Rapport d'information n° 463 (2013-2014) de MM. Gérard CORNU , Jean-Luc FICHET , Hervé MAUREY et Rémy POINTEREAU , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 16 avril 2014

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N° 463

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 avril 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le déplacement d'une délégation de la commission du développement durable au Québec du 23 au 27 septembre 2013 ,

Par MM. Gérard CORNU, Jean-Luc FICHET, Hervé MAUREY et Rémy POINTEREAU,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Jean-Jacques Filleul, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre , secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Philippe Esnol, Jean-Luc Fichet, Alain Fouché, Mme Marie-Françoise Gaouyer, M. Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Mme Sophie Primas, MM. Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Une délégation de quatre membres de votre commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, composée de Gérard Cornu, Jean-Luc Fichet, Hervé Maurey et Rémy Pointereau, s'est rendue au Québec du 23 au 27 septembre 2013.

Le déplacement de cette délégation répondait à deux objectifs :

• d'une part, étudier le modèle énergétique québécois, au coeur duquel le développement des énergies renouvelables a été mis depuis de nombreuses décennies ;

• d'autre part, faire le point sur le débat public ayant cours depuis 2009 sur l'exploitation des gaz et pétroles de schiste dans la province.

Afin de mieux appréhender les enjeux de la politique suivie au Québec, votre délégation a rencontré l'ensemble des parties prenantes : gouvernement provincial, opposition libérale, agence publique en charge de l'étude d'impact environnemental, consortium d'entreprises pétrolières et gazières, associations environnementales.

Au cours de sa réunion du 16 avril 2014, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a entendu le compte rendu détaillé de cette mission et autorisé la publication du présent rapport d'information.

PREMIÈRE PARTIE : LES ÉNERGIES RENOUVELABLES AU QUÉBEC

I. LE MIX ÉNERGÉTIQUE AU QUÉBEC : LA PRÉPONDÉRANCE DE L'ÉNERGIE HYDRAULIQUE

A. LE PARTAGE DES COMPÉTENCES INSTITUTIONNELLES ENTRE L'ÉTAT FÉDÉRAL ET LA PROVINCE

Le Canada est un État fédéral dont le Québec constitue l'une des provinces. Cette organisation étatique a des conséquences en termes de répartition des compétences entre les échelons fédéral et provincial. En matière de politique énergétique, chaque province est libre de gérer comme elle l'entend ses ressources naturelles et, par exemple pour l'électricité, de mener sa propre politique de production, de transport et de distribution.

1. Les ressources naturelles et l'électricité : compétences provinciales

La Loi constitutionnelle de 1867 confie l'essentiel des compétences en matière de politique énergétique aux provinces. Les ressources naturelles et une partie des pouvoirs en matière d'environnement relèvent de l'échelon provincial, et en particulier l'exploration, le développement, la conservation et la gestion des ressources non renouvelables, ainsi que la production, le transport et la distribution de l'électricité.

Les provinces sont en général également propriétaires des sociétés de la Couronne, sortes d'entreprises d'État gérant la vente ou l'exploitation de certaines ressources, qui dominent l'industrie électrique dans leurs territoires respectifs. C'est le cas au Québec avec l'entreprise Hydro-Québec.

2. Le commerce interprovincial : compétence fédérale

Le gouvernement fédéral à Ottawa est compétent uniquement pour ce qui concerne le commerce interprovincial, en particulier le transport ferroviaire et les pipelines.

En matière de normalisation, l'échelon fédéral est responsable de l'efficacité énergétique, notamment via les normes du bâtiment, celles pour les véhicules neufs et les programmes d'étiquetage des produits de consommation.

Le secteur de l'énergie nucléaire est de compétence fédérale en matière de permis et de sécurité des installations.

Cette répartition des pouvoirs oblige les provinces à se coordonner a minima , ce qui n'a pas empêché, toutefois, certains conflits entre provinces, du fait d'une répartition inégale des ressources sur le territoire canadien. De fait, on constate des bilans énergétiques qui varient grandement d'une région à l'autre.

B. LE MIX ÉNERGÉTIQUE QUÉBÉCOIS : UN MIX MARQUÉ PAR LES ÉNERGIES RENOUVELABLES

1. Les différentes sources d'énergies renouvelables
a) Le mix énergétique au Québec : la prépondérance des énergies renouvelables

Le mix énergétique québécois est marqué par la prépondérance des énergies renouvelables. L'électricité provient à 96 % de l'énergie hydraulique. Le Québec dispose ainsi d'une forme d'énergie renouvelable et compétitive dont les impacts sur l'environnement sont très limités par rapport aux autres sources de production électrique conventionnelles.

À côté des 96 % d'hydroélectrique, le reste de la production québécoise est assuré par quelques centrales thermiques et par de l'éolien.

Source : Données énergie Canada Québec

La seule et unique centrale nucléaire de la province, Gentilly 2, qui produisait 2 % du mix électrique global en 2011, a été fermée fin 2012. La décision a été prise à la suite d'une consultation publique. La centrale était arrivée au terme de son cycle de vie, et les investissements de remise en état étaient bien plus coûteux que son démantèlement.

b) Un mix plus vert que dans le reste du Canada

Le Québec est un modèle en termes d'électricité renouvelable. À titre de comparaison, le mix électrique pour l'ensemble du Canada se répartit comme suit : 60 % d'hydroélectricité, 14 % de nucléaire, 12 % de charbon, et 9 % de gaz naturel.

Sources : Energy Information Administration et Electric Power Annual , 2012, et Statistique Canada, 2013

2. La spécificité du Québec : l'hydroélectricité

Le Québec est la terre de l'hydroélectricité. Grâce à sa géomorphologie et à ses ressources hydroélectriques, le Québec a accès à une forme d'énergie propre, renouvelable, abondante et constante.

Avec plus de 130 000 cours d'eau et 500 000 lacs, qui représentent au total 12 % de son territoire, le Québec est l'une des régions les plus riches en eau du monde, et contient plus de 40 % des ressources hydrauliques du Canada. Cette spécificité constitue un réel atout dont le gouvernement québécois a su tirer profit, en faisant du développement de la filière hydroélectrique une priorité de sa stratégie énergétique. L'aménagement de la Baie-James en est l'exemple le plus illustre, puisque celle-ci abrite aujourd'hui le plus grand complexe hydroélectrique au monde.

96 % de l'électricité produite au Québec provient de l'énergie hydroélectrique. L'entreprise d'État, Hydro-Québec, gère d'immenses ensembles de barrages, qu'elle peut ouvrir ou fermer quasiment instantanément pour ajuster l'offre à la demande. L'électricité est donc abondante, propre et surtout constante, contrairement aux autres énergies renouvelables généralement intermittentes. L'électricité est tellement bon marché au Québec que 70 % des foyers se chauffent par ce moyen en hiver. Le prix de l'électricité est en outre le même partout, par péréquation, que l'on se situe dans la communauté inuit du Nord ou en plein centre de Montréal. Le tarif pratiqué est plat : ni dégressif, ni progressif.

Grâce à ses ressources hydrauliques, le Québec bénéficie donc d'un actif non négligeable, qui prend une valeur additionnelle dans un contexte de lutte contre les gaz à effet de serre. Avec cette prépondérance de l'hydroélectricité dans son mix énergétique, le Québec produit deux fois moins de gaz à effet de serre par habitant que l'ensemble du Canada.

