Rapport d'information n° 259 (2012-2013) de Mme Fabienne KELLER , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 21 décembre 2012

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N° 259

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 décembre 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le projet de taxe sur les transactions financières ,

Par Mme Fabienne KELLER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM. Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Louis Lorrain, Jean-Jacques Lozach, François Marc, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

UNE TAXE FACILE À CONCEVOIR, DIFFICILE À METTRE EN oeUVRE

• Une longue histoire qui pourrait aboutir à une coopération renforcée

Évoquée par Keynes en 1936 et théorisée pour le marché des changes par Tobin en 1972, la taxe sur les transactions financières (TTF) a fait l'objet d'un projet européen en 2011. Dans un texte du 28 septembre 2011, la Commission propose l'établissement d'un système commun de taxe sur les transactions financières dans l'Union européenne. Ce texte s'est heurté à des divergences fondamentales et insurmontables au sein des 27 et, en conséquence, il a été impossible de se mettre d'accord. Le texte est devenu caduc, faute d'avoir obtenu le soutien unanime requis en matière de fiscalité.

Cependant, une coopération renforcée semble aujourd'hui possible qui réunirait onze États, à savoir la Belgique, l'Allemagne, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie. Entre temps, la France s'est dotée d'une taxe sur les transactions financières en 2012 et l'Italie vient de l'introduire dans son projet de budget pour 2013.

• La crise de 2008 a servi d'accélérateur

La taxe sur les transactions financières a toujours été présentée comme le grain de sable nécessaire pour ralentir celles des transactions financières indésirables parce qu'elles ne seraient suscitées que par la spéculation et l'appétit du lucre ; elle a été par la suite présentée comme un moyen de financer l'aide au développement Cependant, avec l'éclatement de la crise financière de 2008, ses défenseurs ont invoqué de nouvelles raisons en faveur de sa création.

Premièrement, il semble juste que le secteur financier qui est en grande partie à l'origine de la crise financière de 2008 par sa gestion des « subprimes », mais aussi par la multiplication et la sophistication des opérations et des instruments financiers, apporte une contribution équitable et substantielle au rétablissement des grands équilibres publics. En effet, les États membres se sont attelés à la lourde tâche de l'assainissement des finances publiques et ils ont besoin de ressources nouvelles.

Auparavant, au plus fort de la crise financière, les gouvernements et les contribuables ont pris en charge le coût élevé du renflouement du secteur bancaire à l'aide de fonds publics. Taxer davantage le monde de la finance serait un juste retour des choses.

Deuxièmement, cette taxe pourrait renforcer le marché unique de l'Union européenne. Il existe déjà des taxes sur les transactions financières dans certains États membres, mais leur base et leur taux varient d'un pays à l'autre. Ces taxes qui vont du simple droit d'enregistrement à l'impôt de bourse apparaissent un peu comme des prototypes de la TTF. Or une harmonisation par l'introduction et la généralisation d'une TTF européenne aurait le mérite de réduire les distorsions de concurrence existant entre les États membres.

Le troisième argument concerne le risque : en taxant les transactions financières et plus particulièrement celles qui ne seraient que spéculatives et non productives pour l'économie, on contribuerait à réduire le risque d'une crise.

• TTF : questions pratiques et charge symbolique

Bien que la perspective d'une coopération renforcée réduise quelque peu les ambitions de cette taxe, il convient pourtant de se poser les mêmes questions que si elle était universelle et tout simplement les mêmes questions que celles qui concernent toute création d'impôt. Sur quel territoire s'applique-t-elle ? Sur quel type d'activité ? Quelle est la base de la taxe ? Quel est le taux ? Quelles sont les exonérations nécessaires ? Comment répartit-on son produit ?

En revanche, il ne paraît plus nécessaire, à ce stade, de s'interroger longuement sur l'opportunité économique de la TTF puisque cette taxe suscite une adhésion politique qui frôle le consensus presque parfait (en France, en tous cas).

On sait que la Commission, qui préconise pourtant l'instauration de la taxe, a publié une étude d'impact de la TTF suggérant que celle-ci serait négative pour la croissance européenne (-0,53 % par an si la TTF était instaurée sur l'ensemble du territoire de l'Union) et pour l'emploi (-0,20 %). Les détracteurs de la taxe y ont vu une confirmation de leurs craintes et les défenseurs de la taxe ont demandé au Commissaire Semeta de revoir sa copie.

Pas plus qu'il ne paraît pertinent désormais de s'interroger sur le fait que la logique de la TTF n'est pas évidente. Doit-on taxer toutes les transactions ou seulement la mutation de propriété ? Doit-on taxer la valeur du bien échangé ou le service rendu ? Peut-on intervenir dans un contrat commercial, ce qu'est, somme toute, le contrat dérivé ? Pourquoi taxerait-on une opération sur son montant alors que le revenu qu'on peut en tirer est incertain et en tout cas nul au moment de la transaction ? Pourquoi l'impôt serait-il totalement déconnecté du gain effectif d'une opération, ce gain lui-même, s'il est avéré, pouvant être sans aucune proportion avec la valeur faciale de la transaction ?

Ces questions resteront sans réponse dans la mesure où la TTF est perçue d'abord comme une taxe symbolique qui doit rappeler au monde de la finance que c'est le seul fait de s'engager dans des transactions financières à outrance qui est dangereux et en conséquence, la taxation doit permettre de freiner ce phénomène. Pour l'opinion publique en outre, la crise a jeté une forme de discrédit durable sur l'ensemble des transactions financières.

• Une base incertaine et variable

Certains pourraient aussi avancer que, comme tout impôt nouveau, la TTF augmentera d'abord les recettes fiscales et diminuera ensuite l'activité du secteur taxé, du moins sur le territoire où elle s'appliquera. Puis, par conséquent, dans un deuxième temps, le produit fiscal diminuera à son tour et dans le cas de la TTF, d'autant plus rapidement que les activités financières ont connu une progression impressionnante de 1995 à 2007 et dans tous les cas, plus rapide que le taux de croissance de l'économie durant cette même période. Or cette progression ne devrait plus se poursuivre au même rythme en temps de stagnation ou de récession.

En outre, sous l'effet de cette taxe nouvelle qui s'ajoute à celles pesant déjà sur le secteur, on n'échappera pas à la loi de la courbe de Laffer et on peut tabler sur une réduction rapide de la base taxable d'environ un quart. En clair, on ne saurait attendre un revenu stable de cette taxe. Mais c'est exactement le but premier poursuivi par l'instauration de la taxe : limiter le volume des transactions et pour certaines d'entre elles, les faire disparaître entièrement.

• La répercussion sur le consommateur : une nouvelle taxe sur l'épargne

Pour l'Union européenne, la TTF se justifiait par la nécessité de taxer davantage le secteur financier et bancaire. Cependant, la nouvelle taxe sera assurément répercutée sur le consommateur final, c'est-à-dire sur le client de l'établissement financier. Lors de son premier projet, la Commission a beaucoup insisté sur le fait que cette taxe toucherait essentiellement les établissements financiers ou du moins les clients les plus fortunés, lesquels sont plus souvent susceptibles que d'autres de recourir aux transactions financières ; mais la Commission elle-même présentait l'exemple d'un client achetant des actions à hauteur de 10 000 euros et s'acquittant de 10 euros (taux 0,1 %) de taxe, surcoût de son investissement que la Commission juge supportable.

Il conviendra quand même de garder à l'esprit que la TTF, telle qu'elle se conçoit aujourd'hui, est une taxe sur les épargnants, mise en oeuvre et perçue par les établissements financiers pour le compte de l'État de résidence.

• Le risque de délocalisation des opérations et des capitaux

Il n'est plus question non plus d'étudier le risque de délocalisation. Il conviendra seulement de signaler que le renchérissement des opérations financières pourrait entraîner un départ de ces mêmes opérations pour Londres, New-York, Hongkong, Singapour ou Shanghai. C'est pourquoi il était souhaitable que la taxe fût mise en place à l'échelle mondiale.

• Le renchérissement du coût de l'investissement

L'instauration de la TTF renchérira le coût de l'investissement dans des proportions jugées infimes. Cependant certains États demandent de veiller à ce que soient bien prises en compte les exonérations nécessaires à la protection des produits d'épargne longue, collectifs et individuels, et de s'assurer aussi de la satisfaction, dans les meilleures conditions, du besoin de financement des entreprises et des États sur le marché primaire.

Si la TTF devait entraîner une diminution de l'investissement global sur le territoire des États membres ayant décidé de l'instaurer, il faudrait alors s'en remettre au postulat que les budgets publics qui bénéficieront du produit de cette taxe en feront un meilleur usage que ne l'auraient fait les investisseurs qui l'acquitteront.

• Le coût de la collecte de la taxe reste à évaluer

Le coût de la collecte de la TTF serait dérisoire, selon les uns, très lourd et inflationniste selon les autres ; mais il n'existe pas, à ce stade, de données pour trancher cette question. On devine que la collecte de la taxe ajoutera au travail du « back office » et à celui des services fiscaux. Comme la collecte devrait se faire au niveau national, il ne faudrait pas pourtant que la création de cette taxe entraîne l'obligation d'augmenter les moyens humains des services du fisc.

• La symbolique européenne

Enfin la TTF porte en elle un autre symbole : elle pourrait être la première taxe européenne et l'amorce d'une ressource propre du budget européen. Cet avantage semble l'emporter largement sur tous les inconvénients qu'apportera sa création.

Ainsi, après être remonté aux origines de la TTF et aux prototypes existants, il conviendra d'étudier les raisons de l'échec du projet de 2011 et les difficultés de la coopération renforcée avant de tirer de la TTF à la française toutes les leçons qui s'imposent et de donner quelques pistes pour la négociation difficile qui s'annonce si la coopération renforcée est autorisée.

*

I. AUX ORIGINES DE LA TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

A. DE KEYNES À TOBIN

Un des premiers à soutenir l'idée d'une taxe sur les échanges de titres fut Keynes, en 1936, dans son ouvrage « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie ». Keynes soutenait qu'une spéculation excessive par des acteurs mal informés ne pouvait qu'augmenter la volatilité et qu'il convenait de faire diminuer le nombre des spéculateurs afin qu'ils ne soient jamais en position dominante. Keynes était parfaitement conscient qu'un équilibre devait être trouvé entre la nécessité d'éviter les bulles spéculatives et celle de maintenir un bon financement de l'économie réelle.

Ensuite, Tobin s'empara du sujet et la taxe prit son nom à la fin des années soixante-dix. En 1972, le prix Nobel d'économie James Tobin proposa une taxe sur les transactions de change dans le cadre d'un système monétaire international où le régime de change est flexible et la circulation des capitaux libre. Tobin parlait d'introduire « un grain de sable dans la mécanique bien huilée des marchés » et de limiter ainsi les flux des capitaux pour permettre une meilleure efficacité de la politique monétaire.

Il est apparu très vite que cette proposition de taxe aurait eu plutôt pour effet de renchérir les flux à court terme et ainsi de diminuer l'intérêt de la spéculation - en posant comme postulat de départ que les flux à court terme sont toujours spéculatifs. Les détracteurs de la taxe eurent beau jeu de dénoncer que son application conduirait à frapper avec la même force les opérations de couverture que celles motivées par la seule spéculation. On ajoutera que la taxe Tobin aurait aussi eu pour effet de diminuer le nombre de transactions sur le marché, toute taxe conduisant à la contraction de l'activité sur laquelle elle porte.

Si la taxe Tobin diminuait le nombre de transactions, elle diminuerait aussi la liquidité du marché et rien ne pourrait prouver qu'un marché moins liquide serait un marché plus stable ; au contraire, soulignent certains, un marché plus liquide a tendance à mieux absorber les chocs.

