Mme Claudie Sagnac, adjointe au directeur des sports du ministère de la jeunesse et des sports M. Dimitri Grygowski, chef du bureau du sport professionnel et de l'économie du sport, et M. Denis Roux, chef du bureau des équipements

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M. Michel Savin, président . - Nous aimerions que vous dressiez pour nous l'état des lieux des relations entre les collectivités territoriales et le milieu du sport professionnel.

Mme Claudie Sagnac, adjointe au directeur des sports du ministère de la jeunesse et des sports . - Je suis accompagnée de deux de mes collaborateurs, n'ayant pas en charge le sport professionnel dans mes attributions. Ils pourront répondre aux questions pour lesquelles je n'ai pas de réponse.

La politique publique de soutien au sport professionnel a fait l'objet d'une évaluation dans le cadre de la modernisation de l'action publique, tel qu'il l'a été défini par le Comité interministériel de modernisation de l'action publique le 18 décembre 2012. Le comité de pilotage mis en place pour suivre cette évaluation comprenait d'ailleurs des parlementaires. Le rapport définitif est sorti en septembre-octobre 2013.

Le 11 février 2013, le Premier ministre a demandé à la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative une évaluation entre le sport et le sport amateur.

Afin de réaliser cette mission conjointe avec le ministère de l'intérieur et le ministère délégué au budget, les trois ministres ont demandé à leurs inspections générales de désigner des inspecteurs ayant en charge, sous la coordination du directeur des sports, les modalités de financement du sport professionnel, la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, à travers les différents transferts financiers opérés.

Le diagnostic s'est établi autour de quatre axes de travail. On a vu qu'il était difficile de définir le périmètre de l'évaluation.

La mission s'est attachée à décrire le panorama des acteurs du sport professionnel dans le football, le rugby, le basketball, la natation et le cyclisme.

La mission s'est également penchée sur l'examen des politiques menées en faveur du sport professionnel, afin de déterminer leurs objectifs, leurs leviers d'action et d'examiner les indicateurs et les résultats obtenus.

Enfin, ils se sont livrés à un examen critique de l'impact de l'action publique et de la mesure de son efficience, notamment concernant la gestion des équipements sportifs.

À l'issue du Comité de pilotage du 28 mai 2013 au cours duquel a été présenté le diagnostic, la ministre a demandé aux inspecteurs généraux, par courrier en date du 14 juin 2013, d'approfondir leurs propositions selon trois orientations :

- la gouvernance et régulation du sport professionnel ;

- la solidarité avec le sport amateur et protection de la formation ;

- l'intervention des collectivités, avec la question essentielle du développement et de la modernisation des équipements sportifs.

La mission a présenté 28 propositions. Celles-ci ne conduisent pas à changer radicalement les conditions dans lesquelles sont exercées les activités sportives professionnelles, mais constituent surtout des propositions d'adaptation du cadre réglementaire et financier, avec l'objectif d'assurer la pérennité de l'activité des clubs et l'équité des compétitions, ainsi que le renforcement des instruments de solidarité avec le sport amateur, conformément aux orientations fixées.

Ces propositions pourraient être reprises dans le projet de loi de modernisation du sport que la ministre compte déposer au premier trimestre 2014.

Cinq défis ont été identifiés par la ministre à l'occasion du comité de pilotage :

- le premier concerne la sécurisation du déroulement des compétitions sportives ;

- le deuxième a trait au renforcement de la transparence et du contrôle de l'activité économique des clubs professionnels ;

- le troisième est celui des acteurs évoluant autour des joueurs et des clubs, dont certains participent d'une dérégulation dangereuse ;

- le quatrième consiste à faire des enceintes sportives un outil de développement pour les clubs professionnels ;

- le cinquième est de clarifier et de renforcer les relations, notamment financières, entre les parties prenantes du sport professionnel.

Enfin, l'intervention du ministère revêt essentiellement deux formes. En premier lieu, l'État a d'abord un rôle de contrôle juridique. Le ministère constate par arrêté la conformité des statuts de la ligue avec les dispositions prévues aux articles du code du sport et approuve également la convention liant la fédération à la ligue qu'elle a créée, dont le contenu doit comprendre les dispositions prévues dans le code du sport.

