C. LE FINANCEMENT EN ATTENTE DE LA COMPOSANTE AÉRIENNE DE LA GENDARMERIE

La composante aérienne est indispensable en vue d'assurer une sécurité optimale sur l'ensemble du territoire. En France, elle se caractérise par une spécificité notable : la police nationale ne dispose d'aucun moyen aérien en propre. Dès lors, la charge de l'investissement repose sur le programme « Gendarmerie nationale » , tandis que la police s'acquitte de coûts de fonctionnement à hauteur des moyens qu'elle met à contribution selon un protocole passé avec la DGGN.

1. La rationalisation des moyens aériens
a) La répartition des missions de sécurité entre la gendarmerie et la sécurité civile

Une politique de rationalisation des moyens aériens est conduite au sein du ministère de l'intérieur depuis plusieurs années. Le ministère dispose en effet de 91 hélicoptères répartis en deux flottes : la gendarmerie et la sécurité civile 43 ( * ) .

L'action de chacune des deux flottes s'inscrit dans une logique de dominante missionnelle . Depuis 2008, les flottes d'hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile se sont vues assigner des missions à titre principal :

- la sécurité publique pour la flotte de la gendarmerie (au profit de la gendarmerie et de la police) ;

- l'assistance à personne pour la sécurité civile.

Les milieux spécialisés (haute-montagne, outre-mer et Paris) font toutefois exception à ce principe .

Cette répartition des missions est complétée par le principe de subsidiarité missionnelle , qui fait obligation aux deux flottes se s'inscrire dans une logique de subsidiarité en cas d'indisponibilité ou d'exigence de mobilisation des deux flottes du ministère de l'intérieur. Alors que les hélicoptères de la sécurité civile sont employés pour des missions de secours à personnes et ceux de la gendarmerie pour des missions de sécurité et d'ordre publics, chaque flotte est en mesure d'être employée au titre de la subsidiarité dans le domaine de missions de l'autre flotte.

Cette rationalisation du recours aux moyens aériens va dans le sens de la maîtrise souhaitable des investissements à réaliser dans ce domaine, en évitant les doublons ou les empiètements injustifiés .

En outre, si la flotte aérienne est un outil indispensable dans certains cas (notamment les plus urgents), elle doit néanmoins être rationnalisée pour limiter notre empreinte écologique .

b) L'emploi d'une flotte par la police

Dépourvue de moyens aériens propres, la police utilise néanmoins des moyens d'autres services ou de prestataires privés .

En matière d' hélicoptères , un protocole d'accord sur leur utilisation par les services de la police a été mis en place en 2008 entre la DGPN et la DGGN. Plusieurs fois amendé depuis pour prendre en compte notamment les évolutions en termes de besoin opérationnel, ce protocole prévoit un potentiel annuel d'heures d'utilisation par la police ainsi que les tarifs associés à chaque appareil. Dans ce cadre, en 2012, la police a utilisé 1273 heures / hélicoptère pour un coût total de 1,8 million d'euros 44 ( * ) .

Par ailleurs, la police a également recours à un moyen aérien de type « Beechcraft » financé sur le budget du programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration ». Cet avion sert majoritairement au transport d'étrangers en situation irrégulière et, de manière résiduelle, aux missions de police.

En outre, la police aux frontières (PAF) développe depuis 2012 l'emploi, au profit de missions de police, de moyens aériens légers loués et pilotés par les pilotes de la PAF au profit des directions de la police nationale. Ce moyen est moins onéreux que les hélicoptères : 172 euros / heure de vol pour les avions contre une fourchette allant de 812 euros à 1 690 euros / heure pour les hélicoptères.

Enfin, la DGPN a noué des contacts poussés avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) en vue de développer l'utilisation des moyens aériens existants pour les projections de forces.

Interrogée par votre rapporteur spécial, la DGPN souligne en outre que « la rationalisation en cours des flottes d'hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile intégrera les besoins opérationnels de la police nationale pour définir le dimensionnement de ces moyens » 45 ( * ) .

2. La couverture du territoire
a) Les trois types d'appareil

Concernant le dispositif aérien de la gendarmerie, le commandement des forces aériennes de la gendarmerie nationale (CFAGN) met actuellement en oeuvre une flotte de 56 hélicoptères spécialement équipés (phare de recherche, caméra thermique « jour et nuit », système de retransmission d'images, treuil, cartographie embarquée, informatique dédié) et servis par des équipages ayant la double compétence « personnel navigant » et « officier de police judiciaire ».

Les 56 hélicoptères sont répartis en trois flottes . La première correspond aux 15 EC 145 biturbines .

L'EC 145

Source : DGGN

Deux d'entre eux opèrent à Villacoublay afin d'assurer l'entraînement et le déploiement des unités des forces d'intervention d'urgence (telles que le Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale ou le RAID), des unités centralisées comme l'IRCGN ou encore de la section de recherches de la gendarmerie des transports aériens ou de la gendarmerie de l'air. Les EC 145 sont également employés en Guyane et dans les unités de haute-montagne (Chamonix, Modane, Digne, Briançon, Ajaccio, Tarbes, Pamiers et Saint-Denis de La Réunion). Un EC 145 est affecté au groupement instruction pour assurer les formations des équipages. Trois EC 145 sont en maintenance et assurent le remplacement des aéronefs notamment dans les unités de montagne qui ne comptent qu'un seul appareil.