Le débat s'est longtemps fixé sur cet inconvénient majeur de la taxe Tobin et, partant, de toute taxe sur les transactions financières. Ce type de taxe ne semblait pas être en mesure d'être un instrument suffisant pour lutter contre la spéculation et stabiliser le système financier global.

Les tenants de la taxe, sous l'influence des « altermondialistes », ont alors avancé un autre argument : celui de la ressource fiscale à distribuer. En effet, l'instauration d'une taxe sur les transactions financières sur un vaste territoire permettrait de rapporter un produit fiscal considérable que l'on pourrait apporter à l'aide au développement.

C'est ainsi que s'est opéré un glissement du champ économique au champ purement politique : il ne s'agit plus de réguler un marché mais de financer le développement par une taxe dont le taux infime ne devrait en aucun cas perturber le marché. Le taux serait d'autant plus faible que la taxe serait universelle car, dans un monde où les capitaux sont parfaitement mobiles, il convient d'éviter qu'ils se déplacent vers des pays qui n'appliqueraient pas la taxe.

Le débat s'était figé sur ces perspectives encourageantes sans pourtant qu'aucun consensus n'ait été atteint - les États-Unis se donnant le temps de la réflexion et les économistes n'étant pas très offensifs sur la question des effets d'une TTF sur la stabilité et le comportement des marchés - quand la crise de 2008 a offert un regain d'actualité à la TTF.

B. UNE CONSÉQUENCE DE LA CRISE DE 2008

Très vite, il a été établi que le secteur financier avait joué un rôle important dans le déclenchement de la crise économique et que les pouvoirs publics et les contribuables avaient dû en supporter le coût. Dans ces conditions, la TTF est apparue comme un impôt moral et, il faut bien le reconnaître, une forme de sanction infligée aux principaux coupables de la crise.

Il fut admis que le secteur financier devait apporter une contribution plus substantielle et plus équitable. On découvrit alors que le secteur financier bénéficiait d'une « sous imposition » et, qu'entre autres particularités, il n'était pas soumis à la TVA 1 ( * ) . Il fallait garantir une égalité de traitement fiscal du secteur financier par rapport aux autres secteurs. Il aurait fallu, pour bien faire, mettre sur la table la fiscalité du secteur financier qui constitue un débat à elle toute seule.

Au même moment, l'Union européenne s'était attelée à un ambitieux programme de réforme réglementaire du secteur des services financiers pour mieux encadrer ce secteur, renforcer les établissements financiers et parer aux défaillances, rendre les marchés plus sûrs et plus transparents et enfin, accroître la protection des consommateurs de services financiers (règlement EMIR et révision de MIF débouchant sur le règlement MIFID et la directive MIFIR).

On se rallia à l'idée que le secteur financier devait payer et que la TTF était le meilleur vecteur. Certains, pourtant, sans remettre en cause l'idée de faire contribuer davantage le secteur financier, expliquèrent qu'il y avait d'autres moyens plus simples pour contraindre le secteur à contribuer davantage, mais ils ne furent pas entendus.

C. LE DÉBAT SUR UNE CONTRIBUTION PLUS IMPORTANTE DU SECTEUR FINANCIER

Plutôt qu'une taxe sur les transactions financières, il a été évoqué une augmentation de l'impôt sur les résultats des banques ou encore une taxe assise sur le passif des banques sur le modèle anglais ou le modèle français.

1. La taxe sur les activités financières

Une taxe sur l'activité financière (TAF) avait été envisagée par le FMI, c'est-à-dire une taxe sur les rémunérations et sur les profits des banques. Ce type de taxe a pour avantage de ne pas pouvoir être répercutée trop facilement sur le client final puisqu'elle est basée sur les résultats avant impôts, et non sur les transactions opérées au nom des clients. Cependant, pas plus que la TTF, elle ne prend en compte les bénéfices réels du secteur financier.

Or, la taxe sur les activités financières qui était proposée par le FMI ne modifie pas les structures des marchés puisqu'elle frappe les revenus indépendamment de la manière dont ils sont générés (elle porte sur la totalité des profits découlant des activités commerciales des établissements financiers). Elle est donc perçue sur toutes les activités et pas seulement sur les transactions financières et elle ne modifie pas - du moins dans un premier temps - le prix des instruments financiers et n'a pas d'incidence sur la forme des transactions financières. Il y a naturellement avec la TAF un risque de délocalisation des revenus et des rémunérations, mais compte tenu du fait que les établissements financiers doivent offrir leurs services de base là où se trouvent leurs clients, ce risque reste limité.

Le FMI proposait au G 20 et à la Commission une combinaison de la TTF et de la taxe sur l'activité financière. La Commission a hésité jusqu'au dernier moment avant d'opter pour la TTF.

2. La taxe bancaire de risque systémique française

La taxe bancaire de risque systémique française répond à une autre logique : elle est applicable aux entreprises du secteur bancaire relevant de la compétence de l'Autorité de contrôle prudentiel et soumises à des exigences minimales en fonds propres supérieures à 500 millions d'euros. Cette taxe est donc assise sur les fonds propres réglementaires et son taux est de 0,25 %.

La taxe de risque systémique est affectée au budget général, elle devrait rapporter plus d'un milliard d'euros au titre de 2012 du fait du doublement de son taux intervenu avec la deuxième loi de finances rectificative pour 2012.

Pour mémoire, le rendement de l'ensemble des taxes bancaires serait au Royaume-Uni et en Allemagne respectivement de l'ordre de 3 milliards d'euros et de 1,2 milliard d'euros.

3. Le fond du débat : souveraineté fiscale et égoïsmes nationaux

Tous ces débats sur la meilleure taxe possible dissimulent pourtant l'essentiel de la problématique que l'on peut résumer de la façon suivante: il fallait éviter les distorsions économiques sur des marchés internationaux parfaitement intégrés, éviter de limiter la liberté de circulation des capitaux, enfin éviter une trop grande réduction de la souveraineté fiscale des États et promouvoir pourtant un minimum d'unité et de synergie entre des États souverains habitués jusqu'ici à opter presque toujours pour des politiques fiscales individualistes dont l'efficacité était éphémère. D'un côté des marchés financiers sans frontières, de l'autre des citadelles fiscales nationales recroquevillées sur une politique fiscale de court terme cherchant à maximiser le produit de l'impôt et à conserver le plus longtemps possible le maximum de bases taxables par définition mobiles.

Un autre aspect du débat concernait, comme il a été dit, le souhait de limiter, voire de supprimer, grâce à une taxe dissuasive, les transactions purement spéculatives et à risque. Les détracteurs de la TTF estimaient qu'elle serait inopérante et que seule une interdiction de ces transactions pourrait y mettre fin. Leur démonstration n'a pas convaincu.

Par ailleurs, il est curieux de remarquer que le débat ne s'est pas nourri de l'existant, c'est-à-dire des premières expériences de TTF, même s'il s'agit plutôt de lointains prototypes : le droit de timbre suisse, l'impôt de bourse français, la Stamp Duty britannique. Ces taxes, sévèrement critiquées par certains défenseurs de la TTF, ont pourtant le mérite de montrer ce qui est possible et ce qui ne l'est pas et à ramener le débat sur des fondamentaux réalistes.

D. LES PROTOTYPES DE LA TTF

1. Le droit de timbre en Suisse

Au départ, le droit de timbre suisse s'appliquait de manière générale à tout échange de titres en Suisse. Après plusieurs réformes, ce droit de timbre ne s'applique plus qu'aux opérations des banques de gestion et à celles des autres acteurs institutionnels de la finance, mais il ne s'applique pas aux agents de change étrangers, ni aux banques institutionnelles étrangères ni aux gérants de fortune étrangers.

Ce droit de timbre créé en 1918 et réformé en 1973 a pour facteur de déclenchement de l'imposition le transfert de propriété de titres, uniquement à caractère onéreux, par l'entremise d'une institution financière suisse habilitée à intervenir sur les marchés financiers, le « commerçant de titres ».

Les titres soumis à ce droit comprennent les titres suisses comme tous les titres étrangers, qu'il s'agisse d'actions, d'obligations ou de parts de fonds ainsi même que certains produits dérivés.

Les émissions sur le marché primaire sont exonérées de ce droit de timbre. Sont également exonérés les placements collectifs de capitaux suisses et étrangers. Ces deux exonérations méritent d'être soulignées dans la mesure où parmi les États ayant rejoint le projet européen d'une coopération renforcée, certains n'y sont pas insensibles.

Les taux sont de 1,5 °/ °° pour les titres suisses et de 3 °/ °° pour les titres étrangers ; chaque fois, la taxe est partagée par moitié entre les deux contractants (soit 0,075 % et 0,15 % ou 7,5 et 15 points de base).

Cette taxe rapporte annuellement 2,856 milliards de francs suisses et s'apparente à une TTF partielle puisqu'elle ne frappe qu'une partie des transactions et à la condition qu'elles donnent lieu à un changement de propriété à titre onéreux. Moins ambitieuse que la TTF imaginée par la Commission, elle a pour elle la clarté et l'efficacité, outre l'autorité que lui confère sa durée - presque un siècle d'existence.

2. La « Stamp Duty » britannique

La Stamp Duty Reserve Tax est un impôt applicable aux transactions portant sur des actions cotées au Royaume-Uni. Sous les effets combinés de la crise de 2008 et d'une décision de la CJUE de 2009, les recettes de cette taxe ont connu une baisse sensible. Cependant, son existence n'est pas remise en cause, car le débat porte plutôt sur l'éventuelle exonération des investissements des fonds britanniques et étrangers. Cette querelle n'est pas sans intérêt pour les États membres qui veulent entrer dans la coopération renforcée, car la même question se posera à eux au moment de cerner les vrais contours du projet de la nouvelle TTF européenne.

La Stamp Duty , refondée en 1986 à partir d'une taxe existant depuis 1694, est due au titre des transactions portant sur les actions de sociétés britanniques, sur les actions enregistrées au Royaume-Uni de sociétés étrangères, sur les options d'achat, sur les droits issus d'actions déjà détenues et sur le droit à recevoir le produit de la vente de ces actions. C'est un droit d'enregistrement dont le taux est de 0,5 % ou de 1,5 % si les titres transitent par une chambre de compensation lors d'un transfert à l'étranger. Le redevable de la taxe est l'acquéreur et non les deux parties à la transaction.

Les recettes de la Stamp Duty évoluent dans une moyenne de 2,5 à 3,5 milliards de livres. L'existence de cette taxe figure parmi les arguments utilisés par le Royaume-Uni pour s'opposer à l'instauration d'une TTF européenne. Or, la Stamp Duty ne concerne qu'une partie des transactions, mais elle a le mérite d'être doublement territoriale puisqu'il s'agit de titres britanniques achetés sur le sol britannique et donc de ne pas menacer la souveraineté fiscale des autres États. En contrepartie, elle ne peut s'opposer au phénomène d'évitement qui consiste à ce que les investisseurs aillent acheter et détenir des actions britanniques en dehors du territoire.

3. L'ancien impôt d'opération de bourse français

En France, jusqu'en 2007, tout investisseur résidant sur le territoire national devait s'acquitter d'un impôt sur toute opération de bourse ayant pour objet l'achat ou la vente de valeurs de toute nature qu'elles fussent françaises ou étrangères. Le taux était de 0,3 % pour la première tranche (jusqu'à 153 000 euros) et 0,15 % au-delà de cette tranche. Le montant de l'impôt était plafonné à 610 euros.

