ATELIER 4 - AUTONOMIE INSTITUTIONNELLE OUTRE-MER : DIVERSITÉ ET COMPLEXITÉ - Sous la présidence de Ferdinand Mélin-Soucramanien

Ferdinand Mélin-Soucramanien, Professeur de droit public à l'Université de Bordeaux - Autonomie institutionnelle outre-mer : diversité et complexité

Vous savez que nos outre-mer sont placés dans une perpétuelle instabilité institutionnelle. Ainsi, tandis que Mayotte vient vers la République, la Nouvelle-Calédonie est à un moment crucial de son histoire. Demain, le tribunal de première instance de Nouméa rendra ses premiers jugements sur les radiations de la liste électorale spéciale qui servira à élire le congrès, le 11 mai 2014. Ce même congrès devra décider d'organiser - ou non - un référendum d'autodétermination. Et s'il ne le décide pas, c'est le Gouvernement de la République qui devra l'organiser, même s'il préfèrerait que ce soient les élus eux-mêmes qui décident de leur part d'autonomie dans la République, à côté ou en dehors de celle-ci.

Vous savez aussi que notre droit des outre-mer dessine une sorte d'échelle de souveraineté. Aujourd'hui, La Réunion se trouve en bas de cette échelle. Toutefois, cela pourrait changer à la suite des récentes annonces du Premier ministre sur les conseils départementaux, qui risquent d'engager un chamboule-tout institutionnel. Il y a des prises de position politiques tout à fait intéressantes, y compris venant de la droite locale de La Réunion, traditionnellement attachée au statu quo. La Nouvelle-Calédonie se trouve quant à elle en haut de cette échelle.

Maude Elfort, Maître de conférences en droit public à l'Université des Antilles et de la Guyane - Autonomie et identités autochtones dans les Guyanes

Évoquer les Guyanes, c'est évoquer un ensemble de trois pays - le Guyana, la Guyane, le Surinam - couvrant 462 086 km² et regroupant une population de 1 665 640 habitants. Au plan politique, le Guyana et le Surinam sont de jeunes États, indépendants de la Grande-Bretagne depuis 1966 pour le premier, et des Pays-Bas depuis 1975 pour le second. La Guyane, pour sa part, est un département français régi par l'article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958.

C'est évoquer aussi un ensemble écologique inscrit dans le vaste territoire de l'Amazonie, espace qui se caractérise tant par la richesse de ses ressources naturelles que par la variété de ses peuples autochtones 294 ( * ) .

Les relations entre les États et leurs ressortissants autochtones ont longtemps été considérées comme une affaire intérieure relevant exclusivement de la souveraineté de l'État. À partir des années 1957, l'intérêt croissant pour la reconnaissance des droits autochtones, apparu avec le multiculturalisme américain et canadien, va déboucher sur l'internationalisation et la mondialisation des droits des peuples autochtones. Deux textes majeurs sont adoptés par l'Organisation internationale du travail (OIT), les conventions 107 295 ( * ) et 169 296 ( * ) . Ils sont complétés ensuite par des pactes relatifs aux droits économiques et sociaux. En 2007 enfin, l'adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones 297 ( * ) (PA) consacre la reconnaissance internationale de ces peuples. À l'échelle régionale, la Déclaration américaine des droits des peuples autochtones, adoptée en 1997 par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, constitue également un texte référent important, bien qu'elle n'ait toujours pas été adoptée par l'Organisation des États américains.

Si l'on se réfère aux statistiques publiées par Indigenous World et GITPA, les trois Guyanes compteraient plus de 100 000 autochtones : environ 9 000 en Guyane, 41 000 au Guyana et 50 000 au Surinam 298 ( * ) .

Longtemps, l'objectif des États des trois Guyanes a été l'intégration des autochtones dans la société nationale. Cette politique s'est généralement traduite par la dépossession de leurs terres et l'acculturation culturelle.

Aujourd'hui, ces États, à l'exemple de nombreux pays du continent américain, sont confrontés à la question de la reconnaissance de l'identité autochtone sur leur territoire 299 ( * ) . Les solutions apportées sont variées du fait qu'elles reflètent les différences de sensibilité des États des Guyanes.

Néanmoins, ces États partagent une même histoire et surtout ont en commun le texte référent en la matière, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA).

I. - Identités autochtones et ordre juridique interne : des modèles variés

Deux modèles sont à l'oeuvre au sein des États :

- le constitutionnalisme pluraliste qui se caractérise par la reconnaissance du multiculturalisme et la diversité culturelle ;

- le monisme juridique, fondé sur les principes de l'existence d'une source unique du droit - celui de l'État - et de l'égalité des citoyens devant la loi.

A. Le constitutionnalisme pluraliste : l'intégration de l'identité autochtone dans le droit constitutionnel du Guyana

La Constitution de la République coopérative du Guyana adoptée en 1980 ne dit mot sur les autochtones. Cette appréhension juridique au plus haut niveau de l'État se réalise avec la Constitution adoptée en 2001. Son préambule débute, en effet, par ces mots : « Nous peuples du Guyana, célébrons la diversité culturelle et raciale et renforçons notre unité en éliminant toute forme de discrimination ; Valorisons la place spéciale occupée dans notre Nation par les peuples autochtones et reconnaissons leurs droits en tant que citoyens à la terre, à la sécurité et à la promulgation de politiques pour leurs communautés. »

De cette proclamation inaugurale découle une nouvelle institution : la Commission des peuples autochtones (art 19 , C) qui s'accompagne, au niveau national, de la création d'un ministère des affaires amérindiennes.

Il faut ajouter que la loi amérindienne adoptée en février 2006 prévoit la mise en place d'un Conseil national des Toshaos réunissant les chefs des communautés autochtones 300 ( * ) et des conseils de villages chargés de gérer les affaires intérieures 301 ( * ) .

La constitutionnalisation de l'identité autochtone au Guyana constitue une incontestable avancée. En premier lieu, par rapport aux dispositions législatives antérieures, essentiellement celles de la loi amérindienne de 1976 qui ignoraient les droits culturels et linguistiques des amérindiens mais en revanche prévoyaient des pénalités pour possession d'alcool (art. 37). Ensuite, parce qu'elle a consacré la reconnaissance de titres de propriété foncière (déjà mentionnés par la loi de 1976) et contribué à la mise en oeuvre de programmes favorisant l'accès des autochtones aux soins de santé comme à l'enseignement primaire et secondaire.

Force est de constater cependant qu'au Guyana tous les documents officiels, publics ou commerciaux sont rédigés et diffusés en anglais, que l'ensemble des écoles n'utilisent que l'anglais comme langue d'enseignement et que, dans les médias, l'anglais demeure la langue de référence même si, aujourd'hui, elle est de plus en plus concurrencée par l'espagnol.

Ensuite, certaines décisions prises par les conseils de village sont soumises à l'approbation de l'État et si les communautés ont le droit de veto pour les activités minières à petite et moyenne échelle, seul le ministre des mines dispose d'un droit de veto s'agissant d'activités minières à grande échelle mettant en jeu l'intérêt du pays.

Enfin, si la législation vise à mieux protéger les droits fonciers des autochtones, on note aussi l'incompatibilité de ce processus avec d'autres utilisations des terres, notamment par les compagnies privées d'extraction minière ou d'exploitation forestière 302 ( * ) .

B. Le monisme juridique : l'absence de reconnaissance de l'identité autochtone en France et au Surinam

En France et au Surinam il faut constater, en revanche, que les droits positifs n'ont pas enregistré de la même manière l'influence du droit international des droits autochtones.

D'une part, l'égalité est l'un des fondements de la République française , comme le souligne l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 et comme le rappelle le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 mai 1991 sur le statut de la Corse, « le concept juridique de peuple français a valeur constitutionnelle ». Il en résulte que « la mention faite par le législateur du peuple corse, composante du peuple français est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion » 303 ( * ) . Et c'est bien ce qu'applique la France lorsqu'elle s'oppose systématiquement aux clauses des conventions qui tendent à reconnaître aux individus des droits spécifiques à raison de leur appartenance à une minorité. Quelques dispositifs contribuent cependant à favoriser cette autonomie en Guyane : décret du 14 avril 1987 relatif aux zones d'usage et dans lesquelles les autochtones peuvent pratiquer la chasse, la pêche et l'agriculture. Communes exclusivement composées d'amérindiens ou de bushinenge 304 ( * ) ; loi n° 2007-1720 du 7 décembre 2007 créant un Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge 305 ( * ) .

D'autre-part, l'égalité et la non-discrimination sont également au coeur du système constitutionnel surinamais ; l'article 8 énonce : « Tous ceux qui sont sur le territoire du Surinam ont un droit égal à la protection des personnes et des biens. Nul ne peut être l'objet de discriminations pour des raisons de naissance, de sexe, de race, de langue, d'origine religieuse, d'éducation, de convictions politiques, de situation économique ou de tout autre situation ». Il en résulte que les droits garantis sont essentiellement des droits individuels. Le droit surinamais ignore en effet la propriété collective. Seule la propriété individuelle est garantie et aucune disposition institutionnelle n'organise la reconnaissance du droit coutumier.

II. - Identités autochtone et ordre juridique interne : les nouveaux défis

A. L'impact, dans les droits positifs internes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones

On se souvient que le 13 septembre 2007, après plus de vingt ans de discussions, 143 pays, dont la France, le Guyana et le Surinam, ont voté en faveur de la déclaration. Celle-ci reconnaît dans son préambule le droit de tous les peuples d'être différents, de s'estimer différents et d'être respectés en tant que tels. Elle inscrit dans son article 3 le droit à l'auto-détermination des peuples autochtones, en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel 306 ( * ) .

Ce droit doit néanmoins être compatible avec le principe de l'intégrité territoriale et l'unité politique des États.

Sans doute, la déclaration marque un progrès notable car, avant elle, les seuls textes portant sur les droits des autochtones se limitaient aux conventions 107 et 109 de l'OIT. Mais il convient de rappeler que ce document, contrairement aux conventions de l'OIT, n'a pas en lui-même d'effet contraignant. Cela étant, on observera que cette absence de portée contraignante n'a pas empêché la Cour interaméricaine des droits de l'homme d'y avoir recours dans l'affaire Peuple Saramaka c./Surinam. En l'espèce, la Cour a considéré que le Surinam, en votant en faveur de la déclaration, avait expressément soutenu son article 32 en vertu duquel « la consultation ne doit pas être considérée comme une fin en soi mais doit permettre de respecter l'intérêt de ceux qui utilisent la terre ». Suite à cette décision, le Surinam a demandé le soutien du rapporteur spécial des Nations unies en vue de l'aider à mettre en place une nouvelle législation plus respectueuse des droits des peuples autochtones. On peut ajouter que la démarche entreprise par le peuple Saramaka a trouvé un écho auprès des amérindiens puisque l'organisation des peuples Kalina et Ikono a saisi la Cour interaméricaine d'une plainte contre le gouvernement du Surinam.

De son côté, le gouvernement du Guyana s'est engagé à accélérer le processus d'octroi des titres de propriété foncière communautaires et à adapter le cadre juridique national aux normes internationales relatives aux droits humains des PA. L'hypothèse de la ratification de la convention 169 de l'OIT est même envisagée.

Quant à la France , dans son énoncé appuyant la déclaration, elle a tenu à préciser « qu'en vertu du principe d'indivisibilité de la République, des droits collectifs ne peuvent prévaloir sur les droits individuels. Un traitement particulier peut cependant être accordé à des populations sur une base territoriale. Le droit à l'auto-détermination, tout comme les consultations et référendums locaux, évoqués dans les articles 3, 4, 19, 20 et 30 de la déclaration s'exercent conformément aux normes constitutionnelles nationales comme le prévoit l'article 46 de la déclaration. Enfin, l'article 36 concernant le droit des populations autochtones à entretenir des relations internationales se lit dans le cadre des normes constitutionnelles dans ce domaine. » Cette position a été réaffirmée en décembre 2013. À la question posée par le sénateur de la Guyane, M. Jean-Étienne Antoinette, au ministre des Affaires étrangères sur les raisons de l'absence de ratification par la France de la convention 169 de l'OIT, le ministre a rappelé le principe traditionnel de l'indivisibilité du peuple français et le refus de toute discrimination personnelle entre citoyens. Ce qu'il faut noter, ce n'est pas tant la réponse du ministre, au demeurant classique, mais le fait que pour la première fois l'interrogation émane d'un parlementaire guyanais.

En définitive, dans les trois Guyanes, l'impact de la déclaration demeure limitée : elle a certes permis l'organisation annuelle de « journées des peuples autochtones » 307 ( * ) qui contribuent incontestablement à la visibilité croissante des autochtones. Au plan juridique, comme l'ont démontré les affaires Cal c./Bélize 308 ( * ) et peuple Saramaka, elle peut servir de référence et être utilisée comme source de droit par les tribunaux nationaux pour interpréter les droits internes, mais tel n'a pas été le cas jusqu'alors.

En réalité, sa portée reste faible. En France, à la lumière de la position adoptée par le gouvernement en 2013, il est indéniable que celui-ci n'a pas l'intention de mettre en oeuvre la déclaration.

Au Guyana, il suffit de lire les rapports de l'ONU ou ceux d'Amnesty international pour constater que la situation des autochtones n'a guère évolué.

Au Surinam, la pétition des Amérindiens et des Noirs-marrons, en 2011, sur la reconnaissance de leurs droits collectifs sur le sol et le sous-sol s'est heurtée au refus catégorique du chef de l'État, Desi Bouterse 309 ( * ) , au motif que leurs revendications étaient « diamétralement opposées à la Constitution ».

Il faut dire que dans les trois Guyanes la reconnaissance de l'identité autochtone rencontre un certain nombre de contraintes.

B. Les contraintes à la reconnaissance de l'identité religieuse

D'abord, comme le souligne Henri Oberdorff, « le respect des droits de l'homme, surtout dans leur aspect droit de créances, dépend largement du niveau de développement économique et social des pays concernés. L'état de très grande pauvreté rend totalement irréaliste le respect de certains droits » 310 ( * ) . Or, le Guyana est l'un des pays les plus pauvres de la région. Environ 30 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Quant au Surinam, depuis 2004-2005, il est certes sorti de la catégorie des pays à faible revenu, cependant 27,5 % de la population vit encore dans la pauvreté.

