III. SIX LEVIERS CIBLÉS

Les leviers précédents constituent autant de conditions impératives et permanentes pour le développement durable et autonome de tout territoire rural. En complément de ces actions structurelles, des actions sectorielles peuvent s'avérer particulièrement utiles, voire absolument nécessaires , mais une gouvernance qui ne s'en tiendrait qu'à des politiques ciblées exposerait de nombreux territoires ruraux, à plus ou moins brève échéance, au déclin.

A. INDUSTRIE, COMMERCE ET SERVICES

On se référera au chapitre sur le développement rural pour une analyse générale des caractéristiques, des tendances et des enjeux concernant l'économie des campagnes, et l'on s'en tiendra ici aux instruments et politiques ciblés.

Nous savons que le développement des services aux particuliers, du commerce et de l'artisanat repose largement sur l'existence d'une demande locale, et reflète donc essentiellement le dynamisme résidentiel, partie liée aux enjeux précédents. La production industrielle exige, de même, un bon accès aux réseaux électroniques et autoroutiers.

Mais outre le recours aux leviers structurels, précédemment décrits, comment favoriser l'activité productive en général, et la réindustrialisation en particulier ?


• La question de l' image peut être considérée comme primordiale , et des démarches d'identification à des territoires, comme il en existe pour l'alimentaire, devraient être dupliquées pour des produits industriels ou artisanaux non alimentaires. A cet égard, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs comprend un article qui étend la protection des indications géographiques aux produits autres qu'alimentaires, ce qui constitue certainement une voie à explorer. On mentionnera aussi le label « made in Jura », lancé en 2003 par ce département.

Le sénateur Edmond Hervé, cite l'exemple de l'entreprise Laguiole « dont la fabrication avait, dans un premier temps, chuté. Un « enfant du pays » a su redresser l'affaire, en y réintroduisant des procédés artisanaux et en faisant reconnaître le « made in France ». Il faut combattre une vision trop financière, contraire à l'aménagement du territoire, et retrouver une culture industrielle, artisanale, de la main... ».

Rejoignant ici les conclusions du rapport « Territoires ruraux, territoires d'avenir » précité, vos rapporteurs estiment que la mention de l'origine devrait être indiquée aussi précisément que possible.


• La question des financements ciblés donne lieu à un inventaire qui laisse une désagréable impression de saupoudrage et fait deviner l'étendue de besoins en ingénierie financière dont les collectivités rurales font d'ailleurs régulièrement état. Elle interroge aussi sur les risques de captation d'avantages fiscaux et de subventions encourus par les collectivités qui chercheraient à attirer des entreprises sans concertation avec les territoires voisins ou sans lien avec le territoire rural concerné.

- Les zones de revitalisation rurale (ZRR) souffriraient d'imperfections dommageables à leur efficacité.

Les zones de revitalisation rurale

Créées par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, les zones de revitalisation rurale (ZRR) regroupent des territoires ruraux qui rencontrent des difficultés particulières : faible densité démographique, handicap structurel sur le plan socio-économique.

Le classement en ZRR permet aux entreprises de ces territoires de bénéficier d'avantages fiscaux importants, notamment lors de leur création. La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a accru les dispositifs fiscaux et incité à des regroupements intercommunaux pour que les actions menées dans les communes en ZRR soient plus efficaces.

Caroline Larmagnac, conseillère en charge de la dynamique des territoires à la DATAR, indique en effet que « 13 000 communes sont classées en ZRR, ce qui est beaucoup ». Selon elle, « les objectifs politiques du zonage sont imprécis, et les critères de classement peu cohérents avec la nature des aides accordées. Il faut donc revoir les critères de la ZRR. En outre, il est impossible d'évaluer les effets des ZRR, dont même le coût fiscal n'est pas mesurable ».

Par ailleurs, il semble que les aides dispensées ne servent pas suffisamment aux entreprises qui en ont besoin.

A noter que pour répondre à ce problème, qu'elle estime assez général, l'ACFCI 81 ( * ) développe la notion de « criticité territoriale » en « partant du constat que la disparition d'une petite entreprise dans les campagnes emporte des conséquences beaucoup plus graves et moins réversibles que dans les villes. En conséquence, les aides doivent être concentrées sur ces entreprises pour qui tout est plus difficile avec des ressources moins aisées à obtenir, une faible attractivité pour les cadres et un accès complexifié à des marchés majeurs ».

- Il conviendrait en revanche, d'après la DATAR, de « conserver la PAT 82 ( * ) qui est utile pour inciter les entreprises internationalement mobiles à se localiser dans des territoires français ».

D'une façon générale, d'après Yannick Imbert, directeur des mutations et du développement économique à la DATAR, « la politique de zonage 83 ( * ) gagnerait probablement à être revisitée. Non seulement les instruments sont, sans doute, trop nombreux, mais on constate en outre un problème d'effectivité de ces zonages : certaines exonérations ne sont pas appliquées ! »

- Les pôles d'excellence rurale (PER), qui bénéficient de subventions de l'Etat et sont portés par les régions, les départements, les pays ou les parcs naturels régionaux, s'avèrent aussi intéressants pour la création d'activité. Toutefois, à l'instar des pôles de compétitivité, ils peuvent favoriser une concurrence délétère entre les territoires.