Les obligations étaient exonérées de cet impôt. Cependant l'impôt fut supprimé, car il nuisait à l'attractivité de la place de Paris et accentuait les délocalisations d'opérateurs. On l'accusait aussi de créer des distorsions de concurrence et de réduire la liquidité. Son principal défaut était bien de discriminer les seuls résidents français et les prestataires de services d'investissement établis en France et le corollaire de ce défaut était la délocalisation des ordres au profit des places étrangères. Les clients français étaient invités à recourir à des intermédiaires établis hors de France pour réaliser leurs opérations sur Euronext ou sur les marchés étrangers.

Cette taxe rapportait 260 millions d'euros en 2007, soit sans doute moins que la perte de recettes fiscales et sociales générée par la délocalisation des ordres.

E. LE CHOIX FISCAL DE L'ANGLETERRE À PARTIR DE 2008 : LA TAXE SUR LE PASSIF ET L'OPPOSITION DÉTERMINÉE À LA TTF

En réaction à la crise de 2008 et en réponse à l'exigence d'une augmentation de la fiscalité pour les banques, le Royaume-Uni a créé, à partir de 2011, une taxe sur le passif des banques. Cette nouvelle taxe est destinée à contraindre les banques à contribuer aux dépenses publiques à hauteur du risque qu'elles font peser sur l'économie et à les encourager à s'orienter vers des sources de financement plus sûres. Les institutions bancaires et assimilées doivent s'acquitter de cette taxe dès que la somme de leurs dettes dépassera le seuil de 20 milliards de livres.

Le taux s'établit à 0,07 % et le produit attendu devrait approcher les 2 milliards de livres à partir de 2012. Cette taxe n'est pas déductible de l'impôt sur les sociétés.

L'Angleterre disposant depuis toujours d'un droit de timbre et ayant opté pour une taxation plus lourde des banques, s'est sentie en position de force pour s'opposer à l'instauration d'une TTF européenne.

En effet, pour l'Angleterre, la TTF aurait a minima pour conséquence immédiate de renchérir le coût du financement et de réduire l'investissement et d'une manière générale de nuire à l'activité économique.

Les Britanniques signalent qu'une différence de fiscalité plus grande entre l'Europe d'un côté et les États-Unis et l'Asie de l'autre provoquerait une diminution automatique de l'activité des places financières européennes. Ils rappellent volontiers l'expérience de TTF en Suède qui avait provoqué, en 1990, en un temps record, la disparition totale du trading en Suède (au profit de Londres).

Enfin, une TTF rendrait, selon eux, le fonctionnement quotidien des entreprises plus difficile par la faute d'un coût accru de la protection contre le risque de change et contre le risque de taux. Certaines activités financières disparaîtraient purement et simplement comme le prêt de titres entre banques ou les « hedge funds » . Les investisseurs sur les marchés de taux seraient également particulièrement pénalisés, car la TTF représenterait une part très importante de leurs marges dans un contexte de taux d'intérêt très bas.

Le Chancelier de l'Échiquier est intervenu pour dénoncer les effets pervers de la TTF qui, selon lui, ne serait pas une taxe sur le secteur financier, mais bel et bien une taxe sur les retraités qui en paieraient in fine le coût. En effet, les épargnants des fonds de pension seraient les premiers touchés avec un coût estimé à 1,8 milliard de livres par an (dans le premier projet de la Commission). En outre, il rappelle que dans le cas d'une TTF couvrant la totalité du territoire de l'UE, le Royaume-Uni apporterait les deux tiers du produit puisque la City concentre une majeure partie des transactions financières européennes.

La City et le Trésor britannique avancent également que la responsabilité des deux crises que l'Europe et le monde viennent de traverser, la crise financière de 2008-2009 et la crise de la dette souveraine actuelle, n'est pas à rechercher d'abord du côté des institutions financières ou de la City . Ils pointent le rôle déterminant des banques centrales pendant toute la décennie, banques qui ont pratiqué une politique monétaire relativement accommodante, procurant des ressources à coût très bas, à la fois aux États, aux ménages et aux entreprises. Cet excès de liquidités a, dans un premier temps, conduit à un endettement excessif des ménages, notamment Nord-Américains, avec pour conséquence finale un retournement du marché immobilier et une augmentation des défauts, notamment sur le segment le plus fragile, celui des crédits « subprime ». A la suite de cette crise, les États ont dû s'engager dans des plans de soutien importants en 2008-2009 avec pour effet d'affaiblir les finances publiques de certains États à la périphérie de l'Europe : Grèce, Irlande et Portugal, puis Espagne et Italie dès la fin 2010.

Pendant toute cette période, des institutions financières ont dû être secourues par les États, pour éviter la faillite. C'est le coût de ce soutien, ainsi que le coût de la protection implicite vis-à-vis du risque systémique que ces institutions leur font supporter, qui pourrait justifier un prélèvement spécifique comme la taxe sur les transactions financières. Mais cet argument est également rejeté par les Britanniques qui mettent en avant le fait que le risque que représente le secteur financier est déjà traité par le durcissement de la règlementation, Bâle III en tête.

Ils sont néanmoins conscients que d'autres problématiques ne sont pas encore traitées, comme le « shadow banking » ou la régulation des « hedge funds » . Le « shadow banking » est une activité de banque menée par des entités qui, ne recevant pas de dépôts, ne sont pas régulées en tant que banques et échappent ainsi aux règlementations de Bâle, en particulier sur les fonds propres : c'est vrai pour certaines banques d'affaires et pour les « hedge funds » .

Les Britanniques jugent cependant que la taxe ne serait pas le bon outil pour accroître la transparence des marchés et que ces problèmes doivent être appréhendés, si nécessaire, par le biais de la régulation et non par une approche fiscale. Ils rejettent donc en bloc l'argument selon lequel, de par son existence même, la TTF serait un moyen de mieux être informé sur certaines transactions.

Enfin, pour les Britanniques, le caractère immoral, ou du moins non utile socialement, de certaines activités financières, « high frequency trading » par exemple, doit également être réfuté. Tout échange ayant lieu sur un marché entre un acheteur et un vendeur prêts à une transaction, serait mutuellement profitable aux deux intervenants. C'est leur credo. En ce sens, une limitation des transactions diminuerait le bien-être social. A la question spécifique de l'information des consommateurs finaux sur la dangerosité de certains produits - l'exemple des emprunts toxiques pour les collectivités locales a été cité à de nombreuses reprises - les Britanniques jugent préférable de répondre par un meilleur encadrement des pratiques et des produits et ils soulignent que les investisseurs doivent supporter les conséquences des risques qu'ils ont accepté de prendre. La TTF serait selon eux un moyen inefficace et brutal de résoudre ces questions. D'autres moyens existent et c'est tout l'objet de certaines directives comme EMIR et MiFID (cf. encadré p. 41).

Quant à l'impact de la mise en place de la TTF sur la réduction de la volatilité sur les marchés, il ne serait pas avéré.

Naturellement, il est clair que l'Angleterre est dans son rôle quand elle défend la place de Londres et les fonds de pension, rôle d'autant plus facile à jouer que Londres apparaît objectivement comme la place européenne financière par excellence et que l'Angleterre a beau jeu de faire valoir que le dépérissement de Londres équivaudrait au dépérissement financier de toute l'Europe.

II. LES RAISONS DE L'ÉCHEC DU PROJET DE LA COMMISSION ET LES DIFFICULTÉS DE LA COOPÉRATION RENFORCÉE

A. L'AMBITIEUX PROJET DE DIRECTIVE DU 28 SEPTEMBRE 2011

1. Des objectifs trop nombreux et très ambitieux

Le projet de directive de 2011 avait pour objet de faire contribuer davantage le secteur financier pour deux raisons : l'une structurelle - la Commission jugeait que le secteur financier n'était pas assez taxé par rapport aux autres secteurs - et l'autre conjoncturelle - le secteur financier ayant joué un rôle important dans le déclenchement de la crise, il convenait qu'il participât à la réparation des dégâts.

Le projet de 2011 visait également à renforcer le marché intérieur à un moment où plusieurs États membres avaient déjà pris des mesures divergentes dans le domaine de la taxation du secteur financier.

Enfin, le projet de 2011 présentait la TTF comme le moyen de décourager les transactions à risque, le moyen d'éviter de nouvelles crises et celui de poser les bases pour une taxe universelle.

Dans l'opinion, la crise était l'occasion de mettre en coupe réglée un secteur qui était très florissant depuis quinze ans et qui avait perdu le sens de la mesure.

Cependant, bien que les objectifs aient été très ambitieux et le contexte très favorable, le projet n'a pas emporté l'adhésion.

2. L'assiette de la TTF : le principe de résidence et l'extraterritorialité

Dans ce projet, l'assiette était universelle puisque, dans un premier temps, le principe était que toutes les transactions étaient comprises dès lors qu'au moins une des parties à la transaction était établie dans un État membre et qu'un établissement financier établi sur le territoire d'un État membre était partie à la transaction.

Par transaction financière, il fallait entendre la vente ou l'achat d'un instrument financier quel qu'il soit, dérivés compris (cf. encadré p. 37).

L'applicabilité de la taxe reposait sur le principe dit de « résidence » (au moins une des deux parties résidente dans un État membre), ce qui semblait signifier une limite territoriale circonscrite au territoire de l'Union européenne, mais ce principe de résidence offrait en réalité une base très extensive à la TTF.

Ce principe est ainsi formulé dans l'article du projet de directive qui délimite son champ d'application : « La présente directive s'applique à toute transaction financière dès lors qu'au moins une des parties à la transaction est établie dans un État membre et qu'un établissement financier établi sur le territoire d'un État membre est partie à la transaction, pour son propre compte ou pour le compte d'un tiers, ou agit au nom d'une partie à la transaction. »

Mais le principe de résidence, selon la Commission, a pour conséquence qu'une institution financière est considérée comme établie dans un État membre et donc redevable de la taxe dès lors que (article 3 du projet):

- elle a été autorisée à agir comme institution financière par l'État membre où elle se trouve ;

- elle a son siège social dans l'État membre concerné ;

- elle a son domicile ou sa résidence usuelle dans l'État membre ;

- elle dispose d'une succursale dans cet État membre ;

- elle est partie à une transaction avec une institution financière ou une autre partie résidant dans un État membre.

Il s'ensuit que la première conséquence de ce principe extensif est que si une transaction met en rapport deux parties ayant leur résidence dans l'Union européenne, la taxe est due deux fois, une fois par chacune des parties, quel que soit le lieu où la transaction est conclue.

A contrario, une transaction entre deux parties non résidentes mais prenant place dans l'Union européenne ne donne pas lieu au paiement de la taxe.

De même - et cela est plus grave -, il convient de remarquer qu'en application de la cinquième condition, une transaction entre une partie résidente et une partie non résidente donne aussi lieu au paiement de la taxe à deux reprises : la partie résidente parce qu'elle est résidente et la partie non résidente parce qu'elle traite avec une partie résidente.

Dans ces conditions, les adversaires de la taxe concluaient que le principe de résidence portait mal son nom puisqu'il introduit au contraire l'extraterritorialité de la taxe ; en effet, des parties étrangères à l 'Union étaient amenées à payer la taxe et des établissements financiers étrangers étaient requis pour encaisser la taxe et la verser à des fiscs étrangers. Le principe tel qu'il figurait dans le projet de la Commission leur paraissait donc assez difficile à appliquer. Il s'agissait d'une « mondialisation de fait » de la TTF, mais l'Union européenne peut-elle légiférer pour le reste du monde ?