Ensuite, la volonté des États de conserver la maîtrise du contrôle de leurs richesses naturelles au nom de leur indépendance économique. On sait que de nouvelles techniques d'exploration minière ont permis de découvrir au Guyana et au Surinam des gisements aurifères de grande envergure 311 ( * ) . Cependant, la plupart des projets d'exploitation se situent sur les territoires autochtones et relèvent du principe du consentement préalable, donné librement et en toute connaissance de cause par les autochtones 312 ( * ) .

Il faut encore ajouter le coût des politiques de reconnaissance des droits autochtones. C'est ainsi que si la création de conseils communautaires au Guyana et en Guyane plaide en faveur de l'identité autochtone, encore convient-il de veiller à ce que ces conseils disposent des moyens leur permettant d'assumer leur mission. Peut-on sérieusement reprocher au Conseil national des Toshaos « qui ne dispose que de fort peu de moyens financiers et logistiques » de peiner à promouvoir la reconnaissance et l'usage des langues amérindiennes ?

Enfin, les gouvernements doivent composer avec une opinion publique défavorable 313 ( * ) .

Par-delà les différences nationales, l'analyse de la situation des autochtones dans les Guyanes révèle l'existence de problématiques communes, de réalités socio-économiques contrastées et de questionnements juridiques identiques. Si les réponses apportées par les États sont variées, un constat s'impose : la prise en compte de l'identité autochtone représente aujourd'hui pour ces pays un défi important.

Olivier Gohin, Professeur de droit public à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), Directeur de l'Institut de préparation à l'administration générale (IPAG) de Paris - Approche comparée des autonomies polynésienne et calédonienne

Il y a, entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, une proximité qui tient à la situation de ces deux ensembles dans le Pacifique Sud et, tout à la fois, un éloignement qui tient à la distance de près de 5 000 kilomètres qui sépare Papeete de Nouméa. En considérant, par exemple, la transformation logique de chacun des deux pôles de l'improbable Université française du Pacifique, créée en 1987 314 ( * ) , en deux raisonnables Universités à part entière, celle de la Polynésie française et celle de la Nouvelle-Calédonie, depuis 1999 315 ( * ) , peut-on soutenir que c'est la distance qui l'a finalement emporté ?

On pourrait également mentionner, en ce sens, la vaste dispersion de la Polynésie française en une centaine d'îles 316 ( * ) , réparties en cinq archipels distincts sur une zone économique exclusive (ZEE) de près de 5 millions de kilomètres carrés 317 ( * ) , face à la forte concentration de la Nouvelle-Calédonie, entre une Grande Terre 318 ( * ) et quelques îles habités à l'Est et au Sud du « Caillou » 319 ( * ) , pour une ZEE de moins de 1 million et demi de kilomètres carrés, mais aussi la différence entre un peuplement d'origine polynésienne, ici, et un peuplement d'origine mélanésienne, là, l'absence de statut personnel dans un cas, l'existence d'un statut coutumier dans l'autre cas, l'importance du tourisme en Polynésie française, en particulier dans les îles de Tahiti, Bora-Bora et Moorea 320 ( * ) face à celle, toute autre, du nickel en Nouvelle-Calédonie qui en est le cinquième producteur mondial 321 ( * ) .

Mais, en même temps, il faut bien souligner l'origine commune de ces deux collectivités publiques 322 ( * ) dans la colonisation française, la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France remontant à 1853 alors qu'il faut attendre 1880 pour la formation des Établissements français de l'Océanie 323 ( * ) . Dès lors, c'est aussi ensemble qu'elles sont sorties, en 1946, du droit de la colonisation 324 ( * ) pour devenir alors, l'une et l'autre, deux nouveaux territoires d'outre-mer (TOM) 325 ( * ) , marqués, en particulier, par la loi-cadre Defferre du 23 juin 1956 : même tardivement, est enfin consacré le suffrage universel dans les Établissements français de l'Océanie (EFO), redénommés Polynésie française à partir de 1957, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie jusqu'en 1999.

Du reste, c'est de façon commune que la Nouvelle-Calédonie, depuis 1998 326 ( * ) , et la Polynésie française, depuis 2003 327 ( * ) , sont nommément citées dans la Constitution française, ce qui a pour objet et, en tout cas, pour effet de renvoyer vers le pouvoir de révision, et non vers le pouvoir législatif, la décision de leur indépendance, le cas échéant 328 ( * ) . Et, c'est bien avec un faible décalage dans le temps que se fait, le plus souvent, l'évolution statutaire, entre 1976 et 2004, de ces deux collectivités décentralisées, aux compétences de principe, l'une et l'autre, pendant une vingtaine d'années 329 ( * ) : aux statuts calédoniens de 1976 330 ( * ) , 1984 331 ( * ) et 1988 332 ( * ) répondent ainsi et donc correspondent les statuts polynésiens de 1977 333 ( * ) , 1984 334 ( * ) et 1996 335 ( * ) . Le président Gaston Flosse aura souvent marqué, d'ailleurs, son souci de toujours avoir la Nouvelle-Calédonie « dans son rétroviseur » 336 ( * ) , ce qui suppose que toute avancée sur le fond du droit de la décentralisation, dans l'outre-mer calédonien, soit, sinon concomitant, comme en 1984, du moins rattrapé et même dépassé, comme en 1977 ou en 1996, dans l'outre-mer polynésien.

À cet égard, la loi constitutionnelle de 1998 et la loi organique statutaire de 1999, en faveur de Nouméa, marquent une rupture décisive, au détriment de Papeete, depuis la suspension sine die , en janvier 2000, de la procédure de révision constitutionnelle relative à l'ex-futur article 78 nouveau, le président Gaston Flosse acceptant alors d'inscrire l'avenir institutionnel de la Polynésie française dans le cadre d'une nouvelle réforme constitutionnelle portant, notamment, sur l'article 74, celle en cours de préparation, à l'Élysée, à partir du printemps 2000, que la réélection du président Jacques Chirac, deux ans plus tard, allait rendre rapidement possible 337 ( * ) .

Sur fond de décentralisation territoriale, aussi variable soit-elle dans l'ensemble français, considérons, en droit positif, la convergence (I) et la divergence des autonomies, celle de la Polynésie française et, en contre-point, celle de la Nouvelle-Calédonie (II).

I. - La convergence des autonomies

C'est le monisme qui caractérise le droit français depuis 1946 de sorte que ce droit n'est plus régi que par des normes internes, qu'elles soient d'origine interne ou d'origine externe, mais internisées. Rapportée, à titre principal, au statut de la Nouvelle-Calédonie : celui déterminé par la loi organique du 19 mars 1999, et au statut de la Polynésie française : celui déterminé par la loi organique du 27 février 2004, cette construction permet d'identifier deux champs tendant à se superposer dans lesquels s'expriment la convergence de leur autonomie : le champ interne ( A ) et le champ externe ( B ).

A. La convergence dans le champ interne

La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie sont, quoique l'on en dise, deux collectivités territoriales de la République, comme le sont aussi les provinces de la Nouvelle-Calédonie, ce que la loi organique statutaire de 1999 dit, en revanche, expressément 338 ( * ) . Elles sont mentionnées, l'une et l'autre, au titre XII de la Constitution sans que la prescription, d'ailleurs au titre XII, qui prévoit, depuis 2003, que le statut de la Nouvelle-Calédonie est régie par le titre XIII 339 ( * ) , suffise à faire de cette collectivité une collectivité du titre XIII. En tant que collectivité territoriale du titre XII, la Nouvelle-Calédonie, comme ses provinces, est une collectivité à statut particulier, prévue à l'article 72, alinéa 1 er et régie par le titre XIII, sans doute - c'est-à-dire par l'article 77 - mais aussi, et surtout, par bien d'autres dispositions constitutionnelles 340 ( * ) et infra-constitutionnelles 341 ( * ) ; pour sa part, la Polynésie française est une collectivité d'outre-mer, régie par l'article 74, sans doute, mais aussi, et surtout, par bien d'autres dispositions infra-constitutionnelles 342 ( * ) .

Il est vrai que, sur cette base constitutionnelle, l'autonomie de ces deux collectivités décentralisées, fondées sur le principe de spécialité législative 343 ( * ) , est des plus poussées et qu'elle l'est plus encore, depuis la révision de 1998, à Nouméa qu'à Papeete. Et, du reste, le texte ou la jurisprudence peuvent s'en faire l'écho :

- le législateur organique lorsque, à l'article 1 er du statut de 2004, est retenue la notion de « pays », plus précisément de « pays d'outre-mer » 344 ( * ) , préféré, là aussi, à celle de « collectivité territoriale » ;

- le Conseil d'État lorsque, dans sa décision Genell e de 2006, est retenue la notion de « collectivité » 345 ( * ) , préférée à celle de « collectivité territoriale ».

Et, ne voit-on pas aussi des symboles distincts de ceux de la République française, tels qu'un drapeau, en Polynésie française 346 ( * ) comme en Nouvelle-Calédonie 347 ( * ) ?

Or, ces termes spécifiques de « collectivité » ou de « pays » sont inutiles et même nuisibles en tant qu'ils font perdre à la Constitution la cohérence qu'elle mérite de conserver : car, au regard de l'article 24, alinéa 4, de la Constitution selon lequel « le Sénat (...) assure la représentation des collectivités territoriales de la République », comment justifier, en droit, que la Nouvelle-Calédonie, comme la Polynésie française, soit représentée dans la haute assemblée ? Du reste, ces symboles, pour être officiels, ne remettent pas en cause, par eux-mêmes, le caractère unitaire de l'État français, tel que déduit de son indivisibilité 348 ( * ) .

Dès lors, comme il se doit, et selon le schéma proposé aux alinéas 3 et 6 de l'article 72 dont le Conseil constitutionnel exige, depuis 1982, la conciliation 349 ( * ) , les collectivités décentralisées, ici comparées, s'administrent librement dans les conditions que la loi, ici constitutionnelle et organique, détermine alors que, dans le même temps, le haut-commissaire de la République en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie 350 ( * ) , exerce sur place, en tant qu'autorité déconcentrée de l'État, le contrôle administratif que la Constitution lui confie, pour veiller, dans chacun de ces deux outre-mers français, aux intérêts nationaux et au respect des lois, compris comme le respect de la hiérarchie normative.

Il est vrai, toutefois, que ces deux mêmes collectivités décentralisées - et elles seulement - sont dotées d'exécutifs formant un gouvernement responsable devant le délibératif, composés de ministres, avec, depuis 2004 , un président de la Polynésie française comme chef de l'exécutif local, alors qu'en revanche, depuis 1999, cet exécutif est voulu comme collégial en Nouvelle-Calédonie. Pour autant, il a été jugé par le Conseil d'État, en 1992, que la nomination d'un ministre polynésien est un acte administratif 351 ( * ) . Et, la même solution prévaut pour l'élection des membres de l'exécutif calédonien dont le Conseil d'État, en 2001, aura également eu à connaître au contentieux 352 ( * ) .

Il est vrai aussi que, sous le contrôle du représentant de l'État, notamment, les assemblées délibérantes de chacune de ces deux collectivités décentralisées ont la possibilité de prendre - sous la même dénomination de « lois du pays », dans l'un et l'autre cas 353 ( * ) - des délibérations dans les matières, limitativement énumérées, de la loi, sous le contrôle de la tutelle et du juge : ce dispositif vaut pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie 354 ( * ) comme pour l'assemblée de la Polynésie française 355 ( * ) . Or, quoi de nouveau, sur ce point ? Cette compétence d'exception rejoint celle d'autres collectivités territoriales d'outre-mer (CTOM), comme jugé par le Conseil d'État, en 1970, au sujet d'une délibération de la chambre des députés du territoire des Comores 356 ( * ) . Elle n'ajoute rien au droit existant qui retient la même solution, du reste, pour les départements et régions d'outre-mer 357 ( * ) où l'autonomie, pourtant, est bien moins développée : la préférence territoriale, en effet, ne saurait y prévaloir, contrairement à ce qui prévaut tant en Nouvelle-Calédonie 358 ( * ) qu'en Polynésie française 359 ( * ) , même si le champ de l'exception constitutionalisée, en ce sens, n'est pas le même dans ces deux collectivités décentralisées, réserve faite des mesures en faveur de l'emploi de la population locale, calédonienne comme polynésienne.

Il est constant, néanmoins, que, sur une base constitutionnelle dans les deux cas, ces lois du pays, polynésiennes ou calédoniennes, sont d'une nature juridique différente les unes des autres et qu'elles sont soumises à un contrôle juridictionnel différent. Mais, dans l'un et l'autre cas, le contentieux, initié tant par voie d'action que par voie d'exception, se présente bien, en termes de procédure, comme un contentieux administratif, y compris pour les lois du pays calédoniennes 360 ( * ) : ce n'est pas la compétence du juge, en effet, qui détermine la nature de l'acte ou la qualification du contentieux.

B. La convergence dans le champ externe

Comme les collectivités territoriales de droit commun, et pour des raisons, à la fois géographiques et politiques qui ont fini par s'imposer, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont eu à s'insérer dans leur environnement régional, avec cette notable différence, par rapport à la coopération décentralisée, que cet environnement n'est pas fait seulement d'« autorités locales étrangères » 361 ( * ) , mais aussi d'États souverains, souvent de micro-États, comme ceux réunis, à titre principal, dans la Communauté du Pacifique (CPS) ou dans le Forum des îles du Pacifique (FIP) : au bénéfice de leur forte autonomie, les deux collectivités décentralisées sont ainsi membres à part entière de la Communauté, depuis 1947, et membres associés du Forum, depuis 2006 362 ( * ) .

Mais, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont également membres à part entière d'autres organismes régionaux, tels que le Programme régional de l'Environnement (PROE) 363 ( * ) , de l'Organisation du tourisme du Pacifique sud (SPTO) et le Programme de développement des îles du Pacifique (PIDP) et membres associés, entre autres, de la Commission des sciences appliquées de la terre du Pacifique sud (SOPAC), de l'Office international des épizooties (OIE) et de la Commission économique et sociale Asie-Pacifique des Nations Unies (CESAP) 364 ( * ) .

De plus, selon un dispositif initié pour la Nouvelle-Calédonie et basé sur une convention signée, en janvier 2012, entre l'État et la collectivité territoriale, des représentants des collectivités territoriales d'outre-mer peuvent être affectés au sein du réseau diplomatique et consulaire français afin de renforcer l'insertion des collectivités ultramarines étudiées dans leur environnement régional, assurer le suivi des actions de coopération régionale qu'elles engagent et représenter, voire défendre leurs intérêts dans la zone 365 ( * ) . Or, ce dispositif original est susceptible de s'étendre, de la même façon, aux autres collectivités territoriales d'outre-mer, dont la Polynésie française.

