III. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA PROFESSIONNALISATION DE LA FORMATION AUX MÉTIERS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE L'ÉDUCATION

A. LES CONDITIONS D'UNE ORGANISATION OPTIMALE DES PARCOURS DE FORMATION

1. Passer de l'alternance juxtapositive à l'alternance intégrative et articuler efficacement le stage en responsabilité et la formation théorique

La définition de l'offre de formation au sein des ÉSPÉ doit garantir la cohérence des parcours à deux niveaux : elle doit surmonter la dichotomie entre les enseignements du tronc commun et les formations disciplinaires ou spécialisées ; elle doit articuler la formation dispensée dans un cadre universitaire et la formation prolongée par l'activité professionnelle du fonctionnaire stagiaire au sein d'établissement scolaire.

Auparavant, les deux temps de la formation universitaire et de la pratique en établissement se succédaient et ne faisaient l'objet d'aucune coordination. Le défi principal consiste donc précisément à substituer à l' « alternance juxtapositive », identifiée traditionnellement comme le mauvais démon des formations de l'éducation nationale par la dissociation de l'acquisition des savoirs et des savoir-faire et de leur application, une « alternance intégrative », qui permette de croiser les points de vue et de faire de la structure de formation des futurs enseignants un établissement apprenant , nourri en permanence des retours d'expérience en milieu scolaire .

Le renforcement de la formation en alternance au sein des ÉSPÉ répond à une exigence de préprofessionnalisation qui permet d'éviter la dérive du « 4+1 », c'est-à-dire de segmenter la formation des enseignants en quatre années exclusivement centrées sur le parcours universitaire et une année de mise en pratique sans aucun retour réflexif sur les méthodes pédagogiques. Il convient d'être particulièrement vigilant sur cet élément fondamental de la réforme puisqu' il s'agit de ne pas faire de l'échec au concours le seul filtre des vocations : la découverte du milieu professionnel, en première année de master voire dès la deuxième ou troisième année de licence permet à l'étudiant de se faire une idée plus précise de ce qui serait attendu de lui en tant qu'enseignant et de consolider ainsi son projet professionnel .

Reste que concentrer la formation alternée des futurs enseignants sur les deux années du master constitue une véritable difficulté, à laquelle il n'est possible de répondre que par une plus grande souplesse et un élargissement de la préprofessionnalisation à la licence, conformément aux propositions formulées par le groupe de travail sénatorial créé en 2012 et présidé par votre rapporteur. Considérer que la formation alternée, combinant des temps didactique et professionnalisant, peut tenir sur la période du master repose sur le postulat que la spécialisation disciplinaire aura été acquise dans le cadre de licence. Or, l'heure est aujourd'hui au renforcement de la dimension pluridisciplinaire de la licence. Si cette évolution favorise l'acquisition des prérequis pluridisciplinaires pour les candidats au concours de professeurs des écoles, elle est logiquement moins pertinente pour les étudiants qui entendent présenter les concours du second degré, qui réclament une forte spécialisation disciplinaire. Il n'est pas certain que le niveau optimal de formation disciplinaire ait été atteint à l'issue de la licence pour les jeunes qui se destinent à être professeurs en collège ou en lycée. Dans le même temps, il convient de garder à l'esprit que la spécialisation disciplinaire n'est pas acquise une fois pour toute, et nécessitera un renforcement des exigences en matière de formation tout au long de la carrière .

Les conseils de perfectionnement , déjà mis en place par un certain nombre d'ÉSPÉ, permettront de réunir une grande variété d'acteurs (usagers, enseignants-chercheurs et enseignants de l'ÉSPÉ et des UFR partenaires, enseignants du rectorat, enseignants en exercice en établissement scolaire, acteurs socio-économiques, acteurs de l'éducation populaire, culturelle et artistique...) dans le cadre d'une réflexion commune sur l'évolution du contenu des formations de chaque mention du master MEEF. Ces conseils pourront utilement associer des enseignants et des étudiants de licence afin de faciliter la mise en place de continuums de formation.

