C. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE

1. Un changement de modèle économique lent à se mettre en place

L'ouverture des négociations d'adhésion devrait intervenir dans un contexte économique délicat. La croissance du PIB ne repose in fine que sur un tiers de la population active, les deux autres tiers étant employés dans le secteur public (plus de 700 000 personnes) ou au chômage (23 % de la population, 50 % chez les 18-25 ans). Le nombre des retraités dépasse, par ailleurs, celui des actifs. Le revenu moyen par famille s'élève, quant à lui, à 450 euros par mois. Le revenu par habitant équivaut à 37 % de celui observé en moyenne au sein de l'Union européenne. La comparaison régionale est, par ailleurs, assez cruelle. Pays le plus peuplé issu de l'ancienne Yougoslavie, les revenus y sont quatre fois moins élevés qu'en Slovénie qui dispose de quatre fois moins d'habitants et deux fois moins élevés qu'en Croatie dont la population représente la moitié de celle de la Serbie .

L'endettement élevé du pays - 61 % du PIB en 2012, 65 % attendus fin 2013 - souligne en creux les difficultés qu'a connues le pays pour faire face à la crise économique. Le choix du précédent gouvernement de transformer le modèle économique du pays, désormais fondé sur les exportations (25 % du PIB jusqu'alors et un taux de couverture des importations inférieur à 60 %) et non plus sur la consommation intérieure, devrait néanmoins permettre au pays de voir son activité croître de 1,5 % en 2013 (récession de 1,7 % en 2012). Ce taux est cependant en deçà des prévisions initiales fixées à 2,5 %.

L'économie serbe demeure marquée par un secteur primaire important : 10 % du PIB et 20 % de la population active. 5 millions d'hectares de terres arables resteraient cependant largement inexploitées, en l'absence d'investissements.

L'outil productif dont dispose la Serbie est, de son côté, vieillissant, le pays payant encore le prix des guerres de sécession qui ont déchiré la région : l'activité industrielle en 2013 atteint à peine 65 % du niveau qu'elle avait en 1989. Une remise à niveau partielle a, malgré tout, pu être opérée par le biais des investissements directs étrangers (IDE) dont le montant cumulé s'élève à 15 milliards d'euros depuis 2000. La production automobile (nouvelle usine FIAT) et énergétique (extension de la raffinerie de Panèevo) témoignent ainsi d'une certaine attractivité industrielle. Il reste que ces investissements demeurent encore à un niveau insuffisant - 3 % du PIB -, le rapprochement avec l'Union européenne constituant, cependant, un signe positif pour l'avenir. Pour l'heure, la Serbie semble manquer de relais de croissance, un seul chantier d'envergure étant en route, celui d'une usine Michelin.

Alors que la Serbie dispose d'atouts indéniables, de par sa position géographique ou la qualité de sa main d'oeuvre, elle souffre en outre de carences en termes d'infrastructures. La mise à niveau en la matière est estimée à 13 milliards d'euros par les autorités, certains observateurs évaluant néanmoins au triple le coût de ce rattrapage.

La nouvelle orientation économique serbe repose de fait sur la capacité du pays à attirer des investisseurs. La Serbie se tourne, à cet égard, vers les pays émergents à l'instar de la Russie (énergie), de la Chine (transports) mais aussi des Émirats (défense, agriculture). La compagnie aérienne nationale JAT airways s'est ainsi transformée le 1 er novembre 2013 en Air Serbia , la compagnie des Émirats arabes unis Etihad acquérant 51 % du capital de la société.

Les autorités ont également annoncé l'adoption de mesures destinées à consolider le taux de croissance et renforcer la sécurité juridique des investisseurs. Il en va ainsi de l'étude d'un allègement fiscal pour les entreprises, d'une refonte du Code du travail et d'une simplification des procédures de délivrance des permis de conduire. La Commission européenne a, de son côté salué les incidences économiques du plan national pour l'adoption de l'acquis. Le rapport de progrès cite ainsi la nouvelle loi sur les marchés publics et celle sur la comptabilité et les commissaires aux comptes.

