B. DES RÉGULATEURS FINANCIERS SURTOUT ATTENTIFS À LA QUESTION DU BLANCHIMENT DES CAPITAUX

1. L'évasion fiscale, hors du champ des missions des régulateurs financiers

En France, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) (encore récemment ACP) et l'Autorité des marchés financiers (AMF) sont en charge de la supervision de l'ensemble des entreprises du secteur financier, conformément à leurs missions respectives définies par le code monétaire et financier.

Missions de l'ACPR et de l'AMF telles que définies par le code monétaire et financier

Article L. 612-1 : « L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, autorité administrative indépendante, veille à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle ».

Article L. 621-1 : « L'Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers. Elle apporte son concours à la régulation de ces marchés aux échelons européen et international ».

L'une comme l'autre ont rappelé à la commission d'enquête que la lutte contre l'évasion fiscale ne faisait pas partie de leurs missions. Ainsi, lors de son audition, Gérard Rameix, président de l'AMF, a expliqué que « les missions visant les instruments et marchés financiers ne nous octroient pas un rôle direct dans la lutte contre l'évasion des ressources financières et l'évasion fiscale . En revanche, travaillant sur la matière financière sous un angle particulier, nous pouvons repérer des faits qui relèvent de ces problématiques . Si tel est le cas, les textes prévoient que nous les signalions au parquet et/ou à TRACFIN. Chaque année, nous envoyons une vingtaine de dossiers au parquet et depuis 2009, nous avons transmis 12 dossiers à TRACFIN (6 dossiers d'enquête et 6 dossiers de contrôle) » 30 ( * ) .

L'AMF, interrogée par votre rapporteur, estime qu'elle « n'a pas de compétence fiscale particulière qui lui permettrait » d'identifier, parmi les opérations dont elle a à connaître, les vecteurs potentiels ou effectivement employés d'évasion fiscale internationale.

De même, l'ACPR, dans la réponse au questionnaire adressé par le rapporteur, souligne qu'elle « n'a pas les compétences en matière fiscale nécessaires pour analyser la composante fiscale des opérations ou montages qu'il lui appartient d'évaluer d'un point de vue prudentiel . Toutefois, l'ACPR a pu relever notamment à l'occasion de ses contrôles sur place, certaines pratiques pouvant s'inscrire dans le cadre [de la fraude fiscale] : création de sociétés éphémères titulaires de comptes pouvant être destinés à émettre et recevoir des chèques ou des dépôts ou des retraits d'espèces pour des montants n'ayant pas de rapport avec l'activité réelle ou la facturation ; professions libérales ou artisans ayant recours à des comptes de particuliers, notamment des comptes de mineurs, utilisés en lieu et place de comptes professionnels ; réalisation d'opérations financières par des sociétés dans lesquelles sont intervenus des changements statutaires fréquents non justifiés par rapport à la situation économique ou patrimoniale de la personne concernée ».

L'AMF et l'ACPR font valoir que le contrôle fiscal relève de la compétence exclusive de la DGFiP , à l'instar des pratiques étrangères. L'ACPR note en particulier : « les missions sont strictement séparées [...] . En conséquence, aucune coopération n'est aujourd'hui juridiquement prévue. En particulier, la liste des personnes auxquelles le secret professionnel de l'ACPR n'est pas opposable ne comprend pas l'administration fiscale ».

Sur ce dernier point, le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale, en cours d'examen devant le Parlement, prévoit que l'ACPR et l'AMF transmettent directement et simultanément au fisc les informations transmises au Parquet, s'agissant d'opérations pouvant être qualifiées de fraude fiscale 31 ( * ) .

Cette évolution législative impliquera un changement de culture que l'ACP aurait pu adopter plus tôt en raison de l'importance pour la solidité des banques de la maîtrise de leur réputation.

La coopération n'est toutefois pas totalement inexistante, du moins en théorie. L'AMF souligne, par exemple, que, de manière générale, elle « ne s'interroge pas systématiquement sur la déclaration d'un compte à l'étranger à l'administration fiscale mais elle peut interroger cette dernière conformément aux dispositions du Livre des procédures fiscales ».

Extraits de l'audition de Bruno Bézard, directeur général des finances publiques,
Alexandre Gardette, chef du service du contrôle fiscal, et Edouard Marcus, sous-directeur prospective et relations internationales (10 juillet 2013)

M. Alexandre Gardette. - S'agissant de l'affaire UBS, l'ACPR n'a pas directement pris contact avec l'administration fiscale, pour autant que je le sache. [...] En revanche, nous traitons ce dossier depuis près d'un an, en liaison étroite avec l'autorité judiciaire, qui nous transmet un certain nombre d'informations - dont certaines provenant de l'ACPR. Nous travaillons également avec la justice pour les demandes d'assistance administrative adressées au pays de résidence principale du siège de cette banque.

Le mandat confié aux régulateurs des entreprises du secteur financier ne comprend pas les questions fiscales. En revanche, l'apparition de règles strictes en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux les a conduits à jouer un rôle de plus en plus important dans l'identification et le contrôle de flux financiers dont certains relèvent de la fraude fiscale.

2. Les règles de lutte anti-blanchiment : un moyen indirect de lutte contre l'évasion fiscale

Une des premières règle de lutte anti-blanchiment, conformément aux préconisations du GAFI, consiste à « connaître son client » ( cf. encadré ci-dessous). Ces recommandations ont été transcrites en droit français (articles L. 561-5 à L. 561-14-2 du code monétaire et financier) et sont donc applicables à toute institution financière avant et pendant toute relation d'affaires.