Un certain nombre de représentants des organisations syndicales ont indiqué à votre groupe de travail que des disparités substantielles en termes de volume horaire consacré à la formation théorique pouvaient être observées d'une ÉSPÉ à l'autre. Ils ont fait état d'écarts de 80 à 200 heures de cours de didactique pour les maquettes de formation des professeurs des lycées professionnels (PLP), et ont dénoncé une diminution de 30 % à 50 % des horaires de formation théorique pour les maquettes en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Ils considèrent que l'organisation de la seconde année de master autour d'un stage à mi-temps en établissement contraint de façon excessive le temps restant disponible pour la formation didactique et disciplinaire dont les volumes horaires diminueraient, en moyenne, de 30 % au moins.

Des stages devraient pouvoir cependant être effectués pendant la première année de master, pour une durée de quatre à six semaines, le stage effectué en M2 étant de l'ordre de huit à douze semaines . À l'évidence, plus le concours sera professionnalisé, plus il favorisera la mise en place de stages en responsabilité très tôt dans la formation en master. Comme l'a souligné Antoine Prost, historien de l'éducation, lors de son audition par la mission d'information 44 ( * ) , « le succès des ÉSPÉ se jouera sur la préparation, l'accompagnement, le suivi et l'exploitation des stages ».

Dans une note de service en date du 9 mai 2013 signée de Jean-Michel Jolion, chef du service de la stratégie de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle à la DGESIP, il est rappelé aux porteurs de projet ÉSPÉ et aux responsables des masters MEEF que l'année de M1 devrait comprendre un volume horaire d'enseignement en présentiel de l'ordre de 450 à 550 heures annuelles. Le volume horaire d'enseignement en présentiel pour le M2 devrait, lui, s'élever de 250 à 300 heures annuelles. Le volume total de formation théorique dispensée sur toute la durée du master au sein des ÉSPÉ ne devrait dès lors pas dépasser 850 heures. Ce qui sera perdu en formation théorique (plus de 1 000 heures de formation auparavant, 1 067 heures pour un professeur des écoles par exemple) devrait, néanmoins, être gagné sur le terrain. La diminution du nombre d'heures d'enseignement dispensées en master plaide clairement pour l'établissement d'un continuum de formation de la licence à la formation continue , encore insuffisamment développé par les ÉSPÉ qui sont d'abord concentrées, et c'est bien compréhensible, par la stabilisation du format et de l'organisation du master MEEF.

Les deux présidents du comité interministériel de pilotage de la mise en place des ÉSPÉ, Claude Fabre et François Louveaux, ont rappelé que la maquette des concours a été modifiée, afin de tenir compte des nouvelles exigences de la réforme en matière de professionnalisation, de façon volontariste mais inégalement selon les disciplines. La réussite au concours suppose toujours une forte maîtrise disciplinaire et un haut niveau scientifique. La place du concours au milieu d'une formation professionnalisante modifie le format des épreuves, leur préparation et leurs conditions d'évaluation par les jurys : il s'agit, en complément de la maîtrise scientifique, de mesurer l'aptitude et le potentiel du futur professeur à prendre en compte ce qui sera le coeur de son futur métier, la transmission des savoirs. Trois des quatre épreuves des concours y font désormais explicitement référence. Une préparation efficace suppose de travailler en parallèle les données scientifiques, ce qu'il faudra transmettre et comment, en veillant à ne pas isoler la dimension scientifique d'un côté, et la dimension didactique et pédagogique de l'autre.

Comme l'a souligné Sophie Genelot, maître de conférences à l'institut de recherche sur l'éducation de l'université de Bourgogne, au cours de son audition 45 ( * ) , les masters MEEF sont appelés à être co-portés scientifiquement et pédagogiquement par l'ÉSPÉ et les UFR partenaires , avec des enseignements assurés par chacune des entités mais organisés administrativement et pédagogiquement par la seule ÉSPÉ, responsable de la maîtrise d'ouvrage, dans la gestion des inscriptions, des emplois du temps, des examens, de l'organisation des stages et la mise en place d'un véritable tronc commun regroupant des étudiants de toutes disciplines, de tous niveaux d'enseignement et de tous les métiers de l'éducation.