II. LE DÉVELOPPEMENT DE SOURCES D'ÉNERGIES ALTERNATIVES DANS LE CADRE D'UNE POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

A. UNE INCITATION LIMITÉE À DIVERSIFIER LE MIX ÉNERGÉTIQUE

Le mix électrique québécois est donc très vert. C'est un avantage commercial significatif par rapport à son principal partenaire commercial qu'est le Nord-Est des États-Unis. Certaines entreprises américaines sont d'ailleurs intéressées par l'achat d'électricité avec des certificats d'économie verte. Le Québec profite également du pic de demande aux États-Unis durant l'été, du fait de la climatisation, pour vendre ses surplus à bon prix sur le marché spot.

Hydro-Québec a en outre une gestion très fine de ses importations d'énergie. L'entreprise importe parfois de l'électricité des Etats-Unis, quand c'est avantageux économiquement. En effet, les centrales thermiques américaines ne peuvent pas être arrêtées rapidement. En fonction de l'évolution de la demande, elles se trouvent parfois à produire de l'électricité en surplus. Hydro-Québec ferme alors ses turbines hydroélectriques - les responsables de l'entreprise, rencontrés sur place, ont expliqué à votre délégation que cette fermeture pouvait être effectuée en une minute - et achète à prix négatif de l'électricité aux Américains.

Compte tenu de ces éléments, il existe a priori peu d'intérêt, en particulier économique, à développer d'autres sources d'énergies au Québec. L'électricité est une manne abondante et bon marché.

B. L'ÉOLIEN COMME OUTIL D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Malgré la manne hydroélectrique, et donc une incitation très limitée à varier le mix énergétique, le Québec investit pour développer des sources d'énergies alternatives.

L'éolien est une des priorités du gouvernement. Le Québec dispose en effet du deuxième plus grand gisement éolien au monde. Il faut cependant distinguer le gisement théorique du potentiel réellement exploitable techniquement, en tenant notamment compte de la capacité de raccordement au réseau principal de transport d'électricité.

Le Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec a fait réaliser deux études pour mieux caractériser le potentiel éolien de la province : le programme de mesure du potentiel éolien en 2003 dans les régions de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord, et l'inventaire du potentiel éolien exploitable du Québec, en 2005, sur l'ensemble du territoire du Québec. Cette dernière étude évalue à 4 millions de mégawatts le potentiel technique exploitable total du Québec. Le potentiel total intégrable au réseau électrique, selon l'évaluation faite par Hydro-Québec TransÉnergie, correspond actuellement à 3 600 mégawatts et à 4 000 mégawatts en 2015.

CARTE DES VENTS DOMINANTS AU QUÉBEC

Source : Hydro-Québec

Le Gouvernement utilise aujourd'hui l'éolien dans une optique d'aménagement du territoire, pour développer économiquement certaines régions. Depuis quelques années, Hydro-Québec passe des appels d'offres auprès de producteurs indépendants et assure l'intégration de l'énergie produite dans son réseau.

La production éolienne a débuté en 1998 avec le projet Le Nordais en Gaspésie. En 2003, Hydro-Québec a lancé un premier appel d'offres pour l'acquisition de 1 000 mégawatts d'électricité éolienne. À l'issue du processus de sélection, huit contrats ont été signés pour une puissance totale de 990 mégawatts. Tous les projets retenus sont situés en Gaspésie, région en difficulté sur le plan économique et ayant investi dans la filière éolienne pour diversifier son activité. Les entreprises retenues y ont investi près de deux milliards de dollars et créé plus de 600 emplois au sein de nouvelles entreprises de fabrication de composants d'éoliennes.

En 2005, un second appel d'offres a été lancé par Hydro-Québec pour 2 000 mégawatts d'énergie éolienne. Quinze projets ont été retenus et sont actuellement en cours de réalisation.

En 2009, un troisième appel d'offres a été lancé pour des projets communautaires et autochtones de 25 mégawatts. Le gouvernement québécois vise, de cette manière, à maximiser les retombées économiques locales et régionales, tout en s'assurant que les développements effectués respectent l'environnement et bénéficient du soutien des communautés concernées.

Au total, fin 2013, le Québec dispose de 23 parcs éoliens en exploitation, ce qui représente, selon les données fournies par l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable (AQPER), 1 388 éoliennes, 2 398 mégawatts, 5 000 emplois et une chaîne d'approvisionnement intégrée de plus de 150 entreprises.

Les petits producteurs d'électricité, dont votre délégation a rencontré les représentants à travers l'AQPER, regrettent toutefois que les contrats ne se fassent que sur 20 ans, quand Hydro-Québec amortit ses propres investissements sur 120 ans, et qu'il n'y ait pas de visibilité suffisante sur les appels d'offres à venir.

En tout état de cause, la raison d'être de l'éolien au Québec est bien une volonté politique d'aménagement du territoire, et non la rentabilité économique des projets.

C. LE DÉVELOPPEMENT D'ÉCO-QUARTIERS

Le Québec est également en pointe pour ce qui est du développement d'éco-quartiers. Plusieurs projets innovants ont été lancés ces dernières années, avec là encore un enjeu en termes d'aménagement du territoire. Votre délégation a pu, par exemple, visiter le complexe environnemental de Saint-Michel à Montréal.

Ce complexe occupe 192 hectares au coeur de Montréal. Le site abritait auparavant une carrière de calcaire, la carrière Miron, qui a été reconvertie en 1968 en un site d'enfouissement de 75 hectares. Aujourd'hui, il est en passe d'être transformé en un immense espace vert. C'est le plus ambitieux projet de réhabilitation environnementale mené à ce jour à Montréal.

Le complexe a été conçu comme une véritable plaque tournante environnementale. On y trouve :

- un centre de récupération et de tri ;

- une centrale qui convertit en électricité le biogaz produit par le site d'enfouissement ;

- des sites de compostage et de déchiquetage du bois ;

- un espace culturel ;

- un espace sportif ;

- un pôle éducatif ;

- une zone industrielle et commerciale.

Un parc linéaire ceinture le site, avec une piste cyclable de 5 kilomètres qui donne un aperçu de ce que sera l'espace vert à son ouverture prévue d'ici 2020.

PLAN DIRECTEUR DU COMPLEXE ENVIRONNEMENTAL DE SAINT-MICHEL

Source : ville de Montréal

La réhabilitation de l'ancienne carrière puis de l'ancienne décharge est un projet global et ambitieux, qui a nécessité de résoudre de nombreuses difficultés techniques.

La question de la récupération des biogaz, en particulier, a constitué un enjeu central. En effet, en se décomposant, les matières organiques contenues dans les déchets enfouis produisent un mélange gazeux contenant du méthane. Ce biogaz représente un réel danger s'il n'est pas canalisé et il contribue de manière considérable au réchauffement climatique.

C'est pourquoi, dès 1989, l'équipe du complexe environnemental a commencé à implanter un dispositif de captage pour éviter que le biogaz ne s'échappe dans les sols ou l'atmosphère. Près de 375 puits de captage ont été placés à une profondeur moyenne de 30 mètres dans les résidus enfouis.

En 1996, le complexe a établi un partenariat avec la centrale Gazmont pour convertir ce biogaz en électricité. Aujourd'hui, la centrale possède une capacité totale de 23 mégawatts qui alimente le réseau d'Hydro-Québec. Cela représente la consommation en électricité de 15 000 ménages.

Historique du complexe environnemental de Saint-Michel

1895 : début de l'exploitation d'une carrière de calcaire sur le site.

1968 : une partie de la carrière est utilisée comme site d'enfouissement.

1984 : la ville de Montréal acquiert le terrain.

1988 : la ville reprend l'exploitation du site d'enfouissement selon les normes imposées par le ministère du développement durable, de l'environnement et des parcs du Québec.

