B. SOUTENIR LES PROJETS QUI FAVORISENT L'INTÉGRATION DU MAGHREB

La contribution au développement économique et social doit favoriser les projets qui vont dans le sens d'une plus grande intégration du Maghreb. Dans le cadre du Dialogue 5+5, les projets qui associent l'ensemble des pays du Maghreb et contribuent à l'intégration de cette région doivent être encouragés et mis en oeuvre.

Ils doivent être appuyés par l'Union européenne et ses Etats-membres car l'intégration de la région est une source de prospérité économique et de paix.

Le secrétariat général de l'UpM peut contribuer à cette mise en oeuvre.

1. Développer les infrastructures régionales de transports

Carte n° 90 : Les réseaux autoroutiers

• L'autoroute transmaghrébine portée par l'UpM, doit être achevée. Il ne manque que 22 km entre l'Algérie et le Maroc et 80 km entre l'Algérie et la Tunisie pour la réaliser. Les pays ont donné leur accord, ce qui est un signal positif. Les études de faisabilité et la recherche du financement sont en cours. Il est important et symbolique que cette interconnexion existe afin de rendre effective la réouverture de la frontière entre l'Algérie et le Maroc. Nous attendons le jour où les autorités politiques le décideront.

À plus long terme, le développement de liaisons routières de qualité avec l'Afrique subsaharienne sera à l'ordre du jour qu'il s'agisse de la liaison côtière en direction de Nouakchott et Dakar, ou de la liaison transsaharienne d'Alger vers le Sud, qui est déjà un projet intérieur algérien. De la même façon, la prolongation de l'autoroute « transmaghrébine » vers l'Egypte par la Libye. Ces projets supposent l'instauration de la sécurité des déplacements.

Carte n° 91 : Localisation des infrastructures ferroviaires, portuaires et fluviales 2008

Source : http://planbleu.org/sites/default/files/publications/cahier7_transport_fr.pdf

• Les liaisons ferroviaires 351 ( * )

L'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont engagé des programmes de réformes du secteur ferroviaire et des investissements considérables pour l'électrification et la modernisation de leurs réseaux, qu'il s'agisse du transport de voyageurs - avec la création de lignes à grande vitesse au Maroc et le développement de réseau urbain rapide - ou du fret. Des programmes ambitieux de renouvellement et d'extension du parc roulant ont été finalisés afin d'améliorer la qualité de service et de réduire le temps de parcours.

Ces plans d'investissement sont financés par le budget de l'Etat, les bailleurs de fonds (BEI, BM, BAD...) et par les crédits publics de certains pays notamment européens mais aussi japonais et autres. La Facilité d'Investissement pour le Voisinage (FIV) de la Commission Européenne finance en partie certains de ces projets sous forme de dons (exemple : le réseau ferroviaire rapide de la ville de Tunis).

Les pays maghrébins ont travaillé sur l'identification d'un corridor de fret (le « transmaghrébin » Casablanca/Tunis à écartement standard) et sa connexion avec le réseau européen.

Toutefois, les efforts d'investissement des trois pays nécessitent le maximum de coordination pour assurer et garantir l'interopérabilité des réseaux des trois pays. Les instances de l'Union du Maghreb Arabe "UMA" et notamment le Comité des Transports Ferroviaires Maghrébins (CTFM) ont mis en place un groupe de travail qui, en 2007, a préconisé l'élaboration d'un schéma directeur maghrébin reprenant tous les projets ayant trait à l'interopérabilité.

Il reste à mettre en oeuvre effectivement ces orientations. La relance de ces dossiers dans les instances multilatérales est nécessaire. Le Dialogue 5+5 pourrait en être le cadre.

À long terme, l'interconnexion avec le réseau européen rendra sans doute nécessaire l'établissement d'une liaison physique ferroviaire et le projet d'un tunnel sous le détroit de Gibraltar reviendra à un moment ou à un autre d'actualité. Cette perspective doit être incluse dans la réflexion sur les développements des grandes liaisons ferroviaires en Afrique du nord.