Or, elle souligne que, dans l'état actuel des maquettes de masters MEEF, la place consentie à la diffusion des acquis de la recherche en éducation (au sens large, y compris la didactique des disciplines scolaires) demeure encore très insuffisante . Elle estime indispensable, par conséquent, de considérer le volume horaire globale de la formation des futurs enseignants au-delà du seul master, en faisant « redescendre », le cas échéant, des contenus de formation dans les cursus .

D'une façon générale, le mi-temps en responsabilité au sein d'un établissement scolaire au cours du M2 a été jugé trop lourd par nombre d'interlocuteurs de la mission d'information :

- le temps de préparation de la classe et les tâches d'évaluation des élèves, incontournables afin que les étudiants assurent correctement leur mission d'enseignement, contraignent significativement l'emploi du temps des fonctionnaires stagiaires . Sophie Genelot a rappelé que, selon les données de la recherche en didactique professionnelle, entre 10 et 15 heures étaient nécessaires pour la préparation d'une heure de cours. Elle souligne alors que « le risque est que, s'ils sont submergés par l'ampleur du travail, ils s'en remettent à des stratégies de "survie" peu formatrices (voire peu conformes aux attentes institutionnelles et certainement pas innovantes, du type : "ouvrez vos livres, lisez la leçon, faites les exercices") ». La responsabilité de l'employeur dans l'organisation optimale de ce mi-temps, dans l'intérêt tant du stagiaire que des élèves, doit être mise en avant. Si les stages en M2 sont considérés par les rectorats comme de simples moyens d'enseignement permettant de palier des carences en enseignants disponibles, il y a peu de chances que l'expérience soit véritablement formatrice. Il convient, en particulier, d'éviter de placer les fonctionnaires stagiaires dans des situations complexes dans lesquelles ils seraient affectés dans plusieurs établissements et à plusieurs niveaux de classe ;

- le temps restant disponible pour permettre aux étudiants d'analyser dans quelle mesure les contenus d'enseignement dispensés dans le cadre du master leur ont apporté (ou pas) des réponses concrètes aux difficultés rencontrées dans leur exercice professionnel reste insuffisant . Il y a fort à penser que le travail de recherche, conduit à partir de l' analyse réflexive des pratiques professionnelles , ne soit réalisé que de façon superficielle par des étudiants déjà fortement accaparés par l'organisation de leur mi-temps et prioritairement préoccupés par leur évaluation et leur titularisation. Sophie Genelot rappelle, ainsi, que « les recherches en didactique professionnelles montrent que la compétence réflexive s'acquiert progressivement et que, pour ce faire, la pratique professionnelle doit s'accompagner de moments, de périodes où celle-ci peut être mise "à distance", où la pratique peut être questionnée sans " danger " pour l'acteur concerné (ici l'étudiant). Or, le fait d'être à mi-temps sur le terrain toute l'année, que cette pratique professionnelle soit déterminante pour leur titularisation (soumise à évaluation par les corps d'inspection) et que l'activité d'analyse qu'on leur demande à son propos au cours de l'année (notamment dans le mémoire professionnel) soit également évaluée n'est pas favorable au développement de cette compétence. Le risque est que le mémoire professionnel soit vécu par les étudiants-fonctionnaires stagiaires avant tout comme un moyen d'évaluation (auquel il faut avoir au moins 10/20 pour avoir le master) que comme un réel moyen de formation et qu'ils y mettent surtout ce qu'ils croient percevoir des attentes institutionnelles plus que leur propre analyse de leur pratique professionnelle ». Or, comme l'a souligné Antoine Prost, le mémoire de recherche doit être envisagé comme l'occasion pour le futur enseignant de porter un regard clinique sur la pratique , la didactique et les méthodes pédagogiques : la recherche doit être en grande partie une « recherche-action », axée sur des activités expérimentées en classe.

2. Tenir compte de la variété des publics étudiants

Le positionnement du concours à la fin de la première année de master pose la question de la prise en charge en M2 des candidats non admissibles au concours, qu'on appelle plus communément les « reçus collés » . Un certain nombre d'étudiants non admissibles ayant validé leur M1 devront être accueillis en M2 sans pour autant être en capacité de suivre le même parcours que les fonctionnaires stagiaires. La très grande majorité des interlocuteurs et des responsables d'ÉSPÉ ont souligné un problème dont la portée semble avoir été mal mesurée.