1989-2008 : plus de 375 puits de captage des biogaz sont installés afin de prévenir les émissions de gaz à effet de serre polluants.

1989 : la ville installe son centre de récupération et de tri des matières recyclables.

1995 : le site est rebaptisé Complexe environnemental de Saint-Michel.

1996 : la centrale Gazmont commence à convertir le biogaz en électricité.

2000 : le site d'enfouissement ne reçoit plus de déchets fermentescibles qui sont réorientés vers d'autres structures.

2009 : le complexe met définitivement fin à ses activités d'enfouissement des matériaux secs provenant des travaux de démolition, de construction et de rénovation.

La reconversion du complexe environnemental de Saint-Michel fait l'objet d'une surveillance accrue des pouvoirs publics. En effet, les activités d'un site d'enfouissement sanitaire entraînent inévitablement des risques, à commencer par la présence de biogaz et de lixiviats, mais également du fait des nuisances liées à la qualité de l'air.

Des puits de surveillance ont été aménagés sur tout le pourtour du site, afin de veiller à ce que le biogaz ne s'infiltre pas dans le sous-sol avoisinant et que le lixiviat ne contamine pas les eaux souterraines. Par ailleurs, la qualité de l'air fait l'objet d'un suivi constant. Un échantillonnage est réalisé chaque semaine pour surveiller la présence de biogaz.

Le recouvrement final du complexe a débuté à l'automne 2009. La ville de Montréal a entrepris de recouvrir plus de 30 hectares sur les 75 hectares qui servaient de site d'enfouissement par le passé. Cet espace constituera le futur parc ouvert au public. Il était encore en cours de renaturalisation lors du déplacement de votre délégation.

Le complexe environnemental de Saint-Michel est donc un projet ambitieux de réhabilitation de l'espace urbain, en plein coeur d'un quartier défavorisé, actuellement en pleine revitalisation du fait du projet de parc.

III. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE CE MODÈLE ÉNERGÉTIQUE

A. ATOUT ÉCONOMIQUE ET INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE

Le modèle énergétique québécois présente des avantages considérables. Il s'agit d'un modèle unique.

L'entreprise Hydro-Québec gère, en situation de monopole, les grands barrages et la distribution d'électricité. L'énergie hydraulique permet de stocker l'électricité et de gérer très finement le commerce de l'énergie avec les États-Unis et les autres provinces canadiennes, tout en garantissant des prix très bas au consommateur québécois. En effet, en termes de pouvoir d'achat pour le consommateur, le Québec est en pointe sur le continent nord-américain.

Source : Hydro-Québec, comparaison des prix de l'électricité au 1 er avril 2012

L'atout économique est donc indéniable. Par ailleurs, ce modèle énergétique garantit une indépendance totale à la province pour sa production et sa consommation d'électricité. C'est un avantage d'autant plus significatif que le Québec a traditionnellement et historiquement toujours eu une position à part au sein de l'État fédéral canadien.

B. UN EFFET DÉSINCITATIF POUR LES ÉCONOMIES D'ÉNERGIE

Le revers de cette médaille est l'effet fortement désincitatif en matière d'économies d'énergie. Les filiales des entreprises françaises établies sur place (EDF énergies nouvelles, Dalkia, Cofely, Alstom) ont indiqué à votre délégation qu'il était difficile de mener des projets d'efficacité énergétique au Québec du fait de l'effondrement des prix de l'énergie. Il est difficile d'être économe quand l'énergie est abondante et peu coûteuse. L'eau est par exemple gratuite à Montréal. La préoccupation environnementale dans ce domaine est donc assez récente.

Le premier « plan d'ensemble d'économies d'énergie » a été mis en place début 2009 par l'Agence d'efficacité énergétique du Québec. La réalisation de ce plan doit coûter 891 millions de dollars en trois ans et doit permettre au Québec d'économiser 25 655 térajoules, soit 17 % de l'objectif de la Stratégie énergétique du Québec d'ici 2015.

Le mix énergétique québécois est donc un modèle intéressant et enviable, mais qui est difficilement transposable ailleurs dans le monde. En France, il n'existe plus beaucoup de marges de manoeuvre en termes d'aménagements de barrages sur les cours d'eau.

DEUXIÈME PARTIE : LA POLITIQUE D'INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DU QUÉBEC

I. UN CONTEXTE POLITIQUE PARTICULIER

La politique énergétique du Québec est à replacer dans le contexte très particulier de cette province et notamment de ses relations avec l'échelon fédéral canadien. Afin de prendre la mesure des enjeux politiques sur ces questions, votre délégation a rencontré le ministre du développement durable du Québec, Yves-François Blanchet, le président de l'Assemblée nationale du Québec, Jacques Chagnon, la porte-parole de l'opposition libérale à l'Assemblée nationale sur les questions de forêt et d'énergie, Julie Boulet, et le ministre fédéral des ressources naturelles, Joe Oliver.

A. GOUVERNEMENT PROVINCIAL ET GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

1. L'élection générale de 2012 et l'arrivée au pouvoir du Parti Québécois

Au niveau provincial, le gouvernement au pouvoir en septembre 2013 est issu de l'élection générale du 4 septembre 2012.

L'élection du 4 septembre 2012 a été convoquée de manière anticipée par le gouvernement libéral de Jean Charest à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, dans un contexte politique marqué par un fort taux d'insatisfaction dans la population ainsi que par la tenue des travaux de la commission Charbonneau. Cette commission d'enquête porte sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, qui a progressivement mis à jour l'existence d'un système de corruption impliquant crime organisé, syndicats, entreprises de travaux publics et monde politique.

Le Parti libéral, parti de centre-droite favorable au maintien du Québec au sein de l'État canadien, a orienté sa campagne sur la stabilité et le maintien de l'ordre. Son principal adversaire, le Parti québécois, formant l'opposition officielle depuis 2008, a une plateforme électorale principalement axée sur la souveraineté de la province. La question de l'avenir du Québec a donc été au coeur de la campagne électorale.

Les résultats de l'élection ont conduit à la formation d'un gouvernement minoritaire par le Parti québécois, dirigé par Pauline Marois, qui a obtenu, avec 54 sièges, une courte majorité à l'Assemblée nationale.

RÉSULTATS DE L'ÉLECTION GÉNÉRALE DE 2012

À titre d'information, depuis le déplacement de votre délégation, une nouvelle élection générale anticipée s'est tenue, le 7 avril 2014, du fait de la situation de minorité du Gouvernement Marois. Ce scrutin a conduit à une défaite du Parti québécois et au retour au pouvoir des libéraux, avec la constitution d'un gouvernement par Philippe Couillard.

2. Au niveau fédéral, un gouvernement conservateur

Au niveau fédéral, le gouvernement issu de l'élection générale du 2 mai 2011 est un gouvernement conservateur, dirigé par le Premier ministre Stephen Harper.

Cette élection a été convoquée de manière anticipée pour cause de dissolution de la Chambre des communes à la suite de l'adoption d'une motion de défiance à l'encontre du précédent gouvernement Harper. L'élection a permis au parti conservateur de composer un nouveau gouvernement, cette fois majoritaire.

3. Des relations politiques difficiles entre État fédéral et province

Les relations entre le Parti québécois et la capitale canadienne sont difficiles, du fait de la volonté d'indépendance de la province et de l'opposition de la capitale fédérale à ces velléités de séparation. Dans ce climat politique très particulier, le programme d'indépendance énergétique est un des aspects cruciaux de la politique menée par le gouvernement québécois.