DÉTROIT DE GIBRALTAR...DES PROJETS SANS SUITE

Le passage du détroit de Gibraltar enflamme les imaginations depuis longtemps

A la fin du XIX e siècle :

1869 : Le plus ancien projet de tunnel , celui de l'ingénieur Laurent de Villedemil

1895 : Un des projets les plus aboutis : le tunnel Tarifa-Tanger de 41 km proposé par Jean Baptiste Berlier

Au XX e siècle :

1905 : La ligne ferroviaire Algérie-France via Gibraltar d'Emile Pichon

1906 : Les tubes d'acier submergés de Garcia Fara

1906 : Le chemin de fer ibéro-afro-américain du marquis de Camarasa

1908 : le projet de double tunnel de Carlos Ibanez de Ibero

Tentatives de percement :

1918 : Alphonse XIII d'Espagne engage des démarches auprès des gouvernements français et britanniques (la crise 1919 le fait renoncer).

1926 : Relance du projet par le lieutenant Pedro Jenevois, deux puits d'exploration de 400 m de profondeur sont forés à Tarifa et à la Pointe Altares de Tanger (gel du projet : proclamation de la seconde République et crise financière)

Reprise des démarches :

Années 1950 : Proposition de construction d'un pont par l'ingénieur Alfonso Peña Boeuf

1979 : Accords bilatéraux signés par le roi du Maroc Hassan II et le roi d'Espagne Juan Carlos pour les premières études de faisabilité .

1980 et 1989 : Création d'un « Comité mixte hispano-marocain chargé de l'étude de faisabilité d'une liaison fixe Europe-Afrique à travers le détroit de Gibraltar »

Les projets :

1990 : Projet de ponts suspendus (avec des portées de plus de 5 000 mètres, une hauteur de piles centrales de plus de 300 mètres et une longueur d'environ 14 kilomètres), imaginé par un cabinet d'ingénierie californien (OPAC) et par le professeur Lin. Le coût, estimé alors à 15 milliards de dollars et le doute sur la faisabilité firent que le projet ne fut pas retenu.

Un tunnel et une île flottante par l'ingénieur américain Eugène Tsui.

Un tunnel routier , idée abandonnée à cause des difficultés techniques pour la ventilation et l'extraction des gaz d'échappement.

1996 : Le comité mixte retient l'idée d'un tunnel ferroviaire avec un fonctionnement similaire au tunnel sous la Manche

Actuellement :

2003 : Signature d'un accord entre l'Espagne et le Maroc pour les études de faisabilité d'un tunnel ferroviaire avec une réalisation prévue vers 2025.

2007 : 30 millions de dollars ont été dépensés pour les études géologiques et techniques. La Banque mondiale, la Banque européenne d'investissement, des fonds arabes de financement et le Fonds africain de développement souhaitent contribuer au financement de la construction de ce tunnel.

2008 : Demande de financement soumise à l'Union Européenne qui ne donne pas de suite à cette requête.

2009 : le Conseil économique et social des Nations unies remet un rapport qui pointe la difficulté technique du projet et les incertitudes sur sa viabilité économique. Il recommande d'engager des études complémentaires.

Carte n° 92 : Traversée centrale des Pyrénées

Le projet de liaison ferroviaire sous le détroit de Gibraltar pourrait redonner vie au projet ferroviaire de « Traversée centrale des Pyrénées »(TCP) 352 ( * ) trop vite abandonné.

• Les projets de développement des infrastructures maritimes doivent être menés à leur terme (voir supra p. 159).

L'Europe soutient le développement portuaire au Maghreb : l'UpM a mis en place le projet Meda Mos d'autoroutes de la mer, censé arrimer les deux rives de la Méditerranée et donc servir l'intégration euro-méditerranéenne. Trois ports maghrébins ont été retenus dans ce cadre: Tanger Med, Tunis-Rades et Bejaia. Ils bénéficient d'une assistance technique et financière.

En 2012, la Commission européenne, la BEI et l'Organisation maritime internationale ont collaboré au sujet de plusieurs propositions conjointes d'action, pour donner suite à une étude de faisabilité relative à la coopération au développement maritime de la mer Méditerranée. Le projet LOGISMED a pour objectif de créer un réseau de plateformes logistiques euro-méditerranéennes qui se fonderont sur des critères communs de qualité conformes aux meilleures pratiques internationales et utiliseront des protocoles communs, notamment pour l'échange de données électroniques et le partage de savoir-faire. LOGISMEDTA (assistance technique) entend améliorer le niveau des qualifications dans le secteur logistique en renforçant les structures de formation dans les pays membres du Sud de la Méditerranée et de de créer un réseau d'experts et de formateurs à tous les niveaux.

