B. INVESTIR DANS DES LOCAUX MODERNES SELON UN SCHÉMA D'INFRASTRUCTURE RATIONALISÉ

La question du stockage des archives est centrale pour l'activité (conservation, exploitation et communication des documents) du SHD. Elle conditionne ses besoins budgétaires. Le retard d'investissement a un coût important, budgétaire et opérationnel.

Il apparaît absolument indispensable d'établir un schéma directeur d'infrastructure, au besoin en détachant de manière provisoire les personnels compétents dont dispose par ailleurs le SGA. Ce schéma est rendu particulièrement nécessaire du fait de l'éclatement des sites, de la diversité des bâtiments et des besoins spécifiques du SHD.

Vos rapporteurs s'étonnent que des investissements relativement importants aient déjà été réalisés sans qu'un tel schéma n'ait préalablement été établi, comme par exemple la construction bâtiment « Castigneau 2 » de Toulon, qui a coûté 4,4 millions d'euros et sera rapidement insuffisant ou les travaux d'étanchéité d'une casemate de Vincennes, qui ont nécessité 1,7 million d'euros, sans que le résultat ne soit parfaitement satisfaisant.

En outre, de nouveaux investissements ont été décidés ou sont envisagés :

- la construction d'un magasin de stockage sur la base accueillant l'ETAP de Pau, distante de plusieurs kilomètres du CAPM, soit près de 5 millions d'euros ;

- le remplacement des fenêtres en bois d'un bâtiment du CAPM par des fenêtres à double vitrage et filtrage UV, pour 1 million d'euros ;

- la reprise de l'étanchéité d'une casemate à Vincennes pour 900 000 euros ;

- une extension des magasins de Brest pour environ 2 millions d'euros.

Une telle démarche comporte le risque d'une allocation sous-optimale des ressources et conduit à rigidifier la structure territoriale du SHD, les bâtiments neufs ou spécialement aménagés pouvant difficilement être abandonnés, même s'il apparaît ensuite que leur implantation ne correspond pas à l'organisation optimale du service.

L'élaboration du schéma directeur d'infrastructure doit aller de pair avec une réflexion sur l'organisation territoriale du SHD et l'intérêt d'une mutualisation des capacités de stockage.

Les deux autres grands services d'archives de l'État, les Archives nationales et la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères, ont fait le choix de quitter leurs locaux historiques pour s'installer dans des bâtiments neufs construits à cette fin.

Comme l'explique le ministère des affaires étrangères en réponse à des observations critiques de la Cour des comptes sur les conditions de la réalisation du site de la Courneuve, « la saturation complète des dépôts d'archives diplomatiques, les conditions très dégradées d'accueil des chercheurs, l'incongruité de maintenir au coeur du VIIème arrondissement de Paris des espaces de stockage d'archives expliquent que le ministère des Affaires étrangères ait recherché, pendant de nombreuses années, une solution de relocalisation de ses archives diplomatiques. Contrairement à ce qu'estime la Cour, un tel projet ne pouvait attendre quelques années de plus, sauf à considérer que l'État pouvait se satisfaire d'une dégradation des conditions de stockage, de préservation et de consultation de ses archives diplomatiques. »

Si les choix de financement et les conditions de réalisation de l'opération réalisée par le ministère des Affaires étrangères sont, pour certains de leurs aspects, contestés, notamment le recours à un partenariat public privé, la relocalisation des Archives diplomatiques a été très bénéfique sur le plan du service rendu au public et à l'administration, des conditions de conservation des fonds et des conditions de travail du personnel.

Le maintien des fonds dans des locaux inadaptés, demande des investissements ponctuels qui ne constituent pas une solution de long terme et est très consommateur en ressources, humaines comme budgétaires, notamment en raison des actions de conservation préventive et curative rendues nécessaires par la dégradation des fonds, pour un résultat final insatisfaisant.

La seule solution viable consiste en la construction de bâtiments modernes et fonctionnels, dont le coût de construction et les frais de fonctionnement peuvent être considérablement abaissés par un regroupement des archives en un nombre limité de lieux.

