaires (orchestres de jazz, musiques actuelles) ;

- « développer une politique éducative volontariste : la Philharmonie de Paris mettra en oeuvre un projet culturel innovant qui tiendra compte des spécificités des divers publics actuels (...). La localisation de la Philharmonie de Paris sur le site de la Villette, à la frontière de Paris et de la banlieue, est un signe fort de cette volonté de renouvellement et d'ouverture aux publics de demain . (...) Une politique d'éducation artistique résolue sera ainsi développée pour rendre le monde symphonique familier aux jeunes et leur permettre d'appréhender les différentes composantes de cet univers. (...) Pour assurer l'ensemble de son programme éducatif, la Philharmonie de Paris établira des liens forts avec l'Éducation nationale, les conservatoires et écoles de musique en nourrissant leur démarche de l'apport de musiciens reconnus ».

Toutefois, dans la pratique, la réalisation de ces ambitions pourrait se heurter à certaines difficultés .

I. LA RECONFIGURATION DE L'OFFRE MUSICALE À PARIS

A. UN PARI CULTUREL RISQUÉ ?

L'ouverture de la Philharmonie engendrera un « choc d'offre » dans la vie musicale parisienne. Le rapport Chambert-Soufi (2008) estimait ainsi que près de 240 000 places supplémentaires seraient mises sur le marché, soit près de 30 % d'augmentation par rapport à l'offre actuelle . La mission d'inspection conjointe IGF-IGAC considère quant à elle que l'arrivée de la nouvelle salle se traduira, au moins à court terme, par une concurrence plus vive, notamment sur les tarifs . Quelles seront les conséquences de cette offre accrue ? Comment s'adapteront les autres salles de concert parisiennes ? La Philharmonie de Paris parviendra-t-elle à constituer son public ?

1. Un risque à court terme de fréquentation insuffisante ou de « cannibalisation » des institutions existantes

A public constant, deux évolutions sont envisageables :

- soit, la Philharmonie de Paris « cannibalisera » le public des autres salles parisiennes , ce qui pose la question d'une remise à plat et d'un pilotage global de l'offre musicale classique parisienne, mais aussi du renouvellement du public ( cf . infra ). Ainsi, la Cour des comptes, dans son relevé d'observations définitives précité, estime : « la nouvelle salle de concert risque par ailleurs d'absorber une grande partie de l'offre de Pleyel, du grand auditorium de Radio France, des Champs-Elysées et de l'actuelle salle de la Villette. C'est pourquoi la crainte d'une détérioration des conditions de financement de tous ces équipements, largement subventionnés par des fonds publics (...) est aussi exprimée . De même qu'à la fin des années 1980, à la veille de l'ouverture de la Bastille, les conséquences induites par ce nouvel équipement sur l'offre lyrique à Paris (Garnier, Favart, Châtelet, Champs-Elysées) n'avaient pas été sérieusement mesurées, de même la redéfinition de la programmation des concerts à Paris, suite au lancement du projet de la Philharmonie, se trouve posée dès 2006 ».

- soit, au contraire, elle ne trouvera pas son public : au-delà du phénomène de curiosité des premiers mois, consécutif à son ouverture et attisé par le geste architectural de Jean Nouvel, elle pourrait ne pas attirer durablement, notamment en l'absence de pleine substitution du public des communes périphériques au public de l'ouest parisien. De ce point de vue, une analyse de la Fondation Terra Nova 72 ( * ) est éclairante : « rien ne garantit que le public actuel de Pleyel se rendra à la Philharmonie de Paris. Les porteurs du projet considèrent que la qualité de l'offre musicale et la réussite architecturale de la nouvelle salle suffiront à attirer le public de Pleyel (250 000 spectateurs par an en moyenne) qui est un public de mélomanes habitués. Cependant, en cas de réorientation de la programmation de Pleyel sur des répertoires non classiques, il est possible de penser qu'une part de ce public, dont plus d'un tiers vient de l'Ouest de Paris (8 ème , 15 ème , 16 ème et 17 ème arrondissements), ne fera pas le déplacement jusqu'à la Philharmonie de Paris, et se dirigera vers d'autres salles de concert, la concurrence étant permanente (un soir de semaine, au moins quatre concerts/récitals/opéras de haut niveau se déroulent à la même heure) ».

De même, le rapport Chambert-Soufi de 2008 notait « l'existence de paliers de fréquentation observés à Londres et Berlin ; au-delà d'un certain seuil résultant du nombre de concerts mis en vente, la fréquentation semble s'essouffler et se stabiliser ».

Il est aujourd'hui difficile de trancher dans un sens ou dans un autre, plusieurs éléments penchant en faveur des deux tendances . Cette incertitude démontre en tous les cas que la Philharmonie demeure un pari culturel risqué , dont la réussite, au-delà du volontarisme de ses promoteurs, sera subordonnée à de nombreux facteurs extérieurs.

A cet égard, le succès de la Philharmonie passera notamment par la capacité des différents acteurs à coordonner l'offre musicale parisienne ( cf . infra ). De ce point de vue, le rapport de la mission d'inspection IGF-IGAC offre quelques pistes. Par exemple, « afin d'atténuer les effets d'une concurrence trop rude, les pouvoirs publics pourraient inciter les salles à mettre en place une procédure de concertation souple mais régulière et transparente, dans laquelle chacun annonce ses projets à l'avance pour éviter les doublons . (...) Cette procédure devrait se doubler d'un dispositif de suivi et de contrôle de la définition et de la mise en oeuvre des politiques artistiques, encadré par l'Etat et la Ville de Paris ».

De même, le renouvellement du public constituera un enjeu central.

2. A long terme, un contexte peu favorable d'érosion et de vieillissement du public des concerts classiques

En effet, cette question mérite d'autant plus d'être posée que les études disponibles mettent en évidence un attrait relativement faible des Français pour le concert classique, doublé d'un vieillissement du public . Selon l'enquête « Pratiques culturelles 1973-2008, dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales » du département des études, des statistiques et de la prospective du ministère de la culture et de la communication publiée en juillet 2011, la proportion de Français de 15 ans et plus ayant assisté à un concert classique était de 7 % en 1973 et 1981, puis de 9 % en 1988 et 1997, avant de retomber à 7 % en 2008. Dans le même temps, les concerts de rock ou de jazz ont attiré un public croissant (de 6 % en 1973 à 14 % en 2008) et les spectacles de music-hall ou de variété ont stagné aux alentours de 10 % ou 11 %.

Pourcentage des Français de 15 ans et plus ayant assisté à un concert classique,
de rock ou de jazz, de music-hall ou de variétés

Source : ministère de la culture et de la communication

Selon cette même enquête, « la tendance au vieillissement est beaucoup plus nette dans le cas des concerts de musique classique puisque le taux de fréquentation des 15-24 ans, qui était déjà relativement bas en 1973, a diminué à partir des années 1980, alors que celui des 60 ans et plus a presque doublé, au point que cette catégorie d'âge est désormais celle qui compte la part de pratiquants la plus élevée, ce qui reste sans équivalent dans le domaine du spectacle vivant » . Si l'enquête impute une partie du recul de la part des 15-24 ans au faible nombre de sorties scolaires, elle n'en conclut pas moins que « les concerts classiques souffrent, depuis le tournant des années 1990, d'un déficit d'attractivité auprès des jeunes générations » .

Fréquentation des concerts de musique classique selon l'âge

(%)

Source : ministère de la culture et de la communication

Cette observation est confirmée par l'analyse de la dynamique générationnelle, qui se révèle négative . Selon l'enquête, « le taux de fréquentation de la jeune génération de l'édition de 2008 se situe à un niveau inférieur à celui de leurs aînés au même âge. De plus l'évolution des générations (nées entre 1965 et 1984) n'incite pas à l'optimisme quant aux chances d'une découverte à l'âge adulte : ces dernières ont vu leur taux de fréquentation évoluer très faiblement quand, aux mêmes âges, la fréquentation des baby-boomers (nés entre 1945 et 1954) progressait au tournant des années 1980. Par conséquent, il se confirme que le renouvellement des publics de concerts de musique classique rencontre de réelles difficultés , qu'il est difficile de ne pas mettre en rapport avec la diversification des préférences musicales au cours de la période et de l'attrait qu'ont exercé sur les générations successives le jazz dans un premier temps, puis le rock dans un second, et probablement d'autres "musiques actuelles" ».

B. DES INVESTISSEMENTS PUBLICS SIGNIFICATIFS ET NON COORDONNÉS

1. La multiplication des investissements dans les équipements symphoniques

Votre rapporteur spécial s'interroge également sur la multiplication des investissements symphoniques depuis 2005-2006 . La mission d'inspection conjointe IGF-IGAC, qui a pointé un phénomène de « sédimentation » des investissements publics en la matière, a en effet souligné que plusieurs de ses interlocuteurs s'accordaient clairement à mettre en doute l'opportunité et la cohérence de la conduite cumulative de :

- la modernisation de la Salle Pleyel , destinée à lui redonner des conditions optimales pour la musique symphonique, réalisée entre 2003 et 2006 ;

- la rénovation de l'auditorium de Radio France , visant à l'adapter aux meilleurs standards acoustiques internationaux ;

- la construction de la Philharmonie de Paris.

En ce qui concerne la Salle Pleyel , la décision de sa rénovation est antérieure à la construction de la Philharmonie de Paris, et les travaux ont été mis en oeuvre par son propriétaire d'alors, IDSH. Dans un deuxième temps, l'Etat a pris à bail, puis racheté la Salle Pleyel, en en faisant une filiale de la Cité de la Musique, celle-ci en devenant propriétaire le 30 juin 2009 73 ( * ) . Interrogé par votre rapporteur spécial, Jean-Luc Choplin, directeur général du théâtre du Châtelet, a dressé un constat sévère de ce chantier, au vu de la reconversion prévue de la Salle Pleyel ( cf . infra ) : « quant au sort de Pleyel, il est abracadabrant et a suscité un gâchis d'argent public ».

S'agissant de la rénovation de l'auditorium de Radio France , elle a été décidée en 2005, avant l'arbitrage sur la Philharmonie de Paris. Cette opération est en cours, dans le cadre du chantier plus large de rénovation de la maison de la radio.

Le futur auditorium de Radio France

L'auditorium rénové pourra accueillir 1 450 spectateurs , et constituera le lieu de résidence des quatre formations musicales de Radio France. Construit sur le principe d'une double boîte et doté d'une scène modulaire, il repose sur un système de boîte à ressort. La salle est conçue principalement pour les concerts symphoniques et disposera d'un orgue. Les exigences acoustiques retenues répondent aux standards internationaux.

Le coût global à valeur juin 2008 de l'auditorium est de 45,6 millions d'euros . Une projection de ce coût en valeur fin de chantier (soit fin 2013) donne un coût actualisé prévisionnel de l'ordre de 51 millions d'euros . Le projet est financé par la redevance audiovisuelle et les capacités d'autofinancement de l'entreprise.

La construction de l'auditorium a débuté en novembre 2011 par un travail de déconstruction. Les travaux de construction s'étaleront ensuite sur 18 mois, soit une durée totale de chantier de 24 mois à partir de novembre 2011 . La mise en service de l'auditorium pourra commencer à partir de novembre 2013. Elle ne pourra toutefois pas se faire dès le début à plein régime. La mise au point de son acoustique nécessitera en effets six mois supplémentaires. Ce n'est donc qu'à partir de la rentrée musicale 2014 que pourra se concrétiser une programmation musicale qui caractérisera l'auditorium de Radio France .

Source : commission des finances, d'après les informations de Radio France.

Interrogés par votre rapporteur spécial, les représentants de Radio France ne constatent aucun doublon entre la Philharmonie de Paris et leur auditorium : « la Philharmonie de Paris et le futur auditorium de Radio France sont complémentaires en termes de jauge et donc en production. (...) De manière générale, les projets de construction de l'auditorium de Radio France et de la Philharmonie de Paris ont toujours été envisagés en parfaite concertation entre les différents acteurs . Les liens entre Laurent Bayle et les présidents de Radio France ont toujours été très étroits, notamment s'agissant de la programmation musicale dans la capitale ».

Pour sa part, la mission d'inspection IGF-IGAC porte un jugement plus nuancé sur la justification de chacun de ces trois chantiers . Ainsi, elle estime que « le cas de Radio France doit être distingué, car il s'agit d'une entreprise publique autonome ayant décidé de conduire un chantier de rénovation globale sur le site de la Maison de la Radio ».

De même, elle considère que « la rénovation de Pleyel et la construction de la Philharmonie de Paris se défendent dans une logique d'offre. C'est cette logique qui a largement prévalu dans les rapports préparatoires sur la construction du grand auditorium. Seul le rapport Belaval-Auberger considérait qu'il convenait de choisir entre l'une ou l'autre option » .

Il demeure certaines coïncidences parlantes : en 2006, la décision de construire la Philharmonie de Paris était prise alors que la Salle Pleyel rouvrait ses portes. En 2009, cette derniière était rachetée par l'Etat, alors que les travaux d'excavation de la Philharmonie de Paris débutaient...