Ils sont en cours d'évaluation par la DATAR qui, par ailleurs, a mis en place les « grappes d'entreprises » 84 ( * ) et cherche maintenant à renforcer le lien entre ces dernières et les pôles de compétitivité.

- Par ailleurs, des soutiens proviennent de l'Europe via la politique régionale, également appelée politique de cohésion , qui participe également au développement des territoires ruraux en Europe. Cette politique repose sur les fonds structurels qui contribueraient pour 71 milliards d'euros aux zones rurales européennes sur la période 2007-2013, s'ajoutant ainsi aux 91 milliards d'euros du second pilier de la PAC pour la même période.

Les fonds structurels européens

L'essentiel des fonds structurels européens bénéficiant aux régions françaises (84 %) sont des crédits du fonds européen de développement régional (FEDER) et du fonds social européen (FSE) attribués au titre de l'objectif « soutien à la compétitivité régionale et à l'emploi ». Avec une enveloppe de 11,7 milliards d'euros sur la période 2007-2013, la France est ainsi le premier bénéficiaire en valeur absolue des fonds européens attribués au titre de cet objectif.

La DATAR a coordonné la rédaction d'un « cadre de référence stratégique national » (CRSN) qui concerne les fonds du FEDER et du FSE. D'après une étude des cabinets Edater et Segesa (octobre 2010), 20 % des fonds du FEDER bénéficient au monde rural.

- D'autres financements, enfin, peuvent provenir des prêts sans garantie du fonds national de revitalisation des territoires (FNRT) pour les territoires touchés par des restructurations économiques ne donnant pas lieu à la signature de conventions de revitalisation, soit du fait de la taille de l'entreprise (moins de mille salariés), soit du fait de son incapacité à financer une telle mesure (entreprises en redressement ou liquidation judiciaire). Le recours à ce dispositif, dans le contexte actuel, doit être encouragé.

- Concernant les petites entreprises du ressort de l'économie résidentielle, on mentionnera les financements du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce ( FISAC ), qui tendent à se rétracter. Par ailleurs, le délai de versement des aides, qui atteint parfois deux ans, apparaît dangereusement trop long.

- A ce rapide panorama, et sans prétendre - loin s'en faut - à l'exhaustivité, s'ajoutent encore les « aides aux actions collectives » des directions régionales du travail, de l'emploi et de l'entreprise et, de la part des collectivités locales , les aides de la région, diverses aides aux entreprises en difficulté et à la création d'entreprises (qui résultent souvent de financements croisés entre l'Etat, les régions, des organismes financiers et d'autres collectivités), les garanties d'emprunt et les exonérations de taxes, les subventions et rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés ...


• Enfin, la commande publique est, potentiellement, un levier important du développement local. Yannick Imbert, directeur des mutations et du développement économique à la DATAR, pose ainsi la question de la capacité des PME/PMI à accéder aux marchés publics, qui rejoint celle du « Small business Act » à la française. Il estime que « dans la pratique du « moins disant », le coût social du non recours à une entreprise de proximité devrait être systématiquement intégré ».

PRÉCONISATIONS PARTICULIÈRES
INDUSTRIE ET SERVICES


• Asseoir l'image locale des productions y compris industrielles


• Rationaliser le maquis des aides directes et indirectes avec des incitations pour les PME à s'installer ou à rester dans les campagnes


• Utiliser le levier de la commande publique avec des clauses de proximité


* 81 Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie.

* 82 Prime d'aménagement du territoire. Avec un budget d'environ 40 millions d'euros par an, elle figure parmi les rares dispositifs nationaux d'aides directes à l'investissement des entreprises. Son action est orientée autour de deux types de projets : d'une part les créations, extensions ou reprises des entreprises industrielles ou de services implantées dans les zones d'aides à finalité régionale (AFR), d'autre part les programmes de recherche-développement et d'innovation des entreprises industrielles ou de services sur l'ensemble du territoire métropolitain.

* 83 On peut classer les zones en trois catégories : celles imposées par l'Europe (le « zonage AFR » - aides à finalité régionale), celles à dominante économique et les zones spécifiques ou thématiques.

* 84 Une grappe d'entreprise est un réseau d'entreprises constitué majoritairement de PME et de TPE, fortement ancrées localement, souvent sur un même créneau de production et à une même filière, mobilisé autour d'une stratégie commune. L'administration centrale participe à l'animation de ces réseaux sur la base de contrats d'objectifs leur procurant un subventionnement ainsi que d'actions structurantes (création d'un groupement d'employeurs ; mise en place d'actions de diversification des marchés pour les entreprises membres ; achat mutualisé d'équipements de production ou de prototypage...) visant à améliorer la compétitivité de leurs membres.

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