Audition de l'Amiral Rogel, chef d'état-major de la Marine

M. Jeanny Lorgeoux, président et co-rapporteur du groupe de travail sur la maritimisation

Amiral, c'est un honneur et un plaisir de vous recevoir ici, dans cette salle qui vous est familière. Nous avons souhaité vous auditionner à deux titres : au titre du groupe de travail sur la maritimisation que la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a créé dans la perspective de la mise à jour du Livre blanc et de la loi de programmation qui suivra, et au titre de la délégation pour l'outre-mer, à laquelle nous avons souhaité ouvrir cette audition et qui travaille sur les enjeux des zones économiques exclusives.

Avant de céder la parole à nos collègues, je voudrais vous exposer l'état de notre questionnement.

Depuis que l'homme navigue, la maîtrise des mers est un facteur de puissance. Il semble cependant qu'avec la mondialisation nous ayons franchi une étape supplémentaire.

La division internationale du travail entraîne une extrême sensibilité de nos économies à la fluidité des échanges maritimes et renforce la nécessité d'assurer la sécurité et la libre circulation des navires aux abords de nos ports et dans les zones stratégiques que constituent les détroits.

La raréfaction des ressources terrestres conduira demain la France à exploiter le potentiel considérable des ressources de ses espaces maritimes et de leur sous-sol. Cette situation changera le visage de nos territoires d'outre-mer et modifiera les attentes des pouvoirs publics à l'égard de la Marine nationale, qui devra protéger et sécuriser ces ressources réparties sur un espace maritime considérable.

Mes premières questions sont d'ordre général : en quoi l'évolution des enjeux en termes de flux et de ressources a-t-elle déjà modifié le format, les équipements et les missions de la Marine nationale ?

La programmation est une affaire de long terme, les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) de type barracuda nous engagent jusqu'en 2065. Quelles sont les principales évolutions que vous anticipez dans l'organisation, le format et les missions de la Marine Nationale dans les 20 ans à venir ?

Amiral Rogel

Je vous remercie de m'accueillir pour partager avec vous ma vision des enjeux maritimes de la France. Je voudrais mettre en avant trois réalités.

La mer est, tout d'abord, pour la France, un espace de richesse et de prospérité qu'il faut défendre et protéger. Notre zone économique exclusive de 11 millions de km² représente vingt fois le territoire national. Enjeu majeur, elle est pleine de promesses et porteuse de richesses, du fait de la raréfaction des minéraux à terre et des progrès technologiques qui permettent désormais de prospecter à 4 000 mètres de profondeur. Les fonds du Pacifique recèlent des terres rares nécessaires à certaines industries, sans parler du pétrole au large de la Guyane, de l'hydrolien au large des Côtes-d'Armor ou, demain peut-être, des piles nucléaires.

Dans cette zone, la police des pêches et la protection des ressources doivent être assurées. En 2011, plus de 25 000 heures de mer et 400 heures de vol ont été consacrées à la police des pêches, 4 000 navires ont été contrôlés, 1 500 procès-verbaux dressés et 51 navires déroutés. Prenons l'exemple de la défense de la ressource en légine dans les terres australes : elle nécessite une surveillance satellitaire et la présence de bâtiments à la mer. Je n'oublie pas, ensuite, que 95 % de l'information intercontinentale passe par des câbles sous-marins : des équipes de protection embarquées protègent nos câbliers.

Première nécessité : nous devons consolider nos frontières maritimes et mieux définir nos espaces de souveraineté. 74 pays demandent actuellement l'extension de leur plateau continental, certains espaces maritimes, notamment Clipperton au large du Mexique ou les Îles Éparse autour de Madagascar, voient leurs frontières contestées. Il faut y affirmer sans cesse notre souveraineté.

Deuxième nécessité : nous devons être présents en permanence dans les espaces maritimes porteurs d'intérêts économiques. Si nous les désertons, des « voyous » des mers ne manqueront pas d'en piller les richesses. D'où la nécessité de disposer de forces de souveraineté pré-positionnées ; la présence d'un simple patrouilleur ne suffit pas à défendre nos intérêts. Je pense en particulier aux 2 millions de km² de nos aires marines protégées.