B. LA POLITIQUE D'INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE, POINT CENTRAL DU PROGRAMME DU GOUVERNEMENT PROVINCIAL

La politique d'indépendance énergétique est au coeur du projet politique du gouvernement de Pauline Marois.

Le mix électrique québécois, fourni en quasi-intégralité par l'énergie hydraulique, assure à la province une large indépendance. En revanche, lorsqu'on prend en compte l'ensemble du mix énergétique, l'hydroélectricité ne représente plus que 60 % du bouquet total. Le reste de l'énergie provient des hydrocarbures, principalement dans les transports. Or, le Québec est totalement dépendant de l'extérieur pour ses hydrocarbures.

Dans ce contexte, la politique d'indépendance énergétique est cruciale pour le Parti québécois. Elle passe par plusieurs axes, que le déplacement a permis d'étudier : l'électrification dans les transports et la réflexion sur les gaz et pétroles de schiste.

II. LA POLITIQUE D'ÉLECTRIFICATION DANS LES TRANSPORTS

A. L'ÉLECTRIFICATION, VÉRITABLE ENJEU DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

L'électrification est un enjeu de développement durable au Québec. Compte tenu de la manne hydroélectrique, et dans la mesure où les transports restent encore largement alimentés par les hydrocarbures, l'électrification des transports constitue un gisement considérable d'économies d'énergies.

CONSOMMATION FINALE DE PRODUITS ÉNERGÉTIQUES PÉTROLIERS PAR SECTEUR (1996-2010)

Sources : Ministère des Ressources naturelles du Québec et Statistique Canada

Ainsi que l'illustre ce graphique, en 2010, la consommation finale de produits pétroliers énergétiques a diminué de 2,7 % par rapport à 2009, mais le secteur des transports accaparait à lui seul près de 75 % de cette consommation.

Sur l'énergie totale consommée au Québec, plus de 20 % sert à propulser des véhicules automobiles.

Le secteur du transport routier de marchandises est en forte croissance depuis le début des années 1990. Le volume du transport de marchandises a en effet doublé entre 1990 et 2006. De la même manière, le nombre de véhicules sur les routes du Québec a augmenté en moyenne de 3 % par an entre 1981 et 2007.

Du fait de ces évolutions, le Québec, qui dépend entièrement des importations pour ses hydrocarbures, s'intéresse depuis plusieurs années au développement de moyens de transport électriques.

B. LA STRATÉGIE D'ÉLECTRIFICATION DES TRANSPORTS 2013-2017

Le gouvernement québécois a fait de l'électrification dans les transports une de ses priorités. Une « stratégie d'électrification » a été mise en place pour la période 2013-2017. Cette stratégie est orientée autour de quatre axes, pour un investissement total de 516 millions de dollars d'ici à 2017 :

- faire rapidement une plus grande place aux transports électriques : il s'agit de développer l'électrification du transport collectif des personnes, d'accélérer les mutations en cours dans le transport individuel et d'agir sur le transport de marchandises ;

- tirer parti du savoir-faire électrique du Québec : le gouvernement entend tirer pleinement parti du savoir-faire électrique des Québécois en investissant dans la recherche et le développement ;

- développer une filière industrielle forte et performante : la stratégie proposée par le gouvernement consiste à soutenir le développement et la commercialisation de produits novateurs, à miser sur les leaders québécois, à attirer des entreprises de dimension internationale et à promouvoir l'exportation des nouveaux produits ainsi créés ;

- faire de l'État québécois un modèle à suivre : cet axe vise à accélérer l'adoption par les ministères et les organismes publics des véhicules électriques et, dans le même temps, à mettre en place un cadre législatif et réglementaire favorisant l'électrification des transports.

Cette stratégie d'électrification des transports doit contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre à moyen et long termes. En effet, en 2010, le transport représentait environ 29 % de la consommation totale d'énergie au Québec, pour 43 % des émissions totales de gaz à effet de serre. Ces émissions ont augmenté de 28 % entre 1990 et 2010, alors que, sur la même période, les émissions provenant de l'ensemble des autres secteurs économiques diminuaient de 16 %. En verdissant le transport individuel, le transport collectif et le transport de marchandises, la stratégie d'électrification des transports va donc permettre une forte réduction des gaz à effet de serre au Québec.

C. LE SUJET DU TRAIN À GRANDE VITESSE

Dans le cadre de cette politique d'électrification des transports, le sujet du train à grande vitesse est une question récurrente. Il n'existe pas de ligne à grande vitesse entre Québec et Montréal.

À plusieurs reprises par le passé, un projet a été envisagé entre Québec, Trois-Rivières et Montréal, avec un prolongement éventuel jusqu'à Toronto. Une étude d'impact commandée en 2011 par le gouvernement a mis en évidence le coût extrêmement élevé du projet, pour une rentabilité très incertaine. Ce coût a été évalué entre 26 et 29 milliards de dollars, étalés entre 2011 et 2024, avec un mauvais taux de retour sur investissement.

En outre, la solution ne semble pas adaptée au pays et aux pratiques des habitants. Les ONG environnementales rencontrées sur place expliquent qu'il est très difficile d'évaluer la demande future de service de train à grande vitesse, dans la mesure où il n'existe pas aujourd'hui de point de comparaison sur lequel s'appuyer. Or, la réaction des voyageurs potentiels sur le trajet Québec-Toronto est un facteur clé, car elle détermine le niveau des recettes générées par le projet, et donc sa capacité à récupérer l'investissement initial et les coûts d'exploitation liés à son développement.

La politique d'électrification des transports au Québec ne devrait donc pas passer, du moins à échéance rapprochée, par le train à grande vitesse.

III. LES GAZ ET PÉTROLES DE SCHISTE

A. LES GAZ ET PÉTROLES DE SCHISTE AU QUÉBEC

Le Québec a connu, à peu près au même moment qu'en France, un large débat public sur l'exploitation des gaz et pétroles de schiste. La province dispose en effet d'un gisement conséquent de gaz de schiste : le gisement d'Utica.

CARTE DES FORMATIONS DE GAZ DE SCHISTE EN AMÉRIQUE DU NORD

Source : Office national de l'énergie du Canada

Sa spécificité est qu'il se situe sous des zones fortement urbanisées, le long du fleuve Saint-Laurent. La problématique de l'exploitation de cette ressource est donc comparable à celle que l'on connaît en France, où les gisements semblent se trouver dans des zones fortement peuplées, en Île-de-France notamment. C'est très différent de la situation d'autres provinces canadiennes, en particulier la Colombie britannique, autour de Vancouver, où la densité de population est extrêmement faible et où l'exploitation soulève donc moins de problèmes d'acceptabilité sociétale.

Afin de comprendre les enjeux du débat sur les gaz de schiste au Québec, votre délégation a rencontré l'ensemble des parties prenantes : gouvernement provincial, agence publique en charge de l'étude d'impact environnemental, consortium d'entreprises pétrolières et gazières, organisations environnementalistes. Ces rencontres ont permis de retracer la chronologie des décisions et de cerner les positions en présence.

B. UN DÉBAT PUBLIC MOUVEMENTÉ SUR LES GAZ DE SCHISTE QUI A CONDUIT À UN MORATOIRE DE FAIT

Au Québec, le droit minier est similaire au droit français en ce que les ressources souterraines comme le pétrole et le gaz appartiennent à la province, et non aux propriétaires privés du terrain. Le ministère des ressources naturelles distribue les permis et encadre l'exploitation du sous-sol.