Recommandations du GAFI en matière de connaissance du client

« Les institutions financières ne devraient pas tenir de comptes anonymes, ni de comptes sous des noms manifestement fictifs.

« Les institutions financières devraient prendre les mesures de vigilance (? due diligence ?) à l'égard de la clientèle, notamment en identifiant et en vérifiant l'identité de leurs clients, lorsque :

« - elles nouent des relations d'affaires ;

« - elles effectuent des transactions occasionnelles [d'un montant significatif] ;

« - il y a suspicion de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ; ou l'institution financière a des doutes quant à la véracité ou à la pertinence des données d'identification du client précédemment obtenues.

« Les mesures de vigilance à l'égard de la clientèle sont les suivantes :

« a) Identifier le client et vérifier son identité au moyen de documents, données et informations de source fiable et indépendante.

« b) Identifier le bénéficiaire effectif, et prendre des mesures raisonnables pour vérifier cette identité de telle manière que l'institution financière ait une connaissance satisfaisante de l'identité du bénéficiaire effectif. Ceci inclut pour les personnes morales et les constructions juridiques, que les institutions financières prennent également des mesures raisonnables pour comprendre la propriété et la structure de contrôle du client.

« c) Obtenir des informations sur l'objet et la nature envisagée de la relation d'affaires.

« d) Exercer une vigilance constante à l'égard de la relation d'affaires et assurer un examen attentif des transactions effectuées pendant toute la durée de cette relation d'affaires, afin de s'assurer que les transactions effectuées sont cohérentes avec la connaissance qu'a l'institution de son client, de ses activités commerciales, de son profil de risque et, lorsque cela est nécessaire, de l'origine des fonds.

« Les institutions financières devraient vérifier l'identité du client et du bénéficiaire effectif avant ou au moment de l'établissement d'une relation d'affaires, ou lorsqu'elles effectuent des transactions pour des clients occasionnels. [...]

« Si l'institution financière ne peut pas se conformer aux obligations découlant des paragraphes (a) à (c) ci-dessus, elle ne devrait pas ouvrir de compte, nouer de relation d'affaires ou effectuer une transaction ; ou devrait mettre un terme à la relation d'affaires ; et devrait envisager de faire une déclaration d'opérations suspectes concernant ce client ».

Ainsi que le souligne Bernard Petit, sous-directeur de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière à la direction centrale de la police judiciaire, « la connaissance du client par le chargé de clientèle, et donc par la banque, est une règle très importante parce qu'il est difficile de frauder avec une somme élevée auprès d'un service qui vous connaît et vous suit. C'est la pierre angulaire de la prévention . Cependant, de manière très objective, il existe, en dehors des grandes banques - même si elles aussi peuvent commettre des erreurs -, des gestionnaires de patrimoine et de fortune qui leur sont adossés et qui contribuent à masquer certaines activités de leurs clients et à la fraude » 32 ( * ) .

L'enquête « Offshore leaks » a mis en exergue le développement exponentiel des structures opaques - telles des sociétés-écrans dont les actionnaires sont des prête-noms ou encore des trusts - visant à empêcher de connaître le bénéficiaire effectif d'une opération ( cf. encadré ci-dessous).

Extraits de l'audition d'Anne Michel, journaliste au Monde (4 juillet 2013)

« Le Monde [...] a accepté la proposition de travailler sur deux millions et demi de documents provenant de sociétés spécialisées dans la création de quick companies, et stockés sur des disques durs d'ordinateur représentant 260 gigaoctets, soit 160 fois plus que les télégrammes diplomatiques de WikiLeaks.

« Le Monde a exploité les fichiers pour remonter le fil des trusts ou des compagnies financières internationales aux Îles Vierges britanniques. Malgré ces montages, nous avons retrouvé, derrière les prête-noms, les véritables bénéficiaires économiques.

« Nous avons également procédé par thèmes, pour arriver à deux conclusions essentielles : d'une part, le recours aux sociétés offshore s'est banalisé au point de concerner gros et petits entrepreneurs de province, et pas seulement les oligarques russes ; d'autre part, les intermédiaires financiers ont un rôle très actif dans ces montages pour lesquels la régulation n'est pas forcément adaptée .

« L'administration fiscale bute sur l'impossibilité de remonter au bénéficiaire final . En l'absence d'aveu, elle ne peut rien faire. Il n'y a pas de registre des sociétés offshore, ni d'obligation de les déclarer pour les intermédiaires. Cette enquête est une chance ; même s'il a été nécessaire de se plonger dans une masse de données pour les trouver, toutes les informations utiles y sont : noms de sociétés, intermédiaires, noms de dirigeants ou d'actionnaires - presque toujours les mêmes prête-noms - et, enfin, bénéficiaires économiques réels, que l'on retrouve facilement, par des recoupements entre fichiers, que je vous montrerai ».

De fait, les opérations de fraude, d'évasion ou de blanchiment reposent sur des structures opaques. Il ne servirait donc à rien de progresser dans la voie de l'échange automatique d'informations ( cf. infra ) s'il est impossible de relier un compte en banque et son bénéficiaire effectif.

Comme le relève Gabriel Zucman, économiste, « j'aimerais, par exemple, que la Banque Nationale Suisse puisse nous dire que tant de pourcentages des comptes appartiennent à des Français, des Allemands, etc., au lieu d'affirmer que 60 % des comptes appartiennent aux Iles Caïmans, au Panama, etc . Ces listes peuvent être établies car il existe un contrôle interne et un règlement anti-blanchiment appliqué au sein des banques » 33 ( * ) .