Ma deuxième conviction est que la mer est un lieu de passage et d'échanges qu'il faut sauvegarder et sécuriser. La mondialisation, c'est en fait la maritimisation du monde, avec l'explosion des flux maritimes. Aujourd'hui, 72 % des exportations et importations s'effectuent par voie maritime. Notre devoir de protection s'entend tout au long de leur acheminement et nécessite donc une surveillance en profondeur des approches maritimes. Des questions de sauvegarde et de sécurité se posent, par exemple dans le Pas-de-Calais par lequel 80 000 bateaux transitent chaque année. L'augmentation des tonnages est spectaculaire : dans les années 60, un porte-conteneurs pouvait transporter environ 2 000 « boîtes » (conteneurs de 20 pieds), alors que la génération qui sera livrée en 2013 pourra en transporter 18 000, l'équivalent d'un train de 250 km de long. Pour les grands paquebots, là où « le « France » transportait 3 000 personnes, le « Costa Concordia » en transporte 4 000. Enfin, l'Amoco Cadiz transportait 200 000 tonnes de brut, les pétroliers d'aujourd'hui 500 000.

Pour un trafic maritime qui se densifie et se concentre, il faut garantir la liberté de passage et d'accès, en particulier dans les sept points névralgiques qui sont des points de passage obligé : Panama, Suez, Bab-el-Mandeb, Ormuz, Gibraltar, Malacca et la Manche.

Mon deuxième constat est que la mer est utilisée par les trafiquants, avec une augmentation du niveau d'engagement et de violence. La piraterie se stabilise dans l'Océan Indien, avec une diminution du nombre d'actes, mais les inquiétudes montent dans le Golfe de Guinée. Notre participation à Atalanta, dans l'Océan Indien, demande des moyens. Les pirates sont de plus en plus violents. Une frégate est intervenue la semaine dernière pour aider un pétrolier. En 2011, 10 tonnes de drogue ont été saisies en Méditerranée et dans l'arc Caraïbe. Ces trafics nous obligent à avoir des moyens de haute mer : frégates porte-hélicoptères, présence de commandos, moyens de reconnaissance aérienne... Dans les Caraïbes, les trafiquants utilisent même des submersibles ; une simple présence côtière ne suffit pas.

Ma troisième conviction est que la mer est un espace de liberté et de manoeuvre qu'il faut maîtriser et occuper. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France est investie de devoirs particuliers dans le domaine de la sécurité et de la prévention des crises. Elle doit aussi assurer la sécurité de ses ressortissants partout dans le monde, en particulier sur le pourtour de l'Afrique. La mer est souvent, en temps de crise, le seul accès possible à un théâtre d'opération sans pénétration terrestre ou utilisation de l'espace aérien. Nous l'avons vu en Côte d'Ivoire, où nos bâtiments (en particulier notre BPC, bâtiment de projection et de commandement) positionnés au large d'Abidjan ont assuré une fonction de soutien logistique et de garantie de la possibilité d'évacuer nos ressortissants français. Toute autre solution terrestre aurait eu pour effet d'élever instantanément le niveau de la crise.

Le format de notre marine nationale est « juste suffisant » pour remplir toutes les missions qui lui sont dévolues, le cas échéant au prix de certains arbitrages. Nous avons besoin d'une permanence et d'une polyvalence de nos forces. L'écrasement du temps médiatique, politique et militaire est tel que, dès qu'une crise surgit, il faut instantanément jeter un dispositif à la mer. La présence de forces prépositionnées à la mer, à proximité des zones de crise, garantit cette rapidité d'action. Je rappelle qu'il faut 17 jours de navigation pour aller de France à Abu Dhabi : de tels délais ne sont pas compatibles avec la nécessité d'une réaction instantanée. La polyvalence des moyens est une exigence croissante puisqu'il nous faut pouvoir remplir tout à la fois des missions très diverses, comme la surveillance de la pêche au thon rouge, la gestion d'une crise internationale au large de la Libye ou du Liban, la lutte contre la piraterie dans l'Océan Indien ou encore la garantie de la liberté de circulation dans le Golfe arabo-persique. Le concept de FREMM (frégate multi-mission) prend tout son sens en apportant la polyvalence et la souplesse nécessaires. L'armement prochain, avec des missiles de croisière navals, ne fera que renforcer leur impact potentiel.

En conclusion, je voudrais souligner que l'organisation française de l'action de l'État en mer est un système interministériel performant, modèle envié par d'autres pays, qui a largement fait ses preuves et qui repose sur une autorité nationale, le secrétariat général de la Mer, et sur une autorité régionale, le préfet maritime, à forte capacité de gestion de crise. Il me semble aussi qu'une flotte de haute mer est essentielle pour protéger nos zones économiques exclusives. Les frégates de surveillance ou les patrouilleurs ne suffisent pas pour répondre aux nouveaux enjeux que sont la lutte contre l'immigration illégale ou la lutte contre les trafics de drogue.