Plus que par la fixation de normes juridiques qui incombent à toutes les administrations centrales, c'est par la régulation que l'État intervient dans le domaine du sport professionnel, sous l'angle d'une régulation juridique par l'encadrement des structures qui régissent le sport professionnel tant au niveau local, les clubs sportifs devant se constituer en sociétés sportives et se soumettre au contrôle d'un organe de contrôle des comptes, qu'au niveau fédéral, avec la gestion du secteur professionnel sous forme d'une ligue et l'adaptation des législations fiscale et sociale, du travail liées à la professionnalisation.

L'État intervient également dans le domaine de la prévention de la violence lors des manifestations sportives et dans d'autres aspects, en particulier la lutte contre le dopage et la lutte contre les fraudes liées aux paris sportifs, en coordination avec les autorités indépendantes mises en place dans ces deux secteurs - Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ou Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

La régulation économique conduit à l'encadrement du droit à l'information sportive, à l'encadrement du régime des subventions publiques, à l'agrément des centres de formation des clubs professionnels à qui sont destinées ces subventions, dans le respect de la protection des clubs formateurs et des jeunes stagiaires qui y évoluent, à la fixation des conditions de retransmission et de commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions sportives, à la réglementation de l'exercice de la profession d'agent sportif, et à la mise en place de directions nationales de contrôle et de gestion des comptes des clubs.

La question de la régulation du football professionnel est au coeur des analyses menées par plusieurs rapports : rapport d'information sur le fair-play financier, rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur, rapport du groupe de travail pour un football durable ; que la ministre a demandé à M. Glavany de bien vouloir présider. Les conclusions sont attendues d'ici fin janvier. Les propositions de régulation du sport professionnel issues de ces rapports sont étudiées par le ministère et pourraient trouver leur place dans le projet de loi de modernisation du sport.

De manière concrète, la direction des sports s'assure au plan juridique du respect des dispositions qu'elle a édictées ; nous délivrons l'agrément des centres de formations des clubs professionnels avec l'appui de nos services déconcentrés régionaux, les directions régionales de la jeunesse, des sports, et de la cohésion sociale (DRJSCS) et les directeurs techniques nationaux (DTN) qui les contrôlent.

Nous avons délégué au directeur régional l'approbation des conventions signées entre les associations et les sociétés. Ces dernières peuvent être également sollicitées par le préfet dans le cadre du contrôle de la légalité des concours financiers des collectivités territoriales aux clubs professionnels. C'est la circulaire de 2002 qui régit l'ensemble de ces dispositions, tant pour les subventions, avec un seuil maximum, que pour les prestations de services ou concernant l'interdiction d'emprunt.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Pouvez-vous nous dresser le bilan de la place du sport professionnel dans la société française : poids économique, disciplines concernées, situation du sport féminin ?

Mme Claudie Sagnac . - La direction des sports s'est récemment réorganisée et a créé un bureau spécifique de l'économie du sport et du sport professionnel, une connaissance plus importante de ce sujet était nécessaire.

Les ressources du sport professionnel sont estimées à un peu moins de deux milliards d'euros pour la saison 2011-2012. Plus de 70 % provient du football.

Les ressources du sport professionnel sont essentiellement constituées des recettes de billetterie, de la valorisation des droits TV, du sponsoring et du mécénat. Elles ne constituent qu'une dimension de l'impact économique de l'ensemble du secteur et de l'activité économique et sociale. Le secteur continue à afficher une croissance dynamique et le seul secteur du football bénéficie d'un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards d'euros pour la saison 2011-2012, soit environ 25 000 emplois.

Très peu de disciplines possèdent un secteur professionnel féminin. Parmi les sports collectifs, on trouve uniquement la Pro A féminine de volleyball. Quatorze clubs, comptant 133 joueuses, font partie de la ligue nationale de volleyball, constituée en personne morale distincte, qui gère également la Pro A et la Pro B masculine.