Les règles de connaissance du client sont par conséquent amenées à prendre de l'importance. Aussi, le communiqué final du G8 de Lough Erne (17-18 juin 2013) a particulièrement insisté sur ce point : « nous convenons de publier des plans d'actions nationaux visant à permettre aux autorités fiscales et aux services opérationnels et répressifs d'accéder aux informations sur les personnes qui détiennent réellement les sociétés et les fiducies et en tirent profit, par exemple par le biais de registres centralisés sur la propriété effective des entreprises ».

Lors de son audition, Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, a ainsi souligné que, « suite au sommet de Lough Erne, les Etats se sont engagés à publier des plans d'actions nationaux afin d'améliorer la transparence des constructions juridiques, y compris des trusts. Il est exact que le communiqué final des chefs d'Etat ne cite pas explicitement les trusts ; en revanche les principes communs à ces plans d'action, agréés entre les chefs d'Etat et annexés au communiqué, les citent bien explicitement. Même si le texte ne nomme pas directement les trusts, le progrès est très important. L'engagement du G20 est également beaucoup plus clair qu'auparavant, notamment parce que les Européens ont adopté une position commune sur ce point » 34 ( * ) .

3. Un contrôle trop « formel » de la part des superviseurs financiers

Les superviseurs financiers jouent un rôle essentiel dans le système de surveillance des flux illicites de capitaux passant par les établissements financiers.

Il gagnerait à être exercé avec plus de fermeté et doit être doté de moyens qui font ajourd'hui trop défaut.

a) Un rôle important au service de la conformité

L'ACPR et l'AMF sont en charge de la surveillance des dispositifs de lutte contre le blanchiment mis en oeuvre par les personnes qu'elles supervisent ainsi que d'autres dispositions législatives pouvant contribuer à la lutte contre les flux illicites de capitaux (en particulier, celles relatives au démarchage).

Cette compétence, bien qu'elle ne soit pas à strictement parler fiscale, se révèle particulièrement utile pour traquer les montages frauduleux, d'autant que, depuis 2009, les faits susceptibles d'être qualifiés de fraude fiscale sont inclus dans le champ de ces dispositifs.

Ainsi, en 2011, près de 20 500 (sur 22 856) déclarations de soupçon ont été effectuées par les personnes contrôlées par l'ACPR. La place de ces acteurs (établissements de crédit, entreprises d'assurance ou d'investissement) justifie que l'ACPR consacre des moyens importants à la surveillance des dispositifs de « lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » (LCB-FT) . Ainsi que le souligne l'Autorité, « elle contribue ainsi en particulier au bon fonctionnement du dispositif national de déclaration de soupçon à TRACFIN ».

Conformément aux principes de territorialité qui encadrent son action, l'ACPR a également compétence pour surveiller les dispositifs LCB-FT des banques étrangères installées en France 35 ( * ) . Dans tous les cas, elle exerce sa surveillance par le biais de contrôles sur place. Ainsi, elle procède « notamment à la vérification de l'efficacité du dispositif interne LCB-FT en examinant des dossiers individuels des clients. Il ne s'agit bien sûr pas d'effectuer un contrôle de l'ensemble des dossiers de la clientèle (de plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions de comptes), mais, à partir de l'examen d'un échantillon de dossiers, de vérifier la conformité avec le code monétaire et financier du dispositif de l'établissement, tel qu'il est effectivement appliqué. Cet examen porte sur des comptes, contrats, opérations ou sommes figurant dans les livres tenus en France par les établissements (compétence territoriale de l'ACPR). Le rapport de contrôle peut ainsi relever des dossiers pour lesquels la mission estime qu'une déclaration à TRACFIN aurait dû être faite [...] Dans certains cas, l'ACPR est amenée à informer TRACFIN des dossiers individuels pour lesquels elle estime que l'organisme contrôlé aurait dû procéder à une déclaration de soupçon » 36 ( * ) . L'ACPR peut également, en parallèle, effectuer une transmission au parquet.

L'ACPR procède en outre à des contrôles du « contrôle interne », qui est chargé de veiller à la bonne application quotidienne des règles qui s'applique à l'établissement. Lorsque celui-ci exerce des métiers de gestion de fortune, le contrôle interne doit être vigilant sur l'application des dispositifs LCB-FT qui fait donc l'objet d'une attention accrue de la part de l'ACPR.

C'est ainsi qu'elle « a en particulier constaté que, dans certains cas, les contrôleurs n'étaient pas en nombre suffisant dans les organismes et ne disposaient pas toujours des compétences nécessaires. Des insuffisances ont également été notées concernant la volumétrie des échantillons examinés, la durée des contrôles et leur périodicité. Il a également été relevé que certains organismes n'avaient pas défini de règles écrites internes précisant les contrôles à mettre en oeuvre en matière de LCB-FT ».

Le tableau ci-dessous retrace les sanctions prononcées par l'ACPR et relatives à des manquements en matière de LCB-FT. Depuis la création de l'Autorité, en 2011, sa Commission des sanctions a rendu huit décisions en ce sens, dont deux visent plus spécifiquement la fraude fiscale (décisions du 24 octobre 2012 et du 25 juin 2013).

La plus importante a été prononcée à l'encontre de la société UBS France (sanction pécuniaire de 10 millions d'euros). Dans cette affaire l'ACP n' a pas sanctionné UBS pour avoir organisé un système de démarchage illicite de clients pour le compte de la société UBS Suisse (autrement dit pour avoir mis sur pied une filière d'évasion fiscale pour ses clients français) mais pour des défaillances de son système de contrôle.