Notre marine est juste dimensionnée à ses missions actuelles. Ma préoccupation porte sur la préparation de l'avenir et, en particulier, le renouvellement de la flotte. Nos frégates ont, pour certaines, plus de trente ans, nos patrouilleurs seront remplacés par des BATSIMAR (bâtiments de surveillance et d'intervention maritime), patrouilleurs hauturiers aptes à intervenir rapidement.

Notre zone économique exclusive est précieuse. 11 millions de km² et 18 frégates ; cela représente, à chaque fois, une frégate pour une portion égale à une fois la France. 30 000 hommes pour la deuxième puissance maritime mondiale et 65 millions d'habitants, cet ordre de grandeur ne me paraît pas excessif. http://www.senat.fr/senfic/revet_charles95062k.html

M. Charles Revet

Que recouvre exactement la zone économique exclusive française ? Où en est l'exploitation des nodules polymétalliques envisagée depuis plus de trente ans ? La pêche française ne couvre que 15 % de nos besoins en poissons et crustacés : les Îles Kerguelen disposent-elles d'un potentiel nous permettant d'améliorer ce taux ?

Amiral Rogel

Les 11 millions de km 2 de notre ZEE comprennent à la fois les zones de métropole et des départements et collectivités d'outre-mer. C'est la deuxième plus étendue après celle des États-Unis (12 millions de km²) et avant celle d'États comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne et la Russie (7 à 8 millions de km²).

Le changement climatique est susceptible de modifier les équilibres en ouvrant de nouvelles routes de passage au nord de la Russie et du Canada. Même si nous sommes encore au stade des promesses et pas encore de l'extraction, les nodules polymétalliques sont bien présents, notamment au large de Clipperton, dans le Pacifique, revendiqué également par le Mexique, où nous montrons régulièrement le pavillon national pour affirmer notre souveraineté. Mais la raréfaction des ressources à terre ouvre de nouvelles perspectives. La Chine possède 90 % des 17 terres rares nécessaires à des industries comme l'informatique ou les télécommunications. Certaines sont présentes en Polynésie, à Wallis-et-Futuna ou encore sur la faille Atlantique, sur laquelle la France a une revendication d'extension de son plateau continental. Les États émergents accroissent significativement leurs moyens maritimes. S'agissant des Kerguelen, le braconnage de la légine, qui mettait en danger son existence même, a été éradiqué en cinq ans, ce qui a nécessité la mise en oeuvre d'importants moyens d'intervention : surveillance par satellites, envoi de bâtiments quand nécessaire... http://www.senat.fr/senfic/trillard_andre01056v.html

M. André Trillard, co-rapporteur du groupe de travail sur la maritimisation

Quel est votre bilan des opérations Harmattan et Atalanta pour la marine ? En tirez-vous des enseignements pour la configuration de la marine nationale dans vingt ou trente ans ? Quelle est, enfin, votre position pour mieux assurer la sécurité des navires de commerce : une délégation au privé, à un privé qui serait « contrôlé » ou la dévolution de ces missions à la marine nationale ? http://www.senat.fr/senfic/antoinette_jean_etienne08072b.html

M. Jean-Étienne Antoinette, co-rapporteur de la délégation

À la suite du Livre blanc et de la loi de programmation, le nombre de frégates a été réduit de 18 à 11 : la marine peut-elle répondre à ses missions compte tenu de la baisse de ses moyens ? Quelle est votre réflexion sur la mutualisation des missions et, en particulier, sur le concept de navire « générique » ? Quelle stratégie avez-vous en matière de motorisation des navires pour permettre leur adaptation, en particulier aux ports d'outre-mer ? Enfin, lors d'une mission de la commission des affaires étrangères en Guyane en décembre 2010, nous avions pu constater que les outils de lutte contre l'orpaillage et le pillage halieutique n'étaient pas adaptés. Des mesures ont-elles été prises depuis ? http://www.senat.fr/senfic/tuheiava_richard08071a.html

M. Richard Tuheiava, co-rapporteur de la délégation

La Polynésie s'étend sur 5 millions de km 2 et, alors qu'il y avait auparavant 4 patrouilleurs P400, depuis 2010, les moyens de surveillance ont décru. La collectivité d'outre-mer la mieux dotée en espace maritime est aussi la moins protégée, et ce jusqu'en 2018 ! Quelle réflexion menez-vous pour aboutir à un éventuel accord avec les États de l'ANZUS États-Unis, l'Australie et Nouvelle-Zélande, pour une meilleure surveillance de ces zones ?

