Table ronde consacrée à Internet (mardi 29 janvier 2013)

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Mes chers collègues, nous procédons, en cette fin d'après-midi, à une série d'auditions de responsables de sites internet qui ont paru importantes pour l'information de notre commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Il s'agit des sites suivants :

- Google , représenté par M. Benoît Tabaka, directeur des politiques publiques- sécurité, et Mme Maria Gomri, directrice juridique ;

- pagesjaunes.fr , représenté par M. Christophe Leblanc, directeur des relations institutionnelles et M. Emmanuel Thoorens, directeur des opérations en charge du search et des données ;

- aufeminin.com , représenté par M. Christophe Decker, directeur général délégué, et M. Nicolas Evrard, médecin, responsable du pôle santé ;

- psychologies.com , représenté par M. Arnaud de Saint-Simon, président ;

- doctissimo.fr , représenté par M. Christophe Clément, directeur adjoint ;

- allodocteurs.fr représenté par M. Benjamin Batard, rédacteur en chef adjoint, et Mme Charlotte Tourmente, médecin et journaliste spécialiste en médecine.

Cette réunion est ouverte au public et à la presse ; son compte rendu sera publié avec le rapport ; son enregistrement vidéo sera diffusé sur le site du Sénat.

J'attire l'attention du public ici présent sur le fait qu'il est tenu d'assister à cette audition en silence. Toute personne qui troublerait les débats, par exemple en donnant des marques d'approbation ou d'improbation, sera exclue sur le champ.

Je précise à l'attention des personnes auditionnées que la constitution de cette commission d'enquête a pour origine une initiative de notre collègue Jacques Mézard, président du groupe RDSE, qui est de ce fait notre rapporteur.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander à chacun de prêter serment successivement. Je rappelle, pour la forme, bien sûr, qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Veuillez successivement prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».

Les dix personnes se lèvent successivement et prêtent serment.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Je propose que chaque site fasse l'objet d'un bref exposé introductif. Les sénateurs, en commençant par le rapporteur, vous poseront ensuite un certain nombre de questions.

M. Benjamin Batard, directeur des politiques publiques-sécurité de a llodocteurs.fr . - Le site allodocteurs.fr est un site indépendant dédié à la santé, lancé en mars 2009 par les docteurs Michel Cymes et Marina Carrère d'Encausse, qui présentent Le magazine de la santé , l'émission médicale de France 5. Ce site propose aux internautes plus de 8 000 vidéos médicales ; son audience est de 700 000 visiteurs par mois. Il s'adresse au grand public et propose un contenu éditorial construit autour de trois axes : l'actualité de la santé, l'encyclopédie médicale et le conseil médical en ligne, réalisé par le biais de « tchats » avec des professionnels de santé. Ce site est accessible depuis le portail Internet du groupe France Télévisions et vit en synergie avec Le magazine de la santé , dont il tire une grande partie de son contenu.

Les quinze journalistes de l'émission sont tous titulaires de la carte de presse et collaborent activement à ce contenu éditorial en rédigeant des articles et en mettant leurs reportages en ligne. Cette rédaction est aguerrie aux problématiques de santé.

L'ambition d' allodocteurs.fr est de traiter toutes les questions médicales en apportant des réponses, autant que faire se peut, claires et validées sur le plan scientifique. Nous avons pour cela mis en place, avant toute diffusion, un circuit de relecture des informations par des rédacteurs en chef et les médecins de la rédaction. Depuis la création du site, nous disposons de la certification HONcode, qui constitue le code de déontologie pour l'information médicale.

L'internaute qui consulte notre site est demandeur d'informations sur sa santé et veut aussi partager son expérience. Bref, il veut être un acteur de santé, mais un acteur éclairé, exigeant et critique.

Depuis quelques années, nous observons un climat de méfiance - voire de défiance - à l'égard du système de santé, qui s'est aggravé avec les récentes crises sanitaires, comme celle du Mediator et, actuellement, des pilules de troisième génération. Ce climat a, sans aucun doute, déteint sur la manière dont l'internaute appréhende l'information médicale. La tentation est de plus en plus grande d'aller chercher des réponses du côté des médecines complémentaires et alternatives qui peuvent, on le sait, constituer des portes d'entrée pour les mouvements sectaires.

Pour répondre à ce besoin d'informations, allodocteurs.fr consacre régulièrement des articles et des dossiers à ces techniques de soins.

Certaines de ces techniques ont été largement étudiées sur le plan scientifique, et certaines ont fait leur entrée à l'hôpital - acupuncture, ostéopathie, hypnose. Quand nous parlons de ces méthodes de soins, nous privilégions toujours les reportages et les entretiens en milieu hospitalier ou universitaire, ce qui constitue un gage de sérieux.

Pour mesurer leur efficacité, nous nous appuyons toujours sur des études médicales qui ont été publiées dans des revues scientifiques de référence et n'hésitons pas à être critiques quand il le faut. Le cas s'est présenté récemment lors d'une enquête consacrée à l'ostéopathie où, de l'aveu même de certains praticiens, des risques de dérives sectaires pouvaient exister dans certaines mouvances de l'ostéopathie, des formations proposant par exemple des stages en kinésiologie, naturopathie et énergétique...

D'autres pratiques, plus obscures, sont rarement évaluées, réalisées hors de toute structure médicale. Dans ce cas, le risque est évidemment plus grand d'avoir affaire à des charlatans. Faut-il parler de ces méthodes, au risque de leur faire de la publicité ? C'est une vraie question... Nous pensons que notre rôle est d'enquêter sur ces techniques non conventionnelles et de dénoncer les dérives si elles existent.

Ces dernières années, nous avons, par exemple, consacré plusieurs reportages aux dangers des méthodes comme la kinésiologie, l'iridologie, pseudo-science qui prétend que chaque partie du corps serait représentée par l'iris, la naturopathie et le jeûne thérapeutique.

Nous surveillons deux autres thématiques avec beaucoup de vigilance, car nous savons qu'elles sont l'objet de possibles dérives sectaires. Il s'agit de la vaccination - avec, sur les forums, des discours d'opposants à toute forme de vaccination, souvent très actifs - et le vaste champ des psychothérapies. Nous donnons aux internautes des conseils pratiques pour choisir un psychologue formé et diplômé, et rappelons les règles à suivre pour éviter les pseudo-thérapeutes et les pratiques non conventionnelles. Nous insérons, sur ces sujets, des liens vers les sites de la Miviludes et de l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu (Unadfi).

Malgré ces garde-fous et ces règles éditoriales, nous ne sommes évidemment pas à l'abri de nous faire piéger par un témoin ou un médecin appartenant à une mouvance sectaire. Dans ce cas, la règle doit être celle de la transparence. Si nous nous trompons, nous le dirons, si nous avons été dupés aussi, mais cette transparence est, nous semble-t-il, un enjeu important de l'information médicale sur Internet.

Mme Charlotte Tourmente, médecin et journaliste spécialiste en médecine de allodocteurs.fr . - Je suis en charge de la modération des commentaires postés sur les articles, les « tchats » et les réseaux sociaux. Je chapeaute également l'équipe d'étudiants en médecine qui répond directement aux forums. Internet et les forums peu contrôlés me semblent être un vecteur de choix pour ceux qui font la promotion des mouvements sectaires.

Nous sommes assez peu confrontés à ce type de messages, sans doute parce qu'il s'agit d'un site de médecins, celui de Michel Cymes et Marina Carrère d'Encausse, dont la déontologie est très claire. Chaque message est relu par un médecin ou un étudiant en médecine et obtient une réponse rapide. Nous supprimons systématiquement les messages suspects ou commerciaux qui font l'apologie de techniques non validées dans le domaine des médecines douces, de la nutrition ou des régimes.