On peut apprécier diversement l'activité disciplinaire de l'ACP (voir infra ).

D'ores et déjà, la lecture du tableau ci-dessous, qui la résume, conduit à s'interroger sur les justifications d'une anonymisation de certaines sanctions, en particulier celle du 24 octobre 2012, qui n'est pas dans l'esprit de ces sanctions. Celles-ci ont plutôt vocation à être publiées afin d'en assurer toute la portée.

Sanctions prononcées par l'ACPR portant sur les dispositifs LCB-FT

Décision de la commission des sanctions

Sanctions prononcées

Décision de la Commission des sanctions rendue le 25 juin 2013 -
UBS (France) SA (contrôle conformité - lutte contre le blanchiment de capitaux)

Blâme

Sanction pécuniaire
de 10 000 000 euros

Décision de la Commission des sanctions rendue le 5 février 2013 à l'égard de la société AUXILIAIRE PARISIENNE DE SERVICES FINANCIERS (changeur manuel) (lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme)

Blâme

Sanction pécuniaire
de 70 000 euros

Décision de la commission des sanctions du 10 janvier 2013 à l'égard de la BANQUE POPULAIRE CÔTE D'AZUR (contrôle interne - lutte contre le blanchiment des capitaux)

Blâme

Sanction pécuniaire
de 500 000 euros

Décision de la Commission des sanctions n° 2011-03 du 27 novembre 2012, BANK TEJARAT PARIS, M. Mohammad MAHDIAN et M. Hossein FAZELI (contrôle interne - lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme - mesures restrictives à l'encontre de l'Iran)

Blâme

Sanction pécuniaire
de 300 000 euros

Suspension de 3 mois d'un dirigeant

Décision de la Commission des sanctions n° 2011-02 du 24 octobre 2012, établissement de crédit A (conformité - lutte contre le blanchiment de capitaux)

Avertissement

Sanction pécuniaire de 500 000 euros

Décision de la commission des sanctions n° 2011-01 du 29 juin 2012,
BANQUE POPULAIRE DES ALPES (BPA) (contrôle interne - lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme)

Blâme

Sanction pécuniaire
de 200 000 euros

Décision de la commission des sanctions n° 2010-05 du 26 mai 2011, établissement de crédit A (contrôle interne - lutte contre le blanchiment des capitaux)

Avertissement

Décision de la commission des sanctions n° 2010-01 du 24 janvier 2011, CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE TOULON (lutte contre le blanchiment des capitaux - contrôle interne)

Blâme

Sanction pécuniaire de 150 000 euros

Source : ACPR

L'AMF fait également valoir que ses missions « ne lui donnent pas un rôle direct dans la lutte contre l'évasion des ressources financières , l'évasion fiscale et la fraude fiscale.

« Cependant :

« - l'AMF a une responsabilité particulière en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux ;

« - l'AMF peut dans le cadre de ses enquêtes et de ses contrôles, avoir connaissance d'éléments qui militent en faveur de la qualification d'un délit de fraude fiscale ou, d'ailleurs, de toute autre infraction économique et financière (abus de biens sociaux, escroquerie...). Il faut souligner ici que la mission première de l'AMF est de mener des investigations pour rechercher des infractions boursières (opérations d'initiés, manipulation de cours, diffusion de fausse information) ou des manquements des professionnels régulés à leurs obligations professionnelles ;

« À titre d'exemple, l'AMF a déjà mené des enquêtes impliquant des montages fiscaux (comme, par exemple les enquêtes thématiques sur les holdings ?ISF?) mais bien évidemment d'abord sous l'angle de l'offre au public des instruments financiers et de leur commercialisation auprès du public et ce conformément à la mission première de l'AMF qui vise la protection des investisseurs et des épargnants ».

b) Une action handicapée par des compétences limitées mais qui manque également de résolution

Il est incontestable que l'ACPR a intégré la lutte anti-blanchiment à son programme de contrôle. Elle est d'ailleurs la seule autorité de contrôle à l'avoir fait selon la Cour des Comptes.

Toutefois, dans un récent référé consacré à la lutte contre la fraude fiscale internationale, celle-ci fait des constatations qui rejoignent celles de votre rapporteur.

Le contrôle de l'ACPR reste tributaire de limites territoriales qui peuvent l'empêcher de contrôler les filiales étrangères notamment dans les territoires extérieurs à l'espace économique européen sans pour autant que cette situation n'entraîne les réactions qui conviendraient.

Surtout, la Cour estime que l'ACP ne donne pas toujours de réponses assez fermes aux défaillances des établissements financiers .

« Dans plusieurs dossiers de contrôle de banques privées examinées par la Cour, l'ACP a constaté des opérations suspectes qui auraient dû faire l'objet de déclarations de soupçons de la part d'établissements bancaires, voire de dénonciations au Procureur. Or, l'ACP, en application d'une interprétation erronée de l'article L. 561-30 du code monétaire et financier, attend l'issue de la procédure contradictoire d contrôle bancaire pour faire une déclaration à Tracfin, en incitant éventuellement les établissements à se mettre en règle de leurs obligations déclaratives. Ce faisant, elle traite la déclaration de soupçon comme une suite du contrôle, alors qu'il s'agit d'une obligation légale...Le manque de réactivité de l'ACP limite les possibilités ultérieures de mise en jeu de la responsabilité pénale de l'établissement pour complicité ».

