B. LA LÉGISLATION A ÉTÉ ADAPTÉE AFIN DE RÉDUIRE LES RISQUES FISCAUX ASSOCIÉS À DES ARBITRAGES FINANCIERS A DIMENSION FISCALE MAIS SE TROUVE CONFRONTÉE À DES LIMITES

Une série de mesures ont été adoptées ces dernières années ou sont en cours de discussion pour limiter les opportunités offertes par les circuits financiers aux fins de réduire artificiellement la base taxable.

Il peut s'agir des mesures spécialement prévues pour les États et territoires non coopératifs (articles 209 B ou 145 du code général des impôts qui permettent de fiscaliser en France des revenus localisés dans ces pays ; articles correspondant au durcissement des revenues à la source prélevées sur les revenus distribués à partir de France, article 238 A sur les charges d'incorporels...).

Par ailleurs, l'arsenal fiscal comprend la surveillance de la détermination des prix de transfert pour les transactions financières intragroupes, où que soient localisées les entités concernées, des dispositifs généraux s'appliquant comme l'abus de droit ou l'acte anormal de gestion à des montages qui recourent fréquemment à des structurations financières des activités économiques.

Des dispositions particulières s'appliquent également pour limiter les effets d'un recours excessif à la déductibilité des intérêts en combattant les situations de déséquilibres des profils de financement des entreprises dans le cadre de structures sous-capitalisées. Certains dispositifs visent des situations particulières, comme le recours à des profilages financiers dans le cadre d `opérations de rachat d'entreprises par effet de levier du type LBO. D'autres sont désormais d'application plus générale.

C'est le cas en particulier de la disposition à vocation provisoire adoptée dans la loi de finances pour 2013 qui plafonne la déduction des intérêts en 2013 et 2014.

Cette dernière mesure peut être considérée comme relevant autant de la catégorie des dispositifs de rendement que des dispositifs anti-abus.

Ces dispositions sont souvent confrontées à des limites , soit qu'elles soient entourées de conditions légales qui en rendent difficiles l'application (comme pour l'abus de droit), soit qu'elles supposent des démonstrations difficiles à apporter (comme pour certaines problématiques de prix de transfert portant sur des opérations financières), soit qu'elles se trouvent désamorcées par des évolutions qui en conditionnent l'effectivité (comme pour tous les régimes liés à l'existence d'une contrepartie dans des ETNC du fait de l'étiolement de la liste française desdits ETNC).

Des difficultés pratiques doivent être surmontées  que rappelle M. Olivier Sivieude :

À partir du 1 er janvier, nous disposerons des comptabilités des entreprises sous forme dématérialisée, ce qui nous facilitera le travail : nous en aurons fini avec les listings papiers difficiles à déchiffrer . Nous n'aurons cependant toujours pas accès aux comptabilités analytiques, comme l'Inspection général des finances l'a relevé dans un rapport récent . De grandes entreprises vont jusqu'à nous refuser des copies de documents, puisque le contrôle fiscal se fait sur place et sans emport de document...

Le délai de prescription fiscale est très court : trois ans. Les procédures sont longues, fondées sur le respect du contradictoire, avec des points d'étape, etc. Il est dommage qu'elles ne puissent valoir souvent en pratique de ce fait que pour deux années en arrière, car les abus durent parfois depuis fort longtemps

Par ailleurs, le contexte international doit être pris en compte. Les régimes tendant à attirer les capitaux en leur réservant une taxation favorable se multiplient dans un contexte de concurrence fiscale qui se tend.

La commission d'enquête sur l'évasion fiscale internationale avait consacré des développements au régime de faveur réservé par les États-Unis aux revenus des entreprises américaines localisées à l'étranger dès lors qu'ils ne sont pas rapatriés aux États-Unis. À la connaissance de votre rapporteur, en dépit de l'offensive des États-Unis contre la soustraction des actifs des personnes physiques soumises à l'impôt américain et malgré les importants travaux du Congrès sur certaines situations fiscales, le décrochage considérable entre le taux théorique d'imposition des entreprises et le taux effectif, ce régime perdure. Ce constat vient nuancer l'appréciation qu'on peut se former de l'action et des objectifs des États-Unis à partir des initiatives prises par ce pays pour fiscaliser les actifs non déclarés par leurs ressortissants.

Plus directement en lien avec le traitement des charges financières des entreprises, l'Europe réserve des régimes fiscaux qui traduisent l'existence d'une concurrence fiscale souvent tolérée. Tel est le cas globalement pour le régime des intérêts notionnels qui permet en Belgique ou en Italie selon des modalités différentes de déduire les intérêts effectivement supportés mais aussi des intérêts calculés sur la base des fonds propres engagés. Mais tels apparaissent aussi les rulings (c'est-à-dire des décisions individuelles) qui restaurent par la bande les pratiques fiscales agressives éliminées des législations fiscales à la suite des progrès réalisés dans la cadre du code de conduite européen.

Enfin, la connaissance des activités étrangères des entreprises est extrêmement lacunaire.

M. Olivier Sivieude le confirme :

L'enjeu, en matière internationale, est de savoir ce qui se passe hors de nos frontières. Il y a trois moyens : l'assistance administrative internationale, la charge inversée de la preuve, et les obligations de déclaration concernant les activités des filiales à plus de 50% - obligation qui ne couvre pas les trusts... L'amende pour défaut de déclaration n'est guère dissuasive : 125 euros. Le croisement entre ces déclarations et les données des diverses bases accessibles révèle un écart important.

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