À partir de 2009, des permis d'exploitation des gaz de schiste ont été accordés à de grandes entreprises gazières. Les habitants des rives et de la plaine du Saint-Laurent ont vu s'installer, du jour au lendemain, parfois à deux pas de chez eux, des têtes de puits de forage, sans aucune information ou consultation préalable. Des associations environnementales et de riverains se sont progressivement constituées. Face à l'ampleur de la mobilisation, le gouvernement a alors confié au Bureau d'audience publique sur l'environnement la mission d'évaluer l'impact environnemental des gaz de schiste. Le bureau a mené une longue campagne de débats publics dans toutes les villes concernées.

Le bureau a indiqué manquer d'éléments scientifiques au début de son étude. Des expertises nouvelles ont été commandées. Les ONG ont également produit leurs contre-expertises. Un certain nombre de dangers ont pu être identifiés, au premier rang desquels la contamination de l'eau potable. Sur 28 premiers puits forés au Québec, 17 puits comportaient des fuites. Ces éléments n'ont évidemment pas contribué à l'acceptabilité sociale de ces projets.

Le débat a pris fin du fait de deux évolutions : d'une part, le gouvernement a adopté un moratoire sur la fracturation hydraulique , d'autre part, les prix du gaz ont fortement chuté. Les années 2009-2010 correspondent en effet au boom gazier aux États-Unis. La chute des prix a fait baisser l'intérêt des compagnies gazières. Il faudrait que le prix du gaz dépasse 6 dollars pour que le gaz québécois devienne compétitif.

Les entreprises gazières rencontrées sur place mettent en avant l'évolution des techniques et la nécessité d'une exploration scientifique. Ils soutiennent en particulier l'idée d'un projet pilote, surveillé de sa conception à son exploitation par les autorités et par des experts indépendants, afin d'apaiser le débat public. Les industriels ont également indiqué que sur l'ensemble du gisement d'Utica, toutes les zones ne seront pas intéressantes pour une exploitation du gaz de schiste à terme.

C. LA PROBLÉMATIQUE SPÉCIFIQUE DES PÉTROLES DE SCHISTE SUR L'ÎLE D'ANTICOSTI

Les pétroles de schiste constituent une problématique à part. Contrairement au gaz, compte tenu des cours du baril de pétrole, il y a un intérêt économique à exploiter le pétrole de schiste au Québec. Un gisement a été découvert dans la région de l'île d'Anticosti, dans l'estuaire du Saint-Laurent. Ce gisement est estimé à 48 milliards de barils. L'île en elle-même est peu peuplée, mais il s'agit d'une réserve naturelle protégée. De nombreuses ONG environnementales s'opposent donc au projet d'exploitation.

L'option de favoriser l'indépendance énergétique a toutefois été retenue par le gouvernement québécois. La Première ministre s'est engagée en février dernier à investir 115 millions de dollars dans la recherche d'énergie fossile sur l'île d'Anticosti. Deux années de travaux d'exploration intensifs doivent avoir lieu afin de confirmer le potentiel en pétrole. En cas de découverte d'un gisement conséquent, le Québec pourrait bénéficier de retombées économiques estimées à 45 milliards de dollars sur 30 ans. Ces retombées comprendraient les redevances, les impôts et les bénéfices liés aux prises de participation dans les projets.

Le ministre du développement durable a indiqué qu'une évaluation environnementale approfondie serait lancée en cas d'exploitation du gisement. Le risque d'une catastrophe comparable à celle survenue dans le Golfe du Mexique en avril 2010 à la suite de l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon est en effet à prendre en considération. Le golfe du Saint-Laurent est une mer intérieure semi-fermée, composée d'écosystèmes fragiles et protégés.

Ces exemples montrent, en tout état de cause, l'importance de la manière dont on présente un projet pour son acceptabilité sociale. Face à la question de la perception du risque, l'enjeu d'information et de transparence est crucial.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 16 avril 2014, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire examine le rapport d'information sur le déplacement d'une délégation de la commission au Québec du 23 au 27 septembre 2013.

M. Raymond Vall, président . - Premier point à l'ordre du jour ce matin : l'examen du rapport sur le déplacement d'une délégation de notre commission au Québec du 23 au 27 septembre derniers.

M. Gérard Cornu . - J'ai l'honneur de vous présenter le rapport effectué à la suite du déplacement de quatre membres de la commission au Québec en septembre dernier. J'aimerais commencer par saluer Jean-Luc Fichet, Hervé Maurey et Rémy Pointereau qui m'accompagnaient lors de ce déplacement, et que je souhaite associer à cette présentation.

Notre délégation avait pour mission d'étudier les politiques locales en matière d'énergies renouvelables et de gaz de schiste dans ce pays, avec cette particularité que le Canada, contrairement à la France, est un État fédéral, dont le Québec constitue l'une des provinces.

Le Québec a été fortement avantagé par la nature : c'est un véritable réservoir d'eau. L'électricité provient à 98 % de l'énergie hydraulique. L'entreprise d'État, Hydro-Québec, dont nous avons rencontré les représentants à Montréal, gère d'immenses ensembles de barrages, qu'elle peut ouvrir ou fermer quasiment instantanément pour ajuster l'offre à la demande. L'électricité est donc abondante, propre et surtout constante, contrairement aux autres énergies renouvelables généralement intermittentes. Pour vous donner une idée, l'électricité est tellement bon marché au Québec que 70 % des foyers se chauffent par ce moyen en hiver. Le prix de l'électricité est en outre le même partout, par péréquation, que l'on se situe dans la communauté inuit du Nord ou en plein centre de Montréal. Le tarif pratiqué est plat : ni dégressif, ni progressif.

Le Québec est donc un modèle en termes d'électricité renouvelable. À titre de comparaison, le mix électrique pour l'ensemble du Canada se répartit comme suit : 65 % d'hydroélectricité, 14 % de nucléaire, 12 % de charbon, et 9 % de gaz naturel.

À côté des 98 % d'hydroélectrique, le reste de la production québécoise est assuré par quelques centrales thermiques et par de l'éolien. La seule et unique centrale nucléaire du pays, Gentilly 2, a été fermée fin 2012. Le mix électrique québécois est donc très vert. C'est un avantage commercial significatif par rapport à son principal partenaire et rival commercial, à savoir le Nord-Est des États-Unis. Certaines entreprises américaines sont d'ailleurs intéressées par l'achat d'électricité avec des certificats d'économie verte. Le Québec profite également du pic de demande aux États-Unis durant l'été, du fait de la climatisation, pour vendre ses surplus à bon prix sur le marché spot. Hydro-Québec a en outre une gestion très fine de ses importations d'énergie. L'entreprise importe parfois de l'électricité des États-Unis, quand c'est avantageux économiquement. En effet, les centrales thermiques américaines ne peuvent pas être arrêtées rapidement. En fonction de l'évolution de la demande, elles se trouvent parfois à produire de l'électricité en surplus. Hydro-Québec ferme alors ses turbines hydroélectriques - les responsables de l'entreprise nous ont expliqué que cela pouvait être fait en une minute - et achète à prix négatif de l'électricité aux Américains.

Malgré la manne hydroélectrique, et donc une incitation très limitée à varier le mix énergétique, le Québec investit pour développer des sources d'énergies alternatives. Le Gouvernement utilise en particulier l'éolien dans une optique d'aménagement du territoire, pour développer économiquement certaines régions. Les projets éoliens se font généralement en associant financièrement les municipalités concernées, et dans le but de développer des filières locales. Les entreprises décrochant les contrats doivent par exemple s'engager à recourir à de la main-d'oeuvre ou à des entreprises locales. La raison d'être de l'éolien au Québec est donc bien une volonté politique d'aménagement du territoire, et non la rentabilité économique des projets.