Le pays peut s'appuyer sur un système bancaire liquide et bien capitalisé, dominé par les banques étrangères. L'établissement serbe, la Komercijalna Banka , demeure cependant la deuxième banque du pays.

2. Une situation financière difficile

L'ajustement budgétaire fait également figure de priorité pour les autorités alors que le déficit public s'établissait à 6,7 % fin 2012. L'objectif ambitieux de la loi de finances pour 2013 était de le circonscrire à 3,7 %. Le gouvernement tablait sur une augmentation des recettes (hausse de la TVA, des droits d'accises, de l'impôt sur les sociétés) et une réduction des dépenses portant exclusivement sur les salaires et les pensions publics (revalorisation inférieure à l'inflation).

Les mesures adoptées fin 2012 n'ont pas permis de parvenir à une réduction du déficit public, celui-ci étant même désormais estimé à 8 % du PIB. La baisse des revenus de l'État en 2013 s'est élevée à 1,2 milliard d'euros, soit 10 % du montant total des recettes de l'État. C'est dans ce contexte que le gouvernement a présenté, le 9 octobre 2013, un nouveau dispositif destiné à réduire à moyen terme le déficit public et plafonner le niveau de la dette publique. Le gouvernement table ainsi sur un ajustement budgétaire de 1,5 milliard d'euros d'ici à 2017, dont 690 millions d'euros dès 2014 en actionnant plusieurs leviers :

- La baisse des salaires au sein de la fonction publique : - 20 % entre 60 000 dinars (527 €) et 100 000 dinars (877 € mensuels), puis - 25 % au-delà. L'économie attendue est estimée à 150 millions d'euros par an, soit 0,3 % du PIB. Les salaires dans la fonction publique sont, à l'heure actuelle, en moyenne 30 % plus élevés que dans le privé ;

- La hausse du taux le plus bas de la TVA de 8 à 10 %, sauf en ce qui concerne les produits de première nécessité, ce qui représente une augmentation des recettes de l'État de 200 millions d'euros par an ;

- La diminution des aides aux entreprises publiques et la cession d'une partie d'entre elles, l'État espérant ainsi récupérer 300 millions d'euros. Une agence de privatisation a ainsi été créée, les 572 entreprises publiques devant lui fournir rapidement des données chiffrées sur leur patrimoine immobilier et foncier, leur situation comptable ou le niveau d'endettement. Différentes opérations sont envisagées : vente intégrale ou transformation en société d'économie mixte. L'État pourrait également alléger les cotisations sociales des employés de ses sociétés en cas de réinvestissement de ces sommes dans la modernisation de l'entreprise. Le recours aux partenariats public-privé devrait, par ailleurs, être encouragé ;

- La réduction de 10 % des prix d'achat sur les marchés publics, le gouvernement estimant pouvoir ainsi économiser 40 millions d'euros par an.

Ce dispositif est censé permettre de stabiliser la dette publique à environ 75 % du PIB en 2017. En l'absence de mise en oeuvre de ces mesures, le gouvernement estime que le déficit public devrait atteindre 9 % du PIB en 2016 et la dette publique 85 % du PIB à la même date.

À côté de ce programme d'austérité, le gouvernement entend lutter contre l'économie grise (travail non déclaré et contrebande de cigarettes). Il souhaite également mettre en oeuvre une refonte du régime des retraites. Les âges de départ des hommes (65 ans) et des femmes (60 ans) seraient ainsi rapprochés via une augmentation graduelle de celui des femmes qui devrait atteindre 63 ans en 2020. Le gouvernement n'entend pas pour autant remettre en cause le principe de l'indexation des pensions : un bonus de 0,5 % deux fois par an en 2015 et 2016 est ainsi envisagé si le taux de croissance dépasse 2 % au cours de ces exercices. Le PUPS, la formation qui représente les retraités, faisant partie de la coalition gouvernementale, une réforme en profondeur apparait délicate à mener.

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