La Commission maintient pour l'instant sa position en affirmant que le principe de résidence est le meilleur moyen d'éviter qu'on puisse échapper à la taxe ou délocaliser la transaction. Le principe de résidence, dans l'esprit de la Commission, implique que ce qui importe, ce n'est pas le lieu de la transaction, mais l'existence ou non d'un lien économique avec l'Union européenne. On peut donc considérer qu'il s'agit d'un principe particulièrement astucieux, répondant bien au risque éventuel de délocalisation des transactions, mais qu'il empiète sur la souveraineté fiscale des États tiers. Cependant, à défaut de délocaliser les transactions, les institutions financières pourront toujours se délocaliser elles-mêmes ou passer par leurs filiales.

L'empiétement sur la souveraineté fiscale des États tiers est apparu comme un défaut majeur qui condamnait le projet à se heurter au scepticisme ou à l'opposition de la majorité des États membres.

3. Des exonérations nécessaires mais insuffisantes

Une fois posés les principes généraux, le projet énumérait les exonérations :

- les transactions effectuées sur le marché primaire (pour ne pas gêner les États et les entreprises dans la satisfaction de leurs besoins de financement)

- les transactions effectuées avec les institutions européennes et les organismes internationaux

- les transactions effectuées avec les banques centrales des États membres.

Ces exonérations ont été jugées insuffisantes par certains États membres et même par le Parlement européen qui ont émis le souhait que des exonérations supplémentaires soient prévues pour s'assurer que les produits de l'épargne collective et individuelle ne soient pas systématiquement pénalisés par la future taxe.

4. Des taux faibles en apparence

La taxe était due au moment même où s'opérait la transaction et portait sur tout le prix des titres échangés de la transaction et pour les dérivés sur le montant notionnel. Les taux planchers proposés étaient de 0,1 % pour les actions et obligations et de 0,01 % pour les dérivés.

Le secteur financier a fait remarquer que les taux n'étaient faibles qu'en apparence, puisque l'effet de cascade propre aux transactions n'avait pas été pris en compte par la Commission. Ainsi un simple achat d'action à la Bourse entraîne des achats et des ventes entre plusieurs parties prenantes comprenant les courtiers et les chambres de compensation. A ce stade du projet, seule la centrale de compensation est exemptée du paiement de la taxe si bien qu'il faut ajouter aux taxes payées par l'acheteur et le vendeur celles qui seraient payées par les deux courtiers et les deux chambres de compensation, chaque fois à l'achat et à la vente, ce qui pourrait conduire jusqu'à un taux de 2,2 % pour une simple transaction. Cet effet de cascade sera peut-être corrigé dans le projet de coopération renforcée, mais dès le départ, il a naturellement joué contre le projet de directive. Pourtant, il n'entrait sans doute pas dans l'intention de la Commission pour qui la transaction n'est qu'un achat et une vente, les intermédiaires étant dispensés de la taxe. Mais cette exonération n'est pas clairement formulée pour l'instant.

La collecte de la taxe était mise à la charge des établissements financiers et le paiement était immédiat pour les transactions électroniques et dans le délai de trois jours pour les autres.

5. Le risque d'un impact négatif sur les marchés

La Commission déclarait s'attendre à un produit fiscal d'environ 55 milliards d'euros, à une chute de 20 % des transactions sur titres cotés et à une chute du trading à haute fréquence de 90 % sans grande conséquence sur le niveau de l'emploi et avec un impact positif sur l'efficacité des marchés financiers. L'ensemble de ces prévisions optimistes a été contesté par certains économistes.

B. LES RAISONS DE L'ÉCHEC DU PROJET DE LA COMMISSION

Le projet de TTF présenté par la Commission semble avoir échoué par excès d'optimisme et manque de pragmatisme. C'est peu dire que ce projet faisait peur à l'ensemble du secteur financier européen et aux ministres des finances de certains pays. On comprend que la Commission, de réputation pourtant libérale, ait pu croire un moment que l'inquiétude soulevée par la crise lui offrait l'occasion unique d'imposer, sans coup férir et comme allant de soi dans un moment difficile, une proposition qui appartient au programme des « altermondialistes ».

Par sa visée quasi universelle, l'étendue de son assiette et l'importance de ses taux, la TTF proposée soulevait des difficultés qui ont empêché d'atteindre un consensus.

1. Taxer davantage le secteur financier : une augmentation en trompe-l'oeil ?

Partant de l'idée que le secteur financier n'était pas assez taxé, la Commission, ignorant l'alourdissement fiscal introduit par l'Angleterre (Bank Levy) et par la France (taxe bancaire de risque systématique) et ignorant également le coût des garanties supplémentaires exigées des banques par Bâle III, a proposé une taxe qui avait toutes les chances d'être répercutée sur le client final, c'est-à-dire les épargnants, les investisseurs et les entreprises.

Quand à l'accusation de « sous-taxation », le secteur bancaire a aussitôt réfuté l'assertion, rappelant qu'il s'acquitte de l'impôt sur les sociétés (sa participation s'élevant entre 18 et 26 % du produit de l'IS), d'une TVA non répercutable, de la taxe sur les salaires et de l'ensemble des taxes nouvelles créées depuis la crise ; en outre, il a confirmé que le coût de la TTF serait répercuté sur le client final, comme c'est le cas pour la TTF créée en France en 2012. Etait-ce vraiment le but poursuivi ?

2. Le renchérissement du coût du crédit

Les détracteurs de la taxe ont souligné que la TTF renchérirait automatiquement le coût de financement et le coût de la couverture des risques.

Ils ont également dénoncé le fait que la diminution des transactions conduirait à une baisse de la liquidité, elle-même cause du renchérissement du marché des capitaux.

3. Le risque de délocalisation

Les détracteurs de la TTF soulignent que celle-ci, limitée au territoire européen entraînerait une délocalisation des activités et des acteurs au profit des États-Unis et de l'Asie, et cette taxe limitée aux États membres européens pénaliserait la compétitivité des entreprises européennes. Selon les acteurs financiers, il existe un risque que se diffuse l'idée que traiter avec l'Union européenne coûte désormais plus cher.

4. Réaffirmation du principe de territorialité

Déclarer imposable toute transaction financière à laquelle au moins une partie à la transaction est établie sur le territoire de l'UE et à laquelle participe un établissement financier établi sur le territoire de l'UE apparaissait très extensif et empièterait sur la souveraineté fiscale des autres États hors de l'UE. Pourquoi ces États accepteraient-ils qu'une taxe soit levée par eux au profit d'autres États ?

Comme l'indique le tableau qui suit, cela revient à taxer toutes les transactions de l'UE entre les États membres à l'intérieur de l'UE et toutes les transactions de l'UE avec le reste du monde, astreignant à la taxe des pays qui ne l'ont pas adoptée.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES CAS D'APPLICATION DE LA TAXE :
PRÉSENTATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE


Partie/Contrepartie

Etablissement financier UE (État membre B)

Autre résident UE (État membre B)

Etablissement financier non résident


Autre non résident

Etablissement financier résident UE (État membre A)

Tb

Ta

-

Ta

Ta

Ta

-

Ta

Autre résident UE (État membre A)

Tb

-

-

-

Ta

-

-

-

Etablissement financier non résident

Tb

Tb

-

Tb

-

-

-

-

Autre non résident

Tb

-

-

-

-

-

-

-

Ta, Tb : taxe à acquitter à l'État membre A ou à l'État membre B

Taxe payée par partie résidente UE Taxe payée par la partie non résidente

Rappel : les règles de taxation s'appliquent également quand un établissement financier n'est pas une partie directe à la transaction mais agit pour le compte de l'une des parties

Source : Assemblée nationale

Il aurait été plus prudent de proposer une application de la taxe limitée au territoire de l'Union.

5. La taxation à l'achat et à la vente

La taxe est également apparue excessive dans la mesure où elle était perçue à la fois sur l'acheteur et sur le vendeur alors qu'en Suisse le poids de la taxe est partagé entre les deux et qu'en Angleterre et en France, seul l'acheteur paie.

6. Les taux de la taxe

Apparemment minimes, les taux s'appliquaient au sous-jacent des transactions et pouvaient paraître élevés au regard des marges étroites réalisées sur certaines transactions financières.

En outre, comme il a été dit plus haut, l'effet de cascade conduisant à multiplier le taux de la taxe par 6, voire davantage (vendeur, broker n° 1, chambre de compensation du broker, chambre de compensation de l'acheteur, broker n° 2, acheteur) a été souvent dénoncé. La Commission a fait savoir que cette interprétation venait de l'imprécision de son texte et que cet inconvénient serait corrigé dans la mesure où il n'aurait jamais été dans son esprit de taxer en cascade toutes les opérations d'une transaction.

7. Le financement de l'économie nationale

Le secteur bancaire français a rappelé que le financement de l'économie nationale doit être assuré par une intermédiation financière nationale de proximité, attentive à la situation et aux demandes des entreprises. En cas de délocalisation massive, on verrait la création d'une Europe bancaire à deux vitesses : une partie des plus petites entreprises n'auraient plus accès localement à l'ensemble des services.

C. LA POSITION DU PARLEMENT EUROPÉEN : ENTRE RÉALISME ET EXCÈS D'AMBITION

Le Parlement européen s'est prononcé favorablement sur le projet de directive de la Commission et considère la TTF comme « un instrument de sortie de crise ».

Le Parlement européen a souhaité deux modifications majeures du projet de 2011 :

- l'exonération des fonds de pension ;

- l'ajout du principe du lieu d'émission qui se combinerait avec le principe de résidence dans la définition qu'en donne la Commission.

Avec l'ajout du principe du lieu d'émission, les institutions financières situées en dehors du territoire de l'Union européenne seraient également obligées de payer la TTF quand elles négocient entre elles des titres émis à l'origine dans l'Union européenne.

D'un côté, le Parlement européen affichait ainsi une position restrictive (en exonérant les fonds de pension) ; de l'autre, il allait plus loin dans l'extraterritorialité, empiétant davantage sur la souveraineté fiscale des États tiers.

D. LE REPLI STRATÉGIQUE SUR UNE COOPÉRATION RENFORCÉE

Faute d'accord, on s'oriente désormais vers une coopération renforcée à onze États membres, à savoir : la Belgique, l'Allemagne, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie.

Ces onze pays ont adressé le 9 octobre 2012 une demande officielle tendant à instaurer entre eux une coopération renforcée afin d'établir une TTF et ils ont demandé à la Commission de soumettre au Conseil une nouvelle proposition. Cette nouvelle proposition n'est pas encore disponible, mais la Commission laisse entendre que ce nouveau texte ne sera pas très différent du projet de 2011.

Toutefois, cette coopération renforcée doit être autorisée à la majorité qualifiée. Ce vote pourrait avoir lieu lors d'un Conseil Ecofin en janvier 2013. Les grandes manoeuvres ont commencé pour rallier d'autres États membres non plus à la TTF mais seulement à l'autorisation d'une coopération renforcée. On comprend mal que les États hostiles à la TTF puissent autoriser la coopération renforcée si le projet TTF obéit encore au principe de résidence tel qu'il est défini de manière extensive et extraterritoriale par la Commission.

Aujourd'hui, la Grande-Bretagne tente de bloquer le processus parce qu'elle considère que l'on ne peut pas se prononcer sur la coopération renforcée sans en connaître au moins les contours, le texte n'existant pas encore.

Si la coopération renforcée est autorisée, une négociation commencera entre les onze États sous les yeux de l'ensemble des États membres puisque, selon l'article 330 du traité, tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, même si seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote.

