C. DÉPLACEMENTS

1. Basse-Normandie

Mardi 18 septembre 2012

a) Echanges de vues sur les « Nouvelles ruralités à l'horizon 2030 » à Cerisy (Manche)

Participants :

- Edith Heurgon, directrice du Centre culturel international de Cerisy,  conseillère en prospective

- Jean-Philippe Briand, CESER de Basse-Normandie, auparavant au Conseil régional de BN chargé de l'élaboration du SDRAT

- Fabrice Jeanne, directeur général des services du Conseil général de la Manche, et Christine BACHELEZ, directeur de projets, chargée de la démarche prospective « Ecrivons ensemble la Manche de demain »

- Sophie Bardot, chargée de mission développement local à la Chambre d'Agriculture de la Manche

Edith Heurgon - La démarche prospective de l'INRA pour son exercice sur l'avenir des ruralités à l'horizon 2030 est exemplaire : méthode rigoureuse, moyens suffisants. Dans la nouvelle méthode « Prospectives du présent », à laquelle nous nous essayons dans la Manche, l'accent est mis sur les « signaux faibles » et les observations des gens (les « territoires vécus »).

L'idée n'est pas de trouver le modèle de ruralité en 2030, car il convient au contraire de préserver la « géodiversité ».

Le scénario 4 de l'INRA qui est illustré par la Manche, est à la fois le plus « nostalgique » et le plus prospectif. En réalité, la Basse-Normandie se caractérise plutôt par un mélange des scénarios 1, 2 et 4 de l'INRA. Concernant l'exercice « Territoires 2040 » de la DATAR, il nous semble que c'est alors le scénario 2, dit de « régiopolisation », qui peut s'appliquer à la Basse-Normandie.

Christine Bachelez - La démarche prospective engagée pour la Manche est longue : elle doit s'étendre sur deux ans. Après une phase de diagnostics, une rencontre avec les habitants est aujourd'hui amorcée.

Edith Heurgon - Pourquoi une démarche au niveau départemental, sachant qu'il existe déjà une démarche régionale ? On ne peut pas faire que des SRADDT 112 ( * ) . En réalité, la prospective n'est pas une démarche institutionnelle. Les villes conduisent aussi des exercices de prospective. Il faut jouer avec les échelles. Par ailleurs, je crois qu'on fait de la bonne prospective dans des lieux de pouvoir faible. Pour autant, il faut ensuite s'emparer des travaux prospectifs.

Christine Bachelez - La manche comprend 600 communes, de multiples communautés de communes ainsi que 4 pays (syndicats mixtes) où sont établis autant de SCOT. Depuis 2005, de nouvelles relations avec les politiques ont été amorcées via les syndicats mixtes et des démarches contractuelles. Les espaces protégés sont montés en puissance et, par ailleurs, on a beaucoup « fibré ».

Jean-Philippe Briand - La Basse-Normandie présente certaines spécificités. Historiquement, c'est une région très peuplée, ce qui explique un important maillage de villes moyennes et de bourgs. C'est la deuxième région rurale de France, la première région pour la concentration d'emplois dans les villes moyennes, et la quatrième région pour la périurbanisation. Au final, la Basse-Normandie peut être considérée comme un très bon laboratoire pour observer le monde rural de demain.

D'un point de vue démographique, les jeunes continuent à partir. C'est l'exode rural d'aujourd'hui... Mais la région demeure très attractive pour les retraités, si bien que, pour l'économie locale, le moteur résidentiel est puissant.

Il existe une forte diversité des activités. L'agriculture est traditionnellement marquée par la prégnance de l'élevage, qui a un fort impact environnemental et participe à la composition d'un paysage attractif. La transformation des prairies en cultures céréalières, tendance générale qui s'observe également en Basse-Normandie, est donc dommageable au paysage.

Il existe un lien fort entre l'agriculture et l'agroalimentaire. Un tissu dense de PMI, plutôt à faible valeur ajoutée et généralement sous traitante, caractérise le territoire. Pourtant, les activités résistent ici mieux qu'ailleurs.