Pour autant, il ne s'agit pas, pour ces deux collectivités décentralisées, de créer leur propre réseau diplomatique, compétence qui relève exclusivement de l'État. En particulier, les statuts de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel, y font obstacle, l'un et l'autre, de la même façon :

- ainsi, l'État et la Nouvelle-Calédonie se voient attribuer compétence pour les « relations extérieures », selon un partage qui recoupe la distinction entre « relations internationales », de la compétence de l'État 366 ( * ) , et « relations régionales », de la compétence de la collectivité territoriale 367 ( * ) ; car, tant que l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie ne sera pas acquise, « les affaires étrangères », au titre des « compétences régaliennes » 368 ( * ) , resteront de la compétence exclusive de l'État ;

- de même, les représentations de la Polynésie française, au titre de ses « relations extérieures » 369 ( * ) , ne sont pas à caractère diplomatique 370 ( * ) , « la politique étrangère » restant de la compétence d'exception de l'État 371 ( * ) .

Le vocabulaire peut varier, la réalité est identique dans le Pacifique Sud : le régional aux deux collectivités décentralisées ; l'international à l'État unitaire.

Mais, dans le champ externe, il faut aussi prendre en compte la dimension européenne du droit français. Elle passe, semblablement, par l'application, depuis 1974, de la Convention européenne des droits de l'homme, en Polynésie française 372 ( * ) comme en Nouvelle-Calédonie 373 ( * ) , et, en revanche, par l'inapplication, depuis 1957, du droit communautaire, devenu, en 2009, droit de l'Union européenne : en effet, en droit positif, l'annexe II du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) du 13 décembre 2007 continue à placer ces deux « pays et territoires d'outre-mer » (PTOM) sous le régime spécial d'association, tel que prévu par ce traité, d'une part, dans sa quatrième partie, aux articles 198 à 204, et, d'autre part, à son article 355, § 2 374 ( * ) .

II. - La divergence des autonomies

Sur la base de fortes dispositions constitutionnelles, la libre administration des collectivités territoriales (art. 72, al. 3) est en correspondance avec leur autonomie, dans le cadre d'une République qui se veut démocratique (art. 1 er , al. 1 er ). Pour autant, le droit constitutionnel connaît les révisions explicites et admet les révisions implicites 375 ( * ) , mais aussi les législations statutaires, organiques ou ordinaires, dans le prolongement de la Constitution révisée, qui ont transformé progressivement le panorama des outre-mers français pour permettre - à ne considérer, ici, que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie - la diversité dans la décentralisation ( A ), mais aussi dans la démocratie ( B ).

A. La diversité dans la décentralisation

Force est de constater que plus la part du droit constitutionnel est forte dans le statut des deux collectivités étudiées, plus leur autonomie est grande, à la lecture des législations organiques qui les régissent, depuis 1992 376 ( * ) , en tant qu'elles sont issues, l'un et l'autre, d'un territoire d'outre-mer, sans davantage appartenir, désormais, à une catégorie constitutionnelle.

Quand la Polynésie française était encore un territoire d'outre-mer (TOM), elle est passée de l'autonomie « interne » : celle de la loi du 6 septembre 1984, à l'autonomie « renforcée » : celle de la loi organique du 12 avril 1996 qui aura permis d'aller aussi loin que possible dans la décentralisation territoriale des outre-mers de spécialité, hors Nouvelle-Calédonie, avant la révision constitutionnelle générale de 2003. Or, le dépassement de cette autonomie renforcée par la réforme du statut calédonien, en 1998-1999, et l'abandon, en cours de route, de la révision de rattrapage du statut polynésien, en 1999-2000, devaient conduire à reprendre le tout, par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, à l'article 74 nouveau de la Constitution, applicable, hors Nouvelle-Calédonie, aux collectivités territoriales d'outre-mer autres que celles de l'article 73, celles qui sont issues de la départementalisation initiale ou qui l'ont rejointe depuis lors 377 ( * ) .

Dans le cadre du statut propre à chaque collectivité d'outre-mer (COM) de l'article 74 (al. 1 er ), s'ajoutent aux éléments de base (al. 2 à 6 et 12) les éléments dits de « l'autonomie » (al. 7 à 11) : ceux d'une autonomie que l'on pourrait dire « sur-renforcée », comme la Polynésie française - et elle seule - les connaît, réunis dans le second statut d'autonomie qui la régit, depuis la loi organique, plusieurs fois modifiée, du 27 février 2004.

Le jeu subtil des qualificatifs pour marquer la nette amplification, sur vingt ans, de l'autonomie locale, à Papeete, ne doit pas tromper. C'est dans le cadre de la décentralisation territoriale d'un État qui est et qui reste unitaire, que cette autonomie de la Polynésie française aura été progressivement renforcée. Le droit des collectivités territoriales est donc, ici, en présence d'une institution encore et toujours administrative dont les autorités et les actes sont administratifs, y compris les lois du pays polynésiennes, comme cela résulte, de façon implicite, mais nécessaire, de l'alinéa 8 de l'article 74 de la Constitution relatif au « contrôle juridictionnel spécifique » du Conseil d'État 378 ( * ) .

En est-il de même de la Nouvelle-Calédonie, depuis l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, publicisé et constitutionnalisé la même année, et la loi organique statutaire, plusieurs fois modifiée, du 19 mars 1999 ? La réponse qui s'impose - on avoue avoir longuement hésité - est non. Cette autonomie est administrative bien entendu, en tant que les autorités et la plupart des actes sont aussi administratifs. Mais, elle a aussi une finalité et une dimension politiques qui ne doivent pas être méconnues et qui donnent à cette autonomie un caractère politique qu'il faut savoir reconnaître :

- il y a finalité politique de la décentralisation, construite sur l'oxymore d'une « souveraineté partagée », même si l'accord de Nouméa vient rapidement dire, avec prudence, que « le partage des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée » 379 ( * ) . Cette finalité politique repose sur le caractère transitoire des dispositions du titre XIII nouveau, dans l'attente d'une autodétermination locale qui doit être bientôt organisée 380 ( * ) , sauf à envisager, comme en 1998, un nouveau tour de passe-passe pour éviter une et, peut-être, deux consultations sur la question de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie 381 ( * ) , dénommée « pleine souveraineté » ou « complète émancipation » 382 ( * ) ;

- il y a aussi dimension politique de la décentralisation en tant que les lois du pays polynésiennes ne sont pas des actes administratifs puisqu'elles ont « force de loi » 383 ( * ) , sans être, pour autant, des lois, faute d'être en forme législative 384 ( * ) . Le congrès peut bien être présenté comme un corps politique 385 ( * ) , il n'est pas et ne peut pas être une assemblée parlementaire 386 ( * ) ; le contentieux des lois du pays calédonienne peut bien ressortir à la compétence du Conseil constitutionnel, par voie d'action 387 ( * ) ou par voie de question prioritaire de constitutionnalité 388 ( * ) , cela ne suffit pas à faire des lois du pays des lois à part entière ; telle juridiction administrative territoriale a pu dire qu'une loi du pays calédonienne était bien une loi 389 ( * ) , c'est là une décision d'espèce qui se heurte à des faits têtus : les lois du pays sont des règlements non administratifs qui relèvent du contentieux constitutionnel, en application d'un dispositif exprès, à cet effet, consacré par le pouvoir de révision, en 1998, du moins par voie d'action 390 ( * ) .

Il est donc possible d'évoquer, à Nouméa, une décentralisation, pas seulement administrative, mais politique qui ne suffit pas à constater un fédéralisme asymétrique, mais qui fait de la France un État autonomique dans cette seule hypothèse de la Nouvelle-Calédonie, nettement différenciée, sur ce point, de la Polynésie française. Pour autant, le moindre des paradoxes est que cette décentralisation politique ne s'accompagne pas de la démocratie politique.

B. La diversité dans la démocratie

L'autonomie locale est une liberté publique au coeur de la démocratie politique. Qui ne comprend ce que la diversité peut avoir de choquant quand elle se rapporte, en France, à une même démocratie politique, basée indistinctement, d'abord et surtout, sur le caractère universel du suffrage, tel qu'il aura fini par s'imposer tardivement, en 1944-1945 391 ( * ) ? La diversité de la démocratie oppose, en effet :

- d'une part, le suffrage universel en Polynésie française, celle qui prévaut à toutes les élections ou consultations organisées dans la collectivité, sans exclure, le cas échéant, le référendum local ou la consultation d'autodétermination de l'article 53, alinéa 3 de la Constitution ;

- d'autre part, le suffrage restreint en Nouvelle-Calédonie, propre à satisfaire une revendication des indépendantistes, principalement kanaks, appuyée sur la violence armée ou sur la menace du retour à la violence armée 392 ( * ) et dissimulée derrière le paravent de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie.

Sans doute, une telle restriction du suffrage ne vaut pas pour les élections ou consultations nationales, comme les présidentielles ou les législatives ou les référendums qui impliquent tous les nationaux français ; elle ne vaut pas davantage pour les élections municipales ou européennes où l'exclusion de non-nationaux français heurterait de front le droit de l'Union européenne 393 ( * ) . Elle vaut, en revanche, pour les élections provinciales et donc du congrès 394 ( * ) et aux référendums d'autodétermination de l'article 77, dans l'idée d'essence politique, c'est-à-dire dans l'idéologie que ces élections ou consultations qui ne concernent pas les non-nationaux français, ne sauraient inclure tous les nationaux français sur le territoire calédonien.

Ainsi, une durée de domiciliation de dix ans était déjà requise, par le statut de 1988, pour pouvoir se prononcer sur l'autodétermination en 1998, le caractère référendaire de la loi ayant alors permis, de façon peu glorieuse, d'échapper à une décision certaine d'inconstitutionnalité. Et, une fois cette consultation escamotée, à l'échéance acquise, en 1998, contre la volonté exprimée du peuple français, la même restriction du suffrage sera reprise, dix ans plus tard, mais par le biais d'une révision constitutionnelle rendue nécessaire par le choix de la voie parlementaire fait :

- d'abord, pour consulter, en 1998, les populations calédoniennes sur l'accord de Nouméa au suffrage restreint (art. 76) ;

- puis, pour élaborer une loi organique statutaire qui prévoit ce suffrage restreint à deux occasions :

. d'une part, le suffrage restreint aux élections provinciales et donc du congrès, à partir de mai 1999, conformément à cet accord 395 ( * ) et à la Constitution révisée, en 1998, et, d'ailleurs, re-révisée, sur ce point, en 2007 (art. 77) 396 ( * ) , et donc, pour la prochaine fois en date, en mai 2014 : le nombre des exclus du suffrage universel qui était déjà de 19 200 en 2009, dont 17 650 dans la province Sud, soit 18 % des électeurs, va mathématiquement augmenter encore, à cette échéance électorale. Or, sur le fondement prétendu d'une jurisprudence récente de la Cour de cassation 397 ( * ) qui s'oppose tout de même à la rétroactivité de la loi constitutionnelle du 23 février 2007 et donc à la remise en cause, jusqu'à cette date, du tableau annexe glissant 398 ( * ) , que peut-on entendre, depuis quelques semaines, à Nouméa, malgré le vague démenti du Premier ministre 399 ( * ) et la sage prudence des commissions administratives spéciales ? La demande, à cor et à cri, de l'un des principaux dirigeants indépendantistes, Roch Wamytan, signataire de l'accord de Nouméa et président du congrès, en faveur de la radiation de la liste électorale spéciale de plus de 5 600 non kanaks 400 ( * ) et l'inscription sur cette liste de près de 1 700 kanaks : voilà où l'on en est, de façon préoccupante et même dangereuse, un mois avant les provinciales du 11 mai 2004, alors que les tribunaux de première instance vont statuer et que la Cour de cassation, en définitive, va avoir à dire, à nouveau, un droit si étrange 401 ( * ) ;

. d'autre part, le suffrage autrement restreint au référendum d'autodétermination 402 ( * ) , à organiser, une fois au moins, à partir de mai 2014, à une échéance indéterminée, mais certaine la première fois, en tout cas à droit constitutionnel constant, tel que défini par ce même accord 403 ( * ) et par la Constitution révisée, en 1998 404 ( * ) .

En conclusion , on dira, pour paraphraser Shakespeare, qu'il y a quelque chose de pourri dans le statut de la Nouvelle-Calédonie dès lors que la décentralisation politique ne s'accompagne pas de la démocratie politique. On ne saurait être et demeurer, dans l'ensemble français, à n'importe quel prix. Et le prix du suffrage universel, le premier des droits de l'homme, est un prix bien trop élevé à payer pour pouvoir rester français quand on est opposé à l'indépendance. Expliquer la restriction du corps électoral par le fait que l'accord de Nouméa mettrait fin à la colonisation, ce qui est une lubie, et donc au peuplement, ce qui est une menace, augure fort mal des conditions de la sortie d'un faux accord qui n'est pas un facteur de paix civile, mais de division sociale, sur fond de communautarisme, sinon d'ethnicisme 405 ( * ) , et d'exclusion. On dira même qu'à de telles conditions, l'indépendance de la Kanaky est préférable au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans ce qui, sur place, n'est plus la République.

A contrario, la sortie du provisoire, le plus tôt possible, par un référendum nécessaire et probable de rejet de l'indépendance - un seul suffira - devrait impliquer une révision constitutionnelle de nature à remettre en cause les révisions de 1998 et de 2007 afin de permettre à la Nouvelle-Calédonie de retrouver le suffrage universel, à titre principal 406 ( * ) et en toute hypothèse 407 ( * ) . Qu'alors, dans une décentralisation redevenue administrative, pas simplement administrative dans cet outre-mer non départementalisé 408 ( * ) , mais administrative quand même dans une collectivité territoriale, la Nouvelle-Calédonie conserve son statut particulier ou qu'elle s'inscrive dans le cadre de l'article 74, peu importe : en droit positif, c'est l'autonomie de la Polynésie française qui, pour les républicains, est l'exemple à suivre ; c'est l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie qui, pour les démocrates, est l'anomalie à dénoncer.

Véronique Bertile, Maître de conférences en droit public à l'Université de Bordeaux - Statut, institutions et ressources humaines : le cas de La Réunion

Le droit applicable à l'outre-mer a évolué vers plus d'autonomie, notion centrale aujourd'hui. En reprenant tout ce qui a été dit depuis ce matin, cette autonomie, quel que soit le qualificatif qu'on lui attribue - administrative, financière - et sans entrer dans les querelles notionnelles, s'entend comme une plus grande marge de manoeuvre laissée aux collectivités territoriales, dans une optique de développement économique et social.