Ces négociations devront aboutir à un compromis qui devra être voté à l'unanimité par les représentants des onze États parties à la coopération renforcée. Dans ce compromis, certains verront un aboutissement et d'autres un point de départ pour un élargissement territorial de la TTF. Il semble plus judicieux, si l'on veut attirer d'autres États membres dans la coopération, d'opter pour une TTF a minima. Ce mécanisme n'a pas été utilisé souvent et ce sera la troisième fois (après le divorce et le brevet) si la coopération est autorisée. La question restée en suspens est de savoir si la coopération renforcée est une procédure adaptée dans le domaine fiscal. Sur ce point, les avis divergent, et, en dernier recours, le juge européen pourrait être amené à se prononcer.

Quoi qu'il advienne, quatre questions essentielles feront l'objet des négociations :

- l'assiette de la TTF (actions, obligations, parts de fonds, dérivés) et ses exonérations (marché financier, épargne salariale, fonds de pension, épargne longue collective et individuelle) ;

- le principe de territorialité (territorialité limitée combinée au principe de résidence et au principe d'émission - risque d'extraterritorialité) ;

- les taux de la TTF (une base large et le risque de délocalisation appellent des taux très bas) ;

- le partage du produit de la TTF (budgets nationaux, budget européen - ressources propres-, aide au développement).

*

* *

COOPÉRATION RENFORCÉE :
LES CONDITIONS POSÉES PAR LES PAYS-BAS

Les Pays-Bas souscriraient à une coopération renforcée visant à créer une TTF si trois conditions étaient remplies :

1°) Les recettes de la taxe ne doivent pas être utilisées comme une ressource propre de l'Union.

2°) L'incidence de la taxe doit rester mesurée et prendre en compte le reste de la fiscalité imposée au secteur financier.

3°) L'éventuelle TTF ne doit avoir aucun impact sur les fonds de pension néerlandais.

III. LA TTF À LA FRANÇAISE : PRÉFIGURATION D'UN MODÈLE POSSIBLE ET D'UN COMPROMIS A MINIMA ?

A. TROIS TAXES EN UNE

La TTF française se décline en trois taxes : une sur les achats d'actions, une autre sur le trading et une troisième sur les CDS.

1. La taxe sur les achats d'actions françaises

La première taxe française sur les transactions financières s'applique uniquement aux achats d'actions. On remarque que son champ d'application est plus réduit que celui de la proposition européenne et même plus réduit que l'ancien impôt de bourse. Ce choix s'explique par le désir d'amorcer un mécanisme et de le tester. D'autre part, dans la mesure où seule la France, au moment de la création de cette taxe, montrait l'exemple, il ne fallait pas infliger un désavantage compétitif trop insupportable aux marchés financiers français. Selon ses auteurs, il serait toujours temps d'élargir l'assiette si nos partenaires européens se ralliaient à la TTF.

La taxe s'applique donc à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital remplissant les trois conditions cumulatives suivantes :

- l'acquisition donne lieu à un transfert de propriété, ce qui signifie qu'il en résulte une inscription au compte-titres de l'acquéreur ; on remarque que seul l'achat est taxé, à la différence de la TTF proposée par la Commission qui taxe l'achat et la vente au même moment ;

- l'action faisant l'objet de la transaction est admise aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger reconnu ;

- l'action est émise par une entreprise dont le siège social est en France et dont la capitalisation dépasse un milliard d'euros (150 sociétés sont concernées).

Alors que la proposition européenne de 2011 prévoit une taxation fondée sur le critère de résidence en Europe d'une des parties à la transaction, la taxe française se détourne au contraire de ce principe et opte pour un principe de territorialité limitée lié à la résidence du siège social. Toute autre option aurait délocalisé les transactions sur les titres français.

Il est clair que la première conséquence est une augmentation du coût des transactions portant sur les actions des sociétés françaises et une diminution de la liquidité de leurs titres. L'autre conséquence est moins certaine, car elle est plus difficile à mettre en oeuvre : la délocalisation des sièges sociaux.

Les obligations et les placements collectifs (leur échange seulement) ont été exonérés. De même, ont été exonérées les émissions d'actions sur le marché financier, les opérations réalisées par une chambre de compensation ou un dépositaire central, les activités de tenue de marché, les acquisitions intra-groupes (entre société mère et filiales) et les cessions temporaires de titres.

La taxe sur les transactions financières est émise sur la valeur d'acquisition du titre. Son taux était de 0,1 % lors de la création de la taxe, et il est désormais de 0,2 %, soit le double de la proposition européenne.

Tandis que l'ancien impôt de bourse rapportait 250 millions d'euros en 2007, année de sa suppression, le rendement envisagé de cette nouvelle taxe est de 1,1 milliard d'euros en année pleine.

Toute taxe diminue l'activité sur laquelle elle repose et on estime que la perte d'assiette résultant de la création de cette taxe équivaudra à 10 % des transactions, soit 120 milliards d'euros. Cette perte ne manquera pas d'affaiblir davantage la place de Paris, en perte de vitesse déjà depuis quinze ans.

Le recouvrement de la taxe acquittée par l'acheteur est assuré par l'établissement français ou étranger au profit du fisc français. C'est une différence importante avec l'ancien impôt de bourse qui n'était dû que si les opérations de bourse étaient exécutées grâce à l'intermédiaire d'un prestataire de services d'investissement établi en France.

Avec cette nouvelle taxe, les intermédiaires financiers de la place de Paris ne sont pas autant désavantagés puisque la taxe est due même si l'opération est réalisée par un professionnel établi à l'étranger. Il n'y a pas non plus de distinction selon la nationalité de l'acquéreur, dès lors que le critère de nationalité s'applique à l'émetteur de l'action (principe de l'émission - action émise par une société ayant son siège social en France).

2. La taxe sur le trading à haute fréquence

La seconde taxe sur les transactions financières créée en 2012 porte sur le trading à haute fréquence. Sa vocation est dissuasive.

Les établissements financiers effectuent sur les plateformes de négociation de très nombreuses transactions portant sur des volumes considérables mais avec une faible marge. Ils utilisent pour cela des algorithmes mathématiques et des ordinateurs très puissants leur permettant de tirer profit d'infimes écarts entre ordres d'achat et de vente sur les marchés : la modification, automatisée par voie informatique, d'ordres successifs portant sur un même titre intervient dans des délais inférieurs à une seconde. Cette technique multiplie le volume des transactions dans un but exclusivement spéculatif, ce qui peut contribuer à déstabiliser les marchés financiers eux-mêmes et, par voie de conséquence, l'économie réelle.

En taxant cette activité spéculative, il est facile de la rendre non rentable, et donc de la faire cesser. Dès lors que le trading à haute fréquence ne tire de profits que de la démultiplication d'infimes marges, une faible taxation suffit à annuler toute marge bénéficiaire, et donc à priver d'intérêt ces opérations. La négociation automatisée sur les marchés financiers est ainsi directement atteinte par l'augmentation des coûts de transaction provoquée par la nouvelle taxe.

La taxe sur le trading à haute fréquence ne concerne que les opérations portant sur des actions. Son champ est toutefois plus large que la taxe sur les achats d'actions, puisqu'il n'y a pas de limitation selon la nationalité du siège social de l'émetteur de l'action ou sa capitalisation boursière. En application du principe de territorialité limitée, seules les entreprises établies en France et pratiquant le trading à haute fréquence y sont assujetties : par rapport à la taxe sur les achats d'actions, qui concerne également les transactions réalisées à l'étranger, il ne s'agit pas de taxer l'échange d'un titre d'une société française mais l'activité réalisée en France par une société qui pratique des opérations spéculatives sur ces titres.

Comme pour la taxe sur les achats d'actions, les opérations réalisées, même avec des traitements automatisés et des algorithmes informatiques, dans le cadre d'une activité de tenue de marché sont exonérées, dès lors qu'elles contribuent au bon fonctionnement du marché en assurant sa liquidité.

La taxe est exigible dès le franchissement d'un seuil correspondant à un pourcentage d'ordres d'achat d'actions annulés ou modifiés au cours d'une journée de bourse. Ce seuil est défini par décret, en fonction de la taille de bilan des opérateurs concernés, avec un plancher fixé à 66,67 % des ordres passés.

Le taux de la taxe est fixé à 0,01 %. L'assiette de la taxe est constituée par le montant des ordres d'achat annulés ou modifiés au cours d'une journée de bourse, pour la part excédant le seuil de déclenchement de la taxe. Le montant de la taxe due devra être versé par l'établissement financier concerné au Trésor avant le 10 du mois suivant son application, concomitamment à la transmission à l'administration fiscale d'une déclaration récapitulant l'ensemble des ordres d'achat concernés.

S'agissant d'une taxe dissuasive, son rendement estimé est nul. En tout état de cause, très peu d'établissements pratiquent ce type d'opérations sur la place de Paris.

Il est à noter que la proposition de directive européenne se fixe aussi pour objectif de lutter contre le trading à haute fréquence, mais qu'elle ne crée pas de dispositif spécifique à son encontre : la taxation générale des transactions financières à 0,1 % qu'elle prévoit suffira à décourager cette activité spéculative.

3. La taxe sur les CDS souverains nus

La troisième taxe sur les transactions financières créée en France en 2012 porte sur les contrats d'échange sur défaut d'un État ( credit default swap ).

Il s'agit de produits dérivés qui spéculent sur la faillite possible d'un État. On considère que ce type de produit a contribué à l'amplification de la crise des dettes souveraines des États de la zone euro en 2011. L'objectif de la taxe est de limiter, voire de supprimer la spéculation sur les titres d'État.

On rappellera que les contrats dérivés sont une catégorie particulière d'instruments financiers dont la valeur fluctue en fonction de l'évolution du taux ou du prix d'un actif ou d'un indice sous-jacent (matières premières, valeurs mobilières, crédits, taux d'intérêt ou de change, indices boursiers, etc...). L'évolution du contrat dérivé dépend de l'évolution du sous-jacent entre la conclusion du contrat et son dénouement : la valeur du contrat est dérivée de celle du sous-jacent, d'où son nom.

Comme il n'est pas nécessaire de détenir un actif pour acquérir un contrat dérivé fondé sur cet actif sous-jacent, la spéculation est plus facile.

La taxe française ne concerne que les CDS alors que la proposition européenne concerne tous les contrats dérivés. Afin de ne pas déstabiliser les marchés financiers français, la taxe décidée au seul niveau national ne saurait avoir une assiette aussi large. C'est pourquoi elle est concentrée sur une seule catégorie de contrats dérivés, les contrats d'échange sur défaut d'un État. Il s'agit d'instruments dérivés servant au transfert du risque de crédit, afin de protéger le détenteur d'une obligation d'État du risque de défaut de paiement de cet État.

En soi, cet instrument de mutualisation des risques n'est pas condamnable, mais il n'est en revanche pas acceptable de pouvoir spéculer sur le risque de défaut d'un État sans pour autant détenir des titres de la dette de cet État. C'est pourquoi la taxe n'est due que si l'acheteur d'un tel contrat d'échange ne détient pas lui-même une position longue sur la dette de l'État concerné ou s'il n'a pas contracté des engagements dont la valeur est corrélée à la dette de cet État.

On part donc du principe qu'on ne doit pas détenir un CDS - qui est une sorte d'assurance - sans détenir le bien assuré, c'est-à-dire des dettes de l'État en question alors qu'on prétend se prémunir contre le risque de faillite de cet État. Cela revient en effet à prendre une assurance contre un risque que l'on ne court pas, voire souhaiter que ce risque se matérialise, donc simplement spéculer. Dans ce cas, la taxe française est due. Le détenteur, pour échapper à cette taxe, devra apporter la preuve qu'il détient directement ou indirectement de la dette de l'État concerné.

En application du principe de territorialité limitée, seules les entreprises établies en France, ainsi que les particuliers fiscalement domiciliés en France, sont assujetties à la taxe. Comme pour la taxe sur les achats d'actions ou la taxe sur le trading à haute fréquence, les opérations réalisées dans le cadre d'une activité de tenue de marché sont exonérées, dès lors qu'elles contribuent au bon fonctionnement du marché en assurant sa liquidité.