Si l'internaute malveillant continue à poster ses messages suspects, nous lui envoyons un avertissement ; s'il récidive, nous le bannissons du site. Les choses sont donc assez réglementées.

Lorsque les internautes nous posent des questions sur des mouvements associés à des dérives sectaires ou à des techniques non validées, nous les mettons bien évidemment en garde et leur donnons quelques pistes pour qu'ils apprennent à reconnaître et à se méfier de certaines pratiques, comme la kinésiologie...

Enfin, nous ne créons jamais, sur le forum, de fil de discussion sur des sujets sur lesquels il n'existe pas de base scientifique ou qui prêteraient à des discussions stériles - débat antivaccination, etc.

Ce qui caractérise le site, c'est l'interactivité quotidienne avec les internautes. Je pense que c'est cette interactivité avec des interlocuteurs compétents et qualifiés qui doit être développée dans l'avenir pour éviter les dérives.

M. Christophe Clément, directeur adjoint de doctissimo.fr . - Je représente doctissimo.fr , le premier site santé « grand public », fondé en 2000 par des médecins. La rédaction est composée de journalistes scientifiques. Nous avons également un directeur médical. Toute la partie éditoriale du site est donc contrôlée à ce titre. C'est sans doute sur nos parties communautaires, dont j'ai la charge, que l'on peut trouver le plus de risques de présences sectaires.

Sur doctissimo.fr , le verbe est assez libre. Ce sont les internautes qui lancent les sujets des discussions, organisées à l'intérieur de quatorze grands forums thématiques et de plusieurs centaines de catégories. Le forum doctissimo.fr est devenu, au fil du temps, le plus gros forum francophone. On n'y parle pas aujourd'hui que de santé, la santé n'étant que l'un des quatorze thèmes que nous abordons, mais également de nutrition, de grossesse, de psychologie ou de sexualité.

Nous disposons d'un forum sur la psychologie, avec des espaces dédiés à des discussions sur la spiritualité, Dieu et la religion, ou sur les sectes. Le forum sur Dieu et la religion est plus orienté vers l'appréhension personnelle de la spiritualité, alors que celui sur les sectes constitue davantage un forum d'entraide entre victimes ou anciens adeptes qui essaient d'échapper à l'emprise des sectes.

La présence des sectes dans nos espaces communautaires ne nous mobilise pas quotidiennement. Notre mode de modération est fondé sur un système d'alerte, d'entraide et de signalement lorsque les internautes eux-mêmes sont confrontés à un message qui leur semble illégal ou tendancieux. Nous avons mis en place, en parallèle, deux systèmes d'alerte spécifique. Le premier concerne la protection des mineurs ; à ma connaissance, ceux-ci n'ont jamais fait, sur notre site, l'objet de tentatives d'approche de la part de sectes ; le second système d'alerte, mis en place avec une commission interministérielle, est relatif aux suicides.

M. Arnaud de Saint-Simon, président de psychologies.com . - Le groupe Psychologies, que je dirige, édite le magazine Psychologies - qui compte 2,5 millions de lecteurs par mois - ainsi que des hors-séries. Nous avons, grâce au succès du magazine en France, exporté ce concept dans plusieurs pays dans le monde - Chine, Russie, Angleterre, Espagne, Roumanie, Grèce, Belgique.

Nos activités digitales sont constituées d'un site Web, psychologies.com , d'une page Facebook, qui bénéficie d'une centaine de milliers de fans, et d'une application pour Smartphone appelée Psycho , dérivée de nos contenus. Le magazine est également disponible sur tablettes et iPads, via les kiosques numériques.

Nous avons également d'autres activités - livres en coédition, croisières et autres événements...

En ce qui concerne les dérives sectaires dans le champ de la santé, nous ne sommes pas un magazine de santé classique, au sens des pathologies, mais plutôt un magazine dont la vocation est d'aider les lecteurs dans le domaine de la prévention. Nous réalisons donc un certain nombre d'articles et de hors-séries autour de ce champ, concernant tout ce qui peut renforcer notre système immunitaire et diminuer notre stress. Cela va des techniques de relaxation à l'alimentation, en passant par les médecines énergétiques, qui vont de l'acupuncture au tai-chi.

Nous nous focalisons principalement sur les médecines complémentaires, qui constituent un champ compliqué, mais aussi sur ce qui relève du vécu psychologique de la maladie. Nous avons ainsi récemment publié un grand sujet sur le débat à propos de l'euthanasie.

Les psychothérapies sont un champ complexe qui n'est pas véritablement encadré. Il existe un nouveau diplôme mais, jusqu'à il y a peu, seuls les psychologues ou les psychiatres disposaient d'un diplôme d'Etat. Or, ces deux catégories de professionnels n'ont pas forcément fait de psychothérapie et n'ont donc pas forcément d'expérience clinique.

Nous avons réalisé beaucoup d'articles afin d'aider les lecteurs à choisir la bonne psychothérapie et le bon psychologue. Nous avons également recensé les différentes disciplines et deux hors-séries récents ont été réalisés autour de questions pratiques : où s'adresser, combien payer, comment être sûr du sérieux d'un professionnel ?

Nous avons par ailleurs publié, sur notre site, un annuaire des psychothérapeutes « certifiés ». En effet, trois fédérations se sont unies, avant que le nouveau diplôme de psychothérapeute n'existe, pour établir des listes de thérapeutes validées par leurs pairs. Notre journal couvre donc tout le champ de la psychothérapie, la partie relative à la modération étant mutualisée avec doctissimo.fr .

M. Christophe Clément. - Les deux titres appartiennent au même groupe...

M. Arnaud de Saint-Simon. - Nous sommes en effet une filiale du groupe Lagardère Active .

M. Christophe Decker, directeur général délégué d' aufeminin.com . - Le site aufeminin.com a été créé il y a quatorze ans ; il s'adresse aux femmes et aux mères. Ce site existe aujourd'hui en sept langues. Il est donc disponible dans toute l'Europe et représente un total mensuel de 49 millions de visiteurs. Ce site est disponible sur le Web, mais aussi sur tablette ou téléphone mobile. Notre activité s'étend également à l'édition littéraire et à la presse.

Notre site est un portail féminin très généraliste qui n'est pas spécialisé dans la santé ; les sujets abordés traitent aussi bien de cuisine, de mode, de beauté, de mariage, de psychologie que de santé.

Le contenu de nos informations et de nos articles relève de nos journalistes ; une très grande place est donnée aux internautes, qui peuvent s'exprimer via des forums, mais également sur des blogs, des albums photos ou grâce au partage de vidéos.

Je cède la parole à Nicolas Evrard, notre médecin rédacteur, à propos de la publication des informations...

M. Nicolas Evrard, médecin, responsable du pôle santé d' aufeminin.com . - Je suis médecin et rédacteur en chef du site sante-az.aufeminin.com , spécialement dédié à la santé et destiné au grand public.

Nos articles et dossiers sont rédigés par des médecins que nous connaissons bien ou par des journalistes spécialisés dans la santé, qui travaillent avec des experts référents. Je relis et valide ces textes avant publication ou mise en ligne.

Je suis aussi responsable de tout le pôle santé d' aufeminin.com et travaille au sein même de la rédaction. J'ai donc toujours une réponse à apporter à des journalistes qui auraient des suspicions sur tel ou tel intervenant. J'ai également travaillé auparavant à Santé magazine . La rédaction d'un site Internet fonctionne comme celle d'un autre média.

J'insiste sur le fait que je suis médecin journaliste. Le code de déontologie médicale a pour moi une réelle signification. Le contrat qui me lie au site aufeminin.com insiste bien sur le fait que je ne dois subir aucune pression de ce point de vue. Pour moi, cela a une réelle signification. Nous obéissons également aux règles dictées par le HONcode, comme l'a voulu la Haute Autorité de santé (HAS) en 2004.