La Pro A féminine de basketball compte 14 clubs et 214 joueuses ; elle est gérée par une ligue interne, la ligue féminine de basketball. Au handball, il existe une compétition appelée ligue féminine, avec dix clubs et 103 joueuses. Aucun de ces clubs n'est constitué sous forme d'une société sportive, ne dépassant pas les seuils prévus à l'article R. 122-1 du code du sport. Les recettes s'élèvent à 1,2 million d'euros, pour 800 000 euros de masse salariale. Au basketball et au handball, toutes les joueuses ne bénéficient pas d'un contrat de travail à temps plein.

Il n'existe pas, dans le football ni le rugby, de championnat féminin professionnel, bien que l'Olympique Lyonnais (OL) ait constitué une équipe féminine professionnelle championne d'Europe à plusieurs reprises.

Pour favoriser le développement du secteur professionnel, le ministère est pleinement engagé dans des actions du programme gouvernemental qui visent à l'égalité entre les femmes et les hommes. Lors du dernier comité interministériel du 27 novembre 2012, une série de mesures ont été prises, visant à la féminisation des instances dirigeantes des fédérations sportives, au développement des pratiques afin de corriger les inégalités d'accès, à la féminisation de l'encadrement technique, à la réussite des sportives de haut niveau, et la lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes dans le champ du sport.

Le ministère accompagne financièrement cette opération et met des moyens humains à la disposition des fédérations et des associations, des cadres techniques s'occupant de ces thématiques.

Nous portons une attention particulière au plan de féminisation de l'encadrement, des pratiquants, des juges et arbitres, des sportifs de haut niveau et des dirigeants.

En 2014, nous avons commencé les nouvelles négociations avec les fédérations sportives, 2013 ayant été une année de transition. Nous allons conclure des conventions pluriannuelles sur la période 2014-2017. Ce sera un moment propice pour déterminer les stratégies et les démarches à mettre en place visant au développement de la pratique féminine.

Pour 2013, 5,93 millions d'euros sont fléchés sur la thématique du sport féminin, contre 6 à 7 millions d'euros en 2012, les chiffres n'étant pas encore arrêtés.

Nous espérons que les plans de féminisation demandés aux fédérations et la féminisation de l'encadrement conduiront à un renforcement du sport féminin et, par voie de conséquence, à un développement plus important du secteur professionnel féminin.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Comment le ministère définit-il le sport professionnel ? On sait qu'il existe des critères à partir desquels on doit passer de la forme associative à la société commerciale. Il n'empêche que nous connaissons tous, sur nos territoires, des associations qui conservent cette forme juridique, faute de pouvoir répondre aux critères. Or, ces clubs associatifs fonctionnent comme de véritables clubs professionnels.

Mme Claudie Sagnac . - La difficulté est en effet de cerner le périmètre du sport professionnel.

M. Dimitri Grygowski, chef du bureau du sport professionnel et de l'économie du sport . - Il existe des difficultés de repérage en matière d'appréciation du secteur économique professionnel. Les chiffres dont nous disposons permettent d'évaluer à 2 milliards d'euros les ressources propres et les droits TV.

Ces ressources ont un impact démultiplié dans l'économie française ; c'est une particularité de ce secteur. Quant au sport dans l'économie française, il existe une mission statistique partagée entre les services jeunesse et sport. Il est évalué à environ 36 milliards d'euros pour 2010-2011, soit un peu moins de 1,8 % du produit intérieure brut (PIB) français.

C'est une définition assez large du poids économique du sport professionnel. Si on raisonne en termes de chaîne de valeur - comme le fait l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - on est dans une situation intermédiaire, au sein de l'Union européenne. L'intensité économique du sport, en France, serait donc moins élevée que celle de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne. Il y a encore un potentiel important de développement du poids économique du sport en France - et surtout du sport professionnel. C'est à la fois un point positif et un point négatif de ce secteur, qui génère de la valeur ajoutée et des emplois qualifiés.

Mme Claudie Sagnac . - Le ministère a une double approche pour définir le périmètre du sport professionnel. En premier lieu, le sport professionnel est une branche du sport fédéral. Lorsque l'activité fédérale englobe un secteur de pratiques professionnelles, la fédération en fixe généralement les contours, en précisant les compétitions ouvertes aux professionnels. Les sportifs professionnels sont ceux qui participent à ces compétitions.

