B. EN FRANCE, UNE MISE EN oeUVRE HÉSITANTE

En l'état des connaissances, le réseau de télécommunications mobiliserait 350 000 km de fourreaux et 13 millions de poteaux.

Comparée à ces masses, la carte de l'état des déploiements actuels des réseaux FttH et des réseaux câblés suggère l'effort à entreprendre pour équiper le territoire par les infrastructures nécessaires au THD.

ÉTAT DES DÉPLOIEMENTS DES RÉSEAUX FTTH ET DES RÉSEAUX CÂBLÉS
AU 30 SEPTEMBRE 2012

Source : ARCEP. Observatoire des marchés des communications électroniques. 3 ème trimestre 2012.

De même, sans négliger que ces données ne se recouvrent pas strictement, ces 350 000 km de fourreaux peuvent être mis en regard du linéaire de génie civil loué à France Télécom par les opérateurs pour installer la fibre optique (FttH ou FttLA) qui n'atteint que 8 170 km .

En réalité, les infrastructures actuelles du THD, même en acceptant une définition très large de celui-ci, ne représentent qu'une part minime des infrastructures à mettre en place pour parvenir à la couverture intégrale du territoire par le THD.

1. Le constat d'une incomplétude des réseaux de collecte18 ( * )

Le dossier de l'équipement numérique du territoire en réseaux de nouvelle génération est souvent abordé sous le seul angle de la boucle locale.

On néglige par là deux segments du réseau : la partie correspondant à la collecte et la partie terminale du raccordement à l'usager final.

S'agissant du réseau de collecte, l'équipement en fibre optique est indispensable à la diffusion du THD, quelle que soit la conception, et donc la technologie effectivement employée pour le raccordement final, qu'on s'en fasse.

Sur ce point, l'état des lieux présenté dans le projet de feuille de route mentionne la nécessité de progresser vers un état du réseau de collecte cohérent avec l'objectif du THD .

Il apparaît certes que les réseaux de collecte sont actuellement très largement déployés en fibre optique. Cet équipement est le fruit des investissements de l'opérateur historique et des efforts des collectivités territoriales qui ont activement « fibré » les noeuds de réseaux d'abonnés localisés dans les aires géographiques couvertes par leurs RIP.

Mais l'équipement disponible semble ne pas offrir les capacités suffisantes pour que les opérateurs qui souhaiteraient déployer des réseaux de desserte locale puissent accéder utilement à la collecte .

Comme le mentionnait l'ARCEP dans son rapport de septembre 2010 sur « la montée vers le très haut débit », si un réseau de collecte déployé par un RIP vient certainement collecter la plupart des points de présence opérateur (afin de permettre la concurrence sur le réseau et de s'assurer des clients), il n'en va pas nécessairement de même pour les réseaux de collecte mis en place par un opérateur privé. Celui-ci « favorisera ses propres points de présence... » .

Cette même logique est à l'oeuvre pour les capacités du réseau. Le projet de feuille de route relève à cet égard : « récemment encore, plus de la moitié des liens de réseaux de collecte de France Télécom étaient saturés, nécessitant la construction de nouveaux réseaux en parallèle » .

Sans doute, la situation est décrite comme ayant évolué favorablement : « les récents travaux menés par l'ARCEP concernant l'offre LFO de France Télécom (Liaison de Fibre Optique, qui correspond à la location de ses réseaux de collecte) permettent à présent de compter sur une disponibilité de plus de 95 % des liens de collecte fibre existants (après éventuels travaux de désaturation), ce qui limite fortement le besoin de déploiement de nouveaux réseaux fibrés de collecte en parallèle » .

Il n'empêche que l'évocation de « travaux de désaturation » n'apporte pas tout apaisement sur les progrès accomplis.

Au demeurant, le projet de feuille de route conclut que plus de 3 500 sites de réseaux devront être reliés en fibre optique pour assurer son efficacité au déploiement du THD sur le segment de la desserte, en particulier dans les zones rurales.

« Néanmoins, dans les zones les plus reculées et notamment les zones rurales, les Noeuds de raccordement abonnés (NRA) sont encore raccordés par des câbles en cuivre, voire en faisceau hertzien. Ainsi, à ce jour, il demeure environ 3 300 NRA non fibrés. Près d'un million de lignes sont concernées par ces 3 300 NRA et sont ainsi considérablement limitées en terme de débit.

Dans certaines situations exceptionnelles (liaisons terrestres très coûteuses pour peu de foyers, comme par exemple les îles, les villages isolés de montagne...), l'utilisation de liaisons en faisceaux hertziens pourrait demeurer pertinente à condition de les renforcer » .

Les modalités de cet équipement complémentaire - qui concerne une proportion importante de NRA - appellent des précisions tant sur la répartition de la charge financière qu'il suppose que sur son contexte .

Ces deux dimensions du programme sont liées.

Le projet de feuille de route évoque une prise en charge de l'équipement par « les fonds propres de certains opérateurs (et notamment France Télécom) » .

Cette perspective, qui soulagerait la pression sur les finances publiques, n'est pas accompagnée de solutions lui conférant une portée effective.

Toutefois, un scenario de ce genre ne peut pas être écarté sans pour autant que tous ses prolongements puisent être jugés souhaitables.

On sait que dans ses réflexions sur le déploiement du THD, le régulateur a pris le parti de soutenir les solutions de montée en débit parmi lesquelles l'offre dite « PRM » (« point de raccordement mutualisé ») de France Télécom.

Cette offre porte sur le réaménagement de la boucle locale en cuivre de l'opérateur historique. Mais son activation suppose que le réseau de collecte soit lui-même mis à niveau quand nécessaire.

Elle repose sur les NRA-MED qui, par comparaison avec les NRA-ZO, permettent d'accéder à des débits supérieurs.

Toutefois, les NRA-MED représentent un équipement qui ne laisse pas présager un accès à la frontière technologique du « vrai THD ».

L'ARCEP n'en a pas moins décidé d'accepter cette offre - un choix contraire aurait sans doute entraîné des difficultés juridiques - mais surtout de la réguler en retenant une méthode axée sur les coûts. Cette régulation aboutit à l'éventualité d'un écart de tarif entre l'offre des gros PRM et les offres alternatives présentes sur le marché des réponses aux appels d'offres des collectivités territoriales, qui ne sont pas régulées.

Il peut s'ensuivre un avantage pour l'offre PRM qui, surtout, n'est pas une bonne incitation pour les projets de desserte locale en fibre jusqu'à l'abonné. Cette incitation pourrait être renforcée si l'opérateur historique couplait son offre sur la boucle locale avec une offre attractive portant sur le financement du réseau de collecte qu'il semble seul à même de proposer.


* 18 Un réseau peut être décomposé en trois composantes : le transport qui relie les grandes agglomérations et maille l'essentiel des continents, la collecte , de niveau régional, départemental ou métropolitain qui conduit les données véhiculées par les réseaux de transport vers l'utilisateur final et peut-être décomposée en plusieurs segments selon la logique effectivement suivie pour son installation, la desserte pour la partie terminale correspondant à la boucle locale.

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