La part des étudiants de M1 non admissibles qui désirent poursuivre leur cursus en M2 peut nécessiter la mise en place de parcours spécifiques , en fonction de leurs souhaits d'orientation pour ceux qui sont déterminés à travailler dans le secteur de l'éducation : soit une préparation renforcée aux épreuves du concours, soit l'obtention d'un diplôme de master leur permettant de prétendre à un emploi en lien avec l'éducation et le milieu scolaire. L'orientation des candidats non admissibles n'a pour l'heure pas été pensée nationalement.

Dans ces conditions, certains responsables d'ÉSPÉ étudient différentes options à proposer aux étudiants ayant validé leur M1 et qui ne sont pas lauréats du concours :

- soit « redoubler » leur M1 afin de suivre une « prépa concours » intensive pour ceux qui souhaitent présenter de nouveau le concours ;

- soit s'insérer en M2 au prix d'une réorientation vers d'autres métiers du secteur de l'éducation. Le M2 serait alors organisé selon un parcours « en Y » en M2 , piste que semble privilégier le ministère de l'éducation nationale, dont les deux branches seraient les suivantes :

. une première « branche » pour les lauréats du concours en M2, qui correspond à la vocation même du master MEEF à travers la mise en oeuvre du principe d'alternance intégrative ;

. une seconde « branche » qui consisterait à offrir une réorientation sur un ou deux semestres à des effectifs réduits de candidats non admissibles vers des métiers autres que l'enseignement , toujours centrés sur la formation et l'éducation : la médiation scientifique, animateur, éducateur et intervention en activités périscolaires...

Or, il convient de souligner que les formateurs au sein des ÉSPÉ ne sont pas suffisamment préparés à la prise en charge des effectifs étudiants susceptibles de solliciter une réorientation en cas d'échec au concours, en particulier, vers des secteurs dont l'ampleur des débouchés professionnels est encore méconnue. Il existe un véritable risque, en l'absence de directive nationale claire quant à la gestion des effectifs non admissibles, de voir les ÉSPÉ confrontées à l'apparition de cohortes d'étudiants formulant des voeux pour des parcours spécifiques et des passerelles hors concours, au détriment de l'alternance intégrative qu'est censé mettre en oeuvre le M2. Il appartient aux bureaux d'aide à l'insertion professionnelle (BAIP) des établissements concernés d'aider les ÉSPÉ à accompagner les étudiants non lauréats du concours à réexaminer leur projet professionnel et de leur proposer une réorientation vers d'autres voies (éducation, santé...)

À titre d'exemple, le dossier de préfiguration de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon démontre une bonne anticipation de la prise en charge des effectifs ayant achevé leur M1 mais non admis au concours. Les auteurs du dossier appellent, en effet, à « s'assurer de leur motivation réelle à poursuivre dans la voie professionnelle choisie, par un entretien individuel , en s'appuyant également sur les avis des maîtres formateurs collectés pendant les périodes de stage . De toute évidence, leur existence impose la définition d'un sous-parcours spécifique en M2, afin de leur permettre de repasser le concours . Des passerelles devront être créées pour les étudiants qui ne confirment pas leur motivation à poursuivre dans les métiers de l'enseignement (par exemple, réorientation vers d'autres métiers de l'éducation ou de la formation auxquels préparent des masters existants en sciences de l'éducation, en sciences de l'information et de la communication). »

Peut également émerger une quatrième catégorie d'étudiants pour laquelle les ÉSPÉ peuvent se retrouver désarmées : ceux des étudiants non admissibles qui continuent de vouloir devenir enseignant, mais qui refusent de suivre une « prépa concours » intensifiée en M1 et entendent intégrer le M2 . Certaines ÉSPÉ examinent la possibilité de proposer à ces étudiants des vacations, tout en suivant un nombre limités d'unités d'enseignement. Il n'est en tout cas pas envisageable de constituer, au sein même du M2, un parcours de type « prépa concours » pour les étudiants qui auraient échoué au concours en M1 , au risque de remettre en cause définitivement la dimension professionnalisante du master MEEF.