(1) Tirer les leçons de l'affaire UBS

Votre commission a pu mesurer l'existence de difficultés de cette sorte, en particulier dans le cadre de l'affaire UBS en cours d'instruction judiciaire.

La réponse fournie par l'ACP sur son intervention dans cette affaire est la suivante :

« L'ACP a effectué, à partir de décembre 2010, une mission de contrôle sur place approfondie chez UBS France portant sur les dispositifs de contrôle de la conformité et de lutte contre le blanchiment de capitaux. L'Inspection de l'ACP a notamment constaté que, alors que l'auditeur interne d'UBS France avait alerté la direction de ses soupçons sur l'implication possible de son réseau commercial dans la facilitation d'opérations d'évasion fiscale et de démarchage illicite par la maison mère suisse, UBS France n'avait pas mis en oeuvre les moyens suffisants pour traiter cette alerte. En outre, elle a constaté que les activités transfrontalières s'exerçaient dans des conditions ne permettant pas d'en contrôler la conformité et qu'UBS France avait tardé à prendre des mesures pour entreprendre la mise en place de procédures adaptées d'encadrement et de contrôle de ces activités .

Les manquements ainsi relevés au regard de la réglementation bancaire, notamment en matière de contrôle du risque de non-conformité , ont conduit le Collège de l'ACP à ouvrir une procédure disciplinaire en avril 2012. A l'issue de l'instruction contradictoire de cette procédure, la Commission des sanctions de l'ACP a prononcé, par une décision publique du 25 juin 2013, un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de 10 millions d'euros à l'encontre d'UBS France . »

Lors de ses entretiens avec des personnes impliquées dans les contacts avec l'ACP, il avait été mentionné à votre rapporteur que ceux-ci avaient été menés « début 2009 ».

Ce n'est que fin 2010 qu'une mission de contrôle sur place a été effectuée par l'ACP, ce qui indique un temps de latence qu'on peut considérer pour le moins excessif au vu des informations transmises début 2009, d'autant que certaines d'entre elles émanaient d'une source particulièrement crédible du fait des fonctions exercées par lui.

C'est dès décembre 2008 que M. Nicolas Forissier qui était le responsable de l'audit interne d'UBS France avait alerté sa hiérarchie.

Votre rapporteur a par ailleurs de bonnes raisons de penser que la programmation des contrôles sur UBS France est intervenue plus tôt que son déclenchement effectif. Le délai entre les deux événements ne s'explique pas.

Quant à la sanction prononcée par la Commission des sanctions, il faut faire quelques observations :

- en premier lieu la décision du collège de l'ACP d'ouvrir une procédure disciplinaire n'intervient qu'en avril 2012 alors même qu'il semble que le contrôle sur place ait pu s'achever bien avant ;

- en outre, la procédure devant la commission des sanctions ressort comme ayant généré elle-même des délais importants ; elle ne débouche qu'en juin 2013 . Il est possible que ces délais soient dus au respect des droits de la défense mais, il faut rappeler non seulement que l'ACP n'est pas une juridiction mais encore que pendant la phase d'instruction les parties ont eu le temps de nouer un dialogue contradictoire qui, à tout le moins, aurait pu favoriser des échanges plus rapides dans la phase proprement répressive ;

- enfin la sanction prononcée paraît marquée par une très grande modération compte tenu des défaillances constatées mais aussi des enjeux financiers en cause.

Au vu des griefs concernant une manquement continu, l'argument tiré de la non-rétroactivité ne peut être vraiment opposé aux regrets de votre rapporteur.

Les enjeux financiers de l'évasion organisée ne sont pas encore déterminés précisément mais certains contacts pris par la commission ont situé les sommes « évadées » à plus de 1,5 milliard d'euros.

Surtout, les « défaillances » du contrôle en cause ne conduisent pas à envisager de simples erreurs mais des fautes caractérisées, doublées de manoeuvres d'une extrême gravité puisque les personnes impliquées dans la divulgation des faits ont été licenciées par la banque. Au demeurant, l'une d'entre elles n'était autre que le responsable de l'audit interne ce qui apparente son licenciement à un désamorçage intentionnel des régimes de contrôle.

Dans ces conditions, même si la Commission des sanctions n'était pas saisie au pénal, et même si le volet pénal de l'affaire n'était pas jugé au moment de sa décision, elle aurait pu raisonnablement considérer que la gravité des manquements dont elle se trouvait saisie justifiait une sanction pécuniaire nettement plus forte.

Quant au volet pénal de la procédure, l'ACP a donné les précisions suivantes à votre rapporteur : « Cette procédure a porté sur les manquements à la règlementation bancaire. S'agissant d'éventuels faits de complicité de démarchage illicite et de blanchiment de fraude fiscale, l'ACP, qui n'est pas compétente pour caractériser des infractions pénales, a saisi le Parquet dès février 2011 en lui transmettant les deux lettres de dénonciation qu'elle a reçues à l'époque. Elle a également transmis par la suite son rapport d'inspection au Parquet. L'information judiciaire en cours recherche, avec les moyens d'investigation adaptés, si de tels faits ont effectivement été commis . »

Dans cette affaire, les aviseurs ont joué un rôle important.

Or, il semble que l'écoute réservée par l'ACP à leurs informations n'a pas été satisfaisante.