Le Québec est également en pointe pour ce qui est du développement d'éco-quartiers. Plusieurs projets innovants ont été lancés ces dernières années, avec là encore un enjeu en termes d'aménagement du territoire. Nous avons pu, par exemple, visiter le quartier de la Tohu à Montréal. La Tohu était une ancienne décharge, aujourd'hui fermée. L'objectif est désormais d'en faire un immense parc ouvert au public. La décharge a été enterrée. Des tuyaux récupèrent le biogaz s'échappant encore des déchets en décomposition. Ce biogaz doit servir à alimenter les infrastructures sportives, culturelles et industrielles qui ont été ouvertes autour du parc. C'est un projet ambitieux de réhabilitation de l'espace urbain, en plein coeur d'un quartier défavorisé, actuellement en pleine revitalisation du fait du projet de parc.

Le modèle énergétique québécois est un modèle unique. L'entreprise Hydro-Québec gère, en situation de monopole, les grands barrages et la distribution d'électricité. L'énergie hydraulique permet de stocker l'électricité et de gérer très finement le commerce de l'énergie avec les États-Unis et les autres provinces, tout en garantissant des prix très bas au consommateur québécois. Le kWh d'électricité à Montréal coûte en effet 6,8 centimes de dollars canadiens, contre 12 à Ottawa ou 21 à New York. À titre de comparaison, le prix de l'électricité en France est d'environ 13,5 centimes d'euros, donc 17 centimes de dollars. En Allemagne, il s'élève à 36 centimes de dollars. L'électricité québécoise est particulièrement compétitive. Le revers de cette médaille est l'effet fortement désincitatif en matière d'économies d'énergie. Les filiales des entreprises françaises établies sur place nous ont indiqué qu'il n'était pas évident de mener au Québec des projets d'efficacité énergétique du fait de l'effondrement des prix de l'énergie.

Le mix énergétique québécois est donc un modèle intéressant, mais difficilement transposable ailleurs dans le monde. En France, nous n'avons, par exemple, plus beaucoup de marges de manoeuvre en termes d'aménagements de barrages sur nos cours d'eau.

Le deuxième axe d'étude de notre déplacement concerne la politique d'indépendance énergétique menée par le Québec. Pour bien en comprendre les enjeux, il faut revenir sur le contexte politique québécois.

Au niveau provincial, l'élection générale de 2012 a vu l'arrivée au pouvoir du Parti Québécois, parti souverainiste qui souhaite la séparation du Canada. Leur principal opposant est le Parti libéral, favorable au maintien au sein de l'État fédéral, et qui vient de remporter les élections générales la semaine dernière. Au niveau fédéral, le gouvernement élu en 2011 est un gouvernement conservateur. Les relations entre le Parti québécois et la capitale canadienne étaient difficiles, à l'époque où nous avons réalisé cette mission, du fait de la volonté d'indépendance de la province. Dans ce climat politique très particulier, le programme d'indépendance énergétique était un des aspects cruciaux de la politique menée par le gouvernement provincial. L'arrivée au pouvoir du Parti libéral va peut-être faire évoluer les priorités.

Si le Québec est indépendant pour son électricité, il est en revanche totalement dépendant de l'extérieur pour ses hydrocarbures. Pour pallier cette dépendance, le Québec travaille principalement sur deux politiques : l'électrification dans les transports et les gaz et pétroles de schiste.

Les transports constituent un gisement considérable d'économies d'énergie. Le gouvernement a investi 516 millions de dollars sur la période 2013-2017 pour encourager les véhicules électriques et développer des filières industrielles dans ce domaine. Dans le cadre de cette politique des transports, le sujet du train à grande vitesse est une question récurrente. Nous avons été surpris de l'absence de ligne à grande vitesse entre Québec et Montréal. À plusieurs reprises par le passé, un projet a été envisagé entre ces deux villes, avec un prolongement éventuel jusqu'à Toronto. La rentabilité incertaine et le coût considérable du projet, 29 milliards de dollars, ont conduit à abandonner cette idée. En outre, les habitudes de déplacement des Québécois, qui ont le réflexe de la voiture et de l'avion plus que la culture du train, n'incitent pas à poursuivre dans cette voie. La politique d'électrification des transports au Québec ne devrait donc pas passer par le train à grande vitesse.

Au Québec a eu lieu un débat, à peu près au même moment qu'en France, sur l'exploitation des gaz et pétroles de schiste. Le Québec dispose d'un gisement conséquent de gaz de schiste : le gisement d'Utica. Sa spécificité est qu'il se situe sous des zones fortement urbanisées, le long du fleuve Saint-Laurent. La problématique de l'exploitation de cette ressource est donc comparable à celle que nous connaissons en France, où les gisements semblent se trouver dans des zones fortement peuplées, en Île-de-France notamment. C'est très différent de la situation d'autres provinces canadiennes, en particulier la Colombie britannique, autour de Vancouver, où la densité de population est extrêmement faible et où l'exploitation soulève donc moins de problèmes d'acceptabilité.

Pour bien comprendre les enjeux du débat au Québec, nous avons rencontré l'ensemble des parties prenantes : gouvernement provincial, agence publique en charge de l'étude d'impact environnemental, consortium d'entreprises pétrolières et gazières, ONG... Ces rencontres nous ont permis de retracer la chronologie des décisions et de mieux cerner les positions en présence.

Au Québec, le droit minier est similaire au droit français. Les ressources souterraines, pétrole et gaz, appartiennent à la province, et non aux propriétaires privés du terrain. Le ministère des ressources naturelles distribue les permis et encadre l'exploitation du sous-sol. À partir de 2009, des permis d'exploitation des gaz de schiste ont été accordés à de grandes entreprises gazières. Les habitants des rives et de la plaine du Saint-Laurent ont vu s'installer, du jour au lendemain, parfois à deux pas de chez eux, des têtes de puits de forage, sans aucune information ou consultation préalable. Des associations environnementales et de riverains se sont progressivement constituées. Face à l'ampleur de la mobilisation, le gouvernement a alors confié au Bureau d'audience publique sur l'environnement la mission d'évaluer l'impact environnemental des gaz de schiste. Le bureau a mené une longue campagne de débats publics dans toutes les villes concernées et commandé de nombreuses expertises. Le rapport produit par le bureau a mis en évidence un certain nombre de dangers, notamment quant à l'étanchéité des forages, avec les risques de contamination de l'eau potable que cela implique. Ces éléments n'ont évidemment pas contribué à l'acceptabilité sociale de ces projets.

Le débat s'est finalement arrêté du fait de deux évolutions : d'une part, le gouvernement a pris un moratoire sur la fracturation hydraulique, d'autre part, les prix du gaz ont fortement chuté.

Les entreprises gazières que nous avons rencontrées mettent en avant l'évolution des techniques et la nécessité d'une exploration scientifique. Ils soutiennent en particulier l'idée d'un projet pilote, surveillé de sa conception à son exploitation par les autorités et par des experts indépendants, afin d'apaiser le débat public.

Les pétroles de schiste constituent une problématique à part. Contrairement au gaz, compte tenu des cours du baril de pétrole, il y a un réel intérêt économique à exploiter le pétrole de schiste au Québec. Un gisement a été découvert dans la région de l'île d'Anticosti, dans l'estuaire du Saint-Laurent. Ce gisement est estimé à 48 milliards de barils. L'île en elle-même est peu peuplée, mais il s'agit d'une réserve naturelle protégée. De nombreuses ONG environnementales s'opposent donc actuellement au projet.

