C. LA PAUVRETÉ MONÉTAIRE

1. La pauvreté monétaire
a) La pauvreté monétaire relative

En France, en Europe et dans la plupart des pays développés, le nombre de personnes en situation de pauvreté est évalué sur la base des revenus des ménages et d'un seuil de pauvreté monétaire défini en termes relatifs, comme proportion - 60 % le plus couramment - du revenu médian de l'ensemble des ménages.

À défaut d'indicateur parfait, la pauvreté monétaire reste un indicateur de référence. C'est celui qui a servi de base à la plupart des données présentées ici.

Selon Julien Damon 50 ( * ) , le seuil de 60 % du revenu médian, retenu parce qu'il est proche du Smic, « ne correspond pas forcément à la perception qu'ont les Français de la pauvreté. » Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, renchérit : « On incorpore dans la pauvreté des situations sociales très diversifiées, qui vont de l'extrême dénuement aux milieux sociaux très modestes. Or, à force d'élargir le concept de pauvreté, celui-ci change de sens. Par ailleurs, comment peut-on justifier que le montant du revenu de solidarité active soit quasiment deux fois inférieur à ce seuil de pauvreté ? » 51 ( * ) . Pour Noam Leandri 52 ( * ) , la fixation d'un seuil à 60 % du revenu médian est « inappropriée » . Jusqu'à récemment, rappelle-t-il, la France utilisait le seuil de 50 % du revenu médian. Il souligne le risque qu'il y a, « à utiliser un indicateur large, de noyer et de décrédibiliser le message » . En effet, poursuit-il, avec une telle méthode de calcul, « on traite les personnes à la frange, à la lisière du seuil. Or il faut s'intéresser à la grande pauvreté, à la misère, donc aux personnes au-dessous du seuil de 50 % ou même de 40 % du revenu médian » .

Dans un ouvrage paru en 2007, l'économiste Alessio Fusco met en évidence un paradoxe intéressant : « D'un côté, les études approfondies autour du paradigme monétaire ont permis de faire des avancées conséquentes, et désormais bien établies, au niveau de sa mesure. Cependant, parallèlement aux progrès méthodologiques réalisés, des limites théoriques concernant les concepts sous-jacents à l'approche monétaire ont été avancées, entraînant le développement de théories alternatives. Ainsi, alors que la méthode d'analyse monétaire est aujourd'hui relativement bien en place, sa pertinence théorique dans le traitement des questions liées à la pauvreté et aux inégalités est montrée du doigt. Le paradoxe est que, d'un autre côté, bien que la multidimensionnalité de la pauvreté soit aujourd'hui largement reconnue d'un point de vue théorique, tout en souffrant de l'absence d'une méthode adéquate et reconnue de mesure, la plupart des travaux continuent de la mesurer de manière unidimensionnelle à partir du revenu ou des dépenses de consommation. » 53 ( * )

b) La pauvreté monétaire absolue

La pauvreté absolue désigne une situation dans laquelle les personnes ne disposent pas des biens et services de première nécessité - nourriture, eau potable, logement, habillement, accès aux soins - qui assureraient leur survie. Cet indicateur est utilisé par les pays en développement ainsi que par les États-Unis.

Le taux de pauvreté ancré dans le temps

En 2007, Nicolas Sarkozy, nouvellement élu Président de la République, avait pris l'engagement de faire baisser la pauvreté d'un tiers d'ici à la fin de son quinquennat. Fut alors mis en place un indicateur spécifique - le taux de pauvreté « ancré dans le temps » - qui privilégiait une mesure semi-absolue de la pauvreté, en se référant à un seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian en 2006, puis revalorisé chaque année pour tenir compte de l'inflation. Selon ses promoteurs, il était censé permettre de « mesurer les évolutions de la population vivant sous le seuil de pauvreté, indépendamment des variations année après année du revenu médian de la population » 54 ( * ) .

Alors que l'Insee présentait un taux de pauvreté monétaire relative passé de 13,1 % en 2006 à 13,5 % en 2009, le gouvernement annonçait un taux de pauvreté ancré dans le temps passé de 13,1 % en 2006 à 11,8 % en 2009. La hausse s'était transformée en baisse... Fortement contesté par les associations, cet indicateur fut par la suite abandonné.

2. La pauvreté au prisme des titulaires des minima sociaux

En 2011, un peu plus de 3,7 millions de personnes étaient allocataires de l'un des neuf minima sociaux 55 ( * ) . L'Observatoire des inégalités indique que, en comptabilisant les ayants droit, on recense plus de six millions d'individus qui vivent de telles allocations. Mais il souligne l'incidence de la législation sur le nombre de pauvres ainsi calculé, puisque un durcissement ou un allègement des règles peut le faire évoluer tant à la hausse qu'à la baisse.


* 50 Audition du 20 juin 2013.

* 51 Cité par le quotidien Le Monde , dans son édition du 11 décembre 2012.

* 52 Audition du 31 octobre 2013.

* 53 Alessio Fusco - La pauvreté : un concept multidimensionnel - L'Harmattan - 2007.

* 54 Rapport au Parlement : Suivi de l'objectif de baisse d'un tiers de la pauvreté en cinq ans - Ministère de la solidarité et de la cohésion sociale - octobre 2011.

* 55 Revenu de solidarité active socle, allocation aux adultes handicapés, allocation supplémentaire d'invalidité (personnes âgées), allocation de solidarité spécifique, allocation d'insertion ou allocation temporaire d'attente, allocation équivalent retraite, minimum vieillesse, allocation veuvage, revenu de solidarité (minimum social spécifique aux départements d'outre-mer).

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