En réponse à une question sur ce point, l'ACP indique :

« De façon pratique, il a pu arriver que l'ACP soit informée, généralement par des agents ou par d'anciens agents de la personne soumise au contrôle, de fait potentiellement susceptibles de constituer des manquements à la réglementation ou encore pénalement sanctionnés. Il lui appartient d'estimer la gravité des faits et la qualification juridique qui pourrait en résulter pour décider des suites à donner à ces alertes, y compris la transmission au Parquet des éléments reçus. Lorsque les alertes sont circonstanciées, et notamment étayées par des documents écrits, les informations sont prises en considération dans le cadre du suivi de la personne contrôlée, qui peut en particulier prendre la forme d'un contrôle sur place. »

L'analyse de la réponse fournie par l'ACP conduit à en souligner l'imprécision, en particulier sur le nombre des signalements transmis et leurs circonstances, mais aussi la conditionnalité exigée par l'ACP ( « lorsque les alertes sont circonstanciées, et notamment étayées par des documents écrits » ) avant toute intervention.

Au demeurant, les modalités que celle-ci peut prendre peuvent inclure un contrôle sur place répond l'ACP, ce qui suggère que d'autres formes d'intervention peuvent intervenir mais sans précision sur celles-ci. Comme on n'imagine pas que le dossier soit directement transmis à la Commission des sanctions et qu'il n'y a pas de contrôle plus strict que le contrôle sur place, on est obligé de considérer que, même en possession d'informations circonstanciées, l'ACP peut envisager de recourir à des formes de contrôle plus légères.

Mais peut-être n'est-ce là qu'une impression donnée par le texte de la réponse...

En toute hypothèse, l'affaire UBS a conduit à s'interroger sur la réactivité de l'ACP face à des témoignages concordants laissant présumer l'existence d'infractions sérieuses commises avec l'aval d'un établissement soumis au contrôle de l'ACP.

Votre rapporteur a rencontré plusieurs de ces aviseurs qui ont unanimement mentionné avoir perçu, de la part du superviseur, une forme d'incompréhension, pour le moins.

Votre rapporteur n'en peut témoigner mais il est amené à souhaiter que l'ACPR ne puisse être reprochable sur ce plan et à recommander à l'ACPR d'adopter une attitude de contrôle et de sanctionnement plus ferme.

(2) Surmonter les limites du contrôle de l'ACPR

Par ailleurs, d'évidents problèmes se posent quant à la portée du contrôle qu'elle peut exercer .

Le contrôle de l'ACPR porte essentiellement sur l'existence de systèmes de contrôle interne de conformité. La vérification qu'elle entreprend de leurs performances effectives repose sur des contrôles par échantillon, qu'elle estime probants. Pourtant alors que cette forme de contrôle tend à devenir un standard international, le nombre des contrôles sur place en matière de lutte anti-blanchiment demeure peu élevé : 52 missions de contrôle sur place seulement ont eu un volet anti-blanchiment en 2012.

Par ailleurs, l'ACP fait valoir qu'à la différence de l'AMF, elle ne dispose pas de vrais moyens d'enquête.

Enfin, il faut revenir sur les limites territoriales des contrôles de l'ACP.

Les difficultés relatives aux pays tiers non coopératifs et « non-équivalents » doivent être particulièrement relevées .

Les banques françaises disposent d'implantations de plus en plus diversifiées à l'étranger, tandis que des banques étrangères disposent de nombreux établissements en France (1 046 et 280, respectivement, selon le dénombrement proposé par le rapport). Par ailleurs, les relations financières internationales sont très nourries.

La répartition de la supervision entre les autorités nationales suit les principes suivants, qui varient selon que les entités relèvent de l'UE et de l'EEE ou y sont extérieures. Les autorités nationales surveillent les entités situées sur leurs territoires, sauf pour les succursales installées dans les pays de l'UE et de l'EEE, qui relèvent de l'autorité du siège de la maison-mère. Cette répartition est inspirée d'une préoccupation d'apparier la répartition des responsabilités des superviseurs avec les enjeux financiers qu'ils sont chargés de défendre et le cadre légal qui commande leur action. Ce découpage n'en pose pas moins des problèmes d'identification et de suivi de la situation des groupes, qui se posent également pour la surveillance prudentielle, - même si la répartition mentionnée ne s'oppose pas à une surveillance sur base consolidée -. La connaissance intime des opérations réalisées par les différents unités d'un groupe. Or, celle-ci est d'une importance majeure pour suivre la conformité des banques avec les règles d'ordre public intéressant le blanchiment, mais aussi pour comprendre les échanges internes aux groupes multinationaux.

Ces enjeux sont pris en compte par la législation puisque les banques doivent mentionner à Tracfin et à l'ACP les cas où, du fait de la législation du pays d'activité, elles ne sont pas en mesure de se conformer à des obligations équivalentes à celles prévalant en France. Cependant, cette obligation a quelque chose de naïf dans la mesure où elle n'est assortie d'aucun effet pratique appréciable. La question du degré de tolérance envers les situations décrites par les banques se pose.

Or, celui-ci ressort comme tout à fait considérable si l'on en juge par le déploiement territorial des banques internationales, mais aussi par les prolongements plus qu'hésitants que donnent les régulateurs et les États à cette situation.

Alors que la communauté internationale affiche une vigilance envers les juridictions de l'offshore, les États semblent plutôt tolérants devant les choix de localisation des établissements financiers quels qu'en soient les risques.

Ainsi, interrogé par la commission d'enquête, M. Pierre Moscovici, répondant à une question de votre rapporteur sur la densité du réseau bancaire français dans les territoires non coopératifs, s'est dit partagé entre une motion éthique, l'inclinant à la perplexité, et un réflexe de réalisme l'invitant à un point de vue plus nuancé .

L'ACPR illustre à sa manière ce « réalisme ».