M. Christophe Decker. - Nous comptons environ 49 millions de visiteurs à travers le monde, dont 12 en France. Ceci impose des règles de modération assez strictes pour permettre à chacun de s'expliquer dans nos forums.

400 000 messages sont postés chaque mois sur aufeminin.com , soit un message toutes les trois secondes. C'est un volume d'informations considérable. Nous n'avons de ce fait pas d'autres choix que d'être hébergeur. Les messages passent donc en ligne directement, la modération s'effectuant a posteriori . Pour ce faire, nous avons mis en place une procédure à trois niveaux.

En premier lieu, celui qui constate un message litigieux, illégal ou posant un problème de santé peut alerter un modérateur professionnel de notre équipe, qui va vérifier ce message et agir.

En second lieu, un certain nombre d'utilisateurs-modérateurs, fidèles et fiables, peuvent prodiguer des conseils aux internautes mais surtout supprimer certains messages ou certaines discussions.

Enfin, les modérateurs professionnels que nous employons répondent aux internautes, vérifient le travail des utilisateurs-modérateurs et exercent sur les forums une veille active à partir de thématiques ou de mots-clés litigieux.

En outre, nous mettons en place un certain nombre des bonnes pratiques du secteur : nos modérateurs interviennent en toute transparence sur les forums, avec un pseudonyme dédié et un compte utilisateur identifiable ; ils sont très faciles à contacter, soit à travers les discussions, soit à travers des formulaires. Nous publions par ailleurs le mode d'emploi du site et les règles de bonne conduite. Des mises en garde spécifiques sont affichées en tête des forums santé ou consacrés aux problèmes conjugaux. Nous sommes aussi signataires de la charte sur le droit à l'oubli.

Nous avons d'autre part mis en place un certain nombre de procédures dans le cadre de signalements et de préventions. C'est ainsi que nous sommes signataires, avec le ministère de l'intérieur, d'une convention consacrée aux problématiques de l'Internet traités par la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos). Cette convention nous permet, en cas de vente illégale ou de tentatives de suicide, d'adresser de manière accélérée un signalement à la police en lui fournissant les adresses IP afin qu'elle intervienne au plus vite.

Nous avons mis en place, il y a quelques mois, un système de forums médicaux distincts des forums habituels, où interviennent des spécialistes ou des généralistes. Il ne s'agit pas de consultations médicales mais de conseils gratuits, éclairés et rassurants.

Nous sommes partenaires du dispositif Alerte Enlèvement , que nous relayons en cas de besoin et avons pris, à l'échelle de notre société, un certain nombre d'engagements en faveur de la défense des femmes en matière de prévention et de santé ou de défense des enfants.

Le problème des sectes et de leur impact sur la santé est, pour notre site généraliste, un phénomène assez restreint dans son ampleur. Selon un sondage remontant à trois jours, 2 % des internautes consultés estiment voir sur nos sites des publicités liées à des sectes une à deux fois par semaine, 18 % une à deux fois par mois, 80 % estimant ne pas en voir très souvent. Celles-ci restent donc un phénomène marginal.

Ces publicités concernent le développement personnel pour 34 % des internautes, des témoignages d'internautes ayant eu affaire à des sectes pour 25 %, des propositions relatives au bien-être pour 20 %, ou encore à l'achat de produits et de traitements pour 18 %.

M. Christophe Leblanc, directeur des relations institutionnelles de pagesjaunes.fr . - Nous tenons tout d'abord à remercier votre commission d'enquête d'avoir invité le groupe Pages jaunes , saluant ainsi la récente mutation d'un média dont la diffusion repose historiquement sur le papier vers la sphère digitale.

Notre groupe étant en second lieu au coeur de la donnée, nous partageons les problématiques que vous soulevez. Enfin, la protection et la fiabilité des données, ainsi que la neutralité du Net sont des thématiques sur lesquelles nous travaillons beaucoup et nous comptons encore beaucoup travailler avec les pouvoirs publics sur ce sujet.

Notre groupe s'articule aujourd'hui autour de trois métiers, un métier d'édition de contenus, un métier de régies numériques et un métier de médias numériques. Ces activités numériques ont représenté 60 % du chiffre d'affaires du groupe en 2012.

Nous sommes un groupe au coeur de la data : nous gérons, collectons, enrichissons, tous les ans, quatre millions de données appartenant à des entreprises - TPE, PME, grands groupes - et vingt millions de données et d'adresses de particuliers. Nous distribuons également, chaque année, plus de quarante millions d'annuaires papier.

Ceci signifie que des processus extrêmement fiables sont nécessaires pour conserver la confiance des internautes ; en effet, celle-ci est un élément clé pour notre groupe, dont le succès repose sur l'audience. Or nous ne pouvons la réaliser que si les internautes nous font confiance. Plus de deux milliards de recherches ont été effectuées sur l'ensemble des sites numériques du groupe, bien évidemment pagejaunes.fr , le navire amiral, mais aussi Mappy ou 123People ...

Mon collègue Emmanuel Thoorens va vous décrire les moyens que nous avons mis en place, les processus qui fonctionnent et qui sont relativement fiables ; il vous fournira également un certain nombre d'exemples de coopérations concrètes avec les pouvoirs publics et les organisations professionnelles, particulièrement dans le domaine de la santé qui, chez pagesjaunes.fr , est l'une des dix premières rubriques les plus consultées.

M. Emmanuel Thoorens, directeur des opérations en charge du search et des données. - La pertinence de nos données est effectivement pour nous un sujet clé. Il s'agit d'une forme de caution auprès du grand public : lorsqu'ils recherchent un médecin, les internautes ne se posent pas de questions : les Pages jaunes sont un outil fiable ! Certes, nous sommes parfois confrontés à des charlatans, mais tout professionnel a le droit - sauf décision de justice - d'être présent sur nos pages. Nous n'interdisons pas à une association religieuse, par exemple, de figurer sur nos supports...

Cependant, nous sommes vigilants s'agissant des professions réglementées, dont le secteur médical, pour lequel nous avons mis en place un certain nombre de contrôles. Cela commence par les professions qui disposent d'un Ordre, comme les médecins, les kinésithérapeutes, les pharmaciens, etc. Nous nous alignons en fait sur les listes officielles. Un médecin qui prétend être dermatologue et qui n'apparaît pas dans la liste de l'Ordre ne sera pas référencé dans nos supports sous cette spécialité.

Quant aux professions dont le titre est protégé par la loi, le cas de figure est le même, nous demandons aux intéressés de justifier leur diplôme. Ceci nous a notamment amenés à beaucoup travailler sur le sujet des psychothérapeutes. Les choses n'ont pas été simples à mettre en oeuvre.

Au-delà, toutes les autres activités de santé, de bien-être ou de développement personnel sont clairement référencées dans d'autres catégories et nous essayons de distinguer les professions médicales des autres professions. Ainsi, nous nous interdisons d'interpréter des requêtes touchant au traitement du cancer. Même si le contenu d'une annonce fait référence au traitement du cancer, ce terme ne figurera pas dans celle-ci. De la même manière, le terme de « massage » est aujourd'hui réservé aux kinésithérapeutes qui seuls apparaissent lorsque ce mot est utilisé dans la requête. Notre volonté est donc d'assurer la fiabilité et la pertinence de nos supports.

Nous nous sommes d'autre part refusé à faire figurer des avis concernant les professionnels de santé. Nous le faisons pour les plombiers, les restaurants, les hôtels mais non pour ce qui est des professions médicales, afin d'éviter tout type de dérive. Pour la même raison, nos supports ne comportent pas de forum.