Pour mémoire, à la suite de la mise en oeuvre de la mastérisation, plusieurs IUFM avaient constitué, fin 2010 et début 2011, un « stock » de stages en responsabilité rémunérés de quatre semaines à destination des étudiants non admissibles inscrits en M2 (Créteil, Nancy-Metz...), en dépit d'une circulaire en date du 13 juillet 2010 qui prévoyait que « les stages en responsabilité sont destinés aux étudiants inscrits en M2 et sont prioritairement ouverts aux candidats admissibles aux concours » 46 ( * ) .

En mars 2014, le ministre de l'éducation et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont appelé, parmi leurs « orientations communes », à la mise en place d'un cursus adapté pour les reçus-collés. Ils préconisent un parcours spécifique susceptible de s'appuyer, au-delà des enseignements disciplinaires, sur les quatre blocs suivants :

« 1. des unités d'enseignement (UE) partagées avec le cursus de formation M2 "alternance - éducation nationale" ;

2. une période de stage dans un contexte professionnel de formation ou d'encadrement des enfants, des jeunes ou des adultes ;

3. des UE spécifiques d'approfondissement qui reposent sur les savoirs, savoir-faire et compétences acquises durant le M1 et qui en proposent un prolongement ;

4. une expérience internationale ou en milieu professionnel. »

3. Diversifier le contenu des maquettes de formation en mettant au diapason l'ensemble des acteurs de l'éducation

Afin d'éviter que les ÉSPÉ ne demeurent trop centrées sur les enjeux universitaires et didactiques et d'inciter à leur ouverture, la loi pour la refondation de l'école établit un certain nombre de prescriptions concernant les nouveaux champs de formation auxquels les futurs enseignants doivent être solidement préparés. L'article L. 721-2 du code de l'éducation, relatif aux missions des ÉSPÉ, précise ainsi qu'il leur revient :

- d'assurer le développement et la promotion de méthodes pédagogiques innovantes, de prendre en compte pour délivrer leurs enseignements les technologies de l'information et de la communication et de former les étudiants et les enseignants à l'usage pédagogique des outils et ressources numériques ;

- d'organiser des formations de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations, à la scolarisation des élèves en situation de handicap ;

- d'organiser des formations à la prévention et à la résolution non violente des conflits ;

- de préparer les enseignants aux enjeux de l'entrée dans les apprentissages et à la prise en compte de la difficulté scolaire dans le contenu des enseignements et la démarche d'apprentissage ;

- d'organiser leurs équipes pédagogiques de telle sorte qu'elles intègrent des professionnels intervenant en milieu scolaire, comprenant notamment des personnels enseignants, d'inspection et de direction en exercice dans les premier et second degrés ainsi que des acteurs de l'éducation populaire, de l'éducation culturelle et artistique et de l'éducation à la citoyenneté.

Ces prescriptions ne sont pas limitatives, d'autres types de formations pouvant être précisés par le cadre national des formations et le référentiel des compétences des personnels de l'enseignement et de l'éducation. Le cadre national des formations liées aux métiers du professorat des premier et second degrés et de l'éducation rappelle, en effet, clairement qu' « au-delà de la maîtrise des savoirs disciplinaires et des apports de la recherche, [la formation initiale et continue] porte notamment sur les domaines suivants : connaissance des processus d'apprentissage des élèves, prise en compte de la diversité des publics et en particulier des élèves en situation de handicap, méthodes de différenciation pédagogique et de soutien aux élèves en difficulté, connaissance du socle commun et de l'approche par les compétences, processus d'orientation des élèves, spécificités de certains niveaux d'enseignement (école maternelle notamment), méthodes d'évaluation des élèves, laïcité, lutte contre les stéréotypes et culture de l'égalité homme-femme, conduite de classe et prévention des violences scolaires ». Il est d'ailleurs précisé que ces thèmes font partie du tronc commun de formation dispensé à l'ensemble des étudiants se destinant aux métiers du professorat et de l'éducation.