Une telle opération pourrait, pour une large part, s'autofinancer :

- grâce aux économies qu'elle permettrait de réaliser sur les dépenses de fonctionnement et, éventuellement, de personnel ;

- grâce au produit de la cession des bâtiments libérés, pour ceux d'entre eux susceptibles d'être mis en vente ;

- en se substituant aux investissements, d'une efficacité discutable, déjà prévus ou rendus inéluctables par l'état très dégradés des locaux utilisés par le SHD.

Elle est de toute façon absolument indispensable pour protéger d'une dégradation sinon inéluctable une part importante des archives publiques, dont la conservation constitue à la fois une obligation légale, un devoir moral à l'égard des générations futures et l'une des conditions essentielles de la continuité de l'État.

L'exemple de Toulon

Le site de Toulon pourrait paraître privilégié. Il a bénéficié d'investissements importants (dépôt construit dans les années 1980, dépôt « haute qualité environnementale » inauguré en 2011, mise aux normes « établissement recevant du public » de la salle de lecture en 2012). En outre, la maintenance a été externalisée pour un meilleur suivi.

Il se heurte pourtant à plusieurs difficultés, qui illustrent celles auxquelles est confronté le SHD de manière générale.

Certaines tiennent à la multiplicité des locaux. Pour le personnel, éclaté sur plusieurs sites, il en résulte une gestion complexe, qui entraîne des pertes de temps et un manque de synergie. De même, le délai de communication des documents s'en trouve ralenti (réponses à 48 h). Enfin, la maintenance est particulièrement lourde.

D'autres découlent de l'implantation des locaux, tous situés sur une base militaire en activité, et donc soumis à des obligations supplémentaires en termes de sécurité et de sureté (astreinte hebdomadaire selon planning, liens avec le poste de commandement de la base et le groupement des fusiliers marins, évaluations sécurités obligatoires...). La bibliothèque et les bureaux attenants, ouverts à la fois sur la ville et sur la base, nécessitent un sas de sécurité avec doubles alarmes. Entourée par la ville, la base navale ne peut s'étendre, ce qui rend particulièrement difficile tout projet d'extension des capacités d'archivage.

D'autres, enfin, viennent de la vétusté des locaux ou de leur inadaptation à la fonction qu'on veut leur faire remplir.

L'enclave du SHD dans la Corderie royale (bâtiment du XVII e siècle) abrite des magasins de bibliothèque d'une capacité de stockage de 2,767 kilomètres linéaires, une salle de lecture pour livres et archives de 40 places, et des bureaux. Ces locaux sont anciens, ce qui entraîne des problèmes de maintenance, de conservation préventive, de manque de stockage. Ils sont en outre éloignés des dépôts d'archives.

L'abri n° 11 consiste en un bunker de la seconde guerre mondiale, offrant une surface de stockage de 526 m 2 et servant de sas temporaire pour le matériel et les archives contaminées. Il est particulièrement vétuste et pose des questions quant à sa conformité aux normes de santé et de sécurité au travail.

Le dépôt d'archives « Castigneau 1 » (12 kilomètres linéaires d'archives), qui date des années 1980, est saturé. Son groupe aéro-réfrigérant est obsolète et présente des dysfonctionnements qui font peser un risque sur la conservation des fonds. Mal isolé, il est sujet à des hausses importantes du taux d'hygrométrie (jusqu'à 80 %), liées au climat méditerranéen et ne peut fonctionner sans un système de climatisation et de ventilation. Lors des pannes, la température en été avoisine rapidement 30 à 35 °C dans le bâtiment. Des problèmes importants de moisissures ont déjà conduit à la fermeture de certains magasins en raison des risques pour la santé du personnel.

Le dépôt « Castigneau 2 » (baptisé « Virginie Hériot » en mai 2012), installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), a une capacité de stockage d'archives de 13,5 kilomètres linéaires et offre des conditions de conservation très satisfaisantes. Il a cependant été sous-dimensionné pour des raisons financières, ne comporte ni locaux techniques ni locaux pour le personnel et se trouve disjoint du premier dépôt, ce qui accentue l'éclatement de la structure.

À l'évidence, l'élaboration d'un schéma directeur d'infrastructure doit s'accompagner d'une réflexion sur l'organisation territoriale du SHD.

Recommandation n° 4 : élaborer un schéma directeur d'infrastructure.

Recommandation n° 5 : privilégier la construction de bâtiments neufs.

Recommandation n° 6 : regrouper les archives sur un nombre réduit de sites.

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