L'accès à nos supports se fait soit par un référencement gratuit, soit par un plan de parution. Pour ce qui relève de la publicité, nous appliquons les mêmes règles à tous les domaines : si un ostéopathe souhaite souscrire un plan de parution, tout dépend de son code de déontologie - s'il en a un. Nous appliquons ces codes de déontologie de matière stricte lorsqu'ils existent. Si un psychothérapeute souhaite être référencé dans la rubrique lui correspondant, nous lui demanderons son diplôme.

Notre volonté est de vérifier les contenus : plus de 100 000 sites internet sont aujourd'hui réalisés par Pages jaunes , ainsi que des contenus plus classiques. Nous nous préoccupons donc toujours des règles relatives aux bonnes moeurs et essayons qu'aucune référence à une compétence n'apparaisse dans des domaines nécessitant une expertise, qu'il s'agisse du droit ou de la santé.

Nous surveillons attentivement certains secteurs, comme celui des magnétiseurs ou des sciences occultes, où la tentation existe parfois d'expliquer que ces pratiques peuvent guérir toutes les maladies en une seule consultation. Nos commerciaux ont, à ce sujet, des consignes très strictes et des contrôles sont exercés avant la parution. Ceci ne veut pas dire que quelques cas ne passent malheureusement pas à travers les mailles du filet, mais toutes les réclamations sont traitées dans les meilleurs délais et l'annonce disparaît alors immédiatement de nos supports.

La difficulté réside dans le fait qu'il peut exister des liens renvoyant vers des sites externes. Quand leur contenu est explicite dès la première page - homophobie, antisémitisme, etc. - les choses sont assez faciles à repérer. S'agissant de sites de développement personnel, il est plus compliqué de détecter des contenus potentiellement à risque...

Nous accordons la plus grande importance à la fiabilité de nos contenus, car figurer sur le site des Pages jaunes constitue une vraie caution pour le grand public. Nous devons donc mériter cette confiance. Nous mettons pour ce faire en oeuvre de nombreux moyens qui nous semblent indispensables. Nous ne pouvons garantir notre totale infaillibilité - nous sommes confrontés à des failles que nous corrigeons au plus vite - mais nous considérons que ce type de pratiques ne nous pose pas réellement de difficultés. Ceci ne veut pas dire qu'elles n'existent pas. Nous avons mis en place les moyens pour nous en prémunir : il faut rester vigilant !

Nous sommes souvent confrontés à des groupes de pression. Nous nous en tenons à l'application de la loi et des textes. Nous avons eu récemment quelques échanges compliqués au sujet de la psychothérapie. Nous sommes à l'entière disposition du législateur pour aller dans le sens d'une meilleure information du grand public, mais nous avons aussi besoin de règles extrêmement claires, afin de les appliquer sereinement et sans interprétation possible.

M. Christophe Leblanc. - Les pouvoirs publics, l'administration et le cabinet du ministre de la santé de l'époque ont trouvé la solution en créant deux rubriques, l'une consacrée aux psychothérapeutes portant le titre et une seconde pour ceux n'ayant pas le droit de porter le titre, dénommée « psychothérapie hors du cadre réglementé ».

M. Emmanuel Thoorens. - Lorsque vous tapez « psychothérapeutes » sur pagejaunes.fr , seuls sortent les psychothérapeutes et non ceux classés dans la rubrique « psychothérapie ». Si vous tapez « psychothérapie », le moteur de recherche demande à l'internaute s'il désire consulter la liste des « psychothérapeutes » ou celle relative à la « psychothérapie hors du cadre réglementé ». Pour le grand public, la différence n'est pas toujours facile à comprendre.

M. Benoît Tabaka, directeur des politiques publiques-sécurité de Google . - Deux des principaux produits développés par Google sont le moteur de recherche et le service de publicité. Le moteur de recherche Google a été créé voici environ quinze ans. L'objectif est de permettre aux utilisateurs d'accéder aux informations les plus pertinentes. Maria Gomri, directrice juridique chez Google France, va vous présenter le moteur de recherche ; je reviendrai ensuite sur la question de la publicité et la manière dont nous avons mis en place un certain nombre d'outils pour détecter les annonces frauduleuses.

Mme Maria Gomri, directrice juridique de Google France . - Notre moteur de recherche est de type algorithmique. Ce système, qui permet de naviguer sur Internet, constitue un outil complexe, dont les rectifications ne se font qu'à la marge. Notre moteur de recherche est présent dans environ 180 pays ; il est capable de comprendre des requêtes dans 146 langues et de traiter environ un milliard de requêtes par jour.

La navigation est rendue possible grâce à un algorithme d'une extrême puissance, sur lequel travaillent des milliers d'ingénieurs de Google . Au moment où nous parlons, ils sont en train d'effectuer environ 300 expériences afin d'améliorer la pertinence et la qualité de ce moteur de recherche, compte tenu de la masse à gérer. Si vous recherchez un hôtel à Paris, il est vraisemblable qu'il existe des milliards de pages sur Internet répondant à cette requête. Or, il n'est pas envisageable de toutes les présenter mais plutôt de proposer un résultat pertinent par rapport à la recherche effectuée...

Tous les sites n'apparaissent pas en première page sur notre moteur de recherche, ni même en tête des résultats. Nous disposons d'environ 200 critères permettant de calculer, de comprendre et de faire ressortir des résultats de recherche par rapport à la requête. Certains critères paraissent évidents, comme le fait de retrouver sur la page Web le mot que vous avez recherché, mais il existe également des critères plus complexes qui permettent de faire ressortir des sites Web extrêmement populaires, beaucoup de sites renvoyant vers d'autres sites.

Tout est extrêmement automatisé, informatisé et puissant, compte tenu des volumes. Il existe cependant des corrections à la marge. On parle de « déréférencement des contenus » si une décision de justice indiquant que le contenu d'une page Web est illicite nous est communiquée.

Certaines rectifications interviennent sur décision judiciaire mais également en cas de problèmes de sécurité. Si nos systèmes détectent la présence de virus ou de « malware » sur des sites Web, nous mettons les internautes en garde.

Lorsque les internautes indiquent leur code bancaire sur certaines pages, nous déréférençons celles-ci pour préserver la sécurité de leurs données. Nous déréférençons également tout contenu pédopornographique ou incitant à la haine raciale ou au racisme et mettons aussi en oeuvre une procédure américaine appelée Digital Millennium Copyright Act (DMCA), qui déréférence les contenus ne respectant pas le droit d'auteur. Nous déréférençons enfin, lorsque nous les détectons, les éditeurs qui cherchent à se faire référencer en haut de nos résultats de recherche.

Je laisse la parole à Benoît Tabaka, concernant les publicités disponibles sur notre site.

M. Benoît Tabaka. - Lorsque vous lancez une recherche sur Google, un certain nombre de résultats dits « naturels » apparaissent en fonction de l'algorithme. Dans certains cas, des publicités peuvent apparaître, soit en haut, soit sur le côté droit ; elles sont identifiées part des couleurs différentes et des mentions spécifiques. C'est ce que l'on appelle le programme AdWord qui permet aujourd'hui à toute société - grands groupes, PME - d'apparaître sur Google mais également sur un certain nombre de sites tiers.

Google est dans la même situation que d'autres grands groupes qui sont soumis aux actions d'un certain nombre de personnes malveillantes, qui ne souhaitent pas respecter les règles. C'est le cas en matière de publicité et c'est pourquoi nous avons mis en place des outils destinés à détecter ces publicités et à les analyser, afin de faire en sorte que celles qui ne respectent pas certaines règles ne s'affichent pas.