Les réformes qui ont concerné l'outre-mer sont néanmoins marquées par une grande oubliée, une grande absente : la fonction publique. Et dans une réflexion qui porte sur l'autonomie locale, je ne fais pas allusion à la fonction publique d'État - bien que certaines problématiques se posent - mais plus précisément bien sûr à la fonction publique territoriale. Cette précision apportée, il faut immédiatement en apporter une autre : ce que j'entends par « fonction publique territoriale ». Le parti a été pris d'embrasser la définition la plus large possible afin d'y inclure, quel que soit leur statut (droit public, droit privé), tous les agents employés par les collectivités territoriales. En somme, les ressources humaines des collectivités territoriales, pour reprendre l'expression retenue et proposée par les organisateurs de ce colloque.

Cet « oubli » de la fonction publique territoriale dans les réformes qui ont touché l'outre-mer ne peut que susciter la perplexité quand on sait l'importance de la fonction publique territoriale dans les économies ultramarines. Les données sont connues et ont été évoquées plusieurs fois aujourd'hui : les sociétés d'outre-mer sont caractérisées par un taux de chômage élevé et le secteur privé y étant peu développé, la pression se fait plus forte sur l'emploi public. Dans un tel contexte, la fonction publique territoriale est, dans les outre-mer, un sujet d'une grande importance économique et sociale, pour trois séries de raisons au moins :

- par les emplois nombreux ;

- par les revenus distribués ;

- par les services rendus à la population.

Cette fonction publique territoriale se caractérise par la précarité des emplois 409 ( * ) outre-mer de façon encore plus prégnante qu'ailleurs. Du rapport Ripert au rapport Laffineur 410 ( * ) , de nombreuses mesures ont été proposées mais n'ont pas trouvé d'écho.

Cette importance de la fonction publique territoriale outre-mer révèle la complexité des enjeux et atteste que son absence des réformes n'est pas anodine. Ce silence est aujourd'hui assourdissant : la situation outre-mer est préoccupante, urgente et la politique de l'autruche n'est plus possible. À l'heure de l'autonomie, on ne peut plus faire l'économie d'une réflexion approfondie devant aboutir à une réforme du système en place. Le goulot d'étranglement que constitue l'emploi public local outre-mer obère toute marge de manoeuvre des collectivités locales.

Bien que partageant des traits communs, les fonctions publiques territoriales outre-mer présentent chacune des problématiques qui leur sont propres et qui tiennent à la singularité de leur situation. Immanquablement néanmoins, La Réunion est citée en exemple - ou plutôt devrais-je dire en contre-exemple. Région de France au taux de chômage le plus élevé - où il avoisine les 30 % -, La Réunion a une fonction publique territoriale qui se caractérise aujourd'hui encore par une proportion importante d'agents non titulaires, alors que ce n'est plus le cas des autres DOM qui tendent à s'aligner sur les chiffres nationaux.

La Réunion étant l'outre-mer qui tient le plus à rapprocher son statut du droit commun, faut-il faire un parallèle entre la situation de la fonction publique territoriale à La Réunion et le statut de l'île ? Dans une optique de développement économique et social, le statut tel qu'il est appliqué à La Réunion permet-il une gestion des ressources humaines efficace ?

Au gré des réformes accordant toujours plus d'autonomie aux outre-mer, La Réunion s'est astreinte à rester le plus possible dans le droit commun, en refusant dans un premier temps la procédure du congrès, puis la possibilité de dérogation législative et en n'usant que très peu des possibilités d'adaptation offertes par l'article 73 de la Constitution dont elle relève. Pour l'anecdote, je rappellerai qu'un député de l'île avait même demandé à sortir La Réunion de l'article 73, l'article 72 lui paraissait alors suffisant. On peut légitimement se demander dans quelle mesure cette position, cette crispation statutaire n'est pas contre-productive pour le développement économique et social de l'île.

En effet, on ne peut que constater que le statut de l'île, tel qu'il est appliqué aujourd'hui, ne permet pas une gestion des ressources humaines efficace. La fonction publique territoriale réunionnaise est pléthorique et chère (I) ; elle doit être réformée pour permettre aux collectivités locales une gestion maîtrisée des ressources humaines (II). Et pour cela, nul besoin de changer de statut puisque l'article 73 le permet.

I. - Une fonction publique territoriale pléthorique et chère

La fonction publique territoriale réunionnaise se caractérise par un sur-effectif (A) qui reflète un contexte économique et social dégradé.

A. Pléthorique

Effectif de la fonction publique territoriale outre-mer (tous statuts confondus)

Collectivités

Nombre d'agents

Taux d'administration

La Réunion

35 000

4,26 %

Martinique

17 300

4,39 %

Guadeloupe

15 100

3,74 %

Polynésie française

12 619 (7 956 FPT, 4 663 FPC)

4,7 %

Nouvelle-Calédonie

9 261

3,77 %

Guyane

8 000

3,49 %

Mayotte

7 912

3,72 %

Saint-Martin

864

2,34 %

Saint-Barthélemy

190

2,12 %

Total

97 046

National

1 921 200

2,8 %

La fonction publique territoriale dans son ensemble compte 1,9 millions d'agents, tous statuts confondus. Outre-mer, elle compte 97 000 agents, soit 5 % de la fonction publique territoriale globale. Dans les DOM (Mayotte inclus), elle compte 83 000 agents. À La Réunion, l'outre-mer le plus peuplé, la fonction publique territoriale emploie 35 000 agents.

Le taux d'administration, qui se définit comme le rapport entre les effectifs employés par les collectivités territoriales et la population totale, est de 2,8 % au niveau national, alors qu'il est de 3,8 % outre-mer. Cela fait 1 agent pour 34 habitants au niveau national, 1 agent pour 24 habitants dans les DOM, ratio que l'on retrouve à La Réunion. Ce n'est donc pas sur le nombre d'agents que La Réunion se distingue des autres DOM.

La fonction publique territoriale réunionnaise pèse en pourcentage du total des emplois : la proportion entre la fonction publique territoriale et la population active est supérieure à celle de la métropole et à celle des autres DOM (Mayotte exclue) : 7,9 % en métropole, 13 % en Guadeloupe, 14,3 % en Martinique, 15,9 % en Guyane et 17,7 % à La Réunion.

Pour le dire autrement, un travailleur sur cinq à La Réunion est un agent d'une collectivité territoriale. Il faut toutefois relativiser la comparaison entre l'outre-mer et la métropole dans la mesure où le secteur privé est peu développé outre-mer.

La structure institutionnelle de la fonction publique territoriale repose sur la catégorie juridique de l'employeur et renvoie à la répartition par type de collectivités. La fonction publique territoriale se caractérise par un grand nombre d'employeurs publics locaux : la région, le département, les communes mais aussi les établissements publics.

La Réunion

Communes

63 %

Département

15 %

Région

4 %

Autres

18 %

Autres : établissements publics départementaux (1 %), SDIS (3 %), CCAS et caisses des écoles (8 %), EPCI (6 %).

Les collectivités territoriales à La Réunion sont les principaux pourvoyeurs d'emplois sur leurs territoires : elles ont un rôle social ( « buvard social » ). La pression s'est faite particulièrement forte sur les maires, qui ont embauché de nombreux agents contractuels (1) et qui recourent massivement aux emplois aidés (2).

1. Une proportion élevée d'agents non titulaires

La proportion d'agents non titulaires de la fonction publique territoriale outre-mer est supérieure à la moyenne nationale (32,5 % contre 20 %). Mais nulle part outre-mer cette proportion n'est supérieure à celle des agents titulaires, à l'exception de La Réunion.

En Guadeloupe : seulement 10 % de non titulaires parmi les agents territoriaux (89% titulaires), ce qui place la Guadeloupe bien en-deçà de la moyenne nationale. Ce faible poids est dû à une forte vague de titularisations qui a eu lieu suite aux mouvements sociaux des années 1998-1999. Auparavant les agents non titulaires représentaient 45 % des effectifs.

À Mayotte : 20 % de non titulaires (51 % titulaires, 30 % d'emplois aidés), ce qui place Mayotte dans la moyenne nationale.

En Guyane : 26 % non titulaires (72 % titulaires).

En Martinique : 36 % de non titulaires (62 % titulaires).

À La Réunion : 58 % non titulaires (42 % titulaires). La plus grande part des personnels non titulaires sont des « journaliers », « intégrés » ou « reclassés », catégories spécifiques à La Réunion.

Les « journaliers » sont des agents d'exécution recrutés de façon informelle et rémunérés sur la base du travail quotidien effectué.

2. Le recours aux emplois aidés

La Réunion se distingue aussi par le nombre important d'emplois aidés. Au niveau national, les emplois aidés représentent 3,3 % des effectifs de la fonction publique territoriale. 78 % d'entre eux travaillent dans une commune ou un établissement communal. Plus la taille de la commune diminue, plus la part des emplois aidés est importante : ils représentent 14 % des effectifs dans les communes de moins de 1 000 habitants contre seulement 1 % dans celles de plus de 100 000. C'est donc bien d'abord dans les petites communes que l'on retrouve un recours important aux emplois aidés. Or, l'outre-mer compte bon nombre de « petites » communes.

Selon l'étude du CNFPT 411 ( * ) , on constate une sur-représentation des emplois aidés dans les collectivités et établissements publics territoriaux de La Réunion, du Nord-Pas-de-Calais, de la Guyane et de la Martinique. La présence du Nord-Pas-de-Calais atteste qu'il ne s'agit pas uniquement d'une spécificité ultra-marine. Selon les derniers chiffres, la proportion d'emplois aidés serait de 2,6 % en Guadeloupe, 5,8 % en Martinique, 11 % en Guyane et 18,6 % à La Réunion. Elle atteint 30 % à Mayotte.

Ce recours aux emplois aidés a une importance telle outre-mer qu'il a été conforté par le législateur, comme l'atteste l'exemple des contrats « emplois-jeunes ». Alors que le dispositif a été supprimé en métropole, il a été prolongé pour les contrats conclus avec des collectivités territoriales ou des établissements publics des DOM et de Saint-Pierre-et-Miquelon pour une période de 36 mois maximum au-delà de la durée fixée initialement, par une circulaire du ministère de l'outre-mer validée par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer 412 ( * ) .

B. Chère

Pléthorique, la fonction publique territoriale à La Réunion est également chère. Les compléments de majoration prévus initialement pour la fonction publique d'État 413 ( * ) ont été étendus à la fonction publique territoriale. Ils sont plus élevés à La Réunion que dans les trois autres DOM. Alors que la rémunération des fonctionnaires est majorée de 40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, elle l'est de 53 % à La Réunion.

Cette « prime de vie chère » est composée de trois éléments :

- une majoration de traitement de 25 %, instituée par la loi du 3 avril 1950 ;

- un complément temporaire à la majoration de traitement de 5 %, institué par le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des agents, porté à 15 % par le décret n° 57-87 du 28 janvier 1957 414 ( * ) ;

- un indice de correction, applicable uniquement à La Réunion, institué par le décret du 11 janvier 1949, modifié par le décret du 22 juin 1971. Cet indice de correction était destiné à compenser l'écart de parité entre le franc français et le franc CFA, qui avait cours localement. Depuis le retrait du franc CFA et l'introduction du franc métropolitain, intervenue le 1 er janvier 1975, le taux de l'indice de correction a été ramené à 1,138.

Par effet de conséquence, sur-rémunération et effectif pléthorique entraînent un niveau de dépenses de personnel très élevé. Les budgets locaux présentent une structure déséquilibrée, avec des charges de personnel supérieures à la moyenne nationale.

- 8 % pour les départements en métropole

- 24 % en Guadeloupe et à La Réunion

- 29 % en Martinique

- 43 % en Guyane

À La Réunion, les dépenses de personnel représentent :

- 58,7 % des dépenses de fonctionnement des communes de plus de 10 000 habitants ;

- 64,4 % pour les communes de moins de 10 000 habitants.

À titre de comparaison, en métropole, les charges de personnel représentent :

- 48,44 % pour les communes de plus de 10 000 habitants ;

- 38,05 % des frais de fonctionnement des communes de moins de 10 000 habitants.

Dépenses de personnel des collectivités locales/habitant (en euros)

France

DOM

Régions

9

39

Départements

97

183

Communes

452

625

Ainsi, là où en France les régions dépensent 9 euros par habitant, les régions d'outre-mer en dépensent 39 par habitant.

Ces dépenses sont à l'origine de la situation financière préoccupante des collectivités territoriales d'outre-mer, notamment en Guadeloupe où, sous la pression des syndicats, on a titularisé massivement. C'est bien le poids de la dépense qui handicape les collectivités situées outre-mer et non pas la faiblesse des recettes fiscales. Grâce à l'octroi de mer, les communes d'outre-mer disposent de ressources fiscales abondantes : celles-ci s'élèvent, fiscalités directe et indirecte confondues, à :

- 535 € par habitant et par an dans l'hexagone,

- 741 € en Guadeloupe,

- 827 € à La Réunion,

- 832 € en Guyane,

- 833 € en Martinique.

Il en résulte une faiblesse de l'investissement des collectivités territoriales. Et cette faiblesse de l'investissement local fragilise les économies d'outre-mer où l'investissement privé est déjà moins important qu'en métropole.

Avec une fonction publique territoriale pléthorique et chère, les collectivités territoriales à La Réunion n'ont que très peu de marge de manoeuvre pour un développement économique et social. Les possibilités d'adaptation offertes par l'article 73 de la Constitution n'ont pas été utilisées en matière de fonction publique : elles peuvent - et elles doivent - l'être, pour que les collectivités territoriales puissent avoir une gestion des ressources humaines maîtrisée.

II. - Vers une gestion des ressources humaines maîtrisée

La fonction publique territoriale engendre pour les collectivités locales des dépenses qui grèvent fortement leurs budgets et, partant, leur marge de manoeuvre. Pour parvenir à des dépenses moins lourdes, il faut donc, au regard de ce qui a été dit précédemment, réduire le nombre d'agents et leur coût. Il faut donc non seulement revoir les sur-rémunérations mais restreindre l'accès à la fonction publique territoriale.

A. Revoir les sur-rémunérations

Prévus à l'origine (1950) pour assurer le développement économique et social des départements d'outre-mer en attirant dans ces territoires des agents qualifiés, on peut s'interroger aujourd'hui sur la pertinence de la pérennité de ces avantages : le contexte dans lequel ils ont été accordés n'existe plus et, ironie de l'histoire, c'est précisément le développement économique et social qui les a justifiés qui commande aujourd'hui qu'on les remette en cause.