Ces exemples montrent l'importance de la manière dont on démarre un projet pour son acceptabilité sociale. Face à la question de la perception du risque, l'enjeu d'information et de transparence est crucial. En France, l'apaisement du débat passe probablement par la poursuite d'une recherche transparente et indépendante sur ces questions.

Ce déplacement a donc été riche en enseignements, en particulier sur l'articulation entre politique énergétique et aménagement du territoire. Bien que le modèle énergétique québécois soit unique, certains des enjeux, notamment en termes de sécurisation de l'approvisionnement énergétique ou d'acceptabilité sociale des projets, recoupent parfaitement les débats que l'on peut avoir aujourd'hui en France.

M. Rémy Pointereau . - Il faut retenir de ce déplacement que les 98 % d'électricité hydraulique produits au Québec ne contribuent pas à encourager la recherche sur des énergies alternatives. L'isolation thermique dans les bâtiments laisse souvent à désirer. Il y a un gaspillage important de l'électricité, du fait de son coût dérisoire. Beaucoup d'économies d'énergie restent à faire.

Le modèle québécois n'est pas applicable en France. Pour autant, je pense que nous ne sommes pas allés au bout de la réflexion sur l'aménagement de nos cours d'eau et le développement de l'hydroélectricité dans notre pays.

Concernant le gaz de schiste, le Québec a adopté un moratoire. Le sujet a été abandonné en partie du fait de l'abondance de l'électricité et du boom des gaz de schiste aux États-Unis. La recherche scientifique est toutefois poursuivie. La France devrait faire de même.

Un autre fait marquant de notre déplacement a été la visite du complexe environnemental Saint-Michel, cette ancienne décharge reconvertie en parc. Des gymnases, des équipements culturels ont été construits autour du site, le tout dans un quartier en difficulté à l'époque. C'est là un exemple que nous pourrions suivre.

En matière de transports, comme Gérard Cornu l'a indiqué, nous avons constaté qu'il n'y a aucun espoir de créer une ligne à grande vitesse entre Québec et Montréal.

M. Gérard Cornu . - Nous étions étonnés qu'ils n'aient pas de ligne à grande vitesse ; ils étaient étonnés que nous ne poursuivions pas la recherche sur les gaz de schiste...

M. Michel Teston . - J'ai noté que ce rapport ne prend pas position sur la délicate question de l'exploitation des huiles et gaz de schiste, question qui divise profondément les membres de notre assemblée. Il a présenté le contexte québécois et ses enjeux, ainsi que la manière dont le débat a eu lieu. La vocation de ce rapport d'information n'est en effet pas de prendre position mais bien de rendre compte des politiques énergétiques au Québec. À ce titre, je souhaite souligner la qualité et l'intérêt du travail qui vient de nous être présenté.

M. Alain Fouché . - Le système, tel qu'il est organisé en France, passe par un certain nombre de procédures, de délais, d'enquêtes. Quelle est, au Québec, la conception de la concertation dans le domaine des nouvelles énergies et de l'impact environnemental des projets ?

M. Louis Nègre . - Ce rapport nous donne un compte rendu très intéressant de ce qui se fait au Québec, en particulier en matière d'hydroélectricité. Je conclus de cette présentation que le Québec n'est pas un modèle de développement durable... Tout l'enjeu, au niveau planétaire, est d'éviter de gaspiller l'énergie. L'abondance de l'électricité sur place ne favorise pas les comportements économes.

Le dossier gaz de schiste au Québec montre l'importance d'une concertation en amont pour garantir, en aval, une acceptabilité sociale. Nous pourrions nous en inspirer utilement, sachant qu'en France, nous avons un excès dans l'autre sens du fait de la lourdeur de nos procédures et de leur complexité. J'aimerais d'ailleurs pouvoir lire le rapport qui a été produit au Québec à la suite du débat public sur les gaz de schiste. Cela pourrait nous éclairer.

Ma troisième observation concerne le small business act , que j'ai vu apparaître dans les lignes de ce rapport. C'est un dossier sensible. Les États-Unis et le Canada semblent l'appliquer, tandis qu'il est interdit de le faire chez nous. Cela devrait nous inspirer sur la démarche à avoir. Je rappelle à ce titre que Christian Estrosi, président de la métropole Nice Côté d'azur, a déposé une proposition de loi pour faire en sorte qu'on puisse faire appel à des entreprises locales.

Dans les Alpes-Maritimes, nous avons une immense décharge qui produit du biogaz. Nous le brûlons. Le parc évoqué à Montréal semble utiliser ce biogaz. Comment cela fonctionne-t-il ? Quelle est la distance entre les équipements utilisant ce gaz et l'ancienne décharge ? Cela pose-t-il des problèmes de pollution ?

M. Raymond Vall, président . - La récupération du biogaz était-elle prévue dès le départ dans la décharge que vous évoquez ? Peut-on mettre en place le même type de dispositif dans une décharge déjà existante depuis plusieurs décennies ?

M. Benoît Huré . - Dans les Ardennes, nous avons un centre de stockage des déchets ménagers, certifié ISO 14001 depuis une dizaine d'années. C'est une société d'économie mixte. Afin notamment d'éviter les nuisances olfactives, au fur et à mesure de l'empilement des déchets dans les casiers, on gainait le biogaz et on le brûlait dans des torchères. Depuis maintenant cinq ans, avec un procédé allemand, nous transformons ce gaz en électricité, électricité ensuite revendue dans des conditions intéressantes. Les moteurs sont refroidis par de l'eau. Cette eau produit une vapeur surabondante dont on se sert en partie pour traiter les lixiviats. Nous avons envisagé pendant un temps de créer un réseau de chaleur vers le village le plus proche, à trois kilomètres, mais les déperditions auraient été trop importantes. Nous venons de développer une autre idée avec une entreprise d'insertion : nous construisons des serres maraichères et florales, à un kilomètre de distance. Ces serres utilisent la vapeur d'eau pour se chauffer. Cela donne une réelle compétitivité au produit fini. Cette entreprise d'insertion a réussi la prouesse d'être certifiée « production biologique ».

Il s'agit d'une initiative portée par des collectivités. C'est un cercle vertueux.

M. Raymond Vall, président . - Je propose que nous allions voir cela sur place.

Mme Hélène Masson-Maret . - J'ai récemment produit avec André Vairetto un rapport sur la mise en valeur du patrimoine naturel de la montagne. Nous avons entendu à cette occasion des interlocuteurs qui ont affirmé qu'il restait des marges de manoeuvre sur l'hydroélectricité, en particulier sur des cours d'eau de faible importance. Cette énergie cause cependant des dommages collatéraux, en termes d'esthétique, d'érosion des rives, ou encore de lâcher de sédiments. Faire des barrages a un impact.

Concernant l'acceptabilité du risque, il a été rappelé qu'il faut prévenir et consulter les populations en amont, quel que soit le type d'infrastructures qu'on souhaite créer. Je crois qu'il faut insister également sur l'acceptabilité de l'esthétique, des nuisances sonores, ainsi que des convois de camions éventuels. La préoccupation principale est bien sûr la santé, mais on ne pas non plus dénaturer les paysages, y compris au profit des énergies renouvelables. Je vais vous donner un exemple : la ville de Victoria aux Seychelles, qui est un grand port et l'un des plus beaux sites du monde, est aujourd'hui entourée d'une trentaine d'éoliennes. L'impact esthétique est épouvantable ; l'impact écologique est excellent.

Au Québec, comment les riverains ont-ils vécu l'installation de puits de forages à proximité de leurs habitations ?