Amiral Rogel

La France est très présente dans l'opération Atalanta, dont elle vient de reprendre le commandement pour l'Union européenne. La zone d'intervention Atalanta représente quatre fois la France. Entre les opérations sous l'égide de l'Union Européenne et celles menées sous l'égide de l'OTAN, ce sont en fait 8 et 10 bâtiments qui sont concernés, avec une concentration en mer d'Arabie. La difficulté est d'ordre judiciaire : que fait-on des pirates qu'on attrape ? Lorsqu'ils sont pris en flagrant délit, ils peuvent être jugés en France en vertu d'accords avec les États riverains. La difficulté est plus grande pour les présumés pirates, prompts à effacer toute preuve, ce qui nécessite la mise en oeuvre préalable de moyens aériens pour établir la matérialité des preuves.

S'agissant d'Harmattan, opération qui s'est étendue sur 7 mois, elle a vu se déployer 27 bâtiments de la marine nationale, avec toutes les composantes : sous-marin nucléaire d'attaque, porte-avions, bâtiment de projection et de commandement, chasseur de mines. La marine a bien rempli sa mission. Les rares points d'amélioration possible concernent les bombes de précision à faible dommage collatéral, permettant un ciblage fin en zone urbaine, et les drones navals. Nous avons tiré 3 000 obus contre terre, ce qui n'était pas arrivé depuis Suez en 1956 ou le Liban en 1982. On peut se féliciter que cette capacité ait été conservée. Je note que la France était la seule dans l'Union européenne à disposer de l'ensemble des capacités d'intervention. À l'heure où les États-Unis regardent vers le Pacifique, quelle doit être la puissance maritime des États membres de l'Union Européenne ?

Pour assurer la sécurité des navires de commerce, la marine dispose de quinze équipes de protection embarquées (EPE) sur des bâtiments définis comme « stratégiques » par le Premier ministre, tels que les câbliers, les pêcheurs de thon ou les navires de recherche sismique. Ces EPE n'interviennent qu'en cas de légitime défense. Il n'est pas possible de protéger tous les navires. La position de l'état-major est donc celle d'une ouverture contrôlée aux sociétés militaires privées. Ce contrôle est impératif car une mauvaise maîtrise des règles d'engagement élèvera forcément le niveau de la violence.

Par rapport aux années 2000, où nous disposions de 25 frégates, nous sommes aujourd'hui ramenés à 18 frégates de premier rang : 11 FREMM, 5 frégates furtives de type La Fayette et 2 frégates de défense aérienne. Nous allons remplacer les patrouilleurs par 15 BATSIMAR. La frégate De Grasse datant de 1967 sera désarmée fin 2012. Les bâtiments de transport léger BATRAL seront remplacés par des bâtiments d'intervention et de soutien. Ma préoccupation est que le format actuel « juste suffisant » soit conservé à l'avenir.

En matière de mutualisation, le secrétariat général à la Mer travaille avec l'administration des douanes et la gendarmerie maritime, ce qui permet un bon partage de l'information et une mutualisation des moyens. La création d'un corps de garde-côtes ne me paraît pas une solution adaptée ; il y aurait des risques de doublons.

Le livre blanc de 2008 n'a pas particulièrement mis l'accent sur les moyens à déployer outre-mer. S'agissant de la Polynésie, la réduction des capacités est temporaire, puisque les BATSIMAR seront déployés à partir de 2017-2020 et que nos trois bâtiments multi-mission (BMM) seront adaptés au soutien dans les îles. Pour la Guyane, nous avons en effet réorienté les moyens vers deux patrouilleurs pour lutter notamment contre le pillage halieutique ; l'appel d'offres sera lancé d'ici peu en attendant l'arrivée des BATSIMAR. Enfin, la motorisation de ces derniers sera adaptée à la situation locale des DOM et des COM.