Les sur-rémunérations créent des inégalités de traitement non pas entre fonctionnaires en poste en métropole et fonctionnaires en poste outre-mer - cette différence de traitement là est autorisée par la loi - mais entre les agents titulaires et les agents non titulaires d'une même collectivité. En effet, les agents non titulaires n'en bénéficient pas et il en résulte que dans les départements d'outre-mer un agent titulaire gagne un salaire moyen 1,6 fois plus élevé qu'un agent non titulaire. De même, ces « primes de vie chère » creusent l'écart entre les salaires du public et ceux du privé, faisant peser sur ces derniers des contraintes dissuasives.

Les sur-rémunérations pèsent de façon complexe dans les économies ultramarines. Différents rapports ont relevé tantôt leurs effets bénéfiques, tantôt leurs effets négatifs. Leur remise en cause doit nécessairement se faire dans une réforme globale et concerner non seulement la fonction publique territoriale mais également nécessairement les deux autres fonctions publiques - d'État et hospitalière -. Qu'il s'agisse du principe même de leur suppression ou moins radicalement de leur diminution jusqu'à ce qu'elles atteignent le différentiel de prix avec la métropole (proposition Laffineur), la réforme des sur-rémunérations doit s'accompagner de l'engagement corrélatif que les sommes ainsi dégagées soient réinjectées dans l'économie locale au soutien notamment de la création d'emplois dans le secteur privé.

Soulagés du surcoût du personnel, les budgets locaux pourront retrouver une respiration salutaire leur permettant de maîtriser leurs ressources humaines.

B. Restreindre l'accès à la fonction publique territoriale

Si elle a longtemps été un tabou, la remise en cause des sur-rémunérations est, depuis le rapport Laffineur, notamment davantage acceptée. La seconde mesure de maîtrise de gestion des ressources humaines fait en revanche beaucoup moins consensus et ne manquera pas de faire se lever les boucliers.

Il faut connaître la situation réelle de la société réunionnaise pour comprendre et analyser ses données économiques, à commencer par l'inquiétant taux de chômage. Contrairement à ce qu'une première déduction par trop simpliste pourrait laisser penser, ce chômage ne s'explique pas par la présumée nonchalance des Réunionnais qui ne seraient que des assistés sociaux. L'économie de La Réunion connaît un fort taux de croissance et le marché du travail est très dynamique. Le chômage est dû à la pression démographique, l'économie réunionnaise n'arrivant pas à absorber le flux de nouveaux entrants sur le marché du travail. Là encore qu'on ne se livre pas à la conclusion hâtive d'un taux de natalité qui exploserait, le taux de fécondité à La Réunion certes plus élevé qu'en métropole n'étant pas sensiblement plus haut et n'étant pas le plus élevé d'outre-mer. Les nouveaux entrants sur le marché du travail ne sont pas seulement les jeunes Réunionnais mais aussi, cela se sait moins car cela ne se dit pas, les métropolitains - jeunes et moins jeunes - qui viennent s'installer à La Réunion. Ainsi, depuis 2001, La Réunion a accueilli plus de 25 000 jeunes de 26 à 34 ans. Parallèlement, les opportunités d'un « retour au pays natal » des jeunes Réunionnais incités à la mobilité par les pouvoirs publics sont de plus en plus compromises et, à chaque rentrée scolaire, l'arrivée de métropole de milliers de professeurs alors que des jeunes sur place ont le concours est devenue le marronnier de la presse locale et la raison d'une contestation sociale qui ne cesse de croître. Ce phénomène ne se retrouve pas, ou de façon beaucoup moins sensible, dans les autres outre-mer.

Au regard de l'étroitesse du marché et de l'enclavement du territoire, la question de la restriction de l'accès à l'emploi, qu'il soit public ou privé, se pose nécessairement. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la problématique telle que soulevée en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française se retrouve à La Réunion. Cette restriction se pose davantage en termes de recrutement local qu'en termes de préférence régionale. En effet, recrutement local ne signifie pas préférence régionale.

La préférence régionale, considérée comme contraire au principe d'égalité, n'a été juridiquement acceptée que dans le cadre très particulier de la Nouvelle-Calédonie. Conformément à l'Accord de Nouméa du 5 mai 1998 415 ( * ) , la Constitution 416 ( * ) reconnaît la citoyenneté néo-calédonienne et crée, au profit des citoyens néo-calédoniens, un droit préférentiel d'accès aux emplois locaux qui vaut aussi bien pour le secteur privé que pour la fonction publique territoriale 417 ( * ) .

Un tel accès préférentiel aux emplois publics locaux n'a pas été consacré en Polynésie française. La loi organique du 27 février 2004 a néanmoins prévu que « à égalité de mérites » 418 ( * ) , la Polynésie française peut prendre des mesures favorisant l'accès aux emplois de la fonction publique de la Polynésie française et des communes au bénéfice des personnes justifiant d'une durée suffisante de résidence sur son territoire ou des personnes justifiant d'une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec ces dernières. Une telle discrimination positive est toutefois strictement contrôlée : dans un arrêt du 25 novembre 2009, le Conseil d'État a annulé une loi du pays prévoyant que le recrutement des fonctionnaires de la Polynésie française par concours externe s'effectue par voie de deux concours dans les cadres d'emplois des catégories A (à l'exception de ceux qui relèvent des filières de la santé et de la recherche), B, C et D, dont l'un est ouvert aux seuls résidents à hauteur de 95 % des postes à pourvoir 419 ( * ) .

La Réunion peut s'inspirer de ce mécanisme polynésien. Et son statut tant de DROM que de RUP le lui permet. Principe d'égalité et statut de l'article 73 ont tous deux valeurs constitutionnelles et doivent être conciliés. Ils peuvent l'être, sans que la République soit menacée de désintégration.

Les deux mesures proposées de réforme de la fonction publique territoriale peuvent par ailleurs être liées : la remise en cause de la sur-rémunération rendra peut-être la fonction publique territoriale réunionnaise moins attractive aux yeux des métropolitains.

Le statut de La Réunion n'est en rien un obstacle à une réforme de la fonction publique territoriale en vue d'une meilleure gestion des ressources humaines par les collectivités territoriales. Le cadre juridique le permet ; tout est maintenant question de volonté politique.

Bertrand Beauviche, Président de section à la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France, Chambre territoriale des comptes de Saint-Pierre-et-Miquelon - L'autonomie fiscale sous le regard du juge financier

Les juridictions financières, dans le cadre de leurs travaux et à travers le prisme de la bonne gestion des deniers publics, s'intéressent aux dynamiques institutionnelles. Le rapport thématique particulier sur la conduite par l'État de la décentralisation de 2009 420 ( * ) s'inscrit dans ce type de travaux, plus récemment le rapport thématique particulier sur l'autonomie fiscale en outre-mer 421 ( * ) , relève également de cette catégorie.

Ces travaux visent à mieux appréhender les particularités des dynamiques institutionnelles des collectivités territoriales dans leur dimension financière et budgétaire.

En effet, la dynamique institutionnelle des collectivités d'outre-mer (COM) 422 ( * ) et de la Nouvelle Calédonie (NC) est complexe, chaque collectivité à sa spécificité ce qui rend une approche transversale et les comparaisons assez difficiles entre elles.

La compétence fiscale est emblématique du caractère spécifique du statut de ces collectivités. Il s'agit d'une caractéristique commune aux COM et à la Nouvelle-Calédonie. Cette spécificité dont l'origine réside dans le régime financier propre aux colonies françaises (consacré par la loi du 13 avril 1900, portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1900) prospère depuis 1946 dans le cadre juridique constitutionnel des territoires puis collectivités d'outre-mer, contenu aux articles 74 de chacune des constitutions en vigueur et spécifiquement dans le chapitre XIII de celle de 1958, depuis 1998 pour la Nouvelle Calédonie.

Selon ces dispositions, la compétence en matière fiscale et de droit de douane relève ainsi des intérêts propres de ces collectivités.

C'est sans nul doute l'une des compétences les plus structurantes de la vie financière budgétaire économique et sociale de ces territoires.

Tous ces éléments ont donc conduit le juge financier à s'intéresser à cette compétence, et ce, tant dans son exercice que dans son institutionnalisation, (récente dans certains territoires), dans le cadre du rapport public thématique ci-dessus évoqué, fruit d'une collaboration de l'ensemble des chambres territoriales des comptes et de la Cour des comptes, dont la première et la quatrième chambres, respectivement en charge de la politique fiscale et de Wallis-et-Futuna.

Il s'agit du premier travail transversal à l'échelle de l'ensemble des juridictions financières sur ce sujet. Toutefois, certaines chambres territoriales avaient déjà précédemment traité, en tout ou partie, cette thématique dans le cadre leur travaux d'examen de la gestion 423 ( * ) . Le juge financier a eu également à traiter de cette compétence, plus exceptionnellement, dans le cadre de contrôles budgétaires 424 ( * ) .

Dans une première partie nous exposerons les grandes lignes dégagées par ce rapport concernant l'autonomie fiscale. Dans une seconde partie nous reviendrons sur certains points évoqués dans le rapport ou concernant d'autres travaux des juridictions financières relatifs à la compétence fiscale pour essayer d'en souligner les liens avec la thématique de notre atelier autonomie institutionnelle outre-mer : diversité et complexité.

A. Les grandes lignes du rapport

Le rapport s'articule autour du constat que la fiscalité des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie est atypique à l'image de son contexte et qu'il s'agit d'une fiscalité insuffisamment adaptée aux besoins des territoires. Le rapport dresse ensuite les voies d'une fiscalité plus performante.

L'autonomie fiscale, une compétence atypique.

Au sein de la République française, ces territoires ont la particularité de pouvoir créer l'impôt et de conduire la politique fiscale de leur choix. Cette compétence leur est reconnue par la Constitution.

Malgré leur singularité, ces collectivités présentent les caractéristiques suivantes :

Leurs économies sont relativement fragiles, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie qui exploite le nickel ou de Saint-Barthélemy grâce au tourisme de luxe.

Leurs taux de prélèvements obligatoires atteignent un niveau significatif, sauf pour des raisons particulières à Wallis-et-Futuna et à Saint-Martin ; ils ne sont inférieurs que de 10 à 15 points aux taux constatés en métropole (45 % en 2012) ; pour autant, ces territoires n'assurent ni les dépenses régaliennes, ni la prise en charge de la totalité des dépenses publiques transférées (exemple : rémunération des personnels de l'éducation).

Leurs systèmes fiscaux se caractérisent par une fiscalité indirecte plus importante, héritée de leur histoire propre et une imposition des patrimoines relativement plus faible qu'en métropole.

La Cour et les chambres territoriales des comptes font les constats suivants :

1. L'exercice de l'autonomie fiscale se heurte à de nombreuses difficultés de gestion liées à la complexité de la matière fiscale et au format trop restreint des administrations qui s'y consacrent ;

2. Toutes ces collectivités, à l'exception de Saint-Barthélemy, sont confrontées à la difficulté de déterminer le bon niveau des prélèvements obligatoires, pour répondre au mieux à la double nécessité de contribuer à leur développement économique et d'équilibrer les budgets ;

3. La conciliation des objectifs de politique fiscale s'avère délicate, au point parfois d'affecter le principe de l'égalité des contribuables devant l'impôt, en raison notamment des multiples exonérations et niches fiscales. Dans certains territoires, le rendement fiscal en est amoindri, allant parfois jusqu'à compromettre les équilibres budgétaires des collectivités.

Face à ces constats, la Cour et les chambres territoriales recommandent que chaque collectivité ultramarine s'attache, pour ce qui la concerne, le cas échéant avec le concours de l'État, à :

- améliorer la connaissance des assiettes taxables de toute nature (revenu, consommation, patrimoine) ;

- ajuster aux besoins les moyens consacrés à l'administration de l'impôt, notamment ceux dédiés à la production de la norme, du contrôle fiscal ainsi que du recouvrement ;

- procéder à une revue des exonérations fiscales, afin de mieux en apprécier l'efficacité et de simplifier le droit applicable.

En outre, dans le respect des prérogatives fiscales de ces collectivités ultramarines, la Cour et les chambres territoriales suggèrent d'accompagner les nécessaires adaptations des systèmes fiscaux d'un effort de maîtrise des dépenses publiques.

La diversité et la spécificité des contextes, des territoires et des économies interdisent toute approche uniforme et globalisante.

Les mesures fiscales recommandées peuvent ainsi aller de simples aménagements, comme à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy ou Saint-Martin, à une réforme plus profonde, à l'instar de celle engagée en Nouvelle-Calédonie ou qui vient d'être amorcée en Polynésie française ; la réforme du système fiscal de Wallis-et-Futuna doit, par ailleurs, s'inscrire dans le cadre plus large de la modernisation de son statut, devenu nécessaire depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

B. L'autonomie fiscale dans le cadre d'une dynamique d'autonomie institutionnelle

Au-delà des constats et analyses précédemment évoqués, le rapport évoque plusieurs points spécifiques au transfert et à l'exercice de la compétence fiscale qui en révèlent toute la complexité.

Ce rapport évoque tout d'abord les difficultés inhérentes au transfert de cette compétence.

Deux catégories de collectivités sont distinguées :

- Tout d'abord les collectivités où l'institution de cette compétence fiscale est très ancienne et remonte au XIX e siècle. II en est ainsi pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna 425 ( * ) . Dans ces collectivités, le transfert de la compétence s'est réalisé dans un contexte de charges transférées relativement limitées.

Dans ces collectivités, la reconnaissance de cette compétence s'est accompagnée, comme l'ensemble des collectivités territoriales, de modalités de soutiens financiers et matériels de l'État fréquemment adaptées à leur scaractéristiques statutaires ou contextes particuliers.

Ainsi au fil du temps ont été instituées diverses dotations spécifiques (dotation d'autonomie en Polynésie, dotation de construction des collèges en Nouvelle-Calédonie...) et pour l'équipement, un soutien financier de l'État contractualisé dans le cadre de contrats de développement.

Leur structure budgétaire s'est ainsi construite sur une longue période.

- La deuxième catégorie concerne les collectivités où cette compétence a été récemment transférée qui concerne Saint-Barthélemy et Saint Martin.

