TROISIÈME PARTIE : RÉVOLUTION DES USAGES ET ÉVOLUTION DES RÈGLES

I. LA RÉVOLUTION AUDIOVISUELLE RISQUE DE RENDRE UNE PARTIE DE NOTRE RÉGLEMENTATION OBSOLÈTE

Il est loin le temps où certaines radios ou télévisions s'installaient à nos frontières proches pour pouvoir diffuser par la voie hertzienne sur notre territoire. Avec Internet et l'arrivée du très haut débit, le grand public peut, et pourra encore plus demain, avoir accès à tous types de programmes mis en ligne depuis le monde entier.

Votre rapporteur n'a ni la prétention, ni l'ambition, de prédire les effets de la révolution numérique sur l'audiovisuel.

C'est la raison pour laquelle il se contentera de décrire très rapidement les principales conséquences de l'arrivée des nouveaux supports et modes de consommations sur l'économie de la télévision, avec comme seul objectif de pouvoir aborder de manière précise leurs effets sur la réglementation de l'audiovisuel .

La révolution technologique entraîne une évolution des usages, l'arrivée de nouveaux acteurs et une transformation des modes de financements.

A. LES NOUVEAUX USAGES

La télévision analysée comme une « séquence animée d'images, sonorisées ou non », est au début d'une très longue carrière. C'est bien l'objet « téléviseur » qui pourrait être bousculé par les nouveaux usages.

Citons à cet égard la dernière analyse en date, dans le rapport de M. Pierre Lescure : « avec la généralisation des tablettes et des télévisions connectées, la diffusion des oeuvres audiovisuelles est appelée à emprunter des canaux de plus en plus diversifiés, parmi lesquels les « services de télévision » au sens traditionnel du terme, vont probablement occuper une place de moins en moins importante . De plus en plus, les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles seront visionnées au moyen de l'accès Internet, mais pas nécessairement à travers les services de télévision distribués par l'opérateur de télécommunication :

- d'ores et déjà un peu plus d'une personne sur cinq regarde la télévision par Internet sur l'ordinateur (notamment depuis les sites Internet des chaînes qui permettent le visionnage en streaming), soit plus de 11 millions de personnes. Le pourcentage atteint même 40 % chez les 12-17 ans [les spectateurs de demain] ;

- la plupart des chaînes de télévision proposent aujourd'hui des applications mobiles, permettant de visualiser leurs programmes sur smartphones et sur tablettes en utilisant l'accès Internet mais sans passer par les services de l'opérateur de télécommunications ;

- les plateformes vidéo hébergent un nombre croissant de contenus professionnels : une étude publiée récemment par l'Hadopi montre que les contenus « media » (initialement diffusées à la télévision ou radio : documentaire, sport, divertissement, information...) représentent environ 22 % des contenus hébergés sur YouTube , les séries 10 % et les contenus cinématographiques (films complets ou chapitres, extraits) 3 % ;

- la généralisation des télévisions connectées va permettre aux acteurs « over the top » 32 ( * ) de proposer directement des contenus audiovisuels aux téléspectateurs sans avoir besoin d'être distribués par un opérateur de télécommunication ».

Pour être clair, différents modes de consommation seront juxtaposés :

- la télévision « en direct » par voie hertzienne ou par d'autres voies (câble, satellite, ADSL) et sur d'autres supports ;

- la télévision « de rattrapage » qui consiste à proposer en différé, gratuitement et pendant un temps limité des programmes déjà diffusés sur la télévision traditionnelle ;

- la vidéo à la demande à l'acte qui est aussi un visionnage différé de programmes déjà diffusés, mais quand on le souhaite et payant (par programme) ;

- la vidéo à la demande par abonnement, qui est un visionnage différé de programmes déjà diffusés, avec un paiement pour un accès à un certain nombre d'oeuvres ;

- et la « télévision connectée », qui transforme le téléviseur lui-même en émetteur. Outre qu'elle permette l'accès à tous les usages précédents, elle offre aussi des programmes diffusés directement sur Internet sans diffusion préalable sur une chaîne française, par l'intermédiaire de sites de chaînes de télévision étrangères ou par des sites de diffusion de vidéos comme Youtube ou Dailymotion .

Cette consommation pourra se faire sur plusieurs types de supports (téléviseurs, ordinateurs, tablettes, téléphones...).

Concernant la réglementation, le phénomène majeur est lié à la télévision connectée, qui permet l'accès à des contenus audiovisuels non distribués par les opérateurs de télécommunication . Cette consommation télévisuelle ouvre l'accès du marché à de nouveaux acteurs dits « over the top », qu'il sera difficile de soumettre à notre réglementation.

Comme l'a noté M. Takis Candilis, auditionné par votre groupe de travail, « l'arrivée de la télévision connectée est celle d'un monde dérégulé ayant accès au même public (...), le passage du broadcast 33 ( * ) au broadband 34 ( * ) fera exploser notre monde ».


* 32 Cette expression signifie précisément que les nouveaux acteurs proposant des programmes audiovisuels le feront sans passer par un opérateur de télécommunications électroniques, en s'adressant directement au consommateur. C'est le cas aujourd'hui, par exemple, de la Google TV.

* 33 Accès par télédiffusion avec une consommation « en direct » des programmes.

* 34 Accès par le réseau Internet avec une consommation « à la demande » des programmes.

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