2. L'avenir incertain de la Salle Pleyel

Au chapitre de la reconfiguration de l'offre symphonique en Île-de-France, la question de l'avenir de la Salle Pleyel mérite un examen plus approfondi.

a) La Salle Pleyel : d'une location à la propriété de la Cité de la musique

La Salle Pleyel, auditorium construit en 1927, sis rue du Faubourg Saint-Honoré, dans le 8 ème arrondissement de Paris, a été la propriété du Crédit Lyonnais de 1935 à 1998. A la suite des difficultés financières rencontrées par cette banque, le bâtiment s'est trouvé mis en vente par le Consortium de réalisation (CDR), et a été cédé à un investisseur privé , Hubert Martigny, au prix de 10 millions d'euros hors taxes (valeur de 1998, correspondant à un prix de 20 à 25 millions d'euros en valeur actualisée). En effet, l'Etat, à cette époque, n'avait pas souhaité se porter acquéreur 74 ( * ) .

En 2004, il a cependant été convenu avec le nouveau propriétaire que, sous la condition que celui-ci effectue à sa charge tous les travaux de remise en état et aux normes requis par la salle et ses dépendances, pour un montant minimal alors estimé à 23 millions d'euros hors taxes, l'Etat prendrait l'immeuble à bail pour une période de 50 ans, au terme de laquelle il deviendrait propriétaire pour un euro symbolique 75 ( * ) .

Les travaux ainsi prévus, dont une importante rénovation architecturale et acoustique de la salle, ont été menés à bien, entre 2004 et 2006 , par la société IDSH présidée par M. Martigny. Leur montant total s'est élevé à 27 millions d'euros hors taxes. Par ailleurs, des travaux de rénovation des bureaux attenants ont été réalisés, pour un montant de 11 millions d'euros hors taxes.

Conformément à l'accord précité de 2004 entre le propriétaire et l'Etat, la Salle Pleyel a donc été prise à bail, en 2006, par la Cité de la musique , dont une filiale a été créée afin d'assurer l'exploitation de l'auditorium. Ce bail, conclu comme prévu pour une période de 50 ans à l'issue desquels l'Etat entrerait en propriété de l'immeuble pour un euro symbolique, fixait un loyer annuel de 1,5 million d'euros (hors taxes et charges). Les bureaux attenants ont été loués par le propriétaire au secteur privé.

Par ailleurs, le bail conclu entre la Cité de la musique et le propriétaire de la Salle Pleyel comprenait une clause d'achat anticipé du bien , qui pouvait être levée à tout moment par le locataire. L'Etat a exercé ce droit et a racheté la Salle Pleyel pour 61 millions d'euros en 2009 76 ( * ) , après que 12 millions d'euros de loyers cumulés ont été acquittés, soit 72 millions d'euros au total.

Entretemps, la décision de lancer le projet de la Philharmonie a été actée, en partie justifiée par la situation de l'Orchestre de Paris . La question s'est alors posée de savoir ce qu'il adviendrait de la Salle Pleyel, désormais gérée dans le même cadre que la salle de la Cité de la musique et la future grande salle philharmonique. De fait, c'est encore aujourd'hui l'une des questions centrales à régler . Comme l'a écrit le ministre du budget à la Cour des comptes, en réponse à son relevé d'observations définitives sur la Philharmonie de Paris, « l'avenir de la Salle Pleyel est intimement lié au calendrier de construction ainsi qu'au projet de la future Philharmonie de Paris, encore à l'étude dans sa composante culturelle. Cet avenir devra en outre être pensé dans le cadre d'un arbitrage global sur le financement de la salle Pleyel : la rentabilisation de son exploitation ou le désengagement du site devront être recherchés en priorité. (...) Les conditions d'exploitation de la Salle Pleyel seront redéfinies, en cohérence avec l'activité de la Philharmonie . »

Les tutelles sont conscientes des enjeux budgétaires associés à la reconversion de la Salle Pleyel , comme en témoignent les extraits d'une note du secrétaire général et du directeur général de la création artistique au directeur de cabinet du Ministre de la culture et de la communication, préparatoire à une réunion interministérielle du 21 janvier 2010, faisant suite à la remise des conclusions de la mission d'inspection IGF-IGAC : « les inspecteurs estiment que la Philharmonie ne peut être construite qu'au prix d'un changement d'affectation de la Salle Pleyel pour garantir un bon niveau de fréquentation du nouvel auditorium dont la Salle Pleyel pourrait cannibaliser le public si elle restait en activité, mais aussi pour permettre le report de la subvention actuelle de Pleyel vers la philharmonie . Le rapport préconise que la reconversion de la Salle Pleyel soit financièrement et juridiquement balisée dès 2010 et donne des orientations quant à cette reconversion. Sur le fond l'approche n'est pas contestable (...) Il convient par ailleurs de rappeler que la Salle Pleyel est aujourd'hui le lieu d'accueil de l'Orchestre de Paris dont la place des conditions de fonctionnement devrait, en toute hypothèse, être ménagés jusqu'en 2013 ».

Toutefois, votre rapporteur spécial relève que des incertitudes pèsent toujours sur l'issue de cette reconversion.

b) Une reconversion hasardeuse ?

Si un consensus semble aujourd'hui exister sur le fait que la Salle Pleyel ne doit plus organiser à l'avenir de concerts classiques, afin de ne pas concurrencer la Philharmonie , le contenu de sa future programmation ainsi que les modalités juridiques de sa « transformation » ne sont pas encore certains.

Sur le premier point, la Salle Pleyel devrait être spécialisée, à l'avenir, dans la programmation de jazz, de variété et de musiques amplifiées , ce qui n'est pas encore très précis...

Sur le second point, d'après les informations recueillies auprès du cabinet de la Ministre de la culture, des représentants de la Ville de Paris et du président de la Philharmonie de Paris, il semblerait que l'on s'oriente vers une délégation de service public (DSP). Le choix de ce support juridique permet à l'Etat de sélectionner l'exploitant et le dote d'une capacité de contrôle sur l'exécution de la délégation.

Selon le rapport IGF-IGAC, « la conduite des négociations relève de la compétence de la Cité de la musique, qui devra agir en propriétaire responsabilisé, et de ses tutelles, qui devront être garantes à la fois de la cohérence de l'offre musicale parisienne et de la sauvegarde des intérêts de l'Etat ».

En contrepartie de la DSP, serait réclamé le versement d'une redevance de l'ordre de 800 000 euros . De plus, le loyer des bureaux rapporterait de l'ordre de 1,7 million d'euros par an. D'après le président de la Philharmonie de Paris, Laurent Bayle, ces revenus devraient permettre de « neutraliser » totalement le coût de la Salle Pleyel pour l'Etat, et de profiter du transfert de cette subvention annuelle, de l'ordre de 4,5 millions d'euros, de Pleyel vers la Philharmonie de Paris.

Si les professionnels du secteur ont pu pointer le caractère atypique de la Salle Pleyel et ses contraintes , la renommée et le positionnement haut de gamme de la marque Pleyel sont, à l'inverse, des atouts reconnus . Auditionné par votre rapporteur spécial, le président de la Philharmonie de Paris a fait état de contacts préliminaires avec plusieurs prestataires potentiellement intéressés par l'exploitation de la Salle Pleyel, qui espèrent pouvoir tirer parti du contexte de restructuration du modèle économique de la production musicale commerciale 77 ( * ) . Son positionnement deviendrait ainsi à la fois événementiel et musical .

En ce qui concerne le calendrier de la procédure, les tutelles souhaitent lancer la DSP le plus rapidement possible . Elles espèrent que la compétition sera lancée d'ici la fin de l'année. D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris a effectué dans cette perspective une demande préalable de conseil juridique, afin de faire face à la complexité du dossier.

Afin de garantir la fin d'exploitation de la Salle Pleyel dans de bonnes conditions, la DSP devrait sans doute prévoir que le délégataire ne prendrait possession de la Salle Pleyel qu'après le transfert de l'Orchestre de Paris à la Philharmonie, voire qu'il ne puisse exploiter la salle qu'au 1 er janvier 2015, pour garder une marge de sécurité en cas de retard supplémentaire dans les travaux .

Toutefois, la reconversion choisie pour la Salle Pleyel ne garantit pas qu'elle trouvera un modèle économique pérenne en proposant une offre complémentaire de la Philharmonie de Paris. En effet, comme l'a relevé l'inspection IGF-IGAC, « le changement possible de vocation de la Salle Pleyel en direction des musiques actuelles ouvre la possibilité d'une concurrence avec le reste du secteur privé , notamment le Zénith, l'Olympia, le Palais des sports, le Palais des congrès et le Palais omnisports de Bercy. Compte tenu de la jauge de Pleyel (près de 2 000 places), la concurrence la plus directe s'exercerait en direction de l'Olympia ».

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE « REMISE À PLAT » ET D'UN PILOTAGE GLOBAL DE L'OFFRE SYMPHONIQUE À PARIS

Comme l'anticipait le rapport Belaval-Auberger dès 2003, « une nouvelle salle va immanquablement redistribuer les cartes : il faut profiter de cette opportunité pour tout remettre à plat, dans le plus grand intérêt des musiciens et des professionnels, des publics, et sans doute aussi du contribuable national ou local. »

1. La conquête de nouveaux publics par le renouvellement de l'offre

Comme votre rapporteur spécial l'a souligné ci-avant, l'un des enjeux associés à l'ouverture de la Philharmonie de Paris est la démocratisation culturelle , c'est-à-dire l'élargissement du concert symphonique et, plus généralement, de la musique classique, à un public moins averti et plus jeune que celui que l'on peut trouver aujourd'hui à Pleyel. De plus, la Philharmonie a vocation à accueillir un public non exclusivement parisien, mais également francilien , voire au-delà. Or, malgré la volonté et la détermination affichée en la matière, tant par le ministère de la culture et de la communication et la Ville de Paris, que par le président de la Philharmonie, ce défi ne sera probablement pas facile à réaliser .

Sur ce point, on peut confronter deux points de vue . Le premier, optimiste, estime que le développement de l'offre fera le public, comme l'Opéra Bastille a su le faire, avec, aujourd'hui, plus de 450 000 spectateurs par an. C'est le cas par exemple du rapport Larquié : « les manifestations de qualité, dans le domaine lyrique, tout comme les concerts des formations prestigieuses, les récitals de grands solistes, bénéficient de taux de fréquentation très importants. Toutes les indications dont on dispose démontrent que la demande de musique reste forte, diverse mais exigeante. Dès lors, il y a bien un problème d'offre qui, dès qu'elle sait s'adapter, se trouve largement plébiscitée ».

De plus, selon ce point de vue, l'érosion du public, au-delà du phénomène de vieillissement, ne tiendrait pas tant à l'absence d'intérêt des jeunes générations pour le concert symphonique qu'à l'incapacité des pouvoirs publics à mener des politiques cohérentes et attractives . Là encore, le rapport Larquié est éclairant : « l'explication de ce phénomène de "crise" relative paraît résider beaucoup plus dans les politiques menées à l'égard des publics, et dans le relatif conservatisme qui semble caractériser sur ce point la plupart des grandes institutions françaises : "on ouvre les portes et on attend que les spectateurs arrivent". L'offre est dispersée, les politiques commerciales sont illisibles, les efforts pour trouver les publics sont rares, la qualité de l'information et de l'accueil reste médiocre : par-delà les discours et les déclarations d'intention, seul un public d'initiés est visé ; comment les autres, en effet, pourraient-ils se sentir simplement concernés ? (...) La programmation des grandes salles britanniques paraît, à cet égard, largement instructive : environ un tiers de l'activité consacrée aux différentes "musiques légères" y traduit bien en effet une volonté d'ouverture sur des publics variés, et la programmation des orchestres permanents frappe par la diversité des oeuvres programmées ».

Le rapport Belaval Auberger résume cette vision optimiste en une belle synthèse : « Le dynamisme d'exploitation d'une salle de concert n'est pas fondé sur la demande, mais sur l'offre, comme le démontrent tant d'exemples français et étrangers. Il n'y a jamais saturation définitive du public : l'offre est extensible, sous réserve, évidemment, de prix raisonnables, lorsqu'un projet culturel clair et novateur est proposé aux publics. Il faut innover, savoir prendre des risques, mélanger les propositions culturelles, créer des événements. »

A l'inverse, un second point de vue, plus pessimiste, considère qu'une offre plus importante, dynamique et diversifiée ne suffit pas pour créer un public .

A cet égard, une étude de la fondation Terra Nova 78 ( * ) , qui met en avant des facteurs plus sociologiques, n'est pas dénuée d'intérêt : « rien ne garantit que la création de la Philharmonie de Paris permette la conquête de nouveaux publics . Les porteurs du projet considèrent que la Philharmonie pourra drainer le public actuel de la Cité de la musique (100 000 à 120 000 spectateurs par an en moyenne), une partie de celui de la Salle Pleyel et attirera de nouveaux publics des arrondissements de l'est parisien et des communes voisines, compte tenu de l'évolution sociologique de ces quartiers, de l'amélioration des transports et des effets de la politique d'éducation artistique. Cependant, s'il est effectivement possible de penser que le public de la Cité de la musique constituera le coeur du public de la Philharmonie de Paris, il faut craindre que la conquête de nouveaux publics ne soit pas si facile . En effet, comme le montre notamment Olivier Donnat dans « Les pratiques culturelles des Français à l'ère numérique », l'écoute de la musique classique et la fréquentation des concerts de musique classique ne cessent de reculer en France et notamment chez les jeunes générations et au sein des catégories populaires ».

Quel que soit le résultat final, il n'en reste pas moins que la volonté de renouveler le public a conduit les promoteurs de la Philharmonie à élaborer un volet pédagogique important , dont le coût ne sera pas négligeable ( cf . infra ).