Ce sont majoritairement des salariés. C'est le modèle dominant que l'on retrouve surtout dans les sports collectifs - basketball, cyclisme, football, handball, hockey, rugby, volleyball.

La seconde approche consiste à identifier les sportifs, en tant que personnes, qui évoluent au plus haut niveau de leur discipline et qui vivent des revenus de leur pratique, souvent en tant que travailleur indépendant. Ils sont rémunérés pour leur participation aux compétitions, et bénéficient de contrats de sponsoring ou de partenariat, mais sans appartenir aux secteurs professionnels du cadre fédéral que j'ai cités. Il s'agit plutôt de disciplines comme le golf, la natation, le tennis, le tennis de table.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Peut-on identifier la part des aides publiques parmi les ressources allouées au secteur professionnel ?

M. Dimitri Grygowski . - Le chiffre de 36 milliards d'euros que j'ai cité correspond à la dépense sportive française. La moitié est le fait des dépenses des ménages - textile, habillement. Le reste concerne les dépenses publiques, avec une très forte prépondérance des dépenses des collectivités territoriales, pour environ 10 milliards d'euros.

M. Michel Savin, président . - Pouvez-vous cibler ces dépenses ? Cela me paraît une somme très importante !

M. Dimitri Grygowski . - Le partage entre les dépenses d'équipement et les dépenses de fonctionnement est très équitable. Les collectivités territoriales françaises consacrent 5 milliards d'euros par an aux équipements. À titre de comparaison, les dépenses culturelles des collectivités territoriales sont inférieures de 25 % aux dépenses sportives.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le ministère mène-t-il avec les fédérations et les ligues une réflexion sur l'aléa sportif ?

Mme Claudie Sagnac . - Une réflexion est menée dans le football, précurseur en la matière, et dans le cadre du groupe Glavany. La façon d'assurer la pérennité des clubs constitue pour nous un souci majeur. On connaît les difficultés qui ont eu lieu au Mans ou ailleurs.

À l'étranger, les clubs sont propriétaires de leurs investissements. Il nous faut trouver un modèle économique différent de celui qui existe actuellement. Le groupe Glavany a tenu une ou deux réunions à ce sujet.

M. Dimitri Grygowski . - Nous avons, dans le cadre de la commission sur le football durable, essayé d'ébaucher un modèle permettant au football français de s'autofinancer et de maximiser l'impact de cet autofinancement sur les territoires. Disposer de recettes annexes permettant aux clubs de limiter la dépendance vis-à-vis des droits TV est un facteur de succès. Il existe toutefois une certaine incompatibilité entre la nécessité de financer les équipements et l'aléa sportif.

L'aléa sportif constitue une des spécificités de l'organisation du sport français au sein de l'Union européenne. La réflexion que nous menons porte sur une modulation théorique de l'aléa sportif dans l'organisation des compétitions, ainsi que sur les conséquences économiques d'une rétrogradation ou d'une moindre performance sportive.

Mme Françoise Cartron . - Vous êtes-vous penchés sur les différences de rémunération des sportives ? J'ai été frappée entre les sommes que peuvent percevoir un basketteur professionnel et une basketteuse professionnelle : c'est une véritable injustice.

Mme Claudie Sagnac . - Nous sommes bien conscients du phénomène.

Il est souvent plus difficile d'obtenir des droits TV pour retransmettre des compétitions féminines que pour diffuser des rencontres masculines. Nous travaillons sur ce sujet avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de même que sur la retransmission des compétitions où interviennent des personnes en situation de handicap - encore que les Jeux de Londres aient permis un grand pas dans ce domaine.

Les salaires des femmes et des hommes ne sont en effet pas les mêmes. Nous avons imposé des quotas concernant les dirigeants, l'accès à des postes de responsabilité et les entraîneurs. En matière de salaires, nous ne disposons pas d'instrument pour faire en sorte que la basketteuse professionnelle soit rémunérée au même niveau que le basketteur. Il faut donc travailler sur ce sujet et étudier ce qui peut être fait.