Le taux de la taxe est fixé à 0,01 %. L'assiette de la taxe est constituée par le montant dit « notionnel » du contrat (il s'agit du montant nominal ou facial utilisé pour calculer les paiements liés au contrat). La taxe est due par l'acheteur du contrat, à la date de souscription de ce contrat.

S'agissant d'une taxe dissuasive, son rendement estimé est nul. De toute manière, elle aura eu peu d'impact réel puisque dès sa création ou presque, le règlement européen interdisant la vente à découvert est entré en vigueur.

B. DES PRINCIPES CLAIRS MAIS DES RÉSULTATS MITIGÉS

La triple taxe instaurée par l'article 5 de la loi 2012-354 du 14 mars 2012 (loi de finances rectificative pour 2012) a le mérite d'obéir à des règles claires, mais elle est trop récente pour qu'on puisse en présenter un bilan significatif.

On remarque cependant que le législateur français a pris la peine de délimiter soigneusement le champ d'application de ces trois taxes nouvelles et qu'il a fait preuve de beaucoup de pragmatisme. Pourtant les conséquences sur les marchés sont peu encourageantes.

Selon une étude de Crédit Suisse, la TTF française aurait frappé durement les entreprises françaises depuis sa création en triplant le coût de la transaction. La capitalisation boursière des « small and mid caps » chute depuis septembre 2012 du fait que la moyenne des transactions journalières des sociétés concernées par la taxe a baissé de 10 % en moyenne.

Il reste cependant que cette taxe apparaît comme une taxe sur les transactions du « bon père de famille » qui investit à long terme puisqu'elle frappe les échanges d'actions alors que les fonds spéculatifs utilisent, pour leur part, des contrats dérivés de gré à gré qui, eux, ne reposent, comme il a été dit, sur aucun échange d'actions.

C'est la difficulté des taxes sur les transactions financières : elles ne peuvent finalement frapper que ce qui est à portée de main, c'est-à-dire les transactions les plus visibles et opérées sur des marchés réglementés sur le territoire d'une juridiction donnée, et jamais elles ne parviennent à atteindre celles qui se traitent dans la finance de l'ombre et dont on ignore en grande partie les flux. De même, l'instauration d'une TTF a pour effet paradoxal de soustraite une partie des transactions des marchés réglementés et de renforcer ainsi les marchés de gré à gré non déclarés.

LA RÉGLEMENTATION DES MARCHÉS DE PRODUITS DÉRIVÉS

Les dérivés sont un outil essentiel pour gérer le risque, mais les dérivés peuvent être échangés sur une base privée de gré à gré ou sur des marchés organisés. Or la crise a mis en lumière les dangers liés à l'opacité et aux pratiques des marchés de dérivés de gré à gré. Les principes fixés par le G 20 en septembre 2009 reposaient donc sur des exigences de transparence accrue et une migration des transactions vers des système de compensation centrale afin de réduire le risque de défaillance de l'une des parties au contrat susceptible de provoquer la déstabilisation des marchés.

Le 15 septembre 2010, la Commission a adopté un règlement dont l'entrée en vigueur est prévue au 1 er janvier 2013 et qui introduit notamment :

- l'obligation d'utiliser une compensation centrale - Central Counterparties ( CCP) - pour ceux des dérivés OTC qui y seront déclarés éligibles par l'Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) et les régulateurs nationaux,

- des règles communes concernant l'agrément, la solidité financière, le fonctionnement et l'interopérabilité des compensations centrales.

- l'obligation de déclaration à des référentiels centraux - Trade Repository (TR) - des informations concernant les dérivés,

- des règles communes concernant l'agrément, le fonctionnement et la surveillance des référentiels centraux par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).

Ce dispositif est complété par une contrainte en capital plus élevée pour les dérivés ne faisant pas l'objet d'une compensation centralisée (Directive CRD IV).

Par la suite, la révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIFID) a inclus une réglementation spécifique des contrats négociés sur les marchés organisés. Enfin, la prise en compte des dérivés OTC dans le champ d'application de la directive sur les abus de marché est également à l'étude.

Les discussions au sein du Conseil ont porté sur le champ d'application du règlement, c'est-à-dire la question de savoir si les contrats dérivés négociés sur les marchés réglementés devaient également être soumis aux obligations de compensation et de déclaration. Le Conseil est parvenu à un accord sur ce point. Tous les dérivés, y compris ceux négociés sur les marchés réglementés, seront soumis à des obligations de déclaration à des référentiels centraux. L'obligation de compensation ne concernera pour l'instant que les dérivés OTC considérés comme éligibles.

Au cours de la négociation s'est aussi posée la question de la localisation géographique des compensations centrales et de leur accès à la liquidité de la Banque centrale Européenne (BCE). Rappelons que la Grande-Bretagne a récemment intenté une action en justice devant la CJUE contre une décision de la BCE conditionnant l'accès des compensations centrales à la liquidité en euro à leur installation physique en zone euro. Le compromis obtenu au Conseil serait de nature à apaiser les craintes britanniques. En effet, le projet de proposition précise qu'aucun État membre ne peut faire l'objet de discrimination en tant que lieu de fourniture de services de compensation.

Les dérivés OTC constituent le marché financier mondial le plus important et le plus concentré. Le volume mondial des transactions, estimé à plus de 600 000 milliards de dollars soit près de 12 fois le PIB mondial, est négocié majoritairement par 14 banques de financement et d'investissement qui en tirent une partie essentielle de leurs bénéfices.

La compensation centralisée prônée par le Règlement européen tend à réduire le risque mais, ce faisant, elle le concentre sur les compensations centrales. D'où l'importance qui devra être portée en pratique sur la surveillance, les normes réglementaires de fonctionnement, la solidité financière et les conditions de concurrence entre les compensations centrales. Enfin, comme souvent pour la réglementation financière, les acteurs du marché pourraient être tentés de contourner la règlementation en réduisant la proportion des produits éligibles à la compensation obligatoire.

C. DES PISTES POUR LA NÉGOCIATION D'UNE COOPÉRATION RENFORCÉE

Si l'on veut aboutir à une coopération renforcée à laquelle d'autres États membres pourraient ensuite se raccrocher, il convient de limiter avec pragmatisme et réalisme les ambitions de la future TTF européenne et, pour cela, circonscrire le champ d'application, préciser le principe de territorialité limitée et sans doute ne pas exclure certaines exonérations.

1. Assurer l'autorisation et la réussite de la coopération renforcée

Pour pouvoir assurer la coopération renforcée et aboutir à un compromis satisfaisant, il semble nécessaire de n'avancer que les principes les plus importants dans leur définition la moins ambitieuse. Il ne sert à rien d'envisager une taxation universelle qui a déjà été écartée par le G20 et par les Vingt-sept. Il n'est pas habile non plus de chercher tous les moyens d'astreindre au paiement de la taxe les pays extérieurs à l'UE ou à la coopération renforcée.

Le but de la France en entrant dans cette coopération renforcée doit être d'obtenir une base solide pour une future TTF européenne dont les contours seraient au moins aussi larges que ceux de la taxe française créée en 2012 et peut-être un petit peu plus larges.

2. Limiter les buts assignés à la TTF

La multiplicité des buts assignés à la TTF projetée par la Commission et certains États membres a contribué à son échec. Vouloir tout à la fois dénoncer les errements du secteur financier, augmenter sa contribution fiscale, freiner certaines de ses activités, perfectionner le marché unique, stabiliser les marchés, éviter de nouvelles crises, relancer l'économie et trouver des ressources nouvelles pour le budget de l'Union, et enfin laisser entendre qu'il y aura une augmentation de l'aide au développement ainsi que de plus fortes subventions pour la lutte contre le SIDA et le changement climatique, était sans doute trop pour une seule taxe.

A la veille d'une coopération renforcée, il convient d'être plus concis et de soutenir la création de cette taxe, soit au titre d'un corollaire fiscal à la nouvelle régulation des marchés financiers, soit au titre d'une nécessaire augmentation des ressources budgétaires en temps de crise.

3. Recenser les difficultés juridiques, économiques et administratives liées à la création d'une TTF limitée aux États membres de la coopération renforcée

Il convient de ne pas dissimuler les difficultés du projet : cette taxe présente des risques qu'il convient de bien connaître pour mieux les limiter. Certaines conséquences économiques seront peut-être malheureuses.

4. Reconnaître que le champ d'application est imposé par les connaissances que l'on a des transactions et que ce champ s'étendra grâce à MiFID et à EMIR

Même s'il se dégage aujourd'hui un consensus pour que le champ d'application de la TTF européenne recouvre l'ensemble des transactions financières, il faut constater que l'on ne peut taxer que ce que l'on connaît bien et que la plupart des contrats dérivés étant des contrats commerciaux entre particuliers, ils ne sont pas déclarés. Toutes les transactions financières ne se font pas aujourd'hui sur des marchés réglementés. Un grand nombre de transactions ont lieu sur des plateformes alternatives et opaques. Les produits dérivés se sont fortement développés, car ils nécessitent une mise de fonds bien inférieure à celle d'un investissement direct dans l'actif sous-jacent ; ils sont en outre échangés à plus de 80 % sur une base privée (de gré à gré - « over the counter » /OTC).

Aujourd'hui, le marché des produits dérivés OTC constitue le marché financier mondial le plus important et représente un volume mondial de transactions estimé à plus de 600 000 milliards de dollars.

Face à ce formidable développement, il paraît indispensable d'adapter la régulation des marchés et de réorienter les flux des transactions réalisées de gré à gré vers des marchés organisés soumis à des obligations de transparence. C'est ce que propose la révision de la directive MIF et le règlement EMIR.

Pour les dérivés, il s'agit d'instaurer l'obligation d'utiliser une chambre de compensation centrale. Les parties ne sont plus liées l'une à l'autre, mais à la chambre de compensation qui garantit aux parties l'exécution des obligations contractuelles et reçoit à ce titre un dépôt initial et des marges supplémentaires. Il faudra aussi déclarer les informations concernant les transactions sur les produits dérivés à des « référentiels centraux ». Cette obligation devrait s'imposer pour l'ensemble des transactions sur produits dérivés, qu'ils soient négociés sur des marchés réglementés ou bien de gré à gré.

Ce renforcement de la transparence une fois mis en place, les dérivés pourront être taxés comme le reste des transactions financières.

La TTF disposerait ainsi d'une base très large et pourrait avoir des taux beaucoup plus bas que ceux envisagés jusqu'ici, ce qui correspond à la définition d'une bonne fiscalité. Il faut cependant garder en mémoire cette règle que la capacité de taxer reste inversement proportionnelle à la mobilité de l'activité taxée.

EMIR et MiFID

Le règlement dit EMIR (European Market Infrastructure Regulation) , traite des produits dérivés négociés de gré à gré, des contreparties centrales et des référentiels centraux.

La révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF), sous la forme d'une directive et d'un règlement ( MIFID et MIFIR ) présentés en octobre 2011, conditionnent le fonctionnement des marchés européens et de leur régulation.

La réglementation MIF a favorisé la libéralisation des marchés européens

La directive MIF, entrée en vigueur en 2007, régit les produits que négocient les sociétés d'investissement, le fonctionnement des bourses traditionnelles et les autres plateformes de négociation dits systèmes multilatéraux de négociation.

Elle a conduit directement et indirectement à des modifications substantielles de l'organisation des marchés.