2. Un besoin de coordination accrue

L'avènement de la Philharmonie de Paris dans la vie musicale parisienne n'est pas sans interpeller les autres salles et acteurs de cet univers culturel. Une prise de conscience semble avoir émergé parmi eux sur la nécessité d'une coordination des salles , des formations, voire des programmations, pour éviter les doublons , tenter de fidéliser un public , mais aussi pour limiter un éventuel phénomène d'inflation des cachets . Toutefois, les modalités, le niveau et la formalisation d'une telle coordination ne font pas forcément consensus et, dans la pratique, peu d'initiatives existent aujourd'hui à Paris.

Rares sont les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur spécial qui considèrent que la coordination se fait naturellement, dans la pratique, notamment pour des questions de concurrence. Au contraire, la plupart d'entre eux estiment que « l'événement » Philharmonie de Paris impose désormais une pensée coordonnée de l'offre musicale pour les décennies à venir .

Le rapprochement de l'orchestre de Paris, de la Cité de la musique et de la Philharmonie, sur lequel travaillent actuellement les tutelles, va dans ce sens. Le choix d'un directeur commun à la Cité de la musique et à la Philharmonie de Paris , à l'image de ce qui existe aujourd'hui entre Pleyel et la Cité de la musique, favoriserait sans doute une cohérence de programmation entre ces deux lieux.

Actuellement, cette coordination est embryonnaire et se fait de façon informelle . Par exemple, le directeur général du théâtre du Châtelet, rencontré par votre rapporteur spécial, a indiqué que les directions de la communication et du marketing des principales salles se concertent, la plupart du temps, pour éviter de programmer des premières le même soir.

En ce qui concerne les rares initiatives existantes, votre rapporteur spécial citera le cas de Radio France, dont le contrat d'objectifs et de moyens 2010-2014 prévoit que l'entreprise renforcera la coordination avec les différentes salles de concert parisiennes , afin de proposer une offre musicale complémentaire. Cela révèle que le ministère de la culture est sensible à cette problématique.

Toutefois, concrètement, la coordination n'est pas sans poser plusieurs difficultés :

- toute coordination est tributaire de la volonté de chacune des salles et des formations, jalouses de leurs spécificités, de se coordonner ;

- la coordination des concerts entre les différents établissements peut présenter des limites, car elle implique de dévoiler précocement sa programmation, ce que les salles ne souhaitent pas nécessairement faire trop tôt ;

- pour certains, coordonner davantage les programmes serait utile mais semble utopique compte tenu, notamment, de l'impossibilité de négocier le contenu des programmations des orchestres en tournée . Une telle coordination est plus facile pour l'opéra, qui programme à plus long terme.

A titre de comparaison, chez nos voisins européens, l'intensité des formes que peut revêtir la coordination est très variable , entre une absence revendiquée de dispositif en Allemagne où, dans la majorité des cas, les doublons sont assumés et ne semblent pas poser de problème en raison notamment de la forte identité de chacun des orchestres, et le système très formalisé du London Orchestra's clash diary , qui permet d'établir une typologie des risques de doublons et prévoit une procédure formelle de concertation.

Selon les représentants de la Ville de Paris, il semble qu'une voie moyenne de concertation simple puisse être envisagée. Toutefois, ils n'ont pas précisé quelle forme pourrait revêtir cette coordination médiane.

II. QUELLE GOUVERNANCE ET QUEL ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE POUR LA PHILHARMONIE ?

A. GOUVERNANCE ET DOMANIALITÉ

1. Une gouvernance qui doit respecter plusieurs contraintes

La question de la future gouvernance de la Philharmonie de Paris est également centrale mais fort complexe, dans la mesure où elle doit permettre de respecter le partenariat entre la Ville de Paris et l'Etat, tout en rendant possible des synergies avec la Cité de la musique.

A cet égard, auditionnés par votre rapporteur spécial, les représentants de la Ville de Paris ont expliqué pourquoi le grand auditorium ne pouvait s'envisager comme une simple extension de l'actuelle Cité de la Musique. Selon eux, la Philharmonie de Paris est un projet élaboré, décidé et co-financé entre la Ville et l'Etat. Il n'était donc pas possible de la concevoir comme une simple extension de la Cité, qui est un établissement public national, auquel la Ville n'est pas partie prenante , et qui n'a pas pour première mission la diffusion de la musique mais pour vocation originelle d'être un centre de ressources national dans le domaine de la musique.

De plus, ils ont font valoir que le projet d'une salle constituant une simple extension n'aurait pas pu être porté par la Ville de Paris, attachée au développement d'un projet autonome et emblématique de sa politique de diffusion de la musique s'appuyant sur un équipement comportant des studios, des salles de répétition, une grande salle modulable.

Autrement dit, la participation politique et financière de la Ville de Paris, à parité de celle de l'Etat, n'aurait pas été envisageable dans le cadre d'un programme caractérisé uniquement par l'achèvement d'un bâtiment de l'Etat remis en dotation à un établissement public national . Enfin, il leur paraît stratégiquement et symboliquement important que la Philharmonie de Paris, « projet architectural, scientifique, culturel innovant, ne soit pas considérée comme une simple extension d'un opérateur de l'Etat, mais comme une structure sui generis ».

Pour autant, ils reconnaissent que la Philharmonie, sans être une extension de la Cité de la musique, devra lui être complémentaire.

2. Le « casse-tête » de la forme juridique de la Philharmonie de Paris et les relations avec la Cité de la musique

La question de la gouvernance est indissociablement liée à celle du futur statut juridique de la Philharmonie. Là encore, du fait de la complexité du dossier, plusieurs hypothèses ont été évoquées avant d'être écartées :

1 - le maintien de l'association « Philharmonie de Paris » : dans cette hypothèse, les statuts de l'association auraient été modifiés pour permettre à la Cité de la musique d'en prendre sa direction, de façon à assurer la cohérence recherchée en matière de programmation. Mais cette construction présentait un obstacle, le droit de la commande publique rendant impossible la réalisation de l'objectif de mutualisation des besoins : toute convention conclue entre l'Association et la Cité de la musique ne pourrait être que requalifiée en marché public et nécessairement être préalablement soumise à la concurrence ;

2 - la création d'un établissement public de coopération culturelle (EPCC) « Philharmonie de Paris » en lieu et place de l'association - hypothèse explicitement visée dans les statuts de l'association -, avec un conseil d'administration constitué à parité de représentants de la Ville et de l'Etat et un directeur général qui cumulerait cette fonction avec celle de directeur de l'établissement de la Cité de la musique : pour mémoire, les EPCC ont pour but de permettre à plusieurs collectivités publiques une mise en commun de leurs moyens et une gestion commune de l'entité culturelle. Toutefois, cette solution présentait plusieurs inconvénients, dont deux particulièrement dirimants pour l'Etat. D'une part, l'initiative de la création d'un EPCC ne peut relever de l'Etat : elle est réservée aux seules collectivités territoriales. D'autre part, au sein d'un EPCC, l'Etat ne maîtrise pas la procédure de nomination du directeur ni celle du président ;

3 - la mise en place d'un groupement d'intérêt public (GIP) « Culture » associant l'Etat et la Ville de Paris : les dispositions légales et réglementaires relatives aux GIP restant générales et relativement peu contraignantes ne faisaient pas obstacle à la mise en place d'une direction du GIP confiée à la Cité de la musique permettant de répondre à l'objectif de cohérence artistique. Cependant plusieurs raisons ont motivé l'abandon de cette hypothèse :

- une durée d'existence courte du GIP : la période d'existence d'un GIP doit être déterminée et, même si la loi ne fixe aucune durée maximale, la pratique enseigne que la vie des GIP est courte (5 à 10 ans) ;

- l'impossibilité pour un GIP de disposer d'un personnel propre autrement qu'à titre subsidiaire : il en résulte que le personnel d'un GIP est nécessairement constitué de personnes qui lui sont affectées par les collectivités membres, dispositif inadapté à une gestion pérenne de la Philharmonie de Paris ;

- une réelle incertitude juridique sur le régime de propriété du bâtiment et sur la possibilité, pour ce GIP, d'être déclaré cessionnaire ou affectataire de l'emprise domaniale de la Philharmonie de Paris ;

4 - la création d'une société par actions simplifiées (SAS) : dans une telle hypothèse, la SAS se substituerait à l'association qui, après transfert de la totalité de son patrimoine, serait dissoute. Cette nouvelle société coexisterait avec la Cité de la musique. Le statut juridique de la SAS offre des particularités répondant aux objectifs recherchés. En effet, la dissociation possible entre la détention du capital et la gouvernance de la société, la grande liberté d'organisation de ses organes de direction et les dispositifs de contrôle du capital permettent :

- la mise en place d'un conseil de surveillance réunissant les représentants de l'Etat et de la Ville de Paris, auxquels sont conférés de larges pouvoirs de consultation préalables et obligatoires ;

- un partenariat privilégié avec la Cité de la musique, détentrice du capital social de la SAS à parité avec la Ville de Paris, propre à assurer la cohérence artistique des deux établissements, autorisant la conclusion de conventions « in house » entre eux et rendant possible une direction générale commune.

En revanche, le recours à une SAS soulèverait également des difficultés, notamment en matière patrimoniale , du fait de la nécessité d'obtenir de l'Etat une autorisation d'occupation temporaire constitutive de droits réels.

Le schéma institutionnel de la Philharmonie de Paris a donc fait l'objet d'une série d'études juridiques afin d'envisager tous les modes de gestion et, pour chacun d'entre eux, d'en examiner la pertinence au regard des principaux objectifs de gouvernance du projet, à savoir un partenariat paritaire entre l'Etat et la Ville de Paris, la recherche d'une cohérence artistique, la réalisation d'économies d'échelle avec la Cité de la musique et la prise en compte de la participation de la région .

Par lettre du maire de Paris au Ministre de la culture et de la communication en date du 22 mars 2012, il a finalement été retenu l'hypothèse consistant à créer un établissement public sui generis dépendant à la fois de l'Etat et de la Ville de Paris, et lié par un accord de coopération avec la Cité. Le ministère de la culture et de la communication a fait part de son approbation sur cette proposition . La création de cet établissement public « sur mesure » passera nécessairement par la loi. En effet, l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant la création des catégories d'établissements publics. Le législateur devra notamment préciser la notion de double rattachement (à l'Etat et à la Ville de Paris) et définir toutes les règles constitutives de cette nouvelle catégorie d'établissement public.

C'est la Ville de Paris qui a, après une analyse et une concertation entre toutes les directions concernées, écarté l'option d'une société par actions simplifiées (SAS) , qui, selon elle, aurait pu conduire la Philharmonie de Paris à devenir une filiale de la Cité de la musique, au même titre que la Salle Pleyel l'est actuellement. Cette hypothèse permettait certes une souplesse de gestion et facilitait la mutualisation entre la Cité de la musique et le futur grand auditorium ; mais elle rendait trop fragile le nécessaire équilibre dans la tutelle entre Ville de Paris et Etat . Elle fermait aussi la porte à la réflexion en cours sur les modalités plus ou moins importantes d'intégration de l'Orchestre de Paris à la nouvelle structure ( cf . infra ). Enfin, du point de vue comptable, comme l'a noté la Cour des comptes, si la société par actions simplifiée est plus souple et plus adaptée à une gestion commerciale, en cas de déficit, elle bénéficierait d'une subvention indirecte de l'Etat en déduisant ses pertes du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés.

A l'inverse, l'Etat était très favorable à la création d'une filiale de la Cité de la Musique, pour des questions de simplicité notamment .

Ces questions sont essentielles car du statut juridique de la Philharmonie dépendra la nature de la propriété de l'établissement . La création d'un établissement public sui generis permettrait a priori de régler ce problème : l'établissement public serait propriétaire du bâtiment pendant toute la durée de son exploitation.

En tout état de cause, la rédaction des textes relatifs à la forme juridique et à la propriété de la Philharmonie s'annonce comme un chantier juridique d'ampleur .

B. UN ÉQUILIBRE FINANCIER À CONFORTER

Enfin, reste un enjeu budgétaire essentiel : l'équilibre financier ou la soutenabilité de la salle en « régime de croisière. »

1. Des prévisions budgétaires initialement « fragiles et optimistes »

La mission IGF-IGAC qui a rendu ses travaux en décembre 2009 s'était également intéressée à l' équilibre budgétaire prévisionnel de la Philharmonie de Paris, pour parvenir à la conclusion que les hypothèses sur lesquelles il reposait étaient à la fois « fragiles et optimistes » .

a) Un budget déficitaire à hauteur de 51 %, un besoin de financement public de 17,4 millions d'euros

Sur la base des éléments qui lui avaient alors été transmis, la mission IGF-IGAC avait estimé le déficit prévisionnel de la Philharmonie de Paris à 51 % et le besoin de financement public à 17,4 millions d'euros par an , selon la clé de répartition suivante, fournie par l'association : 7,8 millions d'euros à la charge de l'Etat (45 %), 7,8 millions d'euros à la charge de la Ville de Paris (45 %) et 1,7 millions d'euros à la charge de la région Île-de-France (10 %). Ces montants reposaient sur les principales hypothèses suivantes :

1) en dépenses , 16,6 millions d'euros de charges de production culturelle, 6,3 millions d'euros de charges de personnel, 9,8 millions d'euros de charges de fonctionnement, 0,6 million d'euros d'impôts et taxes et 0,9 millions d'euros de dotations aux amortissements et provisions (hors gros entretien et renouvellement) ;

2) en recettes , 16,7 millions d'euros de ressources propres (dont 10,1 millions d'euros de recettes de concerts) et 17,4 millions d'euros de subventions publiques ( cf . tableau).