Commissaire en chef de première classe Thierry Duchesne

S'agissant des accords dans la zone du Pacifique, la France est membre des organisations régionales de pêche de la commission des pêches du Pacifique central et de l'organisation régionale des pêches du Pacifique sud. Elle agit dans le cadre de ces organisations et utilise pleinement les informations de certains forums régionaux tels le Forum Fisheries Agency (FFA), en matière de police des pêches, même si la France n'en est pas pour l'instant formellement membre. http://www.senat.fr/senfic/beaumont_rene04091m.html

M. René Beaumont

Quels seront les impacts concrets sur l'organisation maritime de la future exploitation des fonds marins ou encore des exploitations gazières ou pétrolières offshore ? Quel est l'état de la coopération militaire franco-britannique après les accords de Lancaster House ? http://www.senat.fr/senfic/vergoz_michel11025f.html

M. Michel Vergoz

Si notre format de marine est aujourd'hui « juste suffisant », qu'en sera-t-il dans 20 ou 30 ans ? Et pourrons-nous disposer d'une marine à la hauteur de nos ambitions économiques ? http://www.senat.fr/senfic/trillard_andre01056v.html

M. André Trillard

Qu'en est-il du deuxième porte-avions ? Quels sont vos rapports avec les industriels de la construction navale ? La sécurité des approvisionnements est-elle assurée en matière de munitions ? http://www.senat.fr/senfic/claireaux_karine11023d.html

Mme Karine Claireaux

Si la route du nord-ouest devait s'ouvrir, comment la France pourrait-elle y tenir sa place ? Le réchauffement climatique, inéluctable et dramatique, pourrait aussi offrir une opportunité.

Amiral Rogel

Les nouvelles activités en mer auront forcément des répercussions sur les missions de la marine. Par exemple, les nouveaux parcs éoliens dans la Manche entraîneront sans doute des demandes nouvelles en matière de surveillance et de moyens de remorquage. La France dispose d'un remarquable système de surveillance littorale, avec les CROSS et la chaîne sémaphorique sur laquelle certains s'interrogeaient il y a quelques années. On ne peut que se féliciter de la qualité de ces moyens de surveillance.

Les défenses française et britannique n'ont jamais été aussi imbriquées, de façon très opérationnelle, que lors de l'opération Harmattan. La coordination a été parfaite. Vous lisez comme moi dans la presse que le Royaume-Uni, qui a prévu de disposer de deux porte-avions en 2020, n'a pas encore fait le choix entre un système de catapultes - à l'instar du porte-avions français - ou des aéronefs à décollage vertical...

Le porte-avions français est aujourd'hui le seul en Europe. Si, demain, l'Union européenne veut une permanence de porte-avions à la mer et que le budget français ne permet pas de disposer d'un second porte-avions, cette puissance de projection permanente reposera sur l'existence d'un porte-avions britannique.

Le CJEF ( combat joint expeditionary force ) franco-britannique se déploiera en octobre dans un exercice de grande ampleur dénommé Corsican Lion, qui validera le concept et dans lequel de nombreux bâtiments, dont le porte-avions français et les bâtiments amphibies britanniques, seront déployés.

Sur les moyens « juste suffisants », il est clair que nos missions seraient plus faciles à mener avec davantage de moyens. Toutefois, en matière de défense, il faut un équilibre entre les ambitions et les moyens budgétaires disponibles. La marine est aujourd'hui adaptée à ses missions actuelles ; ma préoccupation porte sur le renouvellement de la flotte. Si l'on devait réduire le format, il faudrait réduire aussi les ambitions.

Notre industrie navale est très performante. C'est un outil précieux qui permet ainsi de disposer d'une capacité française d'excellence dans un domaine de souveraineté.

Pour la « route du nord-ouest », il est trop tôt pour donner des réponses définitives, même si on peut envisager un rééquilibrage des flux de circulation mondiaux d'ici quinze à vingt ans, quand il sera possible de passer de l'Europe à l'Asie en évitant les points obligés que sont aujourd'hui les détroits de Suez, Malacca ou Bab-el-Mandeb ; mais il est encore trop tôt pour dire quelles en seront les conséquences.

Les munitions couvrent un spectre très large pour la marine, qui va des torpilles aux bombes guidées laser. L'opération Harmattan a montré que nous avions des circuits d'approvisionnement solides : les torpilles sont françaises, l'artillerie est partagée avec l'Italie, qui en a assuré le réapprovisionnement, et les bombes sont sous circuit OTAN sécurisé. Je n'ai donc pas d'inquiétude en la matière. http://www.senat.fr/senfic/lorgeoux_jeanny11106f.html

M. Jeanny Lorgeoux

Merci Amiral de cet échange particulièrement intéressant.

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