En particulier, la directive MIF a supprimé la règle de concentration des ordres qui permettait d'exiger que la confrontation entre l'offre et la demande sur les actions soit réalisée en un lieu unique. Le monopole des bourses traditionnelles a ainsi disparu au profit de la multiplication de plateformes d'échange sur lesquelles il est devenu possible d'acheter et de vendre des actions de l'ensemble des pays de l'Union avec, en contrepartie des obligations de transparence accrues.

Afin d'attirer dans le domaine régulé le plus grand nombre de transactions, la directive actuelle reconnaît :

- deux catégories de marchés dits organisés : les marchés réglementés (MR) qui sont les seuls à pouvoir admettre des titres à la négociation et les systèmes multilatéraux de négociation (SMN) qui sont des plateformes multilatérales spécialisées dans la négociation des titres admis à la négociation sur un MR. Ces deux catégories, qui se concurrencent librement, ont en commun d'offrir un accès non discriminatoire à leurs membres, de faire l'objet d'un agrément.

- un statut spécifique d'internalisateur systématique (IS) en dehors des marchés organisés qui agit en contrepartie des ordres de clients sur une base discrétionnaire.

Les exigences de transparence, conditions de l'efficience et de l'intégrité des marchés, ont été inefficaces

En parallèle à cette libéralisation des marchés, des obligations de transparence ont été instaurées en vue d'assurer l'efficacité des marchés par la correcte formation des prix et la confiance des acteurs de marchés. Elles sont de deux natures :

- la transparence pré-négociation permet de disposer des informations concernant les prix et les quantités d'offre à l'achat et à la vente ;

- la transparence post-négociation permet de connaitre, après la transaction, l'ensemble des conditions réelles d'exécution.

D'une façon générale, seuls les marchés réglementés et les systèmes multilatéraux de négociation sont soumis à la transparence pré et post négociation. Les nombreuses dérogations aux obligations de transparence, prévues dans la directive d'origine, ont conduit à une fragmentation et à une détérioration de l'information disponible.

La réglementation a rendu possible le développement de pratiques de marchés en marge de ses contraintes essentielles

La directive, entrée en vigueur au moment ou éclatait la crise financière, a entrainé une fragmentation des marchés dans des contextes réglementaires hétérogènes. Le statut d'IS a rencontré un faible succès et, contrairement à l'objectif recherché, un nombre important de transactions ont alors migré vers des plateformes de transaction alternatives et opaques.

Les « dark pools » se sont développés dans le cadre même de la directive et bénéficient d'une dérogation totale aux obligations de transparence pré négociation. Les « crossing networks » apparient en interne des ordres d'achat et de vente de clients sans aucune transparence post négociation.

Parallèlement l'ingénierie financière et technologique a permis le développement des négociations sur la base de programmes informatiques, notamment la passation automatique des ordres (qui représenterait 1/3 des transactions en Europe) et le trading haute fréquence. Certaines de ces techniques sont considérées comme pouvant engendrer des risques opérationnels susceptibles de menacer la stabilité des marchés, sans réponse appropriée de la part des textes actuels.

Une place prédominante est occupée désormais par le marché des produits dérivés

Les produits dérivés tiennent une place particulière au sein des marchés financiers. Ils sont des instruments de transfert de risque et jouent, à ce titre, un rôle central pour l'économie. Ils facilitent de plus l'accès au marché, car ils nécessitent des investissements bien inférieurs à ceux d'un investissement direct dans l'actif sous-jacent. Ils sont aussi utilisés à des fins spéculatives et sont échangés à plus de 80 %, sur une base privée -transaction de gré à gré ou « Over The Counter » ( OTC ).

Le marché des produits dérivés OTC, constitue le marché financier mondial le plus important et représente un volume mondial de transactions estimé à plus de 600 000 milliards de dollars (soit près de 12 fois le PIB mondial). Il est négocié majoritairement par 14 banques de financement et d'investissement ce qui crée un risque majeur de dysfonctionnement en cas, notamment, de défaut de l'une d'elles.

Face à ces développements, il était indispensable d'adapter la régulation des marchés. Les enjeux de la régulation sont multiples. Il s'agit tout à la fois :

- d'assurer le fonctionnement efficient et intègre des marchés et la protection des investisseurs ;

- de réduire les risques attachés en renforçant la transparence ;

- d'étendre le champ de la régulation au-delà des seules actions pour y intégrer notamment les obligations, les produits dérivés et les matières premières ;

- de réorienter les flux des transactions réalisées de gré à gré vers des marchés organisés soumis à des obligations de transparence ;

- de définir et d'encadrer plus strictement les activités mettant en péril l'intégrité des marchés.

On souhaite un contrôle accru sur les produits dérivés, accélérateurs des crises récentes par leur effet de levier intrinsèque. Dans le but de réduire le risque de défaillance de l'une des parties sur le marché de gré à gré, susceptible de provoquer la déstabilisation des marchés il est prévu de promouvoir le développement de systèmes de compensation centrale. Les priorités portent aussi sur des exigences de transparence accrue à travers l'obligation de déclaration à des référentiels centraux.

Quelles sont les principales dispositions de ces propositions ?

La révision de la directive MIF a prévu notamment :

Une redéfinition des frontières entre le gré à gré et le marché organisé afin de couvrir réglementairement un plus grand nombre de transactions au travers de :

- une nouvelle catégorie de système organisé de négociation ( Organised Trading Facility - OTF ) qui aurait notamment pour vocation de faire migrer dans le cadre réglementé les crossing networks ;

- l'encadrement plus strict des plateformes alternatives actuelles ;

- l'obligation de négocier sur des marchés organisés soumis à des obligations de transparence les produits dérivés désignés par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).

Une obligation accrue de transparence par le biais de :

- l'extension des obligations de transparence aux marchés des obligations et des dérivés ;

- l'accord préalable de l'AEMF pour les exemptions aux obligations de transparence ;

- regroupement en un seul lieu de l'ensemble des données de marché « consolidated tape »afin de donner aux investisseurs et aux superviseurs une vue d'ensemble de toutes les activités de négociation en Europe.

Un contrôle renforcé des nouvelles pratiques de marchés au travers de :

- l'encadrement du trading algorithmique (le trading haute fréquence se présentant dans la directive comme une catégorie de trading algorithmique) avec notamment l'obligation faite aux intervenants d'informer les régulateurs nationaux de leurs programmations et des méthodes de contrôle des risques et d'assurer en permanence la liquidité ;

- le pouvoir donné aux autorités de surveillance nationales, d'interdire certains produits, services ou pratiques dès lors que ceux-ci portent atteinte à la protection des investisseurs, à la stabilité financière ou au bon fonctionnement des marchés.

Dans le même esprit le règlement EMIR prévoit notamment :

Une maîtrise accrue du risque opérationnel et de contrepartie au moyen de :

- l'obligation d'utiliser une chambre de compensation centrale - Central Counterparty (CCP) - pour ceux des dérivés OTC qui y seront déclarés éligibles par l'AEMF.

Cette obligation qui constitue un élément central de la proposition de règlement, consiste à interposer une CCP entre les parties au contrat de gré à gré. Les parties ne sont plus liées l'une à l'autre mais à la CCP qui garantit aux parties l'exécution des obligations contractuelles et reçoit à ce titre un dépôt initial et des marges supplémentaires ;

- l'introduction de règles alternatives à l'obligation de compensation sous la forme notamment de la confirmation électronique des contrats. Il faut noter que la proposition dit CRD IV concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement complète ces dispositions par des contraintes en fonds propres supplémentaires pour les transactions sur produits dérivés ne faisant pas l'objet de compensation ;

- la définition de règles communes concernant l'agrément, la solidité financière, le fonctionnement et l'interopérabilité des chambres de compensation centrales.

Un renforcement des obligations de transparence au travers de :

- l'obligation de déclaration des informations concernant les transactions sur les produits dérivés à des référentiels centraux - Trade Repository ( TR ). Cette obligation s'impose pour l'ensemble des transactions sur produits dérivés qu'ils soient négociés sur des marchés réglementés ou bien de gré à gré ;

- règles communes concernant l'agrément, le fonctionnement et la surveillance des référentiels centraux par l'AEMF.

5. Adopter le principe de « territorialité limitée »

Toutes les transactions financières doivent être taxées, mais elles ne doivent l'être que sur le territoire de ceux qui ont adopté la taxe. Ce principe de territorialité limitée doit se combiner avec le principe de résidence des parties à la transaction.

A ce stade, nous pouvons raisonnablement exiger que toute transaction financière ayant lieu sur le territoire de l'UE (ou d'une fraction de ce territoire en cas de coopération renforcée) soit taxée dès lors qu'au moins une des parties est établie sur le dit territoire, évitant ainsi toute extraterritoralité de la taxe.

Il est en effet illusoire de croire que la place de Londres accepterait d'être taxée et de perdre sa raison d'être par la faute d'un transfert massif d'activités hors d'Europe. Illusoire aussi d'espérer que le Luxembourg pourrait accepter que la gestion des fonds d'investissement devienne plus onéreuse.

LE LUXEMBOURG, PLACE FORTE DE LA FINANCE

L'histoire de la place financière luxembourgeoise remonte à 1856, année de la création de la Banque et Caisse d'Epargne de l'État et de la Banque internationale. Mais l'évolution du Luxembourg vers un centre financier international n'a commencé qu'un siècle plus tard quand les banques américaines, allemandes et suisses ont pris le parti d'y développer des activités sur les « euromarchés ».

Les activités se sont élargies progressivement à la banque privée et à la gestion de fortune, et se sont concentrées sur les fonds d'investissement.

Le succès de la place repose avant tout sur un cadre légal et réglementaire parfaitement stable. Le fait que les environnements juridique et fiscal jouissent d'une vraie stabilité s'est révélé particulièrement propice aux affaires. C'est ainsi que la place financière luxembourgeoise est aujourd'hui le premier centre européen de fonds d'investissement et le numéro deux mondial après les États-Unis. Elle est aussi le premier centre de banque privée et le plus grande centre de la réassurance.

La gestion collective de l'épargne est le pilier de la place financière luxembourgeoise. Son développement ne date que du milieu des années 1980, mais le label « OPCVM » (organisme de placement collectif en valeurs mobilières) - dont bénéficient les fonds d'investissement qui satisfont aux prescriptions des directives européennes en la matière - est apprécié bien au-delà des frontières de l'Union. Le Luxembourg a été le premier à offrir un « passeport européen » aux OPCVM et à leur permettre ainsi d'être commercialisés dans toute l'Union. C'est ainsi que le Luxembourg est devenu la plateforme à partir de laquelle les grands groupes de gestion distribuent leurs fonds d'investissement dans le monde. 75 % des fonds internationaux sont domiciliés au Luxembourg.

Il est donc compréhensible que le Luxembourg ne soit pas convaincu par l'instauration d'une taxe sur les transactions financières.

Dans son discours sur l'état de la nation en mai 2012, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a déclaré : « Il nous faut chercher d'autres voies pour assurer que le secteur financier, qui est à l'origine de la crise, accompagne, financièrement, la phase post-crise. La régulation des marchés financiers doit toutefois se faire sans conduire à étrangler son activité... »

6. Éviter de créer une taxe supplémentaire sur l'épargne

Il ne serait pas raisonnable d'alourdir, par la faute de la TTF, la fiscalité de l'épargne qui fait déjà l'objet au sein de l'Union européenne d'une grave disparité. Or, on remarque que, souvent, l'instauration d'une TTF se solde par une augmentation du coût des transactions les plus visibles, celles opérées sur les marchés réglementés. C'est le petit porteur qui fait les frais des taxes actuellement en vigueur tandis que les transactions de la finance de l'ombre ne sont pas touchées.