Le niveau de déficit et de subventionnement requis de la part des collectivités publiques apparaissait donc non négligeable 79 ( * ) et, selon la mission IGF-IGAC, potentiellement plus important que les hypothèses « fragiles et optimistes » retenues par la Philharmonie de Paris ne le laissaient entrevoir.

Budget prévisionnel de fonctionnement nominal
de la Philharmonie de Paris

(en millions d'euros, chiffrages de décembre 2009 pour l'année 2013)

Source : rapport de la mission IGF-IGAC de décembre 2009, d'après les chiffrages fournis par la Philharmonie de Paris

b) Des recettes propres surévaluées

Trois séries de réserves ont été émises par la mission IGF-IGAC sur la fiabilité et le réalisme des premières prévisions élaborées par l'association de préfiguration.

En premier lieu, la forte volatilité des hypothèses retenues, notamment en matière de ventilation de la programmation par genre musical, de facturation des activités pédagogiques, des effectifs à mobiliser, laissait entendre que les prévisions avaient été insuffisamment « mûries » .

Ensuite, les prévisions de recettes propres étaient artificiellement majorées par des hypothèses de fréquentation et de politique tarifaire exagérément favorables 80 ( * ) :

1) l'association pensait pourvoir tirer 2,3 millions d'euros de loyer acquitté par trois orchestres résidents , alors que seule la résidence de l'Orchestre de Paris semble actée, formation dont la situation financière est jugée « particulièrement tendue » . Au demeurant, l'acquittement d'un loyer par l'Orchestre de Paris ne diffère guère, du point de vue du contribuable, d'un subventionnement direct de la Philharmonie, puisque cette phalange est subventionnée à 60 % par l'Etat et à 40 % par la Ville de Paris...

A cet égard, votre rapporteur spécial note qu'au 10 octobre 2012, les modalités de résidence de l'Orchestre de Paris ne sont toujours pas définies, ni le montant du loyer de l'Orchestre arrêté . Selon le ministère de la culture et de la communication, ces modalités dépendent encore de la forme juridique définitive de la Philharmonie.

« En toute hypothèse », indique le ministère de la culture dans ses dernières réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, « il est établi que l'Orchestre de Paris bénéficiera au sein de la Philharmonie d'un statut plus favorable et mieux reconnu que celui de simple locataire qu'il connaît aujourd'hui Salle Pleyel. Ses conditions d'accueil lui donneront notamment la possibilité d'être associé à la définition et à la conduite de la politique artistique et culturelle du futur auditorium et de préserver ses équilibres financiers dans la gestion de l'équipement. » ;

2) les versions successives 81 ( * ) des prévisions de recettes de billetterie (10,1 millions d'euros en décembre 2009) reposaient, soit sur des taux de remplissage volontaristes , soit sur des hypothèses de tarifs moyens relativement élevés , ce que la mission jugeait potentiellement contradictoire avec la volonté d'ouverture à de nouveaux publics. Au surplus, plusieurs déterminants importants du profil des recettes demeuraient insuffisamment explicités , tels que la part des abonnements, les différentes catégories tarifaires appliquées, les offres en direction des entreprises ou encore la politique de gratuité éventuellement mise en oeuvre ;

3) les prévisions de recettes tirées de la location de la salle et des espaces annexes en « mode garage » (2,9 millions d'euros) n'apparaissaient pas totalement hors de portée, mais devront tenir compte de la localisation modérément « prestigieuse » de la Philharmonie de Paris, ainsi que de l'intense concurrence que se livrent les salles parisiennes sur ce créneau ;

4) les recettes générées par les activités pédagogiques (0,8 million d'euros sur la base de 5 760 séances par an et d'un taux remplissage de 80 %) étaient « fragilisées par un positionnement tarifaire sélectif » , soit un tarif relativement élevé de 8 euros par participant 82 ( * ) ;

5) enfin, les expositions devaient procurer annuellement 0,7 million d'euros de ressources propres, sur la base de deux événements accueillant chacun 36 450 visiteurs et d'un prix moyen du billet de 10 euros. Ces montants apparaissaient assez peu réalistes à la mission IGF-IGAC, la fréquentation estimée étant de 41 % supérieure à celle constatée dans les expositions de la Cité de la musique au cours des trois années précédentes, et le prix du billet ne tenant vraisemblablement pas compte des mesures de réduction tarifaire habituellement pratiquées en faveur de certains publics 83 ( * ) . Au reste, la mission relevait que les expositions de la Philharmonie risquaient de « cannibaliser » le public des expositions de la Cité de la musique et de dégrader l'équilibre budgétaire de cette dernière.

A des recettes propres généreusement calibrées, répondaient des prévisions de dépenses de production culturelle et de fonctionnement perfectibles. La mission IGF-IGAC relevait notamment :

1) que « les différentes estimations du coût de production des concerts ne convergeaient pas systématiquement en raison d'un inégal degré de réalisme » 84 ( * ) ;

2) que les hypothèses d'exploitation des activités pédagogiques étaient « fragiles » ;

3) que les possibilités de mutualisation des dépenses d'exposition entre la Philharmonie et la Cité de la musique restaient à fiabiliser ;

4) enfin que « l'évaluation du niveau des dépenses transversales nécessaires en fonctionnement nominal était affectée par une série d'incertitudes » , concernant notamment les dépenses de personnel et les dépenses de communication et d'échanges médias.

c) Un taux d'autofinancement de 6 à 10 points inférieur ?

Sur le fondement de ces observations, la mission estimait le taux d'autofinancement de la Philharmonie de Paris de 6 à 10 points inférieur aux prévisions établies par l'association de préfiguration ( cf . tableau). Les différents amendements apportés consistaient :

1) à supprimer une subvention de la région à hauteur de 1,7 million d'euros ; l'association de préfiguration intégrait en effet cette subvention, alors que les représentants du conseil régional avaient indiqué n'avoir jamais évoqué cette hypothèse et l'exclure absolument. Ce point a été confirmé à votre rapporteur spécial par le cabinet de la Ministre de la culture et de la communication ;

2) à corriger le biais optimiste des hypothèses de recettes établies par l'association .

Contre-expertise de la répartition estimée des
recettes propres et des subventions de fonctionnement

(en millions d'euros)

Recettes et subventions

Synthèse des budgets de fonctionnement de la Philharmonie

Modération des hypothèses sous-jacentes les plus optimistes

Variante avec un taux de remplissage des concerts produits (1) de :

80 % (1 980 spectateurs payant en moyenne)

Ecart

70 % (1 620 spectateurs payants en moyenne)

Ecart

Recettes propres

Recettes et loyers d'orchestre résidents

2,3

1,6

-30 %

1,6

-30 %

Recettes concerts (orchestres invités : production et co-production)

10,1

9,2

- 9 %

8,0

Recettes location « garage » concerts

2,9

1,1

-8 %

1,1

-8 %

Recettes autres locations, concession et mécénat

1,6

1,6

Recettes pédagogie

0,8

0,6

-25 %

0,6

-25 %

Recettes expositions

0,7

0,5

-25 %

0,5

-25 %

Sous-total recettes propres

16,7

14,6

-13 %

13,4

-20 %

Subventions

Etat

7,8

9,8

+ 25 %

10,3

+ 32 %

Ville de Paris

7,8

9,8

+ 25 %

10,3

+ 32 %

Région Île de France

1,7

0,0

- 100 %

0,0

- 100 %

Sous-total subventions de fonctionnement

17,4

19,5

+ 13 %

20,7

+ 19 %

Total recettes et subventions

34,1

34,1

-

34,1

-

Part d'autofinancement par recettes propres

49 %

43 %

-6 points

39 %

-10 points

Source : rapport de décembre 2009 de la mission IGF-IGAC

2. Des prévisions actualisées à finaliser au plus vite

Dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes sur les grands chantiers culturels, insérées au rapport public annuel de février 2012, le Ministre de la culture avait indiqué que « les budgets de fonctionnement des nouveaux équipements, comme le MuCEM et la Philharmonie de Paris, ser(aient) finalisés au cours du premier semestre 2012 dans le cadre de la préparation du budget triennal du ministère pour les années 2013 à 2015. (...) ». Compte tenu des lacunes pointées par la mission IGF-IGAC fin 2009, votre rapporteur spécial s'est donc enquis, tant auprès de la Philharmonie de Paris que de ses ministères de tutelle, des correctifs qui avaient été apportés pour améliorer la fiabilité et le réalisme des hypothèses fondant l'équilibre budgétaire prévisionnel du futur équipement .

Selon le ministère de la culture et de la communication, une contre-expertise du modèle économique a été menée en mars 2012 « par une élève administrateur à la Ville de Paris » , en collaboration étroite avec les services de la Philharmonie, et en lien avec les services du ministère. Les conclusions de cette étude seraient en cours de finalisation au sein des services de la Ville de Paris.

Interrogés sur ce point par votre rapporteur spécial, les représentants de la Ville de Paris ont confirmé ces travaux et indiqué : « la Ville considère que la cible établie [initialement] par la Philharmonie de Paris pour ce qui concerne les ressources propres est peut-être accessible, elle est malgré tout très ambitieuse ; la question demeure notamment de la montée en puissance qui, à ce stade de l'analyse, est probablement un peu trop optimiste et rapide », ajoutant que « la Ville sera à ce titre particulièrement vigilante et veillera à renforcer la soutenabilité du modèle présenté par la Philharmonie de Paris. Si à l'issue de cette analyse partagée, il s'avère que les recettes sont trop optimistes ou les perspectives des dépenses insuffisamment soutenables, le périmètre des activités devra être revu. » 85 ( * )

Quant aux représentants de l'association de préfiguration, ils ont fait valoir, avec un certain optimisme, leur capacité à « combler » l'écart entre leurs premières évaluations et la contre-expertise de la mission d'inspection par des économies issues de mutualisations entre la Philharmonie et la Cité de la musique .

Le ministère de la culture et de la communication apparaît beaucoup plus prudent sur ce point : « Il est encore trop tôt pour pouvoir chiffrer de façon précise les économies générées par les mutualisations entre la Philharmonie de Paris et la Cité de la Musique. Ces mutualisations et leur périmètre dépendront des statuts de la Philharmonie de Paris qui sont en cours de rédaction et de discussion avec la Ville de Paris » 86 ( * ) .

Il est également à noter que le budget prévisionnel initialement établi par la Philharmonie reposait déjà sur des possibilités de mutualisation des dépenses, notamment d'exposition, qui restaient à fiabiliser selon la mission d'inspection IGF-IGAC.

En tout état de cause, votre rapporteur spécial appelle, au plus vite, à l'élaboration de prévisions fiables et actualisées du futur budget de fonctionnement du nouvel auditorium. Il insiste, en particulier, sur la nécessité d'affiner les prévisions de fréquentation de la future salle .

Selon ses interlocuteurs, une analyse du public actuel de l'Orchestre de Paris à la Salle Pleyel, visant à évaluer plus finement les hypothèses de fréquentation prospective de la Philharmonie, serait en cours. Votre rapporteur spécial accueille favorablement cette étude, mais regrette sa commande aussi tardive .

Les éléments fournis par le ministère de la culture et de la communication pour justifier cette situation ( cf. encadré) ne l'ont que partiellement convaincu.

Etude des publics et de fréquentation de la Philharmonie de Paris

« La décision politique de lancement du projet a été prise en 2006, soit 8 ans avant la date d'ouverture de l'équipement : ce délai aurait rendu caduque toute étude des publics réalisée antérieurement .

« Par ailleurs, l'Orchestre de Paris était entre 2002 et 2006 au théâtre Mogador, où il avait perdu l'essentiel de son public, et connaissait une très faible fréquentation, ne permettant pas d'en faire un modèle à partir duquel projeter la fréquentation prévisionnelle de la future Philharmonie.

« La décision politique s'est néanmoins nourrie de quatre rapports échelonnés entre 1999 et 2007, analysant l'offre musicale à Paris, et aboutissant par des voies différentes aux conclusions suivantes:

« 1) L'offre musicale à Paris n'est pas pléthorique, notamment au regard des comparaisons internationales. Elle est dispersée sur un nombre très important de lieux, souvent inadaptés à une progression de la qualité artistique.

« 2) La demande de concerts symphoniques est potentiellement forte mais elle est très exigeante en qualité et peine à s'exprimer , car le panorama de l'offre ne répond pas à son attente (conformisme des responsables de salles, absence d'un lieu de référence notamment.)

« 3) Le niveau actuel de la demande ne peut pas servir de référence fixe , et il n'y a jamais de saturation définitive : à l'image d'un « effet Beaubourg » observé dans le secteur muséal, la demande est toujours extensible lorsqu'un projet culturel clair et novateur est proposé aux publics.

« 4) Le développement du public des concerts réside donc dans un positionnement solide des orchestres sur des sites dédiés et identifiés, et passe par la proposition d'une offre nouvelle, alliant qualité artistique et travail de sensibilisation. Cette politique doit donc s'appuyer sur l'existence d'un auditorium de référence, inscrit dans la modernité, permettant aux orchestres parisiens de retrouver un ancrage fort et un rayonnement nouveau.