À la différence de leurs consoeurs, l'accès à la compétence fiscale pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin s'est effectué dans une approche financière plus globale et selon les principes de transfert des compétences inspirés du droit commun de la décentralisation. En effet, les transferts de charges et de recettes correspondant aux nouvelles compétences exercées se sont réalisés selon les principes consacrés constitutionnellement en 2003 à l'article 72-2 et en particulier l'alinéa selon lequel « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi . »

En 2011, il résultait de l'application de ces dispositions pour les deux collectivités caribéennes un montant des charges transférées inférieur à celui du montant des recettes transférées et ce quand bien même les recettes fiscales ont été estimées au regard de la fiscalité perçue antérieurement. Le différentiel entre les recettes et les dépenses s'est ainsi soldé, pour chacune des collectivités concernées par la détermination d'une dotation de compensation de transfert de charges, négative et pérenne qu'il leur incombe désormais de verser annuellement à l'État.

Ces modalités donnent lieu à diverses contestations que les juridictions constitutionnelle et administratives s'emploient à trancher. Le Conseil constitutionnel s'est notamment récemment prononcé 426 ( * ) dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la collectivité de Saint-Barthélemy, portant sur le 3° du paragraphe II de l'article 104 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

Le juge financier souligne ainsi la particularité de la compétence fiscale dans ces collectivités et recommande que son projet de transfert donne lieu à des études de faisabilité ou d'impact préalables. Le rapport évoque également les particularités qui s'attachent à la structure des finances publiques propres à certains territoires

À ce propos, et cela n'est pas neutre dans une vie financière et budgétaire, le rapport évoque les particularités qui s'attachent aux transferts de compétences importantes sans que leurs contreparties financières soient réalisées et qui, pour l'essentiel, sont mises en oeuvre sous la forme de mises à disposition gratuites de services ou de personnels, notamment en matière d'enseignement secondaire.

Les volumes budgétaires concernés sont particulièrement conséquents et pourraient, au-delà de leur compensation financière, avoir dans le temps un impact sur la compétence fiscale qui aujourd'hui pourvoit à alimenter plus de 70 % des recettes des budgets de ces collectivités.

Au titre des complexités ou difficultés identifiées, ce rapport évoque également la question de l'impact des dynamiques institutionnelles infra territoriales au sein de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le développement des communes de Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie s'inscrit désormais dans un cadre juridique fortement inspiré du modèle métropolitain. Cette évolution qui concerne, avec quelques particularités, également les provinces de Nouvelle-Calédonie et les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon, doit s'accompagner des moyens financiers correspondants.

Ces derniers, dont l'essentiel est aujourd'hui issu du prélèvement fiscal territorial, ne répondent plus totalement aux exigences de financement liées aux compétences désormais exercées. Les collectivités infra-territoriales de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Saint-Pierre-et-Miquelon évoluent dans un système de financement ne laissant au secteur local que des ressources fiscales limitées, sur lesquelles elles ne disposent que d'une capacité d'initiative encadrée.

Les modes d'allocation de ressources centralisées qui ont été associés aux statuts laissent à ce jour peu de place au déploiement d'une fiscalité locale et devraient peut-être évoluer selon des principes plus conformes aux principes de la décentralisation.

Enfin, ce rapport dresse le contexte financier dans lequel s'inscrit cette compétence et le fait que sa modernisation s'inscrit aussi dans la nécessité d'agir sur d'autres déterminants des finances publiques et en particulier les dépenses rappelant en cela les limites de cette compétence.

Pour conclure et en résonance avec ce dernier point, il doit être rappelé que le juge financier peut être appelé à exercer cette compétence dans le cadre du contrôle budgétaire (pour rééquilibrer un budget par exemple). Cela ne s'est toutefois, jusqu'à présent, jamais réalisé.

Certains avis budgétaires ont seulement préconisé l'augmentation de certains produits fiscaux laissant aux collectivités le soin d'y procéder. Il en est ainsi par exemple de l'avis n° 2011.0082 de la chambre territoriale des comptes de Saint-Martin qui considère, au titre des mesures de redressement, « qu'en conséquence les recettes fiscales de la collectivité doivent être augmentées ; que notamment le relèvement du taux de la TGCA de deux points permettrait sur une année pleine des produits supplémentaires de l'ordre de 6 M€ permettant de résorber le déficit ; ».

Il apparaît en effet que les déséquilibres budgétaires et financiers de Saint-Martin en 2011 et 2012, s'ils ont donné lieu à des avis budgétaires préconisant diverses mesures de redressement, ont été accompagnés d'une convention de restructuration financière entre l'État et la collectivité.

Cette convention a mobilisé, notamment, une avance exceptionnelle de l'État en contrepartie d'engagement d'adoption de diverses mesures d'économie ou fiscales, suivant en cela les recommandations du juge financier.

Il demeure cependant que l'alternative d'une intervention plus contraignante du juge financier en matière fiscale pour rétablir un équilibre altéré, dans le cadre d'un avis budgétaire, constitue le droit commun.


* 294 Selon l'ONU, les autochtones représenteraient, à l'échelle mondiale, près de 800 millions de personnes. Il faut préciser qu'en dépit de multiples tentatives l'ONU n'a finalement retenu aucune définition officielle de la notion d'autochtone ; pour autant, l'importante étude de José R. Martinez Cobo permet d'identifier les éléments clés de la différenciation : les peuples autochtones constituent des groupes humains auto-identifiés, caractérisés par des systèmes sociopolitiques, des langues, des cultures, des valeurs et des croyances particulières, une relation privilégiée avec les terres et les ressources naturelles de leur territoire et, fréquemment, par l'existence d'une continuité historique avec les sociétés précoloniales.

* 295 Concernant la protection et l'intégration des populations indigènes et autres populations tribales et semi-tribales dans les pays indépendants, adoptée en juin 1957.

* 296 Concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, adoptée le 27 juin 1989 et entrée en vigueur le 5 septembre 1991.

* 297 Déclaration universelle sur les droits des peuples autochtones approuvée le 13 septembre 2007 par l'Assemblée générale des Nations-Unies (UN Doc A/61/L67, UN Doc A61 /L.67/Add, 12 et 13 septembre 2007).

* 298 Conformément à la conception extensive adoptée, en 2005, par la Cour interaméricaine des droits de l'homme (aff Moiawana c. le Surinam, Séries C, n° 124, CIDH 15 juin 2005), cette notion regroupe non seulement les amérindiens mais également les noirs-marrons, descendants des esclaves africains.

* 299 Les revendications de droits au nom de l'autochtonie sont surtout présentes en Guyane française, elles concernent essentiellement les droits sur la terre et les ressources, la langue, l'éducation, la culture.

* 300 Aux termes de l'article 41 de la loi, le Conseil doit « promouvoir la reconnaissance et l'usage des langues amérindiennes, donner des avis au ministre concernant la protection de la nature et du patrimoine amérindien, y compris l'identification et la désignation des monuments amérindiens ».

* 301 La question de savoir où se situe la frontière entre les affaires intérieures relevant de la compétence des conseils communautaires et celles qui relèvent de la compétence de l'État concerné est importante car elle conditionne le contenu et la portée de l'autonomie de ces entités. Celle-ci dépend également des ressources et des moyens alloués à ces structures. Il est clair que la réponse à ces questions entretient des liens étroits avec le droit de propriété des terres et le contrôle des ressources naturelles.

* 302 Sur l'ensemble de ces points, voir Rapport National (A/HRC/WG.6/8/GUY/1), de l'ONU (A/HRC/WG.6/8/GUY/2).

* 303 Décision 91-290 DC , GDCC, n° 35.

* 304 Commune d'Awala-Yalimapo par exemple.

* 305 Codifiée aux art. L. 71-121-1 à L. 71-121-7, CGCT.

* 306 Il est admis aujourd'hui que l'autodétermination présente deux aspects : un aspect externe qui signifie qu'un peuple a le droit de décider de son statut international, par exemple revendiquer la sécession ou l'accès à l'indépendance. Mais l'auto-détermination présente également un aspect interne qui au sens de la Déclaration de 2007 signifie « le droit d'un peuple de choisir son propre régime politique, d'influer sur l'ordre politique de la région dans laquelle il vit et de sauvegarder son identité culturelle, ethnique, historique ou territoriale ». Cf. Doc. E/CN.4/Sub.2/1993/26/Add.1, 19 juillet 1993, § 17, p.19, 21, 23 .

* 307 Depuis décembre 2011 en Guyane française.

* 308 Aurelio Cal et communauté Maya de Santa Cruz c.Belize ; et Manuel Coy et Communauté Maya de Conejo c . Belize, affaires regroupées n°171§172, Cour suprême du Bélize (18 octobre 2007). Voir Clive Baldwin et Cynthia Morel, « Recourir à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans des actions en justice », in Peuples autochtones dans le Monde (Dir I. Bellier), Collections horizons autochtones, L'Harmattan, 2013.

* 309 Conférence sur les droits fonciers, 21/22 octobre 2011. Semaine guyanaise, novembre 2011, p.8.

* 310 H. Oberdorff, Droits de l'homme et libertés fondamentales, Lextenso éditions, LGDJ, 2011.

* 311 Omai au Guyana, Rosebel au Surinam et en 2011, ce sont plus de 500 tonnes d'or qui ont été découvertes au Surinam.

* 312 Article 19 de la Déclaration de 2007.

* 313 Les revendications foncières des amérindiens et des Noirs-Marrons ne passant pas très bien auprès d'une large majorité de la population urbaine.

* 314 Décret n° 87-360 du 29 mai 1987 relatif à l'Université française du Pacifique.

* 315 Décret n° 99-445 du 31 mai 1999 portant création de l'Université de la Polynésie française et de l'Université de la Nouvelle-Calédonie.

* 316 118 îles dont 67 habitées.

* 317 Près de la moitié de la ZEE française.

* 318 C'est, de loin, la plus grande île de l'archipel, avec 16 346 km 2 (à peu près comme le Limousin : 16 942 km 2 ), soit 86 % de la superficie totale de la Nouvelle-Calédonie qui correspond, quant à elle, à 65 % de la superficie des outre-mers français, Guyane et TAAF déduits.

* 319 Les îles Loyauté, à l'Est : principalement, Ouvéa, Lifou et Maré et l'île des Pins, au Sud.

* 320 Ces trois îles de l'archipel de la Société concentrent 90 % du tourisme en Polynésie française qui représente de l'ordre de 13 % du PIB marchand, avec, ces trois dernières années (2011-13), un nombre de touristes en hébergement payant de 145 000 environ.

* 321 Le nickel représente 90 % des exportations du territoire en valeur. La Nouvelle-Calédonie représente entre 20 et 40 % des réserves mondiales de ce minerai et 9 % de la production mondiale.

* 322 En ce sens, TC, 22 janv. 921, Société commerciale de l'Ouest africain, Rec . 91 ; D. 1921.43.12., concl. Matter ; S. 1924.3.34, concl. Matter ; GAJA , 19 è éd., Paris, Dalloz, 2013, n° 36, p. 223 et s. Selon les professeurs Louis Rolland et Pierre Lampué, « toutes les dépendances coloniales sont constituées en centre d'intérêts distincts, en collectivités publiques douées de capacité juridique », in Précis de législation coloniale, 3è éd., Paris, Dalloz, 1940, p. 46.

* 323 La colonisation de la Polynésie française commence par les Marquises, en 1842, année du protectorat français sur les îles du Vent, les îles Tuamotu et deux îles des Australes : Tubuai et Raivavae. C'est en 1880 que ce protectorat est transformé en une nouvelle colonie, les EFO, qui intègrent alors les Marquises. Les îles Gambier sont annexées par la France, en 1891. L'archipel des îles-Sous-le-Vent, resté indépendant en 1842 - comme confirmé par l'accord franco-anglais dit « convention de Jarnac », entre 1847 et 1887 - est soumis, à son tour, au protectorat français en 1888, puis annexé par la France, en 1897. Quant aux îles Australes encore indépendantes, elles sont aussi annexées par la France, entre 1887 et 1901 : Rapa en 1887 ; Rurutu en 1900 ; Rimatara en 1901. Ainsi, c'est en dix ans seulement que les EFO de 1880 s'étendent à toute la Polynésie française, entre 1891 et 1901.

* 324 Préambule de la Constitution de 1946, al. 18 ; à ce sujet, Olivier Gohin, « Alinéa 18 » in Gérard Conac, Xavier Prétot et Gérard Teboul (dir.), Le Préambule de la Constitution de 1946 , Paris, Dalloz, 2001, p. 401-435. Cette thèse est combattue par les indépendantistes (Roch Wamytan ou Oscar Temaru, par ex.) qui sont parvenus à faire réinscrire la Nouvelle-Calédonie, en 1986, et la Polynésie française, en 2013, sur la liste des pays à décoloniser, la France étant alors en situation de puissance administrante.

* 325 Const. du 27 oct. 1946, art. 60, 74 et 85, principalement.

* 326 Const., accord de Nouméa du 5 mai 1998, publicisé et constitutionnalisé, et loi const. du 20 juil. 1998 : titre XIII nv, art. 76 et 77 nvx ; adde , art. 72-3, al. 3, issu de la loi const. du 28 mars 2003.

* 327 Const., art. 72-3, al. 2, issu de la loi const. du 28 mars 2003 préc.

* 328 En ce sens, Stéphane Diémert, « La Constitution, l'autodétermination des populations d'outre-mer et l'appartenance à la République : nouvelles perspectives », in Mélanges Louis Favoreu : Renouveau du droit constitutionnel , Paris, Dalloz, 2007, p. 637-659. De même, le principe d'irréversibilité de l'accord de Nouméa ne tient qu'à droit constitutionnel constant : ainsi, la révision de 2003 a pour objet et pour effet, à l'article 72-3, al. 1 er , d'invalider, en droit, la notion de « peuple kanak ».

* 329 Cette compétence de principe remonte, pour la Polynésie française, à la loi statutaire du 12 juil. 1977. Elle est fondée, en droit positif, sur l'art. 13 de la loi org. du 27 févr. 2004. En Nouvelle-Calédonie qui a eu la compétence de principe avec la loi statutaire du 28 déc. 1976, ce sont les provinces qui, depuis leur création, ont cette compétence de principe (loi org. du 19 mars 1999, art. 20), l'État et la Nouvelle-Calédonie ayant, l'un et l'autre, des compétences d'exception ( ibid. , art. 22 et 23), sans que le transfert progressif de compétences de l'État vers la Nouvelle-Calédonie change cette donnée juridique.

* 330 Loi du 28 déc. 1976.

* 331 Loi n° 84-821 du 6 sep. 1984.