L'enquête nationale précitée, restituée par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ, relève que, parmi les administrateurs provisoires qui se sont prononcés sur leur appréciation globale de l'organisation de la formation (soit près la moitié des trente administrateurs provisoires), une nette majorité se dégageait pour considérer que « les maquettes de formation et leur organisation générale sont en adéquation avec les attentes de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et des concours de recrutement ».

LES RELATIONS ENTRE LES ÉSPÉ ET LES MAISONS POUR LA SCIENCE

Lors de son audition par la mission d'information 47 ( * ) , Pierre Léna, membre de l'Académie des sciences, a rappelé que les rapports successifs de l'IGAENR, chaque fois plus inquiétants, concluaient à une formation continue des enseignants totalement sinistrée. Une enquête de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale laissait entendre en 2006 qu'un professeur de collège et de lycée sur deux n'avait jamais suivi une seule session de formation continue dans toute sa carrière. Cette carence en formation continue est d'autant plus préoccupante dans le domaine des sciences, pour lesquelles l'évolution de l'état des connaissances est rapide.

Les maisons pour la science constituent précisément un dispositif de soutien à la formation continue des enseignants en sciences, ciblé sur l'école primaire et le collège. Ces cycles se caractérisent par la très grande homogénéité de leurs enseignements ( quasi -absence d'enseignements optionnels, école du socle commun...) C'est justement à ce niveau que les enseignants semblent le plus éloignés de l'évolution de la connaissance et que se joue également l'égalité des chances.

Dans un premier temps, quatre maisons pour la science ont été créées en collaboration avec des universités : Clermont, Lyon, Toulouse et Strasbourg. Dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA), cinq nouvelles maisons ont été ouvertes à Orléans, Grenoble, Lille, Rennes et Bordeaux. S'est nécessairement posée la question de l'articulation de ce dispositif avec la réforme de la formation des enseignants et la création des ÉSPÉ. Le PIA prévoit un soutien du dispositif de façon ciblée pour cinq ans, avec la possibilité pour les ÉSPÉ concernées de reprendre à leur compte ce modèle. Chaque université, dans le cadre de son autonomie, pourra décider au terme de ces cinq ans ce qu'elle entend faire de sa maison pour la science, soit la maintenir aux côtés de l'ÉSPÉ, soit l'intégrer à l'ÉSPÉ...

La dotation du PIA consentie au dispositif s'établit à douze millions d'euros sur cinq ans, répartis sur neuf universités. L'Académie des sciences a également sollicité le soutien d'autres fonds de concours, notamment auprès des entreprises, ce qui a permis de collecter près d'un million d'euros supplémentaires pour les quatre maisons initiales. La participation des entreprises à cette action devra être considérablement renforcée après l'extinction de l'apport du PIA.

L'ensemble des maisons proposent près d'une centaine de formations par an. Une fois que les neuf maisons seront opérationnelles, le volume d'enseignants qui passeront par ces formations devrait s'élever à 15 000 jours hommes-femmes par an.

Le développement et la pérennisation de ce dispositif constituent un véritable enjeu d'égalité des chances et des territoires car il demeure particulièrement difficile de bien identifier les territoires et les enseignants qui auraient le plus besoin de ce type de formation, dès lors que les maisons ne peuvent accueillir que des enseignants volontaires.

Les représentants du collectif des associations partenaires de l'éducation (CAPÉ) ont appelé à la prise en compte, dans la définition des projets éducatifs territoriaux (PEDT), de la nécessité pour les enseignants d' « inscrire sa pratique professionnelle dans des dynamiques éducatives territoriales, en lien avec les différent-e-s acteurs et actrices concerné-e-s » 48 ( * ) , qu'il s'agisse des coordonnateurs de PEDT, des agents territoriaux, des travailleurs sociaux, des infirmières scolaires... Si les acteurs de l'éducation populaire saluent les déclarations d'intention ambitieuses d'un certain nombre de dossiers d'accréditation dans le sens d'une plus grande ouverture de la formation des enseignants sur le monde extérieur, ils continuent d'avoir le sentiment qu'il s'agit d'une place à prendre plutôt d'une place qui leur est faite.