« Enfin, il convient de souligner que le projet de la Philharmonie consiste à proposer une forme renouvelée du concert classique à un public plus néophyte, dans un territoire qui n'est pas celui des mélomanes habituels, et qu'au-delà du public de la Salle Pleyel qui suivra certainement l'Orchestre de Paris à la Philharmonie, l'enjeu réside bien davantage dans le fait d'attirer, de susciter et d'initier un public essentiellement nouveau. »

Source : réponse du ministère de la culture et de la communication au questionnaire de votre rapporteur spécial

3. Les coûts afférents à la Philharmonie de Paris pourraient produire un effet d'éviction dans un contexte budgétaire contraint

Votre rapporteur spécial attire enfin l'attention sur les craintes de certains de ses interlocuteurs pour lesquels la multiplication des grands chantiers fait peser une hypothèque budgétaire sur le financement des politiques culturelles . Selon eux, ces investissements, et les demandes de personnel et de fonctionnement qu'ils induiront à long terme, risquent de produire un effet d'éviction sur les autres moyens du ministère de la culture .

C'était également le constat que la Cour des comptes dressait dans son rapport annuel de 2012 précité : « Outre leur poids dans les crédits d'investissement actuels et futurs du ministère, les grands projets sont aussi consommateurs de crédits de fonctionnement, ce qui pèsera sur la structure budgétaire du ministère de plus en plus après 2013

Si les représentants du cabinet de la Ministre de la culture et de la communication tendent à relativiser ce phénomène, les représentants de la direction du budget rencontrés par votre rapporteur spécial indiquent, eux, assez clairement que, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles « il est évident que les crédits dédiés aux grands projets ne le sont pas aux autres dépenses . Au surplus, les investissements génèrent des dépenses de fonctionnement et de masse salariale rigides à long terme ».

Cette question est importante car il ne faudrait pas que le projet de Philharmonie soit au final perçu comme une salle de prestige à destination d'un public aisé, financée au détriment du soutien à l'éducation artistique ou aux secteurs fragiles, comme le spectacle vivant, les musiques actuelles ou les arts de la rue. Cette image serait en totale contradiction avec le projet de démocratisation de l'accès au concert symphonique qui sous-tend le chantier de la Philharmonie .

ANNEXE : AUDITIONS ET DEPLACEMENTS DU RAPPORTEUR

Association de préfiguration de la Philharmonie de Paris

• 4 avril 2012. - Premier déplacement sur le site de la Philharmonie de Paris et audition de Laurent Bayle, président, et Patrice Januel, directeur général.

• 11 septembre 2012. - Second déplacement sur le site de la Philharmonie de Paris, et nouvelle audition de Laurent Bayle et Patrice Januel.

Ministère de la culture et de la communication

• 17 avril 2012 . - Entretien avec Frédéric Mitterrand, Ministre de la culture et de la communication, Pierre Lungheretti, directeur adjoint de cabinet et Annabelle Archien, conseillère pour les affaires budgétaires et fiscales.

• 25 avril 2012 . - Audition de Georges-François Hirsch, directeur général de la création artistique, Christopher Miles, secrétaire général adjoint, Anne Poursin, déléguée à la musique, Dominique Ponsard, adjoint à la déléguée à la musique, David Bruckert, chef du bureau des opérateur et Johan Le Brozec, responsable de la cellule maîtrise d'ouvrage.

• 11 septembre 2012 . - Audition d'Hélène Orain, conseillère budgétaire, Laurent Dreano, conseiller « spectacle », et Nicolas Feau, conseiller parlementaire au cabinet d'Aurélie Filippetti, Ministre de la culture et de la communication.

Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

• 18 avril 2012. - Audition d'Alexandre Grosse, sous-directeur de la 8 ème sous-direction à la direction du budget et Anne-Hélène Bouillon, cheffe du bureau de la culture, de la jeunesse et des sports.

Ville de Paris

• 27 juin 2012. - Audition de François Brouat, directeur des affaires culturelles, et de Noël Corbin, sous-directeur de la création artistique, à la direction des affaires culturelles de la Ville de Paris.

Région Île-de-France

• 21 juin 2012. - Audition d'Etienne Achille, directeur général adjoint des services au Conseil régional d'Île-de-France.

Cour des comptes

• 2 février 2012. - Audition de Patrick Lefas, président de la troisième chambre et Louis Gautier, conseiller maître.

Corps d'inspection

• 26 avril 2012 . - Audition de Renaud Guidée, inspecteur des finances en disponibilité, Mickaël Ohier, inspecteur des finances et Jérôme Bouët, administrateur civil, membre de l'inspection générale des affaires culturelles.

Personnalités qualifiées

• 23 avril 2012 . - Audition de Jean-Philippe Hugron, directeur de publication de la revue Le Courrier de l'architecte .

• 23 avril 2012. - Audition de Jean-Luc Choplin, directeur général du Théâtre du Châtelet.

• 26 avril 2012. - Audition de Michel Franck, directeur général du Théâtre des Champs-Elysées.

• 26 avril 2012. - Audition de Pierre Joxe, président de l'Orchestre de Paris et Bruno Hamard, directeur général.

• 21 juin 2012 . - Audition de Jean-Claude Dumont, chargé de mission au ministère de la culture et de la communication pour le suivi du projet de Philharmonie de Paris.

• Réponses écrites des représentants de Radio France au questionnaire de votre rapporteur spécial .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 octobre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, sur la Philharmonie de Paris .

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial . - Le 10 septembre dernier, dans un entretien au journal « Le Monde », la ministre de la culture et de la communication a annoncé l'arrêt, la suspension ou le report de plusieurs projets culturels, pour un peu plus d'un milliard d'euros.

Le projet de Philharmonie de Paris, sujet de ma mission de contrôle, a lui été épargné : le ministère a jugé le chantier trop avancé pour l'interrompre, tout en précisant que le nouveau Gouvernement partageait la finalité du projet, à savoir la construction d'une salle de concert symphonique au niveau des standards internationaux, tant en termes de jauge que d'acoustique.

Premièrement, je me suis interrogé sur les raisons qui justifiaient la Philharmonie de Paris.

Paris présente une offre symphonique riche et diversifiée : la capitale dispose de onze équipements et de nombreux orchestres (l'Orchestre de Paris, l'Orchestre national de France, l'Orchestre philharmonique de Radio France,...).

Cependant, pour certains, Paris n'est pas en mesure de rivaliser avec Londres ou Berlin. Le rang « honnête », mais perfectible, tenu par la capitale française, tiendrait en particulier à l'absence de grand auditorium dédié au répertoire symphonique.

Cette « carence », qui fait l'objet d'un relatif consensus aujourd'hui, a été identifiée de longue date : Berlioz déplorait déjà l'absence de salle de concert digne de ce nom... Après plusieurs tentatives avortées (dans les années 1970, en 1984, en 1986-1988), il aura fallu attendre le milieu des années 2000, et le gouvernement de Villepin, pour qu'un arbitrage ferme intervienne sur la construction d'un grand auditorium.

Selon les défenseurs du projet de Philharmonie, cette « exception française » serait en effet préjudiciable tant au public (qui serait privé de conditions optimales d'écoute et d'actions de démocratisation culturelle) qu'aux artistes (qui verraient leur développement entravé, faute de conditions de travail satisfaisantes).

Je nuancerais toutefois ce jugement : le niveau des orchestres français, à supposer qu'il soit « moyen », dépend de paramètres multiples, qui ne se réduisent pas à l'existence ou non d'une grande salle de concert.

Ces constats ont, en tous les cas, conduit à décider l'édification d'un grand auditorium symphonique au sein du Parc de la Villette. Le choix de cette implantation :

- répondait à des considérations de coût (une emprise appartenant à l'Etat était disponible entre le bâtiment de la Cité de la musique et le boulevard Sérurier) ;

- reposait sur la possibilité de dégager des synergies avec les équipements existants, au premier rang desquels la Cité de la musique ;

- obéissait, enfin, à des justifications relevant de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire : la Philharmonie serait un moyen d'achever le parc de la Villette, de redynamiser le 19 ème arrondissement de Paris, ou encore de « tirer un trait d'union » entre Paris et sa banlieue, dans le cadre d'une démarche structurante pour le Grand Paris.

Cependant, la Villette présente un certain nombre de faiblesses liées à sa desserte (accessibilité du site, problèmes de circulation et de stationnement) ou à son image, qu'il conviendra de surmonter. En particulier, une question se pose : le public de l'ouest parisien se déplacera-t-il dans le 19ème arrondissement ?

Mais plus encore que son lieu d'implantation, c'est le dimensionnement très ambitieux du projet qui ne laisse pas d'étonner.

La salle de la Philharmonie de Paris, dont la réalisation architecturale a été confiée à Jean Nouvel, accueillera 2 400 spectateurs en configuration symphonique, 2 330 spectateurs en configuration « jazz et musiques du monde », et jusqu'à 3 650 spectateurs en configuration « public debout ». Cette salle sera en effet modulable, afin de pouvoir s'adapter à d'autres répertoires que le répertoire symphonique.

La surface au sol de la salle sera de 2 200 mètres carrés et la hauteur sous plafond de 22 mètres.

Plutôt qu'une configuration dite « en boîte à chaussures », où le public fait face à l'orchestre et au choeur, la salle de la Philharmonie de Paris sera, comme celle de la Philharmonie de Berlin, enveloppante (de type « vignoble »).

La qualité de son acoustique semble également avoir été au coeur des préoccupations des responsables du projet, qui n'ont guère « lésiné » sur les moyens et l'expertise mobilisés.

Mais, surtout, plus qu'une salle de concert, la Philharmonie offrira plusieurs espaces annexes : des espaces de travail, un pôle pédagogique, une salle de conférences, des galeries d'exposition, des espaces d'accueil du public (dont une grotte...) et des espaces administratifs et logistiques.

Fallait-il voir si grand ? Plus qu'une extension ou un « complément » à la Cité de la musique, la Philharmonie de Paris semble avoir été conçue comme un pôle autonome dont certains équipements annexes risquent de dupliquer des infrastructures déjà présentes sur le site. J'ajoute, s'agissant des salles de répétition, que l'Orchestre de Paris, qui sera l'orchestre résident de la Philharmonie, semble vouloir répéter directement dans la salle de concert et ne pas forcément vouloir utiliser les salles de répétition...

Deuxièmement, je me suis intéressé à la conduite du projet.

La Cour des comptes, dans un rapport thématique de 2007, puis dans le cadre de son rapport public annuel de février 2012, a critiqué la conduite des grands chantiers culturels. Malheureusement, à cet égard, le projet de la Philharmonie de Paris ne fait pas exception et a subi de nombreuses « vicissitudes », tant du point de vue du pilotage, que de celui des délais et des coûts.

S'agissant du pilotage, j'insiste, à titre liminaire, sur un élément qui a eu de nombreuses répercussions sur la conduite du projet : le choix atypique d'un portage associatif. Le portage du projet a en effet été confié à une association de type « loi de 1901 » constituée en novembre 2006, présidée par Laurent Bayle, l'actuel directeur général de la Cité de la Musique et président de la salle Pleyel. L'association de préfiguration, baptisée « Philharmonie de Paris », est chargée d'assurer la maîtrise d'ouvrage de la construction puis l'exploitation de la Philharmonie. Ce choix a résulté du caractère cofinancé du projet, à parts égales, par l'Etat et la Ville de Paris, ce qui est inhabituel.

Les incertitudes juridiques initialement soulevées par ce portage ont été dissipées. Toutefois, celui-ci semble avoir affecté l'implication des tutelles dans le suivi du projet. Ainsi, dans son rapport de décembre 2009 sur la Philharmonie, la mission conjointe Inspection générale des finances (IGF) - Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), notait : « la forme associative de la structure de portage du projet a favorisé une défaillance de suivi des tutelles, dont la capacité de contre-expertise des actions et propositions de l'association de préfiguration en matière juridique, économique et financière n'a pas été suffisamment mobilisée ». En réaction à ces observations, les tutelles ont mis en place, à compter de 2010, un dispositif de pilotage articulé autour de trois comités : un comité technique, un comité de suivi administratif et un comité stratégique.

La « défaillance » des tutelles s'était notamment manifestée à travers les hésitations et fluctuations des arbitrages concernant le recours ou non à un partenariat public-privé (PPP) et la procédure d'appel d'offres à retenir.

De fait, l'hypothèse initialement avancée d'un PPP a été abandonnée début 2008 au profit d'un marché unique de construction, maintenance et entretien. L'association de préfiguration souhaitait conserver le contrôle de la maîtrise d'ouvrage du projet, ce qui n'aurait pu être le cas avec un PPP.

Cette décision ne signait pas pour autant la fin des vicissitudes du projet... En effet, la procédure d'appel d'offres qui a suivi s'est avérée quelque peu « chaotique » :

- début 2009, l'association de préfiguration lance une procédure d'appel d'offres restreint ;

- deux offres sont reçues, celle du groupement Bouygues et celle du groupement SICRA ;

- l'analyse de ces offres conclut néanmoins à leur non-conformité, en raison des surcoûts très significatifs qu'elles présentaient par rapport aux évaluations initiales de l'association ;

- il est donc décidé de relancer la consultation sous la forme d'un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence, procédure sur laquelle la mission d'inspection précitée a d'ailleurs porté un jugement nuancé ;

- l'offre remise par SICRA ne respectant pas les modalités de présentation des offres, il est décidé de ne faire participer à la négociation que le seul groupement Bouygues ;

- la nouvelle offre de Bouygues ayant encore été jugée trop élevée, la maîtrise d'ouvrage conduit alors plusieurs mois de négociations ;

- au final, les discussions permettent de ramener le coût des travaux à 215,9 millions d'euros, soit environ 90 millions d'euros de moins que l'offre initiale. Le marché a été signé le 25 janvier 2011.