La filière santé-médicosociale est, enfin, très prospère mais elle est doublement menacée : par les restructurations hospitalières, et par un affaiblissement du secteur médicosocial en raison de risques pesant sur son financement, et résultant d'une moindre attractivité des métiers.

D'une façon générale, la région peine à recruter des cadres. Peut-être est-ce un problème d'image...

Edith Heurgon - Pourtant, les atouts ne manquent pas. Ce qui conquiert les résidents, ici, c'est le ciel, la nature, la lumière.... Tout un ensemble plus ou moins indicible qu'on n'est pas habitué à quantifier. Par ailleurs, l'attirance générale pour l'ouest peut jouer.

Jean-Philippe Briand - On observe deux phénomènes majeurs en Basse-Normandie :

- la métropolisation : Caen gagne 2 500 emplois par an et se tourne de plus en plus vers Paris ; va-t-elle délaisser son « interland » ? Cette situation engendre des tensions avec des campagnes quelque peu délaissées ;

- le développement du littoral : essentiellement résidentiel, il engendre une augmentation des prix immobiliers.

Quelles sont au final les zones d'ombre ?

- La restructuration agricole,

- un tissu industriel déconnecté,

- la surattractivité du littoral,

- l'avenir de la filière médicosociale,

- la périurbanisation ; le mitage se généralise et entraîne une banalisation des villes qui pénalise leur attractivité à long terme ;

- le numérique : beaucoup d'investissements ont été faits, le problème est dorénavant celui de l'usage. A cet égard, la Basse-Normandie constitue, ici encore, un véritable laboratoire.

Sophie Bardot - Les agriculteurs se sont prêtés volontiers au jeu de la prospective et de nombreuses questions ont pu être ainsi abordées, comme la « performance de l'agriculture dans la Manche en 2030 » ou le « développement des services marchands dans le pays de Coutances » (présentation détaillée de la méthode et des résultats de ces travaux).

b) Conseil régional de Basse-Normandie (Caen)

Cabinet du Président : Christophe Le Foll, directeur de cabinet adjoint

Services du conseil régional : François Lorfeuvre, directeur de l'aménagement et du développement durables

Image rurale de la Basse-Normandie. Mais ouverture maritime que la région tente de valoriser et tissu industriel divers. Capitale régionale ayant une dynamique positive. Arrière-pays en risque de décrochage par rapport à la dynamique du littoral (économie résidentielle) et à celle de Caen. Région essaye éviter ce décrochage. Atout : le maillage territorial des villes moyennes (le Bas-Normand est toujours à 20 ou 30 km du service ou de l'emploi dont il a besoin. Si on arrive à maintenir ce maillage, cela permettra éviter un décrochage rural marqué par le départ des jeunes et l'arrivée des retraités sur le littoral. La région réfléchit au lien à l'intérieur des bassins de vie mais aussi au lien entre les villes moyennes pour avoir un réseau entre les différents pôles. Ce qui a changé est le développement de l'axe Seine auquel il faut se raccrocher : il peut donner un souffle à la région. Les énergies marines renouvelables offrent aussi un potentiel d'emploi et d'innovation (centre de recherches performants).

Milieu rural composite : Perche est dans la zone d'attractivité de la région parisienne, l'avenir est « assuré » avec une population sous l'influence de l'île de France. Granville est attractive en tant que tel, fort pourcentage de retraités, ce qui provoque une augmentation du prix du foncier. Par ailleurs, secteurs un peu déshérités où départ des jeunes qui ne trouvent ni emploi ni formation avec retour des retraités originaires. Phénomène de périurbanisation très visible dans la plaine de Caen avec consommation de terres agricoles de qualité. Par conséquent, divers secteurs susceptibles de relever chacun de scénarios différents de la prospective INRA de 2008. Pas de vraie homogénéité des zones rurales dotées d'avenirs différents et appelant des politiques incitatives différentes afin d'éviter le décrochement de l'arrière-pays. D'autre part, importance de garder une économie productive sur le littoral. Une des principales filières présentes dans les pôles est la filière automobile, qui suscite un enjeu de ré-industrialisation.