* 332 Loi du 9 nov. 1988. Cette loi référendaire vient après le statut Pisani (loi du 23 août 1985) et les statuts Pons I (loi du 17 juil. 1986) et Pons II (loi du 22 janv. 1988), suspendu par la loi du 12 juil. 1988.

* 333 Loi du 12 juil. 1977.

* 334 Loi n° 84-820 du 6 sept. 1984, modif. loi du 12 juil. 1990.

* 335 Loi org. du 12 avr. 1996.

* 336 Comme en témoignait le sénateur Guy Allouche (PS, Nord), à l'occasion de la discussion générale du projet de loi constitutionnelle (n° 425, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, « Les autorités polynésiennes ont regardé l'avenir de la Polynésie française tout en ayant la Nouvelle-Calédonie dans le rétroviseur. La situation néo-calédonienne a fourni à notre collègue Gaston Flosse un argument de poids pour avancer encore plus vite et plus loin dans la voie de l'autonomie politique », Sénat, séance du 12 oct. 1999.

* 337 À ce sujet, Olivier Gohin, « La prise en compte de la Polynésie française dans la révision constitutionnelle de mars 2003 », Revue juridique polynésienne : L'autonomie en Polynésie française - The concept of autonomy in French Polynesia , n° hors-série, 2004, vol. 4, p. 43-63.

* 338 Loi org. du 19 mars 1999, art. 3.

* 339 Const., art. 72-3, al. 3 préc., issu de la loi const. du 28 mars 2003.

* 340 Accord de Nouméa préc., mais aussi, l'art. 72, al. 4 sur l'expérimentation locale : en ce sens, la décision CC, 30 juil. 2003, Expérimentation par les collectivités territorial es, déc. 03-478 DC, Rec . 406 qui ne retranche pas la Nouvelle-Calédonie du champ d'application de la loi org. n° 2003-704 du 1 er août 2003.

* 341 À titre principal, la loi org. statutaire de 1999 préc.

* 342 À titre principal, la loi org. statutaire de 2004 préc.

* 343 On rappelle ici que, dans les outre-mers de spécialité, le droit métropolitain n'est pas, en principe, directement applicable, sauf à ce qu'en tout ou en partie , il soit rendu expressément applicable, même s'il peut l'être autrement au bénéfice d'adaptations, alors encadrées et susceptibles de contrôle juridictionnel.

* 344 « Pays d'outre-mer au sein de la République, la Polynésie française constitue une collectivité d'outre-mer dont l'autonomie est régie par l'article 74 de la Constitution » : loi org. statutaire de 2004, art. 1 er , al. 2) ; égal., art. 2. Cette expression de « pays d'outre-mer » est reprise du projet préc. d'art. 78 de la Constitution qui n'a pas abouti.

* 345 CE Sect., 13 déc. 2006, JCP A 2007, 2004, concl. Verclytte et p. 43-46, note Gohin ; RFDA 2007. 18, concl. Verclytte, AJDA 2007. 363, chr. Lenica et Boucher ; D. 2007. 1175, note Verpeaux.

* 346 Loi org. du 27 févr. 2004, art. 1 er , al. 5 : « la Polynésie française détermine librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques officielles aux côtés de l'emblème national et des signes de la République. Elle peut créer un ordre spécifique reconnaissant les mérites de ses habitants et de ses hôtes ». Le drapeau polynésien a été adopté par la délibération n o 84-1030 AT de l'assemblée territoriale, dans sa séance du 23 nov. 1984.

* 347 Accord de Nouméa préc., préambule, pt 5, § 4 ainsi que doc. d'orientation, pt. 1.5 ; loi org. du 19 mars 1999, art. 5, al. 1 er . On notera que, le 13 juillet 2010, le congrès de la Nouvelle-Calédonie, hors délibération conforme à la loi organique, a émis le « voeu que soient arborés, ensemble, en Nouvelle-Calédonie, le drapeau dont la description est annexée et le drapeau national », le drapeau retenu étant celui des indépendantistes kanaks du FLNKS, adopté en 1984 ; à ce sujet, le dossier sur « la question des drapeaux en Nouvelle-Calédonie », in Revue juridique, politique et économique de Nouvelle-Calédonie , 16, 2010/2. Le 17 juillet 2010, le Premier ministre François Fillon, en déplacement officiel dans l'archipel, hisse, pour la première fois, le drapeau dit « Kanaky », à côté du drapeau français, sur le siège du haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie.

* 348 En ce sens, Olivier Gohin et Jean-Gabriel Sorbara, Institutions administratives , coll. Manuels, 6 è éd., Paris, LGDJ, 2012, n° 151-160, p. 82-86.

* 349 CC, 25 févr. 1982, Décentralisation , déc. 82-137 DC, cons. 4, Rec . 38 ; GDCC , 17 è éd., Paris, Dalloz, 2013, n° 9 et les réf. ; voir, plus précisément, CC, 15 mars 1999, Statut de la Nouvelle-Calédonie , déc. 99-410 DC, cons. 24 (sol. impl.), Rec . 51 et CC, 12 févr. 2004, Second statut d'autonomie de la Polynésie française , déc. 04-490 DC, cons. 109 à 111, Rec. 41.

* 350 Familièrement dénommé « haussaire ».

* 351 CE, 15 janv. 1992, Président du gouvernement du territoire de la Polynésie française, Rec. 20.

* 352 CE, 1 er octobre 2001, Roch Wamytan et autres , req. 232274.

* 353 Olivier Gohin, « Les lois du pays : contribution au désordre normatif français », RDP 2006/1, p. 85-112.

* 354 Pour s'en tenir à la loi org. statutaire de 1999, art. 99 (matières de la loi), 101 (compétence du congrès) ainsi que 103 et 104 (contrôle du haussaire).

* 355 Pour s'en tenir à la loi org. statutaire de 2004, art. 13 et 140 (matières de la loi), 142 (compétence de l'assemblée) ainsi que 143 et 176-I (contrôle du haussaire).

* 356 CE Ass., 27 décembre 1970, Saïd Ali Tourqui, Rec . 138 ; AJDA 1970.320, chr. Denoix de Saint Marc et Labetoulle.

* 357 Const., art. 73, al. 2 et 6 dans les matières de la compétence de ces collectivités territoriales ; Const., art. 73, al. 3 à 6, dans les matières de la compétence de l'État, sous réserve des matières intransférables (al. 4) et de l'exclusion de La Réunion de ce dispositif (al. 5).

* 358 Accord de Nouméa préc., préambule, pt 4, § 4 et pt 5, § 8 ainsi que doc. d'orientation, pt. 2, § 2 et pt. 3.1.1., § 2 et s. ; Const., art. 77, al 4 : « règles relatives à l'emploi » ; loi org. du 15 mars 1999, art. 24.

* 359 Const., art. 74, al. 10 : « mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier » ; loi org. du 27 févr. 2004, art. 18 et 19.

* 360 En ce sens, Olivier Gohin, « L'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie », AJDA 1999. 500.

* 361 CGCT, art. L. 1115-1, al. 1 er .

* 362 On notera que la Nouvelle-Calédonie, appuyée par les autorités françaises, demande à obtenir le statut de membre à part entière du Forum. Son statut qui est de large autonomie, sans être celui de l'indépendance ou de la libre association à la France, constitue, néanmoins, pour certains États membres, un obstacle à son éligibilité à ce titre. Wallis-et-Futuna est également membre de la Communauté qui a son siège à Nouméa, de même que la France, membre fondateur. De plus, Wallis-et-Futuna est observateur du Forum dont la France est partenaire, en tant qu'invitée au dialogue post-forum.

* 363 De même que Wallis-et-Futuna et la France.

* 364 On ne tient pas compte, bien entendu, du Groupe Fer de Lance Mélanésien (GFLM) qui associe le FLNKS, et non la Nouvelle-Calédonie, à des États mélanésiens de la région océanienne : Papouasie Nouvelle Guinée, Salomon, Fidji, Vanuatu et qui a tenu son 19 e sommet, à Nouméa, du 19 au 21 juin 2013.

* 365 Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a nommé, en avril 2012, le premier « délégué » pour la Nouvelle-Calédonie, en poste à l'ambassade de France en Nouvelle-Zélande. Quatre autres postes devraient également être ouverts : en Australie et au Vanuatu, d'abord ; en Papouasie Nouvelle-Guinée et à Fidji, ensuite.

* 366 Accord de Nouméa, doc. d'orientation, pt. 3.2.1, § 1 et 5 ; égal., loi org. du 19 mars 1999 , art. 21-II-1° , art. 28 à 30 et 34.

* 367 Ibid ., § 2 à 4 ; égal., loi org. du 19 mars 1999 , art. 31 à 33.

* 368 Ibid ., pt. 3.3.

* 369 Loi org. du 27 févr. 2004, art. 15. L'expression de « relations extérieures » est en provenance du premier statut d'autonomie (loi org. du 12 avr. 1996, art. 6-1°), telle que reprise aux al. 2 et 7 du projet abandonné d'art. 78 de la Constitution.

* 370 CC, 12 févr. 2004, préc., cons. 27 : « Considérant que l'article 15 de la loi organique permet à la Polynésie française de " disposer de représentations auprès de tout État ainsi que l'une de ses entités territoriales ou territoire reconnu par la République française ou de tout organisme international dont cette dernière est membre ou tout organisme international du Pacifique " ; que, toutefois, cette faculté, qui n'appartenait pas jusqu'à présent à la Polynésie française, ne saurait, sans empiéter sur une matière de la compétence exclusive de l'État, conférer à ces représentations un caractère diplomatique ; que, sous cette réserve, l'article 15 n'est pas contraire à la Constitution ».

* 371 Const., art. 74, al. 3 et loi org. du 27 févr. 2004, art. 14-3°. Cela inclut les « arrangements administratifs » qui sont des accords internationaux de mise en oeuvre déconcentrée de la politique étrangère de l'État français avec tout État ou territoire du Pacifique et donc une modalité de l'association de la Polynésie française à une compétence de l'État (ibid., art. 16 ; adde , Olivier Gohin et Marc Joyau, « L'évolution institutionnelle de la Polynésie française », AJDA 2004. 1245).

* 372 CEDH, 27 avr. 1995, Mme Piermont c/ France , RFDA 1997. 999, note Lévinet.

* 373 CEDH, 11 janv. 2005, M. Py c/ France , AJDA 2005. 551, chr. Flauss.

* 374 À ce sujet, Olivier Gohin, « L'organisation des outre-mers européens et l'articulation entre traité instituant la Communauté européenne et Constitutions des États membres », in Laurent Tesoka et Jacques Ziller (dir.), Union européenne et outremers unis dans leur diversité, Aix, PUAM, 2008, p. 87-119. On notera que l'accord de Nouméa précise que la Nouvelle-Calédonie « sera associée à la renégociation de la décision d'association Europe-PTOM » (doc. d'orientation, pt. 3.23.1., § 5) ; égal. voir loi org. du 19 mars 1999, art. 30 et 31, 89 et 180-6° et loi org. du 27 févr. 2004, art. 31-3°, 41 et 135.

* 375 CC, 2 sept. 1992, Maastricht II, déc. 92-312 DC, cons.19 ; Rec . 76.

* 376 Art. 74 modif. loi const. 25 juin 1992.

* 377 Tel est le cas de Mayotte, depuis le 31 mars 2011.

* 378 Par ex. CE, 16 oct. 2013, Société Électricité de Tahiti , AJDA 2014, n° 10, 17 mars 2014, p. 568-574, note Gohin.

* 379 Accord de Nouméa, préambule, pt. 5, § 9.

* 380 La consultation sera organisée au cours de la prochaine mandature (mai 2014 - mai 2019), à une date déterminée par le congrès, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. À défaut de fixation de cette date avant la fin 2017, la consultation sera organisée à une date fixée par l'État, dans la dernière année du mandat (accord de Nouméa, doc. d'orientation, pt. 5, § 1 et 2). Les six derniers mois du mandat (déc. 2018-mai 2019) étant neutralisés (loi org. du 19 mars 1999, art. 217, al. 1 er ), ce serait alors entre mai et décembre 2018.

* 381 En cas de rejet de l'indépendance lors de la première consultation, l'accord de Nouméa va jusqu'à envisager la possibilité d'une seconde consultation, demandée par le tiers des membres du congrès, dans la deuxième année suivant la première (doc. d'orientation, pt. 5, § 3). Cette seconde consultation aurait lieu dans les dix-huit mois suivant la demande, sans pouvoir être organisée dans les six mois précédant le renouvellement général du congrès ( ibid .). Et, en cas de réponse à nouveau négative au suffrage restreint, une troisième consultation pourrait être organisée, sur la même question, aux mêmes conditions. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de préciser que la demande de seconde ou de troisième consultation rendrait cette ou ces nouvelle(s) consultation(s) obligatoire(s) (CC, 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie , déc. 99-410 DC, cons. 50 à 53, Rec. 51).

* 382 Accord de Nouméa, préambule, pt. 4, § 6 et pt. 5, dernier § ; doc. d'orientation, pt. 5, § 3, 6 et 7.

* 383 Loi org. du 19 mars 1999, art. 107, al. 1 er .

* 384 À ce sujet, Olivier Gohin, « Pouvoir législatif et collectivités locales », in Mélanges Jacques Moreau , Paris, Economica, 2003, p. 177-193.

* 385 CEDH, 11 janv. 2005, M. Py c/ France , préc.

* 386 La Constitution définit le Parlement comme composé de l'Assemblée nationale et du Sénat (art. 24, al. 2). Dès lors, est juridiquement fausse l'affirmation, lue sur le site du Conseil constitutionnel, selon laquelle une loi du pays calédonienne est un « texte adopté par l'autorité détenant le pouvoir législatif » (Découvrir la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) - première des « 12 questions pour commencer : qu'entend-on par `disposition législative' » ?

* 387 Loi org. du 19 mars 1999, art. 104 et 105.

* 388 Ibid ., art. 107, al. 2.

* 389 TA Nouvelle-Calédonie, 2 mars 2000, M. Bensimon, req. n° 9900452 ; CAA Paris, 20 décembre 2002 , M. Cortot, req. n° 02PA00451.