Toutes ces « péripéties » juridiques - même si elles ne sont pas les seules responsables - ont évidemment eu un impact sur le calendrier initial qui prévoyait une ouverture de la Philharmonie en septembre 2012. Aujourd'hui, le retard accumulé est estimé à 24 mois, reportant l'ouverture de l'équipement au dernier trimestre 2014.

Dans cette chronologie du projet, je reviens brièvement sur l'année 2010 qui a constitué un moment charnière. En effet, tout porte à croire que fin 2009 - début 2010, le projet de Philharmonie a été sérieusement « sur la sellette ». Alors que la maîtrise d'ouvrage poursuivait ses négociations, les ministres chargés du budget et de la culture ont mandaté l'IGF et l'IGAC pour expertiser la conduite du projet. Le rapport très critique (dont j'ai déjà cité quelques conclusions) qui a été rendu en décembre 2009, envisageait - entre autres solutions - l'arrêt pur et simple du chantier. D'après les informations que j'ai recueillies au cours de mes auditions, il est tout à fait vraisemblable que l'année 2010 ait donné lieu à un   «  bras de fer » entre « Bercy » et la « rue de Valois », tranché en faveur du projet par le Président Sarkozy.

Outre le dérapage du calendrier, le chantier n'a pas non plus échappé à une « dérive » de ses coûts : initialement estimé à environ 170 millions d'euros par l'association de préfiguration en 2006, le coût initial du projet a été réévalué à 336,5 millions d'euros en 2011. L'essentiel de ce décalage s'explique par la différence de périmètre retenu. A titre d'illustration, le coût initial n'incluait pas un certain nombre de dépenses pourtant significatives liées au premier équipement, à l'actualisation des prix ou aux travaux d'interfaces site (paysages, aménagement, terrassement).

Ce montant risque d'être, à nouveau, dépassé. Le ministère de la culture m'a en effet signalé des surcoûts de l'ordre de 50 millions d'euros (portant ainsi le montant global du projet à 386,5 millions d'euros) en raison notamment de la hausse du prix des matières premières et des contraintes supplémentaires de mise aux normes de sécurité. Afin de tempérer ce « dérapage », la maîtrise d'ouvrage est en négociations avec Bouygues et l'architecte pour trouver des pistes d'économies éventuelles.

En ce qui concerne les modalités de financement du projet, trois financeurs se partagent « l'addition » : l'Etat et la Ville de Paris, à parts égales, et, dans une moindre mesure, la Région Île-de-France.

La participation de cette dernière est au coeur du débat car elle fait l'objet d'interprétations différentes :

- pour le conseil régional, sa contribution se limite à un montant forfaitaire de 20 millions d'euros qui représentait, au moment de son engagement, 10 % du coût du chantier, alors évalué à 200 millions d'euros ;

- pour l'Etat et la Ville de Paris, la région doit, au contraire, participer à hauteur de 10 % du coût final du projet, et donc assumer une partie des surcoûts.

Ce point pourtant crucial n'est pas encore tranché, d'après ce que m'a indiqué le cabinet de Mme Filippetti.

Troisièmement, dans le cadre d'une mise en perspective, j'étudierai maintenant les enjeux posés par la Philharmonie de Paris « en rythme de croisière ».

Après l'ouverture du nouvel auditorium, le dossier de la Philharmonie ne sera pas clos pour autant... Certaines questions doivent en effet, dès maintenant, être posées : notamment, la reconfiguration de l'offre musicale à Paris, la gouvernance et l'équilibre économique de la Philharmonie en rythme de croisière.

La Philharmonie de Paris constitue, tout d'abord, un pari culturel relativement risqué. A public constant, deux tendances sont en effet envisageables :

- soit, la Philharmonie « cannibalisera » le public des autres salles parisiennes, ce qui pose la question d'une remise à plat et d'un pilotage global de l'offre musicale classique à Paris ;

- soit, au contraire, elle ne trouvera pas son public : au delà du phénomène de curiosité consécutif à son ouverture, elle pourrait ne pas attirer durablement, notamment en l'absence de pleine substitution du public des communes périphériques au public de l'ouest parisien.

En tout état de cause, ces questions méritent d'être posées car les études disponibles mettent en évidence un attrait relativement faible des Français pour le concert classique, doublé d'un vieillissement du public.

On peut, également, s'interroger sur la multiplication des investissements symphoniques depuis 2005-2006 : nouvel auditorium de Radio-France, chantier de la Philharmonie, rachat et rénovation de la salle Pleyel. A cet égard, la reconversion de la salle Pleyel est une question cruciale qui n'est pas encore réglée non plus. Pour ne pas concurrencer la Philharmonie, les tutelles envisagent de transformer radicalement la programmation de la salle Pleyel. Cette dernière serait désormais dédiée à la variété et aux musiques du monde, et non plus à la musique symphonique, évolution que je n'approuve pas.

M. Philippe Marini, président . - Dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2009, nous avions voté les crédits nécessaires au rachat de la salle Pleyel, sous une pression certaine du ministère de la culture. Des observations avaient été formulées à cette occasion. On nous avait justifié cet investissement par des perspectives d'exploitation qui ne seront apparemment pas au rendez-vous...

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial . - Je reprends mon propos. Une autre question en suspens concerne le futur statut juridique de la Philharmonie. Là encore, plusieurs hypothèses ont été évoquées, puis écartées : le maintien de l'association « Philharmonie de Paris », la création d'un établissement public de coopération culturelle (EPCC), la mise en place d'un groupement d'intérêt public « culture », la création d'une société par action simplifiée. On se dirigerait finalement vers un établissement public sui generis, seule forme juridique à même de respecter, dans la gouvernance du nouvel établissement, la place de chacun des partenaires à hauteur de ses apports financiers.

Enfin, il reste un enjeu budgétaire important : l'équilibre financier de la salle en régime de croisière. La mission IGF-IGAC s'était également intéressée à cette question.

Sur la base des éléments qui lui avaient été transmis, celle-ci avait estimé le déficit prévisionnel de la Philharmonie à 51 % et donc le besoin de financement public à 17,4 millions d'euros par an, selon la clé de répartition suivante : 7,8 millions d'euros à la charge de l'Etat (45 %), 7,8 millions d'euros à la charge de la Ville de Paris (45 %) et 1,7 million d'euros à la charge de la Région Île-de-France (10 %). Or, plus encore que pour l'investissement initial, la participation de la Région au coût de fonctionnement est incertaine.

En tout état de cause, le niveau de déficit et de subventionnement requis de la part des collectivités publiques serait non négligeable, d'autant plus que ces calculs reposent sur des hypothèses très volontaristes, fournies par l'association de préfiguration.

S'agissant de ces hypothèses, la mission d'inspection avait notamment critiqué des ressources propres fortement majorées par des estimations de fréquentation et de politique tarifaire largement sur-estimées.

Les représentants de la Philharmonie m'ont indiqué compter sur des gisements d'économies qui résulteraient de mutualisations avec la Cité de la Musique. Je reste prudent sur l'ampleur des synergies attendues.

Pour conclure, j'attire l'attention sur les craintes de certains de mes interlocuteurs pour lesquels la multiplication des grands chantiers fait peser une hypothèque budgétaire sur le financement des politiques culturelles. Selon eux, ces investissements, et les demandes de personnel et de fonctionnement qu'ils induiront à long terme, risquent de produire un effet d'éviction sur les autres moyens du ministère de la culture. Cette crainte se comprend d'autant plus que la réalisation de cette salle de prestige intervient dans un contexte budgétaire peu favorable...

A cet égard, le contexte de l'ouverture de la Philharmonie est très différent de celui de l'Opéra Bastille. Il est vrai que le pari de l'Opéra Bastille a été gagné, contre toutes les prédictions de ses détracteurs. Mais, alors que l'Opéra Bastille a été dès son ouverture doté d'importants crédits publics dans un contexte général de relative croissance des dépenses culturelles, l'ouverture de la Philharmonie intervient en période budgétaire extrêmement contrainte. Le pari apparaît d'autant plus risqué. De plus, je ne sens pas une volonté politique aussi forte que celle manifestée alors par le président Mitterrand.

M. Philippe Marini, président . - Je me réjouis de cette communication stimulante et utile. Quel contraste entre la situation des finances publiques, le discours sur la réduction des marges de manoeuvre, et les comportements dépensiers auxquels on assiste dans le domaine culturel ! Ce rapport tombe à point nommé, et vous ne pourrez être soupçonné de parti pris, puisque l'on s'inscrit dans une stricte continuité - continuité dans la dépense, ce qui est toujours plus facile...

M. Vincent Delahaye . - J'avais déjà été interpellé par ce sujet l'an dernier. Le ministre de la culture de l'époque, Frédéric Mitterrand, nous avait alors expliqué que la dérive des coûts était liée au fait que certains équipements et aménagements n'avaient pas été pris en compte au départ. Cette réponse m'avait surpris, car lorsque les collectivités territoriales se lancent dans des chantiers, elles anticipent toutes les dépenses... Le coût du projet s'ajoute à la dépense nécessaire au rachat de la salle Pleyel, soit 61 millions d'euros, opération qui s'est avérée profitable pour le vendeur...

Nous voilà confrontés ici à une dérive conséquente. Certes, le chantier est démarré et bien avancé. Mais ne pourrait-on reporter certains équipements annexes (pas forcément indispensables), afin de geler une partie du projet et de préserver des sommes non négligeables ? On achèverait l'équipement une fois revenus à des temps budgétaires plus cléments, si cela arrive... Je pense réellement que l'on devrait étudier la possibilité d'ouvrir partiellement la Philharmonie.

Deuxièmement, je m'interroge sur le fonctionnement du futur équipement. On nous parle d'un établissement public sui generis. L'Etat en sera-t-il partie prenante ? Quel est le budget prévisionnel de fonctionnement ? A Massy, nous disposons d'un opéra pour lequel nous n'avons jamais reçu la moindre subvention de l'Etat. Nous parvenons pourtant à attirer le public et à le remplir. Je souhaiterais donc savoir à quelle hauteur l'Etat s'engagera dans le financement du fonctionnement de la Philharmonie.

M. Yvon Collin . - A l'écoute de ce feuilleton, les bras m'en tombent. Nous sommes, pour la plupart, des élus locaux et, à ce titre, nous avons tous été confrontés à des appels d'offre ou des montages de dossiers. J'ai l'impression que, pour la construction de ce projet pharaonique, on a fait preuve d'amateurisme depuis le début. La première question qu'il aurait fallu se poser, avant de s'engager dans une telle opération, aurait été de savoir s'il existait le public pour un tel équipement.

Sur le reste, je me joins aux commentaires de Vincent Delahaye. Il faut faire en sorte de limiter au maximum les dérives en se rapprochant le plus possible des estimations initiales. Quand on voit avec quelle rigueur les chambres régionales des comptes surveillent la façon dont les élus locaux passent leurs marchés, l'inconséquence de l'Etat dans ce dossier est plus qu'inquiétante.

M. Aymeri de Montesquiou . - Vincent Delahaye aurait pu citer le cas de la « Sagrada Familia », à Barcelone, dont la construction dure depuis une centaine d'années.

Je souhaiterais savoir si le lancement du projet de la Philharmonie a été précédé par une étude de marché approfondie, ou bien si les pouvoirs publics se sont contentés de justifier cette nouvelle salle à partir des seules comparaisons internationales.

De surcroît, comme l'a souligné Yann Gaillard, l'accessibilité du site n'est pas évidente. Le public de l'ouest parisien se déplacera-t-il dans le 19 ème arrondissement ? A-t-on, par ailleurs, imaginé pouvoir compter sur un public international ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial . - Aucune étude de marché d'ampleur n'a été réalisée avant le lancement du projet. Une étude est en cours sur le niveau de fréquentation que l'on peut attendre pour la future salle, à partir du public actuel de l'Orchestre de Paris à la salle Pleyel.

La forte volonté du président de l'association de préfiguration, Laurent Bayle, semble avoir joué un rôle déterminant dans le portage du projet. Pour le reste, je ne suis pas étonné des remarques de mes collègues, qui reprennent les observations contenues dans mon rapport. Une chose est sûre : le recours à un architecte international de renom ne facilite pas les négociations pour réduire les coûts du projet.

Au cours d'un petit déjeuner de travail sur le budget 2013 organisé hier matin par la ministre de la culture, cette dernière a confirmé sa volonté de poursuivre le projet de la Philharmonie et d'éviter tout nouveau retard dans le chantier. Sur le fonctionnement, nous sommes relativement dans le flou.

M. Jean Germain . - Ce sujet est très complexe. La genèse politique du dossier est aussi incompréhensible que le recours à une association de préfiguration. Il se trouve que je connais bien le sujet, pour avoir lu un excellent mémoire de sciences politiques d'un étudiant de Rennes sur la Philharmonie de Paris, publié très récemment, et dont je vous recommande la lecture.

Je rappellerai brièvement la chronologie du projet. L'annonce en a été faite par le Gouvernement Villepin qui souhaitait s'associer avec la Ville de Paris, laquelle a répondu favorablement. Le Président Chirac avait également donné son accord. En 2006-2007, le concours d'architecture a été lancé, remporté par Jean Nouvel. A suivi une période d'incertitude. En effet, le premier ministre d'alors, François Fillon, était partisan de l'arrêt du chantier, tandis que le maire de Paris avait des doutes. C'est le Président Sarkozy qui a relancé le projet, déclarant qu'il ferait tout pour qu'il puisse voir le jour. Le chantier n'a démarré qu'en mars 2011, avec la technique connue du « pied dans la porte », rendant difficile l'abandon du projet. A défaut de l'arrêter, il existe peut-être des possibilités de le recalibrer à la baisse. La région participe à hauteur de 20 millions d'euros, de façon peu enthousiaste. La question du fonctionnement ne peut évidemment être ignorée, sans oublier le sort de la Salle Pleyel qui ne peut être traité sans prendre en compte le coût de son rachat en 2009.