Exemple de Flers avec le pôle Faurecia (équipement automobile) : implantation d'un lieu de formation d'ingénieurs avec l'appui de l'université. On arrive ainsi à préserver une activité dans cette ville moyenne, sur la base du triptyque formation-industrie- recherche. On cherche à faire la même chose avec les énergies marines renouvelables (la moitié du potentiel hydraulien français est au large de Cherbourg) en termes de filière.

On cherche à faire cela par le biais d'un cluster . Création d'un SPL 113 ( * ) associant CU Cherbourg-Manche-Région devant couvrir tous les champs liés aux énergies matines renouvelables, y compris un cluster .

On cherche ainsi à éviter développement monocentrique sur la capitale.

Autre caractéristique de la Basse-Normandie : l'émiettement communal (1 800 communes pour 3 départements) ; intercommunalités de petite taille (quelques milliers d'habitants sauf exception. La réforme va sans doute faire monter d'un cran. La région essaie alors de mobiliser les territoires à l'échelle supra-intercommunale (i. e. les pays, qui sont en devenir - les 4 pays sont portés dans la Manche par des structures intercommunales, le maillage de SCOT étant cohérent, la région s'appuyant dessus pour tenter de développer des démarches de projets de territoire débouchant sur des contractualisations (existence d'un volet territorial dans le CPER 114 ( * ) ).

Enjeu à améliorer : mieux intégrer dans approche territoriale les politiques sectorielles que la région peut conduire (formation continue, économie, sport, culture etc.).

Il y a 15 ans la région soutenait des projets d'intérêt intercommunal strict, on a voulu monter en intérêt de projet au-delà de l'intercommunalité » et la maille des projets s'est considérablement agrandie. On arrive à un niveau de projet structurant y compris dans des villes moyennes.

Importance de doter à cette fin les territoires de l'ingénierie territoriale nécessaire. Quand appel à projet national (PER 115 ( * ) ) ou régional, les équipes répondent ce qui améliore la capacité de répondre à l'enjeu.

On tente de mettre le paquet sur les 20 bassins de vie (13 pays avec chacun 2 à 3 villes moyennes).

Se sont appuyés sur le SRADDT 116 ( * ) - lancé en 2007 - pour lancer cette stratégie. Il avait identifié le risque de fracture territoriale. On a développé récemment une autre approche prospective « à dire d'expert » menée par une vingtaine de personnalités sur les enjeux prioritaires, les faiblesses et risques sur lesquels il faut agir (exercice plus ciblé que le SRADDT, avec logique de « blitzkrieg »). On aboutit à des conclusions proches.

Le nouveau contexte était le Grand Paris, l'axe Seine avec le souci d'éviter que la Basse-Normandie soit à l'écart. On retrouvé de façon moins détaillée ce qui était dans le SRADDT. Le contexte actuel de réforme ralentit le débouché sur les choix structurant l'action régionale.

Le SRADDT est un document partagé, donc fondé sur une logique de consensus et comportant une ambigüité car les communes et départements voulaient « être dans le SRADDT» pour être sûrs d'avoir des financements régionaux. Le document récent est plus l'expression de la volonté politique du conseil régional.

Financement dans les contrats territoriaux, cofinancements Etat-région, on aurait souhaité dialogues avec les territoires y compris départements. Pas possible en raison de l'opposition politique entre les départements - qui ont leurs propres contrats territoriaux avec les communautés de communes - et la région. On retrouve souvent les mêmes projets mais tout ceci pose des problèmes complexes de coordination et de planning. La réforme pourrait permettre de clarifier les interventions des échelons et d'atténuer les lourdeurs. La simplification administrative pourrait être un paramètre facilitant le lancement de projets, qui se font actuellement assez rares. Quand les projets ont des cofinancements FEDER 117 ( * ) ou autres, cela nécessite la mise en oeuvre d'une ingénierie financière et administrative...