Votre rapporteur relève avec une certaine satisfaction que l'ACPR puisse demain après l'adoption de la loi bancaire donner son agrément à l'ouverture de succursales dans les pays extérieurs à l'EEE.

Il se félicite que l'ACPR considère cette prérogative, conforme aux règles de Bâle, comme nécessaire pour appliquer la réglementation prudentielle.

De le même manière, il apprécie que l'ACPR considère que les travaux de mise à jour de la liste des pays considérés comme non coopératifs soient d'une grande importance, en matière prudentielle, de lutte contre le blanchiment ou fiscale.

Ces appréciations sont parfaitement congruentes avec les siennes propres.

Il estime qu'il faut aller plus loin.

La fragmentation de la supervision est un obstacle majeur à son efficacité, comme l'a rappelé M. Jean-Claude Trichet. Elle crée des zones d'ombre pour la supervision des groupes multinationaux.

Votre rapporteur a pu le mesurer dans le cas d'une affaire paraissant impliquer une évasion des capitaux, à tout le moins, réalisée à partir du continent africain via la filiale monégasque d'une banque française, détenue au demeurant à partir de la Suisse. Des chèques en très grand nombre étaient remis à l'encaissement par des personnes apparaissant comme contribuant à déjouer le contrôle des capitaux des pays d'origine. L'ACPR a qualité pour agréer les banques monégasques mais pas pour y exercer le contrôle anti-blanchiment, ni d'ailleurs celui des systèmes internes aux banques. Elle aurait transmis ce dossier à l'autorité de contrôle monégasque, mais s'en trouve de ce fait dessaisie sans qu'il apparaisse clairement si les relations entre les cellules de renseignement financier française et de Monaco ont pu jouer pour élucider cette affaire. La nature des échanges ayant pu avoir lieu sur ce point avec la banque française, dont le rapport d'enquête tend à minimiser l'importance des fiats, ne peut être appréciée.

La coordination du contrôle au niveau européen devra contribuer à des évolutions sur ce point.

Il n'empêche que d'ores et déjà, l'ACPR a compétence pour s'assurer que les dispositifs de contrôle interne couvrent l'ensemble des entités du groupe.

Cette fenêtre permet a priori des contrôles plus ou moins étendus en fonction de la doctrine suivie par le superviseur.

Certes, tout n'est pas possible et l'ACPR se trouve confrontée à des situations d'empêchement dès lors qu'un État n'a pas conclu avec l'ACPR d'accord de coopération et qu'il s'oppose à des coopérations.

Le cas s'est présenté à plusieurs reprises.

Étant donné les standards internationaux qui prévoient que les pays coopèrent entre eux, ces situations de blocage devraient entraîner des réactions appropriées. Le moins qu'on puisse dire est que le refus de la commission des sanctions de l'ACPR de considérer les griefs envers une banque située dans un pays du offshore relevés à l'occasion d'une visite sur place réalisée sans qu'un accord international en ait prévu l'éventualité ne relève pas de cette catégorie.

Quoiqu'il en soit, l'ACPR n'est pas armée pour dépasser directement la barrière du secret professionnel dans tous les cas où les autorités locales le lui opposent. Par ailleurs, même dans le cadre de son contrôle sur base consolidée l'ACPR peut être privée d'informations qui ne circulent pas au sein des groupes du fait des législations locales.

On ne peut lui faire le reproche d'être exposée à ces limites.

La question se pose cependant de sa réaction quand elle les observe.

Cette question est délicate à cerner précisément sur un plan juridique mais il ne fait pas de doute que des mesures puissent être adoptées par l'ACPR pour sanctionner les groupes sur lesquels elle exerce sa supervision et qui montreraient sur ce point des défaillances.

Au vu de « l'assiette « a priori très large des cas où ces problèmes peuvent se rencontrer il est surprenant que de telles sanctions n'apparaissent pas fréquentes.

Une réaction plus ferme pourrait être favorisée par une doctrine elle-même plus ferme de la communauté internationale qui passe par une conception plus réaliste des pays « sans contrôle équivalent » à ceux des pays de plus grande conformité et par l'adoption des mesures de restriction qui peuvent alors s'imposer.

Il faut enfin mentionner l'impossibilité pour l'ACPR de prendre une vision exhaustive des flux internes aux groupes dans le cadre de son contrôle consolidé. Cette méthode est peut-être adaptée à un contrôle prudentiel portant sur les ratios financiers, elle apparaît insuffisante à l'acquisition d'une connaissance fine de l'économie des groupes bancaires et plus encore de leurs opérations internationales. La commission d'enquête a reçu de nombreux témoignages sur les possibilités offertes par les échanges intra-groupes pour aménager des situations fiscales, voire pour abriter des transactions non conformes.

Globalement il manque un « Forum mondial de la conformié » financière exerçant des missions de surveillance distincte de celles relatives aux seules préoccupations prudentielles, la surveillance du FMI sur ce point paraissant insuffisamment systématique.

4. Une coopération avec TRACFIN et les services du ministère de l'économie et des finances qui pourrait être améliorée

Les services fiscaux n'ont pas accès aux relevés des enquêtes de l'ACPR pas plus qu'ils ne peuvent demander à celle-ci de mobiliser son expertise sur des questions pouvant être liées à leur mission.

Cette situation est décrite comme conforme aux principes internationaux de la régulation prudentielle. Ces principes devraient évoluer pour tenir compte de la mobilisation de la communauté internationale contre les infractions pénales fiscales et le blanchiment, ce que prévoit la loi sur la lute contre la fraude fiscale (voir supra ).