Quelles sont ces règles ? Il s'agit de la législation, mais également de mesures qui vont au-delà, l'objectif étant de protéger les internautes de contenus pouvant leur porter préjudice ainsi que les annonceurs qui utilisent ces outils et peuvent se retrouver concurrencés par ceux qui détournent les règles. C'est aussi pour nous l'occasion de ne pas être associés à des activités illicites. Le but est d'aller au-delà de la loi, tout en respectant la liberté de commerce.

Notre règlement couvre un spectre de sujets assez large et a vocation à s'appliquer de manière globale à tous les pays, en tenant compte des spécificités nationales de chaque Etat en matière de contrefaçons, de publicité en faveur des armes à feu ou des cigarettes, d'allégations trompeuses ou de pratiques commerciales déloyales, parmi lesquelles on peut retrouver les sujets qui vous préoccupent...

La détection des annonces malveillantes repose sur des outils techniques, dont la détection automatique à partir de mots-clés. Nous cherchons notamment à lutter contre les annonceurs qui essaient de diriger les internautes vers des sites porteurs de virus. Nous utilisons également les informations que l'on nous transmet, les utilisateurs ou les autorités pouvant nous signaler tel ou tel problème.

Lorsqu'une annonce ne respecte pas les règles, elle est supprimée et l'annonceur banni du système dans la majorité des cas. Si nos systèmes n'ont pas détecté une telle annonce et que celle-ci nous est signalée, nos équipes prennent le signalement en charge dans les 24 heures qui suivent et procèdent au retrait ainsi qu'à l'éventuel bannissement de l'annonceur.

Plusieurs milliards d'annonces sont aujourd'hui diffusées sur Google . En 2012, 224 millions d'annonces ont été supprimées par nos soins contre 130 millions en 2011, soit 889 000 annonceurs bannis du système. Dans le secteur de la contrefaçon, 82 000 annonceurs ont été sanctionnés par le système ; 95 % avaient été détectés par nos soins et non par signalement.

En matière de santé, nos règles interdisent certaines annonces en fonction des pays, certains n'autorisant pas la vente de médicaments sur Internet. Les allégations trompeuses qui promettent de perdre cinq kilos en deux jours grâce à un thé miracle sont également détectées par le système et refusées ; il en va de même des annonces assurant guérir une sclérose en plaque sans médicament et sans risque.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - La parole est au rapporteur...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - A vous entendre, nous nageons dans un merveilleux système où l'on ne rencontre que très peu de difficultés. On ne peut que s'en réjouir, mais je ne suis pas sûr que cela corresponde à la réalité !

On a bien compris qu'un certain nombre de médecins interviennent sur vos sites comme modérateurs et sont associés à leur fonctionnement.

Les derniers intervenants nous ont expliqué le fonctionnement de Google . Nous ne doutons pas que vous interveniez mais, étant donné la quantité d'informations transitant par Google , on peut comprendre qu'il soit difficile d'exercer un contrôle total. Vous avez d'ailleurs reconnu vous-même procéder par mots-clés ou sondages...

Selon notre modeste expérience en la matière, on rencontre, sur certains sites, des annonces qui soulèvent bien des questions ! Même si vous leur faites la chasse, il en reste beaucoup !

Nous sommes conscients qu'il ne faut pas toucher à la liberté de conscience, ni à la liberté d'expression, mais il faut aussi protéger nos concitoyens de certaines atteintes pouvant mettre leur santé en danger - ainsi que leurs finances !

J'ai eu le sentiment que vous étiez sur le point d'intervenir davantage. Il est en effet facile de trouver, sur Google , des sites dangereux pour la santé de nos concitoyens. Je parle ici de pratiques qui poussent à interrompre certains traitements médicaux. Google a-t-il une approche spécifique par rapport aux dérives sectaires ? Celle-ci doit différer suivant les pays...

Mme Maria Gomri. - Google n'est pas Internet. Nous référençons l'intégralité d'Internet. Si un site est problématique, nous ne pouvons le déréférencer de notre propre chef. Nous ne sommes pas juges. Nous ne pouvons non plus déréférencer du contenu, à quelques exceptions près, extrêmement limitées, comme les contenus pédopornographiques. Nous reconnaissons l'existence de sites illicites dès lors qu'une décision de justice est intervenue dans ce sens. Google dispose d'un service qui traite des décisions de justice et d'un autre qui déréférence les contenus. On trouve de tout sur le Net, mais il ne s'agit pas de notre contenu ! Nous sommes un intermédiaire technique : un moteur de recherche est fait pour indexer...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Nous connaissons votre position...

Mme Maria Gomri. - Quant aux publicités, nous sommes une plate-forme d'hébergement. Il existe des milliards de publicités. Nous appliquons des règles, que nous essayons de faire respecter, comme celles interdisant, en France, la vente de médicaments. Nous en avons également d'autres qui couvrent les allégations frauduleuses. Nous interdisons aussi les publicités qu'on ne peut vérifier. Si le site ne présente pas de certification quant à la vérité des faits allégués dans la publicité, nous agissons sur la publicité mais nous ne pouvons, en tant que plate-forme d'hébergement, jouer un rôle actif sous peine de devenir éditeur.

Certaines publicités peuvent violer nos règles. Quand elles nous sont signalées, nous prenons les sanctions les plus sévères à l'encontre des annonceurs, allant jusqu'à fermer leur compte et à ne plus les accepter.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Vos règles sont-elles toutes communicables ?

Mme Maria Gomri. - Bien sûr ! Elles figurent toutes sur le site. Les annonceurs s'engagent à les respecter lorsqu'ils souhaitent faire de la publicité avec nous. C'est pourquoi nous pouvons fermer leur compte ou refuser leurs annonces, sur signalement ou sur détection, car ces règles sont claires, transparentes, accessibles et surtout acceptées par eux. Nous pouvons bien entendu vous les communiquer...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Vos règles sont donc celles figurant sur votre site ?

Mme Maria Gomri. - Oui. Il existe, pour les annonceurs, une section consacrée à la publicité, qui contient des centaines de règles, dont deux spécifiques, l'une relative à la santé et l'autre concernant les publicités, qui ne peuvent constituer des allégations trompeuses ou frauduleuses.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Cette rubrique figure tout en bas de votre site. Il faut vraiment la chercher...

Mme Maria Gomri. - C'est un service à l'intention des annonceurs. Ils doivent accepter un contrat avec Google et se voient afficher toutes les règles qu'ils sont censés lire. Elles ne sont donc pas facilement accessibles au grand public puisqu'elles concernent les annonceurs.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Vous dites que l'on peut vous informer du fait qu'un site paraît sectaire. Si l'on veut vous écrire, il faut aller en bas de page. C'est écrit en petits caractères...

Mme Maria Gomri. - Il faut passer par le centre d'aide. Nous vous communiquerons tous les liens.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - L'emplacement semble très mal choisi...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Il a sûrement donné lieu à de mûres réflexions !

Mme Gisèle Printz . - Pouvez-vous nous rappeler le nombre d'annonces que vous avez supprimées ?

M. Benoît Tabaka. - En 2012, nous avons supprimé 224 millions d'annonces...

Mme Gisèle Printz . - Cela représente donc une perte financière...

M. Benoît Tabaka. - En effet. Certains acteurs tentent d'utiliser nos services pour abuser les internautes. Nous avons donc développé des outils pour protéger ces derniers. On voit aujourd'hui émerger de nouvelles menaces, dont l'internaute n'a pas forcément connaissance. Nous sommes donc obligés d'intervenir en amont et d'offrir des outils aux utilisateurs.

Combien de personnes disposent-elles d'un antivirus sur leur téléphone portable ? Très peu ! Face à cette situation, les intermédiaires s'adaptent. Google mentionne ainsi, dans ses résultats de recherche, les virus contenus dans les sites qu'il a trouvés et prévient que tel ou tel peut endommager l'ordinateur. Une alerte peut également apparaître en fonction du navigateur utilisé - Chrome, Firefox ou Internet Explorer.