M. Ambroise Dupont . - Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la répartition des 36 milliards d'euros que vous avez évoqués. A-t-on une idée de la part d'argent privé et d'argent public ?

M. Dimitri Grygowski . - La part de la puissance publique s'élève à un peu plus de 40 %. La plus grande partie des dépenses publiques relève des collectivités territoriales, avec une segmentation 50-50 entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'équipement.

La part du financement privé, au-delà des dépenses des ménages, représente moins de 10 % de la dépense sportive globale, soit environ 3,5 milliards d'euros. On retrouve là les recettes de sponsoring , le mécénat, les accords de partenariat.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quelle est l'approche de votre ministère concernant les infrastructures sportives : grands stades ou autre ?

S'agissant du sport en salle, quelle est la politique du Gouvernement en matière d'organisation de grandes compétitions internationales ? Quelles orientations souhaiterait-il que les collectivités prennent concernant le mode de réalisation de ces infrastructures ?

Mme Claudie Sagnac . - Le recensement des équipements sportifs permet au ministère de connaître la situation actuelle. S'agissant des stades, on pense que la France sera à niveau pour l'Euro 2016.

Pour ce qui est des salles, le rapport Constantini est toujours d'actualité. La France manquerait de quelques salles pour organiser des événements de niveau mondial. On peut aussi se demander s'il faut que l'équipement ne soit dédié qu'à la compétition mondiale. À Londres, lors des Jeux olympiques, la piscine a été démontée et est partie remontée à l'étranger.

Cela étant dit, les championnats mondiaux de handball se préparent pour 2017 ; on pense qu'ils auront le même effet que l'Euro 2016 sur les stades...

Au-delà du recensement, on connaît les petits projets qui sont en préparation, dès lors qu'ils ont demandés une subvention au CNDS ; on tient par ailleurs à jour un tableau des grands équipements identifiés pour la préparation, tant au niveau des stades qu'au niveau des salles. Peut-être existe-t-il un manque en natation pour accueillir une grande compétition ou, en sport de glace, un anneau de vitesse. Faut-il que ce soit une infrastructure pérenne, ou peut-on parler d'infrastructures éphémères ? Le modèle doit être étudié au cas par cas...

Pour l'instant, ce sont les collectivités locales qui ont des projets qui s'engagent dans ce type d'investissement. Il faut non seulement assurer celui-ci, mais également le fonctionnement. L'infrastructure ne doit donc pas être surdimensionnée. Le ministère n'a pour le moment pas d'avis prescriptif, les collectivités étant seules maîtres d'ouvrage.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Réalisez-vous une analyse des partenariats public-privé (PPP) en matière d'équipements sportifs ?

Mme Claudie Sagnac . - Nous pensons que le PPP n'est pas la meilleure des solutions.

Sur les onze stades retenus pour l'organisation de l'Euro, quatre font l'objet d'un PPP : Bordeaux, Lille, Marseille et Nice.

La formule de PPP revêt deux défauts majeurs. Le premier est de présenter des charges financières de long terme qui rigidifient les budgets des commanditaires. On peut parfois affecter à un club un risque trop important, l'aléa sportif pouvant l'amener à ne pas être en mesure de supporter sa part. De fait, c'est la collectivité territoriale ou l'État qui devront alors se substituer à lui.

On paie donc très cher, durant de longues années, sans savoir comment le club va évoluer sur une trentaine d'années.

M. Dimitri Grygowski . - Quel que soit le mode de financement, l'intérêt des clubs sportifs est de saisir cette opportunité pour générer une véritable profitabilité. Ceci suppose un effort de formation du mouvement sportif pour valoriser ses équipements.

M. Michel Savin, président . - C'est un autre métier.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Pouvez-vous nous dire un mot de la situation du Mans ?

Mme Claudie Sagnac . - Le Mans a été réalisé sous forme de concession, comme le Stade de France. La ville a déjà dû indemniser le concessionnaire, en raison de la descente du club de plusieurs niveaux. Ceci résulte d'un aléa sportif très important et de la précarité du montage financier mis en oeuvre pour la construction de l'équipement. L'analyse du risque n'a peut-être pas été suffisamment approfondie et rigoureuse. Ni la collectivité, ni le club n'auraient pu imaginer que l'on puisse en arriver à un tel résultat.