M. Charles Revet . - Ce rapport donne un état des lieux très intéressant des politiques mises en oeuvre au Canada. Il est toujours utile d'aller sur place. J'espère donc que nous aurons l'occasion de visiter le centre de stockage des déchets dont nous a parlé Benoît Huré. Je crois que le rôle du parlementaire ne s'arrête pas au constat, il doit aller sur le terrain.

Nous avons encore un potentiel de développement de l'hydraulique en France. La difficulté consiste en partie dans l'empilement des normes. Dans mon département, quand un particulier veut restaurer un moulin en bord de rivière pour produire son électricité, l'ONEMA impose toute une série de contraintes coûteuses.

Pour finir, je rappellerai que nous sommes parfois dans une situation de surproduction d'électricité similaire au Québec du fait de notre énergie nucléaire. Par ailleurs, l'eau utilisée pour le refroidissement pourrait être réutilisée pour produire de l'énergie hydraulique, voire pour développer l'aquaculture.

M. Roland Ries . - Ces missions d'information ont vocation à étudier ce qui se fait dans d'autres pays et voir si c'est transposable en France. Une des idées intéressantes, qui existe aux États-Unis également, est le small business act . Il s'agit finalement de contourner et de contrôler le libéralisme économique pour ce qui concerne la commande publique. Chez nous, il y a des premiers pas dans cette direction avec une directive européenne qui permet d'intégrer des clauses environnementales dans le cahier des charges de la commande publique. C'est une manière indirecte de privilégier des entreprises locales. C'est une bonne chose. Trop longtemps nous avons été excessivement libéraux dans un monde qui en réalité ne l'est pas. Je pense qu'il faut continuer dans ce sens, sinon nous resterons dans une concurrence faussée.

M. Robert Navarro . - Je voudrais saluer la qualité et l'objectivité du rapport qui nous a été fait. Sur la question de l'acceptabilité sociale des projets, je crois qu'il s'agit d'un point central : il ne sert à rien d'avoir de grandes idées si on est dans l'incapacité de les faire appliquer. Sur des sujets aussi complexes que les gaz de schiste ou les énergies renouvelables, il est très difficile de faire accepter des projets sur le terrain. Nous avons un problème d'acceptabilité et de pédagogie. Rappelons-nous de l'écotaxe, qui avait fait l'unanimité chez les élus, dont on a besoin pour financer nos infrastructures, et qui est aujourd'hui suspendue.

M. Alain Houpert . - Nos cousins québécois ont quitté la vieille maison française. En quittant la France, le Finistère de l'Europe, ils ont oublié notre administration gallo-romaine. Nous empilons ici les administrations. On a vu fleurir en Bretagne les bonnets rouges contre l'écotaxe. Charles Revet parlait de l'ONEMA. Cet organisme est dans un zèle extraordinaire. Nous avons oublié le bon sens, contrairement aux Québécois.

M. Raymond Vall, président . - Le débat s'éloigne du rapport. J'aimerais rappeler que nous sommes des élus, et que nous contribuons nous-mêmes à cet empilement des normes. L'administration n'est pas seule responsable. La classe politique est pour quelque chose au désenchantement actuel.

M. Benoît Huré . - Ce débat est transversal à toutes les formations politiques et à toutes les commissions sénatoriales. Je me suis battu localement pour avoir un parc naturel régional. Il existe depuis maintenant deux ans. Les recrutements se sont multipliés dans le parc. Ces personnels s'invitent aux réunions dans la vie locale. Lors de la dernière réunion, il y avait plus de fonctionnaires présents que d'élus.

M. Gérard Cornu . - Beaucoup des réflexions évoquées dépassent le cadre de ce compte rendu de mission. Je remercie Rémy Pointereau d'avoir apporté des précisions complémentaires sur le modèle québécois.

Je rappelle que l'objet de ce rapport est de rendre compte fidèlement, sans prendre parti, des éléments observés sur place.

Concernant la concertation, le Québec dispose d'un bureau d'audience publique en matière environnementale. Les événements notamment autour des gaz de schiste ont fait prendre conscience de la nécessité de les faire intervenir le plus en amont possible.

Pour répondre à Louis Nègre, je crois qu'on ne peut pas dire que le Québec n'est pas un modèle de développement durable. Leur production électrique est propre, grâce à l'énergie hydraulique, même s'il reste des avancées possibles en matière d'économies d'énergie.

Concernant le gaz de schiste, il faut à mon sens faire confiance aux experts, mais aussi et surtout réaliser une large concertation en amont.

Le small business act est à mon sens une très bonne chose. Il faut cependant que les entreprises locales aient la capacité technique de réaliser les projets, en particulier d'infrastructures.

M. Louis Nègre . - En France, nous avons des labels et des niveaux de qualification qui permettent de déterminer qui peut faire quoi.

M. Gérard Cornu . - L'ancienne décharge que j'ai mentionnée à Montréal s'étend sur 192 hectares. La récupération du biogaz était prévue. Personne n'envisageait pour autant de créer un immense parc et un éco-quartier en pleine ville. Ce projet est remarquable.

Sur l'acceptabilité du risque, peut-être sommes-nous allés trop loin sur l'intégration du principe de précaution à la Constitution.

La publication du rapport d'information est autorisée à l'unanimité.

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

La délégation était composée de :

- M. Gérard Cornu (UMP - Eure-et-Loir) ;

- M. Jean-Luc Fichet (SOC - Finistère) ;

- M. Hervé Maurey (UDI-UC - Eure) ;

- M. Rémy Pointereau (UMP - Cher).

ANNEXE 2 : PROGRAMME DU DÉPLACEMENT

Lundi 23 septembre 2013

12 h : arrivée à Montréal ;

15 h : entretien à Hydro-Québec ;

16 h 30 : rencontre avec l'Association québécoise de la production d'énergies renouvelables (AQPER) ;

18 h : entretien avec Vermilion Energy.

Mardi 24 septembre 2013

Entretiens à Montréal

8 h 30 : table ronde avec les représentants des filiales françaises de Alstom, EDF Énergies Nouvelles, Dalkia, GDF Suez Cofely, Bathium, CCEF (conseillers du commerce extérieur de la France) ;

12 h 30 : déjeuner à la résidence de M. le consul général de France à Montréal en présence de représentants de Petrolia, de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), de Junex, de Gastem et d'Intragaz ;

15 h : visite du centre de recherche Canmet Energie de Varennes ;

19 h 30 : arrivée à Québec.

Mercredi 25 septembre 2013

Entretiens à Québec

9 h : visite du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ;

11 h 30 : rencontre avec l'opposition officielle libérale à l'Assemblée nationale du Québec ;

12 h 30 : déjeuner de travail en présence du Président de l'Assemblée nationale du Québec ;

14 h 30 : visite du centre de recherche de l'entreprise Junex sur les hydrocarbures ;

20 h : dîner à la résidence de M. le consul général de France à Québec en présence de représentants de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement (RNCREQ), du Centre de l'environnement, de Stratégies Saint-Laurent, du Réseau Femmes Environnement et du Conseil régional de l'environnement (CRE).

Jeudi 26 septembre 2013

Entretiens à Québec

8 h 30 : petit-déjeuner de travail avec le ministre du développement durable, de l'environnement, de la faune et des parcs, et rencontres complémentaires avec les directeurs du ministère ;

11 h : visite du Bureau régional de l'Arpenteur général du Canada ;

18 h 30 : retour à Montréal.

Vendredi 27 septembre 2013

Entretiens à Montréal

8 h 30 : visite du Complexe environnemental de Saint-Michel à Montréal ;

13 h 30 : transfert pour l'aéroport international Pierre Elliott Trudeau et retour à Paris.

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