Nous avons réalisé la même chose pour les publicités, toujours dans la logique de protection de l'utilisateur. Aux Etats-Unis, nous avons même agi en justice contre des annonceurs ayant volontairement violé nos règles, en particulier dans le cas d'une publicité qui proposait un travail à domicile et promettait de devenir millionnaire.

C'est aussi une protection pour l'annonceur légitime qui ne désire pas voir figurer, au-dessus de sa propre publicité, l'annonce d'un concurrent qui recourt à des pratiques déloyales. C'est par exemple le cas, en matière de contrefaçon, dans le domaine du parfum et ce pourrait être la même chose en matière de produits de santé...

Enfin, Google , pas plus que les annonceurs, ne souhaite voir son nom accolé à celui d'acteurs n'ayant pas des pratiques honnêtes, justes au légales.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Les Pages jaunes reçoivent-elles souvent des réclamations concernant les professionnels de santé ?

M. Emmanuel Thoorens. - Très peu, grâce à nos contrôles humains. Les réclamations émanent souvent des ordres professionnels, à propos de tel ou tel professionnel qui a été radié. Nous ne possédons pas cette information et ce sont souvent eux qui nous en informent.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Attribuez-vous la création d'annuaires alternatifs au fait que les Pages jaunes aient mis en place des règles plus strictes ?

M. Emmanuel Thoorens. - Pas du tout ! Historiquement, la position des Pages jaunes a toujours été la même. Certains de nos voisins font très bien leur métier. Nous sommes franco-français et essayons de faire correctement notre travail, avec une approche complètement différente. Là où certains parlent d'algorithme, nous parlons de constitution de bases de données. Nous ne transigeons pas avec la qualité, qui est notre fonds de commerce. Le jour où les Pages jaunes ne référenceront pas correctement les médecins, nous pourrons avoir de gros soucis pas ailleurs. Ce n'est donc pas quelque chose qui se discute.

Aujourd'hui, Pages jaunes compte, en France, près de 4 000 collaborateurs. 200 personnes se consacrent au quotidien à ces problématiques. Ce n'est pas un sujet sur lequel on désinvestit - loin de là !

Mme Catherine Deroche . - Contrairement à l'annuaire classique sur papier, dont la parution est annuelle, vous exercez une veille quasi permanente avec les personnes que vous venez d'évoquer ?

M. Emmanuel Thoorens. - En effet. Nous exerçons une vigilance particulière sur chaque département. Nous publions environ deux annuaires par semaine et par département et essayons, avant l'envoi à l'imprimeur, d'être particulièrement attentifs aux professions réglementées en nous assurant que ce que nous faisons imprimer est le plus correct possible.

Objectivement, nous n'avons pas eu, au cours des quinze dernières années, un seul recours en justice pour abus de confiance ou autres.

Etre un acteur historique a parfois du bon. Les choses ne sont toutefois pas toujours simples, et certains aimeraient bien nous voir faire la police dans leur secteur, comme celui des mandataires. On demande aux Pages jaunes de faire le tri, alors qu'il n'existe aujourd'hui aucun cadre réglementaire, ni aucun texte qui le permette.

Cette position est délicate à soutenir vis-à-vis des professionnels, mais nous tenons à ce principe de neutralité. Nous ne sommes pas là pour faire la loi - mais nous l'appliquons !

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Comment êtes-vous parvenus à départager les différents psychothérapeutes ?

M. Emmanuel Thoorens. - C'est le fruit de nombreux échanges avec le ministère de la santé et les associations. Fin 2010, nous avons écrit à tous les professionnels de la rubrique « psychothérapie », en leur indiquant qu'ils seraient par défaut inscrits dans la rubrique « psychothérapie hors du cadre réglementé » s'ils ne justifiaient pas de leur qualité de psychothérapeute au regard du nouveau décret. La situation s'est normalisée début 2011 dans ce domaine...

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Il paraît en aller de même en matière de massages. Ceux-ci comprennent deux rubriques. Or, on trouve dans celle consacrée aux « massages relaxants » des massages faciaux, à la limite de la pratique médicale, qui posent certains problèmes...

M. Emmanuel Thoorens. - C'est une réelle difficulté, tout comme le développement personnel ou le coaching , les différents professionnels se mélangeant parfois. Je ne connais pas le comportement du moteur de recherche pour toutes les requêtes mais il dirige l'internaute à la recherche de massages vers la liste des kinésithérapeutes. Quant à la relaxation, elle ne constitue pas le privilège des kinésithérapeutes, mais il n'est pas toujours aisé de différencier les choses.

Nous discutons beaucoup avec les kinésithérapeutes, vous l'imaginez bien... Si l'on ouvrait la rubrique « massages » à tous les professionnels qui le désirent, nous ferions beaucoup plus de chiffre d'affaires, mais nous avons décidé de pas le faire pour ne pas être en contradiction avec le principe que j'évoquais précédemment.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Refusez-vous certaines annonces ?

M. Emmanuel Thoorens. - Oui.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - J'ai sous les yeux un document émanant du Syndicat des ondobiologues qui, lorsqu'on sait ce dont il s'agit, peut représenter un certain nombre de problèmes... Or, l'Institut en question figure sur les Pages jaunes ...

M. Emmanuel Thoorens. - Je reprends l'argument déjà cité. Il n'y a pas eu de décision de justice. Ils existent... Je ne sais sous quelle activité ils ont été référencés mais ils ne doivent pas être présents dans des rubriques médicales, ni répondre à des requêtes utilisant des termes médicaux. Si c'est le cas, c'est une erreur.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - On les trouve à la rubrique « conseils en organisation, gestion, management et soins hors d'un cadre réglementé ».

M. Jacques Mézard , rapporteur. - « Formation renommée en ondobiologie. Certificat de stage, documentation gratuite. Apprenez à pratiquer les méthodes de dernière génération »...

M. Emmanuel Thoorens. - Je découvre ici cette pratique. En l'absence de réglementation, comment faire ?

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Ma question ne constituait pas un piège...

M. Emmanuel Thoorens. - Ils ne figurent en tout cas pas dans une rubrique médicale !

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Si l'on en croit certains ouvrages, cela viendra peut-être !

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Sur aufeminin.com , à la rubrique « minceur, bien-être, forme », on peut trouver le message d'une personne dont vous aviez fait disparaître toutes les annonces il y a un mois. Elle annonce qu'elle revient vendre des fleurs de Bach, qui sont des extraits d'huiles essentielles. Certaines sont préconisées dans le traitement du stress et fonctionnent même sur les chats ! C'est très écologique... Cette personne propose d'aider les internautes à choisir les bonnes fleurs en fonction de leur état de stress ou de leurs problèmes psychologiques... Qu'en pensez-vous ?

M. Nicolas Evrard. - Cela prouve que nous pratiquons une certaine modération ! Où est la frontière entre proposition sectaire et non sectaire ? Je ne pense pas que les fleurs de Bach constituent un souci de ce point de vue...

Je ne sais pourquoi les messages de cette personne ont été retirés de nos forums. Nous pouvons juger certains propos non fondés et retirer alors les publicités.

M. Christophe Decker. - Si le compte de cette personne a été supprimé et ses messages effacés, c'est très probablement en application d'une de nos règles d'utilisation des forums, où sont notamment interdites la publicité et la vente de produits, quels qu'ils soient.

Quand il s'agit de layette à l'unité, nous fermons les yeux ; en revanche, quand quelqu'un vend certains produits et poste des dizaines de messages pour monter une affaire, les comptes sont supprimés. Cela fait partie de nos règles de bonne conduite.