Enfin, s'agissant du public, je ne partage pas le pessimisme de Yann Gaillard. En province, le public existe pour aller à l'opéra - c'est le cas à Tours -, et c'est même un public assez jeune. La capacité de renouveler les spectateurs dépend de la programmation, des prix, des abonnements, de la publicité que l'on peut effectuer dans les établissements scolaires. A cet égard, Berlin est exemplaire : on voit qu'il peut y avoir de très grands concerts avec un public jeune.

M. Edmond Hervé . - Je ne me prononcerai pas sur l'opportunité du projet. Paris a un rôle à jouer. Celles et ceux qui sont familiers des grands investissements culturels verront le rapport de notre rapporteur spécial comme tout à fait ordinaire et classique. Ne vous faites pas d'illusions, mes chers collègues, compte tenu des évaluations de coût qui viennent de nous être transmis, la puissance de certains fera que l'on ira au bout et que l'enveloppe finale sera proche, voire au-dessus, de 386 millions d'euros. Adoptons, par ailleurs, une démarche objective : un chantier qui dure plusieurs années coûte cher, c'est mécanique, notamment du fait des changements technologiques. L'intervention de grands architectes ne facilite pas les choses, toute négociation s'avérant notoirement difficile.

Mme Fabienne Keller . - Je ne suis pas choquée par le choix de la Villette pour implanter la Philharmonie de Paris. C'est un quartier de Paris qui dispose d'un beau regroupement culturel, entre la Cité de musique, la Cité des sciences et le Zénith notamment. Il constitue même un exemple de transformation urbaine intéressante.

Quels seront les orchestres résidents, et quel sera leur budget de fonctionnement ? Quelle sera l'articulation entre les lieux et les orchestres ? Comment s'opèrera le partage des équipements ?

Je m'inquiète aussi du nombre de spectateurs qui profiteront de ce nouvel auditorium. A cet égard, nous sommes aujourd'hui concentrés sur Paris, dont le rayonnement culturel constitue certes un enjeu important. Cependant, il ne faut pas oublier pour autant la province, qui mène de réels efforts d'accès à la culture pour tous. En Alsace, l'opéra du Rhin est financé par trois villes. Le même spectacle est joué dans trois lieux différents. Cela permet une logique de mutualisation.

Enfin, je suis impressionnée par le dérapage financier. Il doit y avoir une explication technique. Le coût initial devait omettre les aménagements de voierie, les dessertes... Même si c'est un architecte de renommée internationale qui le construit, il y a un réel sujet de maîtrise du coût : a-t-on affiché un prix minoré pour rendre possible le lancement du chantier, tout en sachant pertinemment que le coût serait dépassé ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial . - Je confirme à Fabienne Keller que le coût initial n'affichait pas certaines dépenses. Cela explique la plus grande part du décalage avec l'estimation initiale. Sur le reste, tous les points développés par mes collègues sont longuement développés dans mon rapport, qui confirme les analyses critiques précédentes réalisées par l'IGF-IGAC et la Cour des comptes notamment.

M. Philippe Marini, président . - Nous allons bien sûr nous prononcer sur la publication du rapport de notre collègue, mais nous pouvons aussi formuler un certain nombre d'observations sur lesquelles nous demanderons à la ministre de la culture et de la communication de répondre, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Culture » en séance publique.

La situation présentée ce matin est exemplaire ou contre-exemplaire d'une certaine manière : d'un côté, il y a la situation des finances publiques très contrainte et, d'autre part, les perspectives de réalisation d'un grand équipement culturel qui, quelles que soient les conditions dans lesquelles il a été programmé, va être mis en service au cours d'une période où la gestion des finances publiques sera resserrée - je fais attention à ne pas utiliser le terme de rigueur. Je m'interroge sur la cohérence de l'action publique telle qu'elle apparaîtra à nos concitoyens le jour où l'on ouvrira ce merveilleux équipement et où, par ailleurs, on aura dû faire des efforts, réduire la voilure, diminuer les dépenses, voire encore accroître davantage la fiscalité. Cette coïncidence pose problème, même si ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui ne sont pas tout à fait ceux qui ont décidé le projet.

En second lieu, il convient de rappeler que, sans une alliance de l'Etat et de la Ville de Paris, ce programme n'aurait pu voir le jour. C'est donc un sujet de responsabilités partagées. Nous pourrions dès-lors être complètement libres dans nos appréciations ; la responsabilité est globale.

Enfin, je voudrais souligner un point important, valable dans tous les chantiers notamment culturels, à savoir la responsabilité du maître d'oeuvre, le résultat des concours et la manière d'en encadrer les conséquences. Ne sommes nous pas, avec ce type d'architecture, en situation, en quelque sorte, de conflits d'intérêts ? Est-on capable de contre-expertiser la crédibilité des évaluations fournies ? C'est un sujet que l'on retrouve souvent lors de réalisations complexes ; rappelez-vous Aéroport de Paris, par exemple.

Je vous demanderais de bien vouloir me dire, tout d'abord, si vous approuvez, mes chers collègues, la publication du rapport de Yann Gaillard.

La commission, à l'unanimité, donne acte de sa communication à M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

M. Philippe Marini, président . - Nous pouvons désormais arrêter un certains nombre d'éléments sur lesquels nous souhaitons interroger le Gouvernement :

- l'effet d'éviction que ce programme risque, compte tenu de son enveloppe et de l'incertitude qui pèse sur celle-ci, de provoquer sur les autres moyens du ministère de la culture et de la communication, dans le contexte général de contrainte des finances publiques ;

- les dernières évaluations de dépenses de fonctionnement de la future Philharmonie et leurs modalités de financement ;

- le calendrier de déroulement du chantier : malgré le contexte budgétaire actuel, l'ouverture de la Philharmonie dans son ensemble (auditorium et espaces annexes) aura-t-elle bien lieu au dernier trimestre 2014 ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial . - Je suis d'accord pour demander à la ministre de la culture, lors de l'examen en séance publique de la mission « Culture », des précisions sur ces points. Les interrogations pointées dans mon rapport s'inscrivent dans la continuité des travaux de la Cour des comptes et des inspections générales des finances et des affaires culturelles.

Mme Fabienne Keller . - Nous pourrions également interroger le Gouvernement sur la parité Ville de Paris/Etat, notamment en ce qui concerne le financement des surcoûts : comment seront-ils pris en charge ? En province, la participation de l'Etat dans ce type d'équipement est marginale.

La question du budget de fonctionnement de la Philharmonie renvoie aussi à celle de l'équilibre financier des institutions culturelles - en l'occurrence les orchestres - résidentes. Celles-ci bénéficient également d'importantes subventions de l'Etat.

M. Philippe Marini, président . - La question de la clé de financement est importante, y compris dans le budget de fonctionnement du futur auditorium.

Mon approche, à ce stade, demeure un questionnement : quelles seront les conséquences de cet investissement et des coûts induits, par la suite, en fonctionnement, sur le budget dédié à la culture ? Les prévisions actuelles sont-elles fiables et suffisamment précises ?

M. Jean-Paul Emorine . - J'ai présidé la commission spéciale sur le « Grand Paris ». La finalité de ce projet, partagée par l'Etat et la Ville de Paris, était de conforter Paris au rang de capitale internationale. La Philharmonie de Paris s'inscrit dans cette logique. On ne peut pas totalement comparer ce type d'équipement avec ce qui se fait en province.

M. Vincent Delahaye . - Il faudrait également avoir des précisions sur la maîtrise d'ouvrage. Qui est le chef de file ? Je m'interroge aussi sur les nombreux espaces annexes prévus : une galerie d'exposition, une salle des conférences.... Un réexamen sérieux des ces équipements est nécessaire.

M. Edmond Hervé . - Je ne suis pas d'accord. Si l'on reconsidère les éléments constitutifs du projet ou si on les rééchelonne dans le temps, cela va coûter très cher ; des contrats ont été passés. Par ailleurs, si un grand équipement n'a pas d'homogénéité, il ne fonctionne pas.

J'insiste sur un point : il est absolument nécessaire qu'il y ait un maître d'ouvrage clairement identifié. Ce n'est pas le maître d'oeuvre qui a la plume, mais le maître d'ouvrage. Négocier avec les grands architectes est une démarche difficile.

M. Philippe Marini, président . - Il n'y a pas de mauvais architectes, mais des mauvais clients...

M. Edmond Hervé . - Même si la situation des finances publiques est très contrainte, nous devons être fiers de notre pays. Le rayonnement de Paris, c'est le rayonnement du reste de la France. Il se répercute nécessairement sur nos villes, nos départements et nos régions.

M. Philippe Marini, président . - L'ensemble de ces observations, mes chers collègues, seront synthétisées dans une lettre que j'enverrai à la ministre de la culture et de la communication.


* 1 Rapport d'information n° 382 (2006-2007) de Yann Gaillard sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l'Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) - enquête demandée en application de l'article 58-2° de la LOLF.

* 2 Rapport d'activité 2006-2007 de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris.

* 3 Rapport d'activité 2006-2007 de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris.

* 4 Rapport Larquié, 1999.

* 5 Ainsi, notamment, de Berlin et sa « Philharmonie », de Vienne et son « Musikverein », d'Amsterdam et son « Concertgebouw ».

* 6 Frank Gehry, Jean Nouvel, Jacques Herzog et Pierre de Meuron, Christian de Portzamparc, Rem Koolhaas, Renzo Piano...

* 7 Formations dites « mozartiennes ».

* 8 Pour mémoire, la Salle Pleyel avait été conçue, au début du siècle dernier, comme une salle multiplexe de 3 000 places ramenée à 2 546 places après l'incendie de 1928. Ce sont les aménagements successifs de la salle qui ont réduit encore récemment sa jauge et supprimé les équipements annexes.

* 9 Rapport sur le grand auditorium de Paris (2001).

* 10 Rapport Belaval-Auberger (2003).

* 11 Prestation de l'orchestre, voyages des musiciens, transport des camions, hôtels et défraiements.

* 12 L'absence de chef est, selon Laurent Bayle, étroitement liée à l'absence de salle : « cette instabilité structurelle renforce (...) la difficulté à fidéliser les directeurs musicaux et à inscrire leur action dans la durée. La qualité du travail des orchestres en pâtit directement, au point que toute démarche d'approfondissement artistique s'en trouve compromise » (Rapport de 2001 sur le grand auditorium de Paris).

* 13 Selon le rapport Larquié, « c'est aussi une donnée intrinsèque à la musique qui suppose qu'un interprète - et l'orchestre en est un - dispose d'un instrument pour s'exprimer. Une salle doit être considérée comme telle, qui permet à l'orchestre de développer sa personnalité musicale. »

* 14 Le jury était composé de Rob Cowan, James Inverne et James Jolly (tous les trois de la rédaction de Gramophone , Angleterre), Alex Ross ( The New Yorker , Etats-Unis), Mark Swed ( Los Angeles Times , Etats-Unis), Wilhelm Sinkovicz ( Die Presse , Autriche), Renaud Machart (Le Monde, France), Manuel Brug ( Die Welt , Allemagne), Thiemo Wind ( De Telegraaf , Pays-Bas), Zhou Yingjuan (correspondant chinois de Gramophone , Angleterre) et Soyeon Nam (correspondant coréen de Gramophone , Angleterre).

* 15 Le classement des 20 meilleurs orchestres mondiaux selon le magazine Gramophone (2008) : 1. Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam ; 2. Philharmonique de Berlin ; 3. Philharmonique de Vienne ; 4. London Symphony Orchestra ; 5. Chicago Symphony Orchestra ; 6. Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks ; 7. Cleveland Orchestra ; 8. Los Angeles Philharmonic ; 9. Orchestre du Festival de Budapest ; 10. Staatskapelle de Dresde ; 11. Boston Symphony Orchestra ; 12. New York Philharmonic ; 13. San Francisco Symphony ; 14. Orchestre du Théâtre Mariinski ; 15. Orchestre National de Russie ; 16. Orchestre Philharmonique de Leningrad ; 17. Orchestre du Gewandhaus de Leipzig ; 18. Orchestre du Metropolitan Opera de New York ; 19. Orchestre Symphonique Saito Kinen ; 20. Orchestre Philharmonique tchèque.

* 16 Relevé d'observations définitives relatif à la construction de la grande salle philharmonique de la Villette.

* 17 Selon la Philharmonie de Paris, « cette donnée ne représente plus un handicap pour nos orchestres. D'une part, les jeunes musiciens sortent désormais très bien formés de nos conservatoires ; d'autre part, les concours d'entrée sont ouverts aux musiciens étrangers ».

* 18 Tels que le théâtre Mogador, la salle modulable de l'Opéra Bastille, la travée E de la Cité des sciences et de l'industrie, le palais de Chaillot et la Salle Pleyel.