Il faut donc dé-corréler l'aléa sportif du dimensionnement de l'équipement, et réfléchir à d'autres outils et à d'autres contrats juridiques susceptibles de mieux protéger les collectivités territoriales en cas de rétrogradation. Certains mécanismes pourraient permettre d'amortir cet aléa.

M. Michel Savin, président . - Grenoble est un exemple comparable, à la différence que l'aléa sportif s'est conjugué à l'aléa économique, les partenaires du club ayant quitté celui-ci. C'est aujourd'hui la collectivité qui assume la redevance, soit plus de 1,5 million par an. Comment alerter les collectivités sur de tels risques ?

M. Dimitri Grygowski . - On est là dans le cadre d'investissements consentis par les collectivités territoriales, et à la limite de l'exercice prescriptif. Le parc français ayant été considérablement renouvelé, on a aujourd'hui une idée des bonnes pratiques de financement. À Grenoble, une partie de l'emprunt était indexée sur le franc suisse...

M. Denis Roux, chef du bureau des équipements . - Il est bon de se pencher sur les mauvaises expériences pour en tirer les leçons, mais il en existe aussi de bonnes, comme Le Havre, où le stade a été pensé en amont avec le club. Votre mission pourrait peut-être s'intéresser à cette expérience heureuse.

M. Michel Savin, président . - Pouvez-vous développer ?

M. Denis Roux . - Je ne connais pas le détail du dossier, mais le club du Havre a été associé à la gestion et à la conception même du projet.

S'il y a un conseil à donner aux collectivités, c'est de travailler main dans la main avec les clubs. La collectivité n'est pas uniquement là pour l'infrastructure, le club étant dissocié de l'intendance. Ce doit être, dès le départ, un partenariat solide.

Mme Françoise Cartron . - Les grandes salles peuvent-elles être polyvalentes ?

Mme Claudie Sagnac . - S'agit-il d'une polyvalence dans le domaine du sport professionnel ou de la pratique sportive ?

Mme Françoise Cartron . - Je pense aux grands événements sportifs internationaux, mais aussi culturels, qui ne sont pas légion...

Mme Claudie Sagnac . - Les grandes salles peuvent être polyvalentes, comme le Palais omnisports de Paris-Bercy (POPB), ou Montpellier.

S'il y en a trop, et qu'elles ne sont pas assez distantes, il sera difficile d'avoir un programme suffisant pour les remplir. Celles-ci coûteront donc cher en fonctionnement, et il sera difficile de les amortir. Il faut considérer les choses du point de vue de l'aménagement du territoire.

Pour ce qui est de la polyvalence des équipements et des disciplines, je n'y vois aucun problème.

M. Denis Roux . - Il existe selon moi trois catégories d'équipements sportifs : ceux qui s'adressent au grand public, ceux qui sont destinés aux sports professionnels et ceux qui comportent des équipements de spectacles - concerts, spectacles sportifs. On peut y faire de tout. Les championnats de natation qui se sont tenus à Barcelone ont eu lieu dans une piscine spécialement construite pour l'événement. On était là dans le spectacle, et non dans le sport professionnel.

M. Alain Dufaut . - À Avignon, tous les gymnases sont utilisés en juillet par le festival. Désormais, lorsqu'on fait des réfections ou que l'on crée de nouvelles enceintes sportives, on y intègre les fonctionnalités spécifiques aux activités théâtrales, les vestiaires sportifs pouvant faire office de loges de théâtre.

Mme Claudie Sagnac . -Toutes les villes n'ont pas la chance d'accueillir chaque année un événement tel que le festival d'Avignon.

M. Alain Dufaut . - En effet, mais il faut y réfléchir. L'argent public est ainsi bien mieux utilisé.

M. Ambroise Dupont . - De la même manière, les jeux équestres mondiaux vont se tenir au stade Michel-d'Ornano.

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