La cohérence entre les outils : CPER/POE 118 ( * ) FEDER, en voulant la cohérence, on crée de la complexité, par exemple, on a voulu traduire le CPER et les engagements de la France dans la programmation des fonds européens sur l'ingénierie territoriale et sur les projets mis en place, on a imaginé un dossier commun. On aboutit à une situation marquée par la faiblesse des fonds consacrés au volet territorial sur le POE FEDER, on ne peut donc plus financer de nouveaux projets, tout en ayant à gérer des queues de crédits hors projets contractualisés. Chacun a sa propre logique et il n'est pas utile de monter usines à gaz au nom de la cohérence administrative entre les différents outils : les acteurs ne peuvent plus réaliser leurs projets sur le terrain. Autre exemple : priorité innovation des fonds européens en 2007, obligation de rentrer dans des cases sur le terrain, certains se sont retrouvés en décalage pour financer des projets utiles sur le terrain.

Le SRADDT a servi de base pour le CPER et en ce qui concerne la programmation POE 2014/2020, on n'est pas en contradiction avec les éléments de stratégie. On sait quels sont les secteurs porteurs. Autre exemple, le SRCAE 119 ( * ) , élaboré avec l'Etat débouchant sur des orientations ayant un caractère concret. On va voir ce qu'on pourra soutenir au titre des crédits FEDER. Trop de schémas stratégiques, mais vont presque obligatoirement dans le même sens car s'appuient sur le même diagnostic ou sentiment de départ partagé (ex. créer de la valeur ajoutée en Basse-Normandie, que c'était l'objectif des SRADDT, POE FEDER, SRDE 120 ( * ) , schéma enseignement supérieur...

Les schémas, comme outils de travail entre gens impliqués, marchent, mais sont illisibles en dehors, notamment pour les élus des territoires, c'est pourquoi l'échelon de travail à l'échelle des pays est intéressant : espace de médiation entre la préoccupation stratégique et la préoccupation du territoire, à qui on apporte des éléments d'analyse. Le SRADDT est un peu le schéma des schémas. L'ensemble ne se contredit pas.

Effets sur le territoire : on ne sait pas car le rythme de l'action publique est très lent. Bilan du CPER chaque année, obligatoire, on mesure l'état des engagements et non les effets, qui se produiront à plus long terme. On fait quand même, à la suite du livre blanc, un tableau de bord avec des indicateurs de contexte régional et des indicateurs de suivi de l'action régionale. 25 indicateurs principaux sur les grands enjeux stratégiques de la région, et des indicateurs secondaires (90 en tout).

Exemple de la démographie médicale. On a développé en 2005 une politique dans le cadre d'une charte cosignée avec beaucoup de partenaires (Etat, ARS 121 ( * ) , départements, union régionale des médecins libéraux) prévoyant dans secteurs prioritaires déterminés un projet de santé du territoire sur la base de la photographie du besoin de santé du territoire. On débouche sur un projet de pôle de santé avec mutualisation dans un lieu généralement porté en maitrise d'ouvrage par la communauté de communes. Il en existe une quinzaine. On commence à élaborer le cahier des charges de l'évaluation de cette démarche qui a donné lieu à la constitution de « mini cliniques » asséchant le territoire au-delà des quinze kilomètres de l'aire prévue. Cela prend du temps.

Télémédecine dans les zones rurales. On a développé une thématique, pas centrée sur les zones rurales, autour de la télésanté dans le cadre d'un programme FEDER (programme régional d'action innovatrice). Résultats décevants sur le volet suivi médical.

En ce qui concerne la démographie médicale, le périmètre pertinent est la région, pas les bassins de vie.

La politique d'accueil dans les territoires est liée à la présence de services publics (école, poste). Parmi les raisons de la venue en zone rurale : le logement et la présence des services publics dont spécialement l'école, ainsi que la petite enfance. Le conseil régional aide les pôles petite enfance, pas de stratégie partagée entre la région, l'Etat et les départements sur ce sujets. La région intervient indirectement en matière de services à la population (sport et culture) par le biais de la politique territoriale, qui permet de soutenir beaucoup de projets. Tout cela se fait généralement dans le cadre de la programmation des pays, à l'échelle intercommunale, rarement à une échelle plus large de 2 ou 3 communautés de communes.


* 112 Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire.

* 113 Système productif local.

* 114 Contrat de projets État-région.

* 115 Pôles d'excellence rurale.

* 116 Schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire.

* 117 FEDER.

* 118 Programmes opérationnels européens.

* 119 Schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie.

* 120 Schéma régional de développement économique.

* 121 Agence régionale de santé.

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