* 19 « A dire le vrai, la mission s'est longuement interrogée sur la nature et la portée de ces "synergies", régulièrement invoquées à l'appui des plaidoyers pour l'extension de la Cité. Il lui semble finalement qu'il ne faille pas en exagérer l'importance : sans doute, les musiciens d'orchestre qui enseignent aussi au conservatoire pourraient-ils plus facilement concilier toutes leurs obligations professionnelles ; sans doute, les étudiants pourraient-ils plus aisément assister aux concerts, et participer, le cas échéant, à leur préparation. Il s'agit là d'avantages réels, mais davantage orientés vers les professionnels que vers le public. En termes de fonctionnement, il est illusoire de penser que le rattachement de la salle de concerts à la Cité va éviter une augmentation des moyens nécessaires : le rapport Ernst & Young d'avril 2000 chiffre entre 35 et 40 le nombre de créations d'emplois de toute façon nécessaires. Au total donc, les "synergies" doivent encore être précisées, et, surtout, passer du niveau du discours à celui de la mise en oeuvre. »

* 20 Laurent Bayle, « Le grand auditorium de Paris » - rapport de synthèse avril 2001.

* 21 Laurent Bayle, « Le grand auditorium de Paris » - rapport de synthèse avril 2001.

* 22 Fondation Terra Nova, note « Réussir la Philharmonie de Paris, bâtir bien plus qu'une simple salle de concert » , de Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour (pseudonyme).

* 23 Réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 24 Inspection générale des finances et inspection générale des affaires culturelles, « Le projet de Philharmonie de Paris » - décembre 2009.

* 25 Note DF-8BCJS-10-3189 du 20 janvier 2010.

* 26 Extraits du relevé d'observations définitives de la Cour des comptes relatives à la construction de la grande salle symphonique de la Villette, transmis à votre commission des finances le 17 février 2012.

* 27 Dans les réponses au questionnaire, la création de cette station ne semble pas acquise : « Nous espérons également la création d'une vraie station de taxis fiabilisée ».

* 28 Brochure de présentation de la Philharmonie de Paris.

* 29 Brochure de présentation de la Philharmonie de Paris.

* 30 Brochure de présentation de la Philharmonie de Paris.

* 31 Transmis à votre commission des finances le 17 février 2012.

* 32 A Paris, seule l'actuelle salle de la Cité de la musique s'approche de cette définition.

* 33 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 34 Contribution écrite adressée à votre rapporteur spécial.

* 35 Rapport d'information n° 382 (2006-2007) de Yann Gaillard sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l'Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) - enquête demandée en application de l'article 58-2° de la LOLF.

* 36 « Les grands chantiers culturels », octobre 2007.

* 37 Et, à cette fin, de conclure tous les contrats nécessaires à ses missions (notamment d'organiser le concours d'architecture, et plus généralement de passer tous les marchés de travaux, fournitures et services que nécessiteraient la construction et l'exploitation de l'ouvrage), de reprendre, le cas échéant, à sa charge l'exécution des contrats en cours d'exécution conclus par ses membres tendant à la construction ou l'exploitation de la Philharmonie et de produire tous documents ou supports de communication, relatifs à ses activités.

* 38 Rapport sur le projet de Philharmonie de Paris, décembre 2009, établi par Renaud Guidée, inspecteur des finances, Jérôme Bouet, administrateur civil, Mickaël Ohier, inspecteur des finances, sous la supervision d'Henri Guillaume, inspecteur général des finances.

* 39 Pour les marchés dont le montant annuel ne dépasse pas 210 000 euros hors taxes, le conseil d'administration a donné délégation au directeur général de l'association pour engager les dépenses. Au-delà de ce seuil, tout engagement de dépense doit être approuvé par le conseil d'administration. Par ailleurs, tout marché dont le coût annuel respecte ce seuil et qui porte sur plusieurs années est présenté à l'information du conseil d'administration.

* 40 Plusieurs éléments plaidaient en faveur de la réalité de l'existence de l'association : 1) le fait que l'association soit constituée entre plusieurs personnes publiques, 2) la matérialité de la tenue des assemblées générales et des conseils d'administration et la teneur des débats qui y ont lieu, 3) l'emploi de salariés par l'association, 4) la conclusion de plusieurs conventions de subventions et d'occupation par l'association.

* 41 Au demeurant, la mission observait que le fait que l'association ne soit pas soumise à la loi relative à la maîtrise d'ouvrage public ne l'exonérait pas d'un cadre juridique contraint, puisque les dispositions du décret du 30 décembre 2005 trouvaient à s'appliquer.

* 42 En règle générale, le MCC mandate l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) pour la conduite de ses projets. Or, pour la Philharmonie, cela n'a pu être le cas, la Ville de Paris s'y opposant, au regard du caractère « mixte » du projet.

* 43 Le contrat de partenariat est un contrat par lequel est confiée à une entreprise, pour une période déterminée, en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement, une mission globale portant sur le financement, la construction d'ouvrages ou d'équipements, ainsi que leur entretien, leur maintenance ou leur exploitation. Le recours à la formule du contrat de partenariat doit permettre de tirer profit des compétences du secteur privé pour respecter des délais et des coûts, réaliser des économies d'échelle et garantir une meilleure gestion à terme de l'équipement.

* 44 Gestion des énergies, gestion des services généraux (réservation de salles, accueil, courrier, économat, propreté, mouvements et déménagements, reprographie, gestion des livraisons et flux associés, gestion de l'accueil et de l'information générale des visiteurs, des accès et des flux, gestion de la sécurité et de la sûreté).

* 45 Et ce d'autant plus que les études de conception avaient été réalisées dans leur quasi-intégralité par la Philharmonie de Paris.

* 46 Dossier historique du projet.

* 47 Comme le relève la mission d'inspection IGF-IGAC, annexe 1, p. 23 : « Pour tenir les délais d'une ouverture prévue à l'automne 2012, la solution d'une mise en oeuvre de la procédure de dialogue compétitif, qui était privilégiée par la direction du budget, n'a pas été retenue, en raison de sa longueur ». La mission d'inspection s'appuyait sur une note du secrétaire général du ministère de la culture et de la communication adressée au directeur de cabinet de la ministre, préalable à la réunion interministérielle du 2 décembre 2008.

* 48 Les raisons de ces surcoûts sont analysées plus loin, dans la partie du rapport consacrée à la dérive des coûts du projet.

* 49 En application du 1° du I de l'article 33 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005.

* 50 Dossier historique du projet.

* 51 Cette solution aurait nécessité un important travail d'étude préalable consistant à définir les caractéristiques techniques des travaux et des prestations, et un examen des candidatures et des offres lot par lot.

* 52 Et 218,6 millions d'euros frais inclus.

* 53 Génie civil - clos et couvert ; génie technique ; second oeuvre, agencements spécifiques et mobilier structurant ; aménagements extérieurs et paysagers ; signalétique ; aménagements et dispositifs scénographiques.

* 54 Hall d'accueil, foyers, vestiaires du public.

* 55 Auditorium, salles de répétition et studios, loges vestiaire.

* 56 Atelier, bureaux, réserves, salle.

* 57 Locaux administratifs, vestiaires des personnels et espaces de repos, salle du restaurant interentreprises.

* 58 Police responsabilité civile du maître d'ouvrage, police dommages-ouvrage et complémentaire de groupe, police tous risques chantier et police exploitation du futur établissement.

* 59 Etudes d'avant-projet sommaire.

* 60 Note du secrétaire général du ministère de la culture au directeur de cabinet, préparatoire à la réunion interministérielle du 17 septembre 2008.

* 61 Le contenu de l'étude de sûreté et de sécurité publique recouvre un diagnostic de l'environnement immédiat, une étude de sûreté du projet au regard des risques de sécurité publique pesant sur l'opération et des risques éventuels générés par l'opération elle-même, des préconisations pour prévenir et réduire les risques de sécurité publique mis en évidence dans le diagnostic.

* 62 Sous-commission départementale de sécurité publique, service d'urbanisme de la ville de Paris, directions de la voirie et des déplacements, de la propreté et de l'eau, service des carrières, société des transports pétroliers par pipeline, bureau des permis de construire de la préfecture de police et divers concessionnaires (eau, électricité,...).

* 63 « Le chantier de la Philharmonie de Paris est en panne », Le Monde du 1 er octobre 2010.

* 64 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 65 Ces calculs sont ceux de votre commission des finances, sur la base d'un diagramme publié par la Philharmonie de Paris dans le cadre d'une brochure de février 2012 récapitulant l'historique du projet.

* 66 Cour des comptes, « Les grands chantiers culturels : l'hypothèque budgétaire » - Rapport annuel public 2012.

* 67 Une note du secrétaire général du ministère de la culture au directeur de cabinet préparatoire à la réunion interministérielle du 2 décembre 2008 semble déjà indiquer que le taux d'actualisation alors retenu pourrait devoir être revu à la hausse, ce qui est aujourd'hui admis ( cf. suite du présent rapport) : « Le taux d'actualisation retenu pour ces estimations est de 4,26 %. Cette estimation retenue par la Philharmonie repose sur une moyenne de l'indice de référence BT01 entre septembre 2000 et septembre 2006. À l'heure actuelle, le taux est nettement plus élevé, à près de 8 %, ce qui renchérirait considérablement les coûts directs de l'opération. Cependant dans un contexte de crise de l'immobilier il est probable que cet indice revienne à la baisse. C'est pourquoi l'actualisation à 4,26 % a été maintenue. Ce point devra néanmoins faire l'objet d'une attention toute particulière dans les mois à venir . »

* 68 Fondation Terra Nova, note «  Réussir la Philharmonie de Paris, bâtir plus qu'une simple salle de concert » , de Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour (pseudonyme).

* 69 Moyenne des dépenses de l'association de préfiguration sur la période 2007-2012 (l'année 2006 étant assez atypique par rapport au reste de la période).

* 70 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 71 « Le chantier de la Philharmonie de Paris est en panne », Le Monde du 1 er octobre 2010.

* 72 Terra Nova, note «  Réussir la Philharmonie de Paris, bâtir bien plus qu'une simple salle de concert » , de Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour (pseudonyme).

* 73 Il convient de noter que, après que la décision de créer la Philharmonie a été prise, la Ville de Paris a souhaité, en gage de sa collaboration avec l'Etat sur ce projet emblématique et pour préfigurer ce que serait la gestion partagée de cette grande salle symphonique, s'engager comme partenaire de la Salle Pleyel à travers une entrée au capital et des soutiens en fonctionnement annuels.

* 74 En conséquence, l'Orchestre de Paris, alors dépourvu d'un lieu de résidence et de salle de concert, s'était vu contraint de s'installer au Théâtre Mogador. Ce dernier offrait des conditions de travail inadaptées et une acoustique déplorable.

* 75 Les locaux de bureaux attenants n'étaient pas visés par cet accord.

* 76 Sur cette décision et ses modalités qui ont pu susciter des critiques, la direction du budget estime que le rachat de la Salle Pleyel s'est effectué dans des conditions conformes aux intérêts patrimoniaux de l'Etat.

* 77 Comme le souligne la mission d'inspection IGF-IGAC, « la nécessité de redéfinir leurs sources de revenu conduit en effet certaines entreprises du secteur à prendre le contrôle de lieux de spectacle, dans une approche intégrée de la chaîne de valeur. La valorisation de la Salle Pleyel serait alors portée par la rareté foncière ».

* 78 Terra Nova, note «  Réussir la Philharmonie de Paris, bâtir bien plus qu'une simple salle de concert » , de Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour (pseudonyme).

* 79 Il était, selon la mission, de 10 points supérieur à la subvention de fonctionnement versée par la Caisse des dépôts et consignations au Théâtre des Champs-Elysées en 2009-2010.

* 80 Les recettes tirées des concerts obéiront à trois modes d'exploitation distincts :

1) pour les concerts des orchestres résidents, la Philharmonie de Paris ne sera pas intéressée aux recettes de billetterie et percevra le loyer de ces orchestres ;

2) pour les concerts des orchestres invités, la Philharmonie de Paris paiera un cachet à l'orchestre et percevra les recettes de billetterie ;

3) pour la location de la salle en mode « garage » à des producteurs extérieurs, la Philharmonie de Paris percevra un loyer et ne sera pas intéressée aux recettes de billetterie.

* 81 Soit un taux de fréquentation de 80 % et un prix moyen de 43 euros la place en décembre 2008, puis de 70 % et 50 euros en janvier 2009, puis de 40 euros en novembre 2009, sur la base d'un taux de remplissage de 83 % pour les concerts assis, et 81 % à 84 % pour les concerts « assis-debout ».

* 82 Au reste, la fréquentation par groupe (occasionnant fréquemment des tarifs préférentiels) semblait sous-estimée et les recettes de la boutique surestimées.

* 83 Moins de 18 ans, chômeurs, handicapés...

* 84 Ainsi alors qu'un chiffrage de janvier 2009 prévoyait des charges de production culturelle directe de près de 84 000 euros par concert, soit une majoration de 20,1 % par rapport à la moyenne des coûts de plateau des trois dernières saisons de la Salle Pleyel, un autre chiffrage datant de novembre 2009 était construit sur une hypothèse de coûts de plateau moyens par concert de moins de 76 000 euros, soit un niveau à peine supérieur à la moyenne constatée au cours des trois dernières années à Pleyel. Selon la mission, ce chiffrage sous-estimait les facteurs inflationnistes de la dépense de production culturelle de la Philharmonie. La référence aux coûts plateaux constatés à la salle Pleyel perdait également de sa pertinence si la Philharmonie s'engageait dans des productions innovantes (diffusion d'images, mobilisation de nouvelles technologies), qui engendreraient nécessairement des charges supplémentaires que le budget prévisionnel de fonctionnement n'appréhendait pas à la fin de l'année 2009.

* 85 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 86 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

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