La deuxième composante de la flotte est constituée de 15 EC 135 .

L'EC 135

Source : DGGN

Ces appareils ont été répartis de telle manière que chaque commandant de groupement des forces aériennes de la gendarmerie dispose d'un appareil à proximité du siège de la région de gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité (Paris-Villacoublay, Lille-Amiens, Rennes, Bordeaux-Mérignac, Marseille-Hyères, Lyon et Metz). On les retrouve également dans les unités dont l'activité est quasi exclusivement tournée vers la sécurité publique (Montpellier, Toulouse, Colmar, Dijon, Tours). Un EC 135 est affecté au groupement d'instruction pour assurer la formation des équipages. Enfin, un EC 135 est placé en position de maintenance nationale.

La troisième et dernière flotte est composée de 26 Ecureuils (AS 350) .

L'AS 350 Ecureuil

Source : DGGN

Les Ecureuils équipent essentiellement en métropole les unités de plaine et les unités littorales , ainsi que les unités ultramarines (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie). S'agissant de la métropole, neuf Ecureuils sont équipés de systèmes optroniques (caméra thermique embarquée).

b) La cohérence de l'implantation

Les unités se répartissent sur 23 bases métropolitaines et 6 implantations ultramarines , issues du schéma directeur de la gendarmerie établi en 2003 et adapté en 2010.

Les hélicoptères outre-mer

Source : DGGN

Cette articulation est fondée sur un principe de proximité : le délai d'intervention moyen s'établit à 30 minutes . Elle est par ailleurs adossée au statut militaire des personnels. Elle fournit à la gendarmerie une capacité d'intervention aérienne en tout lieu du territoire national, sur tout le spectre de ses missions, en temps normal comme en cas de crise.

Cette répartition cohérente de la flotte sur l'ensemble du territoire vise à optimiser les moyens et contribue donc in fine à limiter le besoin d'investissement .

c) La maintenance en régie

Dans le domaine de l'aérien, la maintenance représente un enjeu important. D'une plus ou moins bonne maintenance dépend non seulement la disponibilité des appareils mais aussi leur longévité . C'est notamment à une pareille difficulté qu'est aujourd'hui confrontée la DGSCGC dans le cas du renouvellement de ses Canadairs 46 ( * ) .

S'agissant des hélicoptères de la gendarmerie, le dispositif de maintenance mis en place résulte d'une organisation historiquement intégrée en régie . Cette organisation présente un avantage certain puisqu'elle confère aux unités opérationnelles une autonomie leur permettant de réagir rapidement à toute indisponibilité technique. Ainsi, le taux de disponibilité des appareils de la gendarmerie est élevé : en 2012 ce taux était de 85 % tous types confondus.

3. Le problème posé par le remplacement des Ecureuils

La flotte de la gendarmerie est majoritairement composée d'hélicoptères de type Ecureuil : 26 appareils sur 56 hélicoptères au total.

Or, mis en service à partir de 1979, les Ecureuil sont des appareils monoturbines dont l'emploi est limité par les normes de navigabilité .

Aussi leur remplacement par des hélicoptères biturbines EC 135 a-t-il été initié en 2006 dans les conditions suivantes :

- une tranche ferme de douze appareils. Ces appareils ont été livrés ;

- une tranche conditionnelle de trois appareils. Cette tranche a été affermie et les appareils également livrés ;

- neuf tranches conditionnelles de un à trois appareils pour un total de vingt-deux appareils .

Ces dernières tranches ne sont, à ce stade, pas affermies .

La gendarmerie doit donc se prononcer sur l'affermissement de ces neufs dernières tranches conditionnelles avant la fin de l'année 2014. En effet, faute d'affermissement, elle devra verser un dédit de 5,5 millions d'euros au titulaire du marché.

En l'espèce, la difficulté réside dans le fait que la programmation triennale pour la période allant de 2013 à 2015 ne comporte pas les crédits nécessaires à l'acquisition de ces appareils .

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial souligne l'urgence pour le ministère de l'intérieur de prendre une position dans les meilleurs délais. La décision attendue devra tenir compte à la fois de la contrainte financière mais aussi des besoins exprimés .

Recommandation n° 21 : prendre dans les meilleurs délais une position sur les dernières tranches de renouvellement des hélicoptères Ecureuils de la gendarmerie, au risque dans le cas contraire de devoir s'acquitter d'un dédit important (5,5 millions d'euros).


* 43 Pour davantage de développements concernant la flotte de la sécurité civile, votre rapporteur spécial renvoie au rapport précité de Dominique de Legge, « Les investissements de la sécurité civile : intérêt national, enjeux locaux - Gérer les risques au meilleur coût ».

* 44 Les missions de secours en mer (395 heures / hélicoptère) et en montagne (758 heures / hélicoptère) sont cependant exclues de ce protocole, l'utilisation par les CRS des moyens aériens de la DGGN n'étant pas facturée dans ce cadre précis.

* 45 Réponse à la question 67 du questionnaire adressé par votre rapporteur spécial au ministère de l'intérieur.

* 46 Cf . Sénat, rapport d'information précité, « Les investissements de la sécurité civile : intérêt national, enjeux locaux - Gérer les risques au meilleur coût » de Dominique de Legge.

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