* 390 Comme il n'y a pas de base constitutionnelle à la connaissance par le Conseil constitutionnel des lois du pays par voie d'exception, retenue par la loi du 10 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a cru devoir en trouver une dans l'article 61-1 de la Constitution, en tant qu'il prévoit que la QPC est applicable aux « dispositions législatives » (CC, 3 déc. 2009, Application de l'article 61-1 de la Constitution , déc. 09-595 DC, cons. 33 et 34, Rec . 206). Mais, une disposition qui a force de loi n'a pas nécessairement la nature de la loi. Dès lors, si la QPC est recevable contre toute disposition législative, c'est au sens d'une disposition qui a force de loi, principalement une loi ordinaire ou organique, mais pas systématiquement : par ex., contre une loi du pays calédonienne ou contre une ordonnance de l'art. 92 ou encore contre une ordonnance ratifiée de l'art. 38.

* 391 Suffrage universel étendu aux femmes (ord. du 21 avr. 1944) et aux militaires d'active (ord. du 17 août 1945).

* 392 Accord de Nouméa, préambule, art. 4, § 3, art. 5, § 6 et avant-dernier § ; doc. d'orientation, pt 2. ; loi const. du 20 juil. 1998, art. 77, al. 4 ; loi org. du 19 mars 1999, art. 4. Sur le modèle de la citoyenneté de l'Union européenne qui permet de faire voter des non nationaux en France, il s'agit de donner l'illusion de ne pas rompre le lien entre citoyenneté et droit de vote qui remonte à la Révolution française pour éviter que des nationaux votent en France. L'art. 4 de la loi org. statutaire est très explicite à cet égard « Il est institué une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie dont bénéficient les personnes de nationalité française qui remplissent les conditions fixées à l'article 188 ».

* 393 C'est aussi la raison pour laquelle la calédonisation des communes, avec application du suffrage restreint, prévue par l'art. 27 de la loi org. du 19 mars 1999, n'est toujours pas mise en oeuvre.

* 394 Le congrès est formé de la réunion de membres des trois assemblées de province (loi org. du 19 mars 1999, art. 62, al. 1 er ) : 32 élus de la province Sud sur 40, 15 élus de la province Nord sur 22 et 7 élus de la province des Îles Loyauté sur 14.

* 395 Accord de Nouméa, doc. d'orientation, pt. 2.2.1., § 4 et 5.

* 396 Const., art. 77, al. 4 et 7. L'al. 4 résulte de la loi const. du 20 juil. 1998 et l'al. 7 de la loi const. n° 2007-237 du 23 févr. 2007. La loi org. du 19 mars 1999 prévoit les règles relatives au régime électoral à ses art. 188 et 189, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel en faveur d'un électorat dit « glissant » : « Considérant qu'il ressort des dispositions combinées des articles 188 et 189 que doivent notamment participer à l'élection des assemblées de province et du congrès les personnes qui figurent au tableau annexe mentionné au I de l'article 189 et sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998 » (CC, 15 mars 1999, Loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, déc. 99-410 DC, cons. 33 ; Rec . 51) ; cette interprétation en faveur de l'électorat glissant est, d'ailleurs, celle de deux signataires anti-indépendantistes de l'accord de Nouméa : le député Pierre Frogier (JO Débats, Ass. nat., 11 juin 1999, p. 5 778) et le sénateur Simon Loueckhote (JO Débats, Sénat, 13 oct. 1999, p. 5067). À ce sujet, Olivier Gohin, « La Constitution française contre les droits de l'homme : le précédent de la restriction du suffrage en Nouvelle-Calédonie » , in Mélanges Pierre Pactet , Paris, Dalloz, 2003, p. 187-210.

Sous la pression des indépendantistes kanaks, sinon par leur chantage sur le retour à la violence armée, et, en tout cas, après l'arrêt Py c/France précité de la Cour de Strasbourg, en date du 11 janv. 2005, justifiant la restriction du suffrage, en Nouvelle-Calédonie, par des « nécessités locales », par application paradoxale de la clause dite « coloniale » de la Convention (art. 56, § 3), le pouvoir de révision est intervenu, à nouveau, pour inverser cette interprétation et imposer l'électorat dit « gelé » : « Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent (...) les articles 188 et 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l'occasion du scrutin prévu audit article 76 » : la consultation du 8 novembre 1998 « et comprenant les personnes non admises à y participer », de sorte que ceux qui participent à ces élections sont a contrario ceux qui ont dix ans de domicile continu, en Nouvelle-Calédonie, au 8 novembre 1998, quelle que soit la date de leur établissement dans la collectivité ; à ce sujet, Olivier Gohin « La Nouvelle-Calédonie à l'épreuve d'un suffrage toujours plus restreint » , JCP A, 2006. 1107, p. 1695-1696 et « Quand la République marche sur la tête - Le gel de l'électorat restreint en Nouvelle-Calédonie », AJDA. 2007, p. 800-807.

* 397 C. cass., 16 nov. 2011 , Mme Jollivel , pourvoi n° 11-61129 ; égal., 5 mars 2012, Oesterlin , pourvoi n° 12-60526.

* 398 C. cass., 12 décembre 2013, Mme Y., pourvoi 13-60217.

* 399 Réponse du Premier ministre Jean-Marc Ayrault à la question orale au Gouvernement posée à l'Assemblée nationale, le 25 févr. 2014, par Mme Sonia Lagarde (UDI, Nouvelle-Calédonie).

* 400 C'est au tiers électeur qu'il appartient de rapporter la preuve que l'électeur dont il demande la radiation de la liste électorale spéciale ne remplit aucune des conditions prévues par la législation électorale en vigueur (C. cass., 10 avril 2010, Mme X , pourvoi 1060248 et 60249), notamment celle d'avoir été inscrit au tableau annexe du 8 novembre 1998. Or, ce tableau n'existe pas, faute d'avoir été établi par l'administration en temps utile et cette preuve est donc impossible à rapporter à l'encontre des électeurs dont la radiation est demandée. Depuis lors, les commissions administratives spéciales, composées de magistrats judiciaires qui les président et de représentants de l'État, ont fait comme si toutes les personnes, présentes sur le territoire avant novembre 1998, y étaient inscrites. En conséquence, elles ont passé ces personnes, après dix ans de présence (électorat glissant), mais jusqu'en février 2007 au plus tard (électorat gelé), du tableau annexe de 1998 à la liste spéciale de l'année en cours. Ainsi, les tiers électeurs ne sont pas en mesure de rapporter la preuve que des électeurs dont il est constant qu'ils n'étaient pas inscrits sur la liste générale des électeurs, à la date du 8 novembre 1998, n'étaient pas inscrits non plus au tableau annexe, alors que cette dernière inscription est la condition essentielle à prendre légalement en compte, au titre de l'électorat glissant, jusqu'en 2007. Au demeurant, il n'est pas davantage possible aux tiers électeurs de rapporter la preuve du défaut d'établissement en Nouvelle-Calédonie, pendant dix ans au moins, entre novembre 1988 et février 2007, des électeurs qui n'ont pas pu voter en novembre 1998, faute de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie à cette date, et inscrits sur la liste spéciale après cette date.

* 401 Les TPI, compétents en premier et dernier ressort, statuent sur recours des décisions prises par les commissions administratives spéciales qui, de façon inouïe, auront fonctionné sous le regard d'une mission des Nations-Unies. Les TPI de Nouméa et de Koné ont pris, le 11 avril, lendemain du colloque, des décisions divergentes : décisions de rejet des radiations dans le premier cas ; solution inverse dans le second cas.

* 402 Accord de Nouméa, doc. d'orientation, pt. 2.2.1, § 1 à 3 ; Const., art. 77, al. 5, issu de la loi const. du 20 juil. 1998. ; loi org. du 19 mars 1999, art. 218 et 219 ; à ce sujet, Olivier Gohin, « Le droit de vote en Nouvelle-Calédonie » in Jean-Yves Faberon et Guy Agniel (dir.), La souveraineté partagée en Nouvelle-Calédonie et en droit comparé, Coll. Les Études, Paris, La Documentation française, 2000, p. 387-397. C'est pour ne pas confronter consultation d'autodétermination au suffrage restreint et référendum local au suffrage universel que le Conseil constitutionnel exclut le référendum local de l'art. 72-1, al. 2, en Nouvelle-Calédonie (CC, 30 juil. 2003, Référendum local, déc. 03- 482 DC, cons., Rec. 414, cons. 4 et 5, le jour même où il n'y interdit pas et donc il permet l'expérimentation locale (CC, 30 juil. 2003, déc. 03-478 DC, préc). Cette nouvelle mésaventure du positivisme juridique (en ce sens, Anne-Marie Le Pourhiet, « Nouvelle-Calédonie : la nouvelle mésaventure du positivisme juridique », RDP 1999, p. 1005-1035) conduit, décidément, le juge constitutionnel à de sérieuses contorsions.

* 403 L'accord de Nouméa envisage pas moins de trois consultations successives sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie : au cours du quatrième mandat (mai 2014-mai 2019), une consultation électorale sera organisée, à une date déterminée par le congrès, au cours de ce mandat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ; à défaut de fixation de cette date avant mai 2018, la consultation sera organisée, à une date fixée par l'État, dans la dernière année du mandat. Si la réponse des électeurs est négative, le tiers des membres du Congrès pourra provoquer l'organisation d'une nouvelle consultation qui interviendra dans la deuxième année suivant la première consultation. Si la réponse est à nouveau négative, une nouvelle consultation pourra être organisée selon la même procédure et dans les mêmes délais. Si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée.

* 404 En application de ce dispositif de la Constitution, la loi org. du 19 mars 1999 définit « les conditions et les délais » dans lesquels les populations calédoniennes auront à se prononcer sur l'indépendance. Elle précise que la première consultation ne peut intervenir au cours des six derniers mois précédant l'expiration de ce mandat, c'est-à-dire entre décembre 2018 et mai 2019, période ainsi neutralisée. Les deux consultations suivantes sont facultatives. Mais, à la demande du tiers des membres du congrès, elles deviennent obligatoires (en ce sens, CC, 15 mars 1999 préc., cons. 50 à 53). Alors que l'accord de Nouméa dit que la deuxième consultation doit, en ce cas, être organisée au cours de la deuxième année suivant la première consultation (doc. d'orientation, pt. 5, § 4), la loi organique, pour sa part, précise que cette nouvelle consultation a lieu, sur demande écrite déposée à partir du sixième mois suivant le premier scrutin, mais pas dans les six mois précédant le renouvellement général du congrès, et ce dans les dix-huit mois suivant cette demande, mais pas dans la période neutralisée (art. 217, al. 2 et 3) : cela ne permet pas de donner une date certaine. Du reste, le principal rédacteur de ces textes reconnaît que « la loi organique ne fixe pas de délai au terme duquel ce pouvoir » (de provoquer une nouvelle consultation, confiée à une minorité indépendantiste) « deviendrait caduc » (François Garde, Les institutions de la Nouvelle-Calédonie, coll. Mondes océaniens, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 92). Quoique contraire à l'accord de Nouméa sur ce point, ce dispositif n'a, pourtant, pas été censuré par le Conseil constitutionnel, en 1999. Le cas échéant, la troisième consultation suit le même régime que la deuxième et aggrave donc l'incertitude qui pèse sur le processus de sortie du régime transitoire, fixé à la Nouvelle-Calédonie, depuis 1998.

* 405 En ce sens, Jean-Yves Faberon, « L'évolution du droit de vote en Nouvelle-Calédonie », RJP 2001, p. 91-103.

* 406 On pourrait concevoir de revenir aussi sur certains transferts de compétences portant atteinte à l'État régalien ou aux libertés publiques ou à l'égalité en droits entre Français : par ex., la calédonisation préc. des communes n'aurait plus aucune raison d'être dès lors que le suffrage restreint aurait disparu.

* 407 On rappelle cette affirmation du secrétaire d'État à l'Outre-mer, Jean-Jacques Queyranne : « Bien évidemment, cette notion de corps électoral restreint ne vaut que pour la durée de l'accord » (JO Débats Sénat, 13 oct. 1999, p. 5 068).

* 408 On se réfère ici à ce motif de la décision du Conseil constitutionnel du 8 août 1985 : « considérant que le congrès dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire (...) » (CC, 8 août 1985, Évolution de la Nouvelle-Calédonie , déc. 85-196 DC, cons. 16, Rec . 63).

* 409 « La précarité dans la fonction publique territoriale », Rapport du Conseil Supérieur de la fonction publique territoriale, 16 mars 2011.

* 410 Jean Ripert, L'égalité sociale et le développement économique dans les DOM, 1989 ; Eliane Mossé, Quel développement économique pour les départements d'outre-mer ?, février 1999 ; Bertrand Fragonard, Les départements d'outre-mer : un pacte pour l'emploi, juillet 1999 ; Michel Mercier, Pour une République territoriale : l'unité dans la diversité, 1999-2000 ; Lambert Jérôme, Rapport sur le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, 4 mai 2000 ; Marc Laffineur, Rapport d'information sur la fonction publique d'État et la fonction publique locale outre-mer, 25 septembre 2003 : Jean-Pierre Brard, Rapport d'information relatif à l'amélioration de la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations outre-mer, 13 mars 2007.

* 411 Observatoire de l'emploi, des métiers et des compétences de la fonction publique territoriale, « Les contrats aidés dans les collectivités territoriales au 31/12/2008 », Synthèse n° 27, décembre 2009.

* 412 Loi n° 2003-660.

* 413 Loi n° 50-407 du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion, JORF du 6 avril 1950, p. 3707 et loi du 30 juin 1950 pour les TOM.

* 414 Décrets n°49-55 et n° 71-485.

* 415 JORF du 27 mai 1998, p. 8039.

* 416 Article 77, issu de la loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie, JORF du 21 juillet 1998, p. 11143.

* 417 Article 3.1.1. de l'Accord de Nouméa.

* 418 Article 18, alinéa 2.

* 419 CE 25 novembre 2009 Haut-commissaire de la République en Polynésie française, n° 328 776.

* 420 http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/La-conduite-par-l-Etat-de-la-decentralisation

* 421 http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-autonomie-fiscale-en-outre-mer

* 422 Polynésie française, Saint Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna.

* 423 http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Collectivite-de-la-Polynesie-francaise-Finances-et-fiscalite
http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Region-Nouvelle-Caledonie-Nouvelle-Caledonie-Nouvelle-Caledonie

* 424 Avis n° 2011.00802, sur le budget primitif 2011 de la collectivité d'Outre-mer (COM) de Saint-Martin.

* 425 La compétence fiscale étendue distincte du droit commun, si elle s'est trouvée éteinte de 1946 à 2007 à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy lors de leur appartenance au département de la Guadeloupe n'a pas été fortement impactée à Saint-Pierre-et-Miquelon lors de l'intermède statutaire du département de 1975 à 1985.

* 426 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2014386QPCccc_386qpc.pdf

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