Cette personne cherche probablement à nous narguer : nous allons essayer de supprimer à nouveau ces messages...

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Le post date du 7 octobre 2010. La personne informe les internautes qu'elle est de retour et qu'elle offre toujours des conseils gratuits en fleurs de Bach. Certains internautes discutent avec elle, réclament de nouveaux conseils, etc. Il y en a ainsi plusieurs pages...

M. Nicolas Evrard. - Il est difficile pour nous tous, ici, de faire la différence entre des propos partisans et des propos sectaires. Certaines personnes décident de ne plus manger de viande ou suppriment le lait de leur alimentation, etc. Ces attitudes sont appuyées par certains professionnels de la santé ou universitaires... Il y a peu de temps, un législateur a même tenu des propos contre les médicaments !

Notre difficulté est de trancher entre propos partisans et propos dangereux pour la santé. En toute humilité, nous devons vous avouer que nous nous trouvons parfois dans le flou !

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Nous sommes parfaitement conscients de ces difficultés, mais nous savons aussi que certains cas peuvent engendrer des conséquences dramatiques pour nos concitoyens. On peut alors également rechercher la responsabilité de ceux qui ont laissé passer la communication !

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Sur aufeminin.com , on peut acheter des outils concernant l'astrologie, la beauté, la psychologie, la sexualité ou la forme. S'agit-il de publicités qui accompagnent des articles ? Vous propose-t-on des annonces concernant des pierres de lune ou autres objets, censés aider les gens psychologiquement ?

M. Christophe Decker. - Non, pas à ma connaissance.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Le site psychologies.com et le magazine Psychologies ont-ils des règles éditoriales différentes ?

M. Arnaud de Saint-Simon. - Non. Il existe sur le site une large communauté, ce qui n'est pas le cas pour le magazine. Le site a donc ses règles de fonctionnement propres.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - En matière de publicités relatives à la formation et aux stages, votre magazine indique qu'il s'agit d'annonces, tandis que le site propose un répertoire, sans toutefois en mentionner le caractère publicitaire.

M. Arnaud de Saint-Simon. - S'agit-il d'un moteur de recherche sur les formations ou de l'annuaire des psychothérapeutes certifiés que j'ai évoqué tout à l'heure ?

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Il y en a pas mal...

M. Arnaud de Saint-Simon. - Il s'agit de publicité. Pour répondre plus précisément à votre question, c'est l'équipe du magazine qui vend les annonces sur le site.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Je retrouve ici une discipline que vous prétendiez avoir évacuée, la kinésiologie !

M. Arnaud de Saint-Simon. - Dans le moteur ?

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Non, dans la liste des disciplines.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - On y trouve un grand choix !

M. Arnaud de Saint-Simon. - En principe, il n'y a pas de kinésiologie dans le magazine.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - La kinésiologie figure pourtant dans votre liste ! C'est un exemple...

En matière de publicité, êtes-vous conscient de l'impact que cela peut avoir ? On peut se demander s'il ne s'agit pas d'une recommandation destinée à vos nombreux lecteurs ! On trouve sur votre site une publicité en faveur du Cenatho de Daniel Kieffer, qui apparaît dans la rubrique « Formations et stages ».

M. Arnaud de Saint-Simon. - Il s'agit de naturopathie...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Recommandez-vous de suivre la formation de ce centre ?

M. Arnaud de Saint-Simon. - Daniel Kieffer a pignon sur rue depuis très longtemps. C'est un des naturopathes les plus connus en France.

Soit l'on débat ici des dérives sectaires, soit l'on débat ici de ce champ extraordinairement complexe qu'est celui de la santé, de l'alimentation, qui n'est pas très codifié. Nous n'y pouvons d'ailleurs rien...

Les annonces dont vous parlez sont gérées par une équipe de cinq personnes, qui ont une grande expérience des dossiers des annonceurs. Chaque nouvel annonceur qui est accepté dans nos colonnes fait l'objet d'un appel à la Miviludes. Nous assumons donc la présence de Daniel Kieffer dans nos pages. Il y a débat sur la naturopathie - et sur beaucoup d'autres sujets, même sur la psychanalyse, qui n'est pas une profession codifiée. C'est là notre difficulté...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Tout n'est pas dérive sectaire, mais il existe des domaines où l'on compte certains chevauchements, vous le savez comme moi !

Je vois ici que votre sélection du mois propose une analyse d'un livre sur le décodage biologique des maladies. Chacun a les opinions qu'il veut mais on s'aperçoit aussi qu'on utilise très souvent les instruments de formation dont certains se rapprochent manifestement des dérives sectaires.

M. Arnaud de Saint-Simon. - Le site devrait sans doute être plus explicite quant à la manière dont nous sélectionnons les organismes de formation. C'est le cas de la kinésiologie. Nous la retirerons du moteur...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - J'ai pris cet exemple au hasard...

M. Arnaud de Saint-Simon. - La plupart des professions qui apparaissent dans nos annonces ne détiennent pas de diplômes d'Etat. D'ailleurs, les médecins n'ont pas le droit d'annoncer.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - On y trouve aussi la Gestalt...

M. Arnaud de Saint-Simon. - C'est une thérapie qui a également pignon sur rue - mais on peut en débattre...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Le but n'est pas de débattre !

M. Arnaud de Saint-Simon. - La Gestalt est une sorte de psychothérapie...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - J'ai évoqué l'exemple de la kinésiologie parce que vous en avez parlé. Or, je la retrouve sur votre site.

Notre travail n'est pas de nous lancer dans une chasse aux sorcières par rapport à telle ou telle pratique, mais de mettre en évidence certaines dérives à caractère sectaire qui ont des conséquences malheureuses sur certains de nos concitoyens. Il existe des exemples d'ailleurs révélateurs.

M. Arnaud de Saint-Simon. - Par rapport à d'autres sites qui ont une posture très médicale, nous naviguons dans un environnement extrêmement complexe, celui de la prévention et des psychothérapies. Nous avons choisi d'être pédagogues plutôt que d'établir des listes impossibles : comment choisir, comment repérer les abus ?

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Votre synthèse du livre sur le décodage biologique des maladies est cependant une attaque en règle contre la médecine dite traditionnelle !

M. Arnaud de Saint-Simon. - Est-ce interdit ?

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Non, c'est une constatation, mais il faut être clair !

M. Arnaud de Saint-Simon. - Enormément de médecins psychiatres s'expriment aussi dans ce journal.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Je veux bien que la médecine quantique soit la clé de la médecine du futur, mais enfin...

M. Arnaud de Saint-Simon. - La médecine quantique est intéressante...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - En matière de formation, on voit quand même de tout !

Mme Gisèle Printz . - Vous conseillez aux personnes qui désirent suivre l'une de vos formations de se rendre à Pôle emploi pour être financièrement pris en charge. Je suis étonnée que Pôle emploi finance des stages consacrés à la méthode Feldenkrais, au sensitive Gestalt massage et au Qi gong !

M. Arnaud de Saint-Simon. - Le Qi gong est une médecine énergétique millénaire chinoise qui n'est pas répertoriée... Où le recommandons-nous ?

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Sur la même page !

M. Arnaud de Saint-Simon. - Et l'on conseille d'aller à Pôle emploi pour faire financer une formation ?

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Voire même par l'Etat et la région...

M. Arnaud de Saint-Simon. - Nous comptons des dizaines de milliers de pages indexées. Nous ne les connaissons pas toutes par coeur. Il serait donc intéressant de corriger ce contenu si vous nous en donnez l'adresse...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Nous sommes tellement bons que, sur les dizaines de milliers de pages, nous en trouvons une du premier coup !