Tant l'ACPR que l'AMF disent travailler « main dans la main » avec TRACFIN. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires a par ailleurs prévu un renforcement de l'obligation d'information des autorités de contrôle LCB-FT à l'égard de TRACFIN.

Cette collaboration est essentielle puisqu'aussi bien Tracfin ne joue pas de rôle dans le contrôle opérationnel du respect des obligations déclaratives, qui repose sur des organismes extérieurs dont les superviseurs financiers.

La collaboration entre Tracfin et ceux-ci ressort comme étroite du point de vue conceptuel ; elle devrait être améliorée du point de vue opérationnel.

L'ACPR qui effectue un contrôle de l'effectivité du dispositif de déclaration de soupçon portant sur des dossiers individuels dans les conditions limitées qu'on a indiquées, devrait à l'avenir transmettre plus de signalements à TRACFIN, notamment en extrayant des rapports de contrôle les dossiers individuels considérés par la mission de contrôle comme constituant des défauts de déclaration, lorsque les organismes ne les auront pas déclarés eux-mêmes.

Par ailleurs, elle devrait davantage soutenir le dispositif de lutte anti-blanchiment en sanctionnant plus sévèrement les défaillances.

Les relations entre l'ACPR et TRACFIN
Réponse au questionnaire de votre rapporteur

« - L'APCR et TRACFIN ont élaboré un protocole relatif aux modalités de mise en oeuvre des échanges d'informations [...] ;

« - L'ACPR a détaché un agent à plein temps auprès de TRACFIN afin de faciliter la coordination des actions et accueilli des agents de TRACFIN en son sein ;

« - L'ACPR organise chaque année une réunion avec TRACFIN, en amont de l'établissement du programme de contrôle afin d'examiner ensemble les organismes les plus risqués en matière de LCB-FT, notamment ceux qui n'effectuent pas ou très peu de déclarations de soupçon ;

« - TRACFIN participe aux réunions de la commission consultative Lutte contre le blanchiment de l'ACPR, qui est chargée de donner un avis sur les instructions et lignes directrices adoptées par le Collège de l'ACPR en matière de LCB-FT ;

« - TRACFIN et l'ACPR organisent des « Rendez-vous LCB » afin de sensibiliser les professionnels soumis au contrôle de l'ACPR sur leurs attentes en matière de LCB-FT en tenant compte de l'actualité (un par an, en principe pour chacun des deux acteurs de la banque et de l'assurance) ;

« - TRACFIN et l'ACPR sont membres du conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (COLB), qui rassemble les services de l'Etat et les autorités de contrôle compétentes et qui a pour objet d'assurer une meilleure coordination entre ces services et autorités, de favoriser la concertation avec les professions assujetties ainsi que de proposer des améliorations au dispositif national de lutte contre le blanchiment ;

« - TRACFIN et l'ACPR coopèrent pour l'identification des nouvelles menaces en matière de LCB-FT et des mesures appropriées à mettre en place.

« L'ACPR et TRACFIN ont publié en juillet 2010 des lignes directrices conjointes sur la déclaration de soupçon à l'intention des professionnels soumis au contrôle de l'ACPR des deux secteurs de la banque et de l'assurance ».

De même, l'AMF a transmis depuis 2009, une douzaine de dossiers à TRACFIN. L'article L. 561-30 du code monétaire et financier prévoit en effet l'échange d'informations entre l'Autorité et TRACFIN utiles à l'accomplissement de leurs missions respectives en matière de LCB-FT.

Il convient néanmoins de relever que l'AMF doit veiller à l'application des règles LCB-FT par les conseillers en investissements financiers, les sociétés de gestion de patrimoine, les entreprises d'investissement, etc., soit plusieurs milliers d'entreprises concernées. À cet égard, votre rapporteur émet quelques doutes sur la capacité de l'AMF à contrôler efficacement l'ensemble de ces professions.

Comme l'indique la Cour des Comptes malgré l'absence de suites effectives données à leurs obligations déclaratives par ces professions, l'AMF ne contrôle que peu d'entre eux. Ainsi, en 2012, 18 contrôles seraient intervenus pour une population qui compte 4.192 professionnels recensés.

Les relations entre l'ACPR et TRACFIN
Réponse au questionnaire de votre rapporteur

« L'AMF et TRACFIN ont signé en janvier 2012 un protocole d'échange d'informations. Son objectif est de mettre en place les conditions d'une plus grande coopération entre TRACFIN et l'AMF afin, notamment, de répondre au Plan d'action recommandé par le GAFI.

« Ce protocole est structuré autour des modalités de transmission des informations (qui s'entendent dans les deux sens). En pratique, les échanges entre TRACFIN et l'AMF ne se limitent pas aux signalements officiels, mais des contacts réguliers et fructueux s'établissent chaque année sur plusieurs dossiers.

« Des signalements à TRACFIN peuvent provenir de l'activité d'agréments de l'AMF, qui peut conduire à identifier des transactions sans logique économique. Ces cas sont rares et relèvent essentiellement de problématiques d'optimisation fiscale. Dans tous les cas de signalements, l'AMF transmet concomitamment copie de sa déclaration de soupçons au Procureur de la République ».


* 30 Audition du 11 juin 2013.

* 31 Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 32 Audition du 26 juin 2013.

* 33 Audition du 29 mai 2013.

* 34 Audition du 16 juillet 2013.

* 35 À l'inverse, l'ACPR n'a pas de mandat pour contrôler les dispositifs des implantations étrangères des banques françaises.

* 36 Réponse au questionnaire du rapporteur.

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