2. Mettre en oeuvre une communauté euro-méditerranéenne de l'énergie

L'interdépendance qui lie les pays de la rive sud et de la rive nord de la Méditerranée dans le domaine énergétique, n'est encadrée par aucune stratégie régionale. L'Union européenne s'efforce péniblement de définir une stratégie commune, ce qui est difficile entre pays dépendants énergétiquement. De même, les pays du Maghreb ont contracté bilatéralement avec les pays de l'Union européenne sans tenir compte des politiques énergétiques adoptées par leurs voisins.

La nouvelle géopolitique mondiale du pétrole et du gaz, la volonté de développer des énergies renouvelables et décarbonées et l'opportunité de développer un secteur de l'énergie qui dégage de la valeur ajoutée sur les deux rives et créé de l'emploi, invitent les pays de la région méditerranéenne à élaborer une coopération plus étroite, et à définir un partenariat énergétique régional .

Tous les pays se trouvent d'ores et déjà concernés par la question de la transition énergétique. Les pays européens se sont engagés à augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale, à accroître l'efficacité énergétique et à réduire leurs émissions de CO² d'ici 2020. Ils cherchent en outre à sécuriser leurs approvisionnements en énergie : le taux d'indépendance énergétique de l'Europe va passer de 66% (2000) à 53% (2020). Au Sud de la Méditerranée, les politiques mises en oeuvre dans les pays producteurs d'hydrocarbures pourraient entraîner une réduction de la part exportée vers les pays européens. De même, la croissance de la demande d'énergie, qui pourrait tripler dans les Psem d'ici 2030, appelle à la mise en place d'importantes nouvelles capacités de production d'électricité.

Selon une étude réalisée par l'IPEMED, « Quelles que soient les politiques énergétiques mises en place, il faudrait entre 310 et 350 milliards de dollars d'investissement, selon nos estimations, pour réaliser de nouvelles capacités de production d'énergie dans les Psem d'ici 2030 » IPEMED « Vers une communauté euro-méditerranéenne de l'énergie » mai 2013.

La région euro-méditerranéenne dispose dans le domaine de l'énergie d'atouts non seulement pour faire face à la sécurité des approvisionnements sur le long terme, mais aussi pour mener la transition énergétique et en faire une des bases de la nouvelle croissance. Les pays du Maghreb, consommateurs comme producteurs, veulent être acteurs de la transition énergétique. L'Europe dispose du savoir-faire dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique dans les transports, le bâtiment et l'industrie, au Sud il existe les réserves d'hydrocarbures, un très important potentiel solaire à valoriser, et de centrales solaires-gaz à développer. Il y a donc entre les deux rives une opportunité historique à pour bâtir une communauté d'intérêt entre pays complémentaires (producteurs et consommateurs) et non pas concurrents.

En parlant de « Communauté Euro-Méditerranéenne de l'Energie » (CEME) dans sa communication du 8 mars 2011, le Service Européen d'Action Extérieure a reconnu cette opportunité historique.

Des projets d'intégration

Plusieurs projets témoignent qu'une intégration régionale profonde a commencé : construction de la boucle électrique méditerranéenne, coopération en matière de régulation avec Med-reg, alliance pour l'efficacité énergétique avec Medener, lancement du Plan Solaire Méditerranéen avec l'UpM.

Plusieurs actions structurantes pourraient conduire à la mise en oeuvre d'une Communauté euro-méditerranéenne de l'énergie :


• l'association du Nord et du Sud de la Méditerranée au pilotage d'une stratégie énergétique commune ;


• la convergence normative (normes réglementaires et techniques) ;


• la promotion de politiques d'efficacité énergétique ;


• le renforcement des interconnexions électriques transméditerranéennes ;


• la constitution de filières et de partenariats énergétiques euro-méditerranéens ;


• la mise en oeuvre de partenariats entre production, formation et recherche à l'échelle méditerranéenne.

Il est urgent de poursuivre et développer les projets de mise en place d'une communauté euro-méditerranéenne de l'énergie en soutenant les projets de création d'électricité à partir d'énergie renouvelables et l'interconnexion des réseaux.

Les pays du Maghreb (voir supra p. 168) se sont particulièrement investis dans le développement des énergies renouvelables. La réalisation de cette communauté de l'énergie devrait trouver en Méditerranée occidentale, une première concrétisation.


* 351 Rapport sur l'état des lieux de la mise en oeuvre des actions du PART relatives au transport ferroviaire dans les pays MEDA du Maghreb

http://www.euromedtransport.eu/Fr/image.php?id=1748

* 352 http://www.eurosud-transport.com/les-principaux-projets/1-traversee-centrale-des-pyrenees-tcp-%E2%80%93-euro-21.html

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