Mme Gisèle Printz . - Il s'agit de conseils pour choisir un stage de développement personnel. On les trouve sur psychologies.com.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Y a-t-il des publicités sur le site doctissimo.com ?

M. Christophe Clément. - Oui, doctissimo.com fonctionne sur un modèle publicitaire.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Filtrez-vous ces publicités ou acceptez-vous toutes les propositions, notamment en matière de formation ? On sait aujourd'hui que la formation est un des moyens d'entrée des dérives sectaires...

M. Christophe Clément. - Les annonceurs qui font de la publicité sur doctissimo.com sont plutôt de grands groupes cosmétiques ou issus de la distribution, qui ont pignon sur rue. Je n'ai pas connaissance de publicités pour de la formation sur doctissimo.fr . Où se trouvent-elles exactement ?

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Personnellement, je n'en ai pas trouvé. C'était une question... Avez-vous reçu, sur vos forums, des signalements à propos de dérives sectaires ?

M. Christophe Clément. - Non. Il existe, sur nos forums de discussion, une partie publique et une partie privée, messages auxquels nous ne pouvons avoir accès. Il s'agit de communication personnelle. Concernant la partie publique, les thèmes d'alerte qui reviennent le plus souvent sur doctissimo.fr concernent le plus souvent la diffamation, des insultes, des problèmes racistes, qui constituent le quotidien.

Par contre, certains « doctinautes » s'affichent Témoins de Jéhovah, appartenant à tel ou tel mouvement plus ou moins sectaire. Nous les laissons s'exprimer dès lors qu'ils ne font pas de prosélytisme, n'affirment pas de contrevérités ou ne contreviennent pas à nos chartes de discussion.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Ces chartes autorisent-elles les internautes à attaquer la vaccination obligatoire ?

M. Christophe Clément. - Rien ne l'interdit spécifiquement. Le forum de doctissimo.fr consacré à la vaccination est très virulent. Nous disposons, sur le forum santé, d'un modérateur médecin qui veille à ce que les arguments présentés de part et d'autre le soient dans le respect de l'opinion de l'autre.

Le site doctissimo.fr a été fondé par des médecins dont le positionnement est plutôt allopathique. Nous privilégions, dans ces échanges, les internautes ayant une position conforme au plan de vaccination et à ce qu'il convient de faire dans ce domaine, mais il n'existe toutefois pas d'interdiction formelle.

Nous laissons les internautes donner leur opinion. Il s'agit de forums de discussion dans lesquels nous n'intervenons pas en tant que professionnels de santé. Le modérateur médecin agit seulement pour supprimer des comptes, des messages et, de temps en temps, pour rétablir une vérité en donnant l'état de l'art dans le domaine considéré.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Que faites-vous si les internautes échangent dans ces forums des conseils pour obtenir de faux certificats destinés à éviter la vaccination ? Il ne s'agit pas là d'une hypothèse d'école...

M. Christophe Clément. - J'imagine bien... Internet n'est pas un monde parfait. Notre site reçoit 50 à 100 000 messages par jour, soit des dizaines de milliers de pages, que nous ne pouvons matériellement lire intégralement. Toute la modération est organisée autour d'un système d'alerte constitué d'internautes appelés « animateurs » qui, comme sur aufeminin.com , reçoivent des pouvoirs, et d'une équipe de modérateurs, mais certaines choses peuvent effectivement nous échapper si personne ne nous alerte. Si quelqu'un le fait, un tel message sera immédiatement effacé. Nous ne disposons pas aujourd'hui d'outils nous permettant de filtrer ce genre de choses...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Le sondage réalisé par aufeminin.com estime que 2 % des internautes estiment avoir lu quotidiennement sur le site des messages à caractère sectaire et 18 % une à deux fois par mois, soit 20 %. Cela paraît assez conséquent...

M. Christophe Clément. - Ces chiffres m'étonnent. Je ne sais quelle est leur validité... Nul ne dispose de liste exhaustive recensant les mouvements sectaires. Peut-être les gens ont-ils tendance à considérer que les sectes sont partout...

M. Christophe Decker. - Je ne vous ai pas communiqué tous les résultats de ce sondage ; vous les retrouverez dans notre présentation. Nous avons également demandé aux internautes si cela les dérangeait ou non. Une grande majorité a évidemment répondu par l'affirmative. Nous avons également demandé s'ils répondaient aux discussions, alertaient le modérateur ou ne faisaient rien. Le plus grand nombre a répondu ne rien faire et une faible part a dit alerter le modérateur.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Ce n'est guère surprenant !

M. Christophe Decker. - Tous nos sites doivent quotidiennement faire face à un afflux considérable de messages ; nous essayons de mettre en place une hiérarchie de modération, en recourant à des utilisateurs, des animateurs et des professionnels, afin de gérer tout ceci au mieux. Nous tentons également de mettre en place des systèmes de prévention.

Vous parliez de certificats destinés à contourner la vaccination. Je n'ai jamais entendu parler de tels cas mais, le mois dernier, nous avons eu sur nos forums des gens qui proposaient des faux papiers de manière manifeste ! Nous déclarons immédiatement de telles situations à Pharos : encore faut-il que nous les constations ou que nous soyons alertés par les internautes. Toute la problématique est là.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Je n'ai quant à moi pas de questions à adresser à allodocteurs.fr ...

M. Benjamin Batard. - Il est vrai que notre site est tourné vers la médecine allopathique et ne s'ouvre que modérément ou sous conditions aux techniques complémentaires. Nous évitons particulièrement tout ce qui concerne le développement personnel et le coaching , notamment en matière de psychologie, les dérives potentielles existant bel et bien dans ce domaine.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Nous n'allons pas ouvrir le débat, car je vois poindre des réactions sur l'intérêt du coaching ...

M. Arnaud de Saint-Simon. - Je suis d'accord avec l'intervenant précédent. Toutefois, soit on jette le bébé avec l'eau du bain, soit on essaie d'éduquer les gens et de les aider à choisir les bons coachs . Il est vrai que cette discipline n'est pas encadrée et que c'est sans doute l'une de celles dans lesquelles on trouve des personnes non pas forcément sectaires, mais simplement inefficaces !

Mme Catherine Deroche . - Les sites représentés autour de cette table se rapprochent-ils régulièrement de la Miviludes - même s'ils ne sont pas concernés ?

M. Benjamin Batard. - Nous consultons régulièrement les rapports de la Miviludes pour savoir si certaines techniques ont été dénoncées. Par ailleurs, la Miviludes est pour nous un interlocuteur intéressant, les messages de M. Georges Fenech, puis de M. Serge Blisko attirant l'attention de notre public sur la prévention.

M. Christophe Clément. - Non. Nos annonceurs ne sont ni des organismes de formation, ni des thérapeutes.

M. Christophe Decker. - Non.

M. Benoît Tabaka. - Nos interlocuteurs, au sein des pouvoirs publics, sont plutôt l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) et Pharos, qui se charge d'avertir et de traiter le sujet avec les autres services gouvernementaux, interministériels ou autres. Cette procédure est la plus simple pour nous.

Mme Hélène Lipietz , présidente. - Avez-vous l'impression que vos sites ont essuyé des tentatives d'infiltration par des sectes ? Vous le savez, des sectes ont tenté d'intervenir auprès des tribunaux ou à l'Assemblée nationale...

M. Nicolas Evrard. - J'ai enquêté au sein de diverses rédactions et suis même allé me renseigner auprès de Marmiton , les sectes pouvant fort bien tenter d'infiltrer le milieu de la cuisine. On a partout répondu à ma question par la négative.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Merci de votre participation. Nous souhaitons que vous sachiez dans quel esprit travaille le législateur. Il est important que vous vous appréhendiez notre fonctionnement et nos objectifs.

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