C'est un premier écueil qu'il faut éviter, mais il en est d'autres : introduire la TTF, c'est alourdir le coût de gestion des fonds de pension, des SICAV, des PEA, de l'assurance-vie et de tous les instruments d'épargne et de gestion salariale, collective et individuelle. Pour cette raison, certains États membres demandent que des fonds de pension soient exonérés ; si tel était le cas, la France devrait défendre ses propres instruments pour ne pas être victime d'un désavantage comparatif.

Pour les OPCVM, il y aurait, à défaut d'exonération, une double imposition : à l'achat et à la vente des parts d'OPCVM, et lors des transactions de gestion à l'intérieur de l'OPCVM. Quant aux OPCVM monétaires en période de taux bas, le moindre aller-retour entamerait le capital. La question se pose également pour l'assurance-vie.

La création d'une TTF ne doit pas entraîner le renoncement à une politique fiscale encourageante pour l'épargne longue.

7. Ne pas gêner le financement des entreprises et des États

Dès le départ, il a été envisagé d'exonérer le marché financier pour éviter d'alourdir le coût de financement des entreprises et des États. Il faut naturellement persévérer dans cette direction même si l'on sait qu'on n'évitera pas ce renchérissement puisque le marché secondaire se renchérit et par contrecoup et anticipation, le marché primaire s'en ressentira aussi.

8. Maintenir les taux aussi bas que possible

Conformément à une règle bien connue, il convient d'avancer vers une base toujours plus large et des taux toujours plus bas.

9. Affecter le produit de la TTF au budget de l'Union

On sait que l'idée première de la Commission était d'apporter les deux tiers du produit de la TTF au budget de l'Union comme une ressource propre.

Même si des arguments solides plaident pour une répartition tripartite du produit de la taxe entre budgets nationaux, budget européen et aide au développement, le souci d'aller vers la création de véritables ressources propres pour le budget de l'Union et l'impératif de lisibilité pour le citoyen suggèrent que le produit de la taxe soit affecté, de manière appropriée, au budget de l'Union. Ce serait effectivement un symbole fort pour l'Europe.

Votre rapporteur, soucieuse de ne pas décevoir les attentes qu'avait fait naître le projet de TTF de la Commission, avait une préférence marquée pour une répartition tripartite, mais elle s'est ralliée sur ce point à la position majoritaire de la commission des affaires européennes telle qu'elle est exprimée dans la proposition de résolution européenne placée en annexe, que la commission des affaires européennes a examinée lors de sa réunion du jeudi 29 novembre 2012.

ANNEXE 1 - PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions sur la taxation du secteur financier (COM (2010) 549 final)

Vu la proposition de décision du Conseil autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières (COM (2012) 631 final),

- Prend acte que la proposition de directive du Conseil adoptée le 28 septembre 2011 par la Commission et établissant un système commun de taxe sur les transactions financières (TTF) est devenue caduque, faute d'avoir obtenu le soutien unanime requis ;

- Constate que lors des réunions du Conseil du 22 juin et du 10 juillet 2012, il a été acté officiellement que des divergences fondamentales et insurmontables existaient entre les 27 États membres et qu'en conséquence, il était impossible de mettre en place un système commun de TTF sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ;

- Observe toutefois que onze États membres (la Belgique, l'Allemagne, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie) ont adressé à la Commission une demande officielle tendant à instaurer entre eux une coopération renforcée aux fins de l'établissement d'un système commun de TTF et invitant la Commission à soumettre au Conseil une nouvelle proposition ;

- A défaut d'unanimité, accueille favorablement la perspective d'une coopération renforcée ainsi que la proposition du Conseil autorisant cette coopération ;

- Rappelle que le but premier de la TTF est de dissuader les transactions purement spéculatives et à haute fréquence, sans nuire pour autant à l'ensemble des marchés et de faire contribuer le secteur financier au coût de la crise et à la relance de l'économie ;

- Demande que soient bien identifiées toutes les difficultés juridiques, économiques et administratives que risque d'entraîner l'établissement d'une TTF sur un territoire limité aux États membres parties à la coopération renforcée ;

- Estime nécessaire, en particulier, de veiller à ce que la TTF évite l'écueil que l'on remarque dans les pays déjà dotés de ce type de taxe et ne frappe pas seulement les transactions les plus visibles et opérées sur les marchés réglementés, sans jamais atteindre celles qui se traitent dans la finance de l'ombre et dont on ignore en grande partie les flux ;

- Estime également nécessaire de s'assurer que l'instauration d'une TTF n'ait pas pour effet paradoxal de soustraire une partie des transactions des marchés réglementés et de renforcer ainsi la part des transactions de gré à gré ;

- Juge, dans l'attente de la nouvelle proposition de la Commission, que deux principes essentiels doivent guider l'action du législateur européen afin qu'aboutisse utilement cette coopération renforcée : la protection de l'épargne des particuliers laquelle alimente les marchés financiers et la préservation de l'efficacité et de la transparence de ces marchés ;

- Souhaite que la TTF soit perçue sur l'ensemble des transactions financières, et notamment sur les contrats dérivés, sous réserve des exonérations indispensables à la protection de l'épargne et au bon fonctionnement des marchés financiers comme à la lutte contre les distorsions de concurrence ;

- Constate que la coopération renforcée entraîne, par définition et de manière impérative, une stricte application du principe de « territorialité limitée » et qu'en conséquence, la TTF sera perçue sur toutes les transactions financières qui auront lieu sur le territoire d'un des États membres parties à cette coopération ;

- Estime que la TTF doit frapper toute transaction financière ayant lieu sur le dit territoire dès lors qu'au moins une des parties est établie sur le dit territoire et qu'un établissement financier établi sur ce même territoire est partie à la transaction, pour son compte propre ou pour le compte d'un tiers, ou agit au nom d'une partie à la transaction ;

- Rappelle que la nouvelle proposition de TTF de la Commission devra détailler, avec plus de précision que la précédente, toutes les mesures nécessaires pour éviter l'effet de paiement en cascade de la TTF ;

- Estime également utile la prise en compte des exonérations nécessaires pour assurer la satisfaction, dans les meilleures conditions, des besoins de financement des entreprises et des États sur le marché primaire ;

- Rappelle que les taux de la TTF devront être modulés de manière à atteindre l'équilibre qui permettra de dissuader la spéculation sans provoquer la délocalisation des transactions et des marchés;

- Rappelle enfin que le produit attendu de la TTF doit constituer une nouvelle ressource propre de l'Union européenne ;

- Demande, en conséquence, au Gouvernent d'agir dans le sens de ces orientations.

ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES

À Paris

* Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

- M. Antoine MAGNANT, Sous-Directeur - Direction de la Législation fiscale - Direction générale des Finances publiques

* Secrétariat général des affaires européennes

- M. Serge GUILLON, Secrétaire général

- Mme Juliette CLAVIÈRE, Chef du secteur Parlement national / Parlement européen

- Mme Isabelle ROUBEROL, Adjointe au secteur Financier - Fiscaliste

* Autorité des marchés financiers (AMF)

- M. Thierry FRANCQ, Secrétaire général

- M. Sébastien MASSART, Conseiller Stratégie

* Association française des marchés financiers (AMAFI)

- M. Pierre de LAUZUN, Délégué Général

- M. Bertrand de SAINT MARS, Délégué Général Adjoint

* Nyse Euronext

- M. Roland BELLEGARDE, membre du Comité de direction et Directeur général délégué des marchés internationaux d'actions et de la cotation d'Euronext

- M. Rabah GHEZALI, Directeur des Affaires publiques

À Bruxelles

* Parlement européen

- Mme Anni PODIMATA, Vice-présidente du Parlement européen, rapporteur de la commission des affaires économiques et monétaires sur la proposition de directive sur un système commun de taxe sur les transactions financières

- Mme Orietta ZANELLA, Assistante de Mme PODIMATA

* Commission européenne

- M. Algirdas SEMETA, Commissaire européen en charge de la fiscalité, de l'union douanière, de l'audit et de la lutte anti-fraude

- M. Valère MOUTARLIER, Conseiller de M. SEMETA

* Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- M. Benoît de LA CHAPELLE BIZOT, Ministre conseiller pour les affaires financières, chef du service des Affaires économiques et monétaires

- M. Olivier PALAT, Conseiller fiscalité

* Représentation permanente de la République fédérale d'Allemagne auprès de l'Union européenne

- Dr. Achim EMDE, Attaché fiscal

- Mme Renate VÖLPEL, Attaché fiscal

* Fédération européenne des banques

- M. Robert PRIESTER, Directeur exécutif en charge de la supervision bancaire et des marchés de gros

- M. Roger KAISER, Conseiller

À Londres

* HM Treasury (Trésor de Sa Majesté)

- M. Mike WILLIAMS, Director, Business and International Tax

- Mme Helen DICKINSON, Senior Policy Adviser, Corporate Tax Team

* House of Lords (Chambre des Lords)

- Lord HARRISON, member de la Chambre des Lords

- M. Stuart STONER, Clerk to the European Union Sub-Committee on Economic and Financial Affairs and International Trade

* Ambassade de France au Royaume-Uni

- Son Exc. M. Bernard EMIE, Ambassadeur de France

- Mme Laurence DUBOIS-DESTRIZAIS, Ministre conseiller pour les affaires économiques et financières

- M. Harry PARTOUCHE, Conseiller financier

* City Office(Représentation de la City) à Bruxelles

- Mme Elizabeth GILLAM, Deputy Head of Office

* CBI - The voice of business

- M. Richard WOOLHOUSE, Head of Tax & Fiscal Policy

* The London School of Economics and Political Science

- Dr Stéphane GUIBAUD, Lecturer/Assistant Professor - Department of Finance

* Opérateur financier

- M. Bernard OPPETIT, Président de General Centaurus Capital

À Luxembourg

* Ministère des Finances

- M. Luc FRIEDEN, Ministre des Finances

- Mme Sarah KHARBIRPOUR, Conseiller auprès du Ministre des Finances, Responsible du cabinet ministerial

* Ambassade de France au Luxembourg

- Son Exc. M. Jean-François TERRAL, Ambassadeur de France

- M. Bernard BOURGES, Premier Conseiller

* Association des Banques et Banquiers, Luxembourg

- M. Jean-Jacques ROMMES, Chief Executive Officer

- M. Rüdiger JUNG, Member of the Management Board

En Suisse

* Administration fédérale des contributions (AFC)

- M. Robert SCHRÖTER, Expert fiscal

- Mme Murielle JASUIER-ELTSCHINGER, Experte fiscale

* Ambassade de France en Suisse

- Son Exc. M. Alain CATTA, Ambassadeur de France

- Mme Sylvaine CARTA-LE-VERT, Consul général à Zürich

- M. Philippe BRUNEL, Chef du service économique

- M. Philippe BOISSY, Premier conseiller

- M. François MAUDET, Adjoint au service économique

* Association suisse des banquiers (ASB)

- M. Jakob SCHAAD, Responsable Marchés financiers internationaux et Vice-président du Comité exécutif

- M. Claude-Alain MARGELISCH, avocat et expert fiscal, membre de la Direction

- M. Jean BRUNISHOLZ, expert fiscal, membre de la Direction

* UBS AG

- Dr Andreas RISI, Managing Director- Group Tax

* Crédit Suisse

- M. Philipp DÖMER, Director - Tax Switzerland

* Société Générale

- M. Stéphane HILD, Chief Executive Officer, Chief Country Officer

* Association des banquiers du Liechtenstein

- M. Simon TRIBELHORN, Directeur

* Association des Banques étrangères en Suisse

- M. Martin MAURER, Secrétaire Général


* 1 La plupart des services financiers et des services d'assurance sont exonérés de la TVA.

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