À cet égard, le collectif rappelle l'apport significatif de l'expérience et du regard particulier des associations culturelles, artistiques et d'éducation populaire dans différents domaines, notamment pour la résolution pacifique des conflits, la « connaissance des publics et des processus d'apprentissage » et l' « éducation, [la] citoyenneté et [l'] émancipation », que ce soit en lien avec la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, l'éducation aux médias et par le numérique, l'éducation à la santé et à la sexualité, la mobilité européenne ou encore l'éducation à la citoyenneté mondiale...

Le dossier de préfiguration de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon définit ainsi l'école comme « une nouvelle composante universitaire, aux missions étendues en matière de formation et de recherche, et qui doit pouvoir tirer parti de toutes les compétences et forces nécessaires à l'accomplissement de ses missions, qu'elles soient issues des autres composantes et laboratoires de l'université, du monde académique et scolaire, ou des associations, organismes ou structures diverses impliquées dans la formation et l'éducation . » D'autres ÉSPÉ ont entendu réserver une place spécifique aux acteurs de l'éducation populaire au sein même de leurs instances de gouvernance , au niveau du conseil de l'école ou du COSP (Montpellier, Nantes, Grenoble, Lyon).

Certaines ÉSPÉ ont sollicité la participation des associations d'éducation populaire à certains modules de formation : à Poitiers pour les modules relatifs à la construction d'un projet de partenariat, à la démarche de projet et au recueil de données dans le cadre de la mention « Encadrement éducatif » du master MEEF, et à Paris pour les modules « Être enseignant dans l'école » et « Relations avec les parents et partenaires » (notamment pour la préparation d'un entretien avec un parent d'élève).

En matière de maîtrise par les enseignants des mécanismes d'apprentissage des enfants et des facteurs susceptibles de les affecter , on peut relever le bel exemple de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon qui s'appuie sur une unité mixte de recherche (UMR) de psychologie cognitive de l'université de Bourgogne et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) spécialisée dans l'étude des processus d'apprentissage : le laboratoire d'étude de l'apprentissage et du développement (LEAD). Certaines ÉSPÉ proposent également des parcours spécifiques dans le cadre de la quatrième mention du master MEEF « Pratiques et ingénierie de la formation » permettant de prendre en compte les besoins particuliers de certains publics , tels que le parcours « Accessibilité pédagogique, remédiation, inclusion pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers » mis en place par l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles.

En matière d' éducation à la santé , certaines ÉSPÉ sont déjà très en pointe et participent activement au réseau des universités pour l'éducation à la santé (UNIRéS). L'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille a ainsi proposé une formation à l'outil « ProfÉduS » destiné à tous les formateurs d'intervenants en éducation à la santé en milieu scolaire, en partenariat avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).

La présidente de la mission d'information, Colette Mélot, a souligné l'impérieuse nécessité de sensibiliser les enseignants à l'éducation à l'Europe, à son histoire, à sa diversité culturelle et à la notion de citoyenneté européenne . Dans une résolution européenne en date du 11 avril 2012, adoptée à l'initiative de notre collègue, le Sénat avait défendu l'idée de réunir sous un label unique « ERASMUS » l'ensemble des actions européennes conduites en matière d'éducation, de formation et de jeunesse, afin de favoriser l'émergence chez les apprenants de tous âges d'une conscience d'appartenir à un espace citoyen et culturel commun.

En outre, un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), présenté le 8 avril 2014, propose de « relancer les dispositifs d'éducation à l'image, au cinéma et à Internet pendant et hors le temps scolaire pour former les jeunes à la compréhension des images et pour leur permettre de comprendre nos systèmes de régulation » 49 ( * ) . Il est relevé, en particulier, une baisse de la participation des enseignants aux formations proposées par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et une insuffisante implication des artistes et des techniciens du cinéma dans ces dispositifs d'initiation au cinéma en milieu scolaire. Par ailleurs, l'importance des problématiques de propriété intellectuelle, de droits d'auteurs et droits voisins, de droit à l'image mais aussi de harcèlement via les réseaux sociaux plaident clairement pour une plus grande sensibilisation des enseignants à la gestion de l'outil Internet et une inscription de l'éducation à Internet et de l'éducation aux médias dans les programmes.

Des actions ponctuelles visant à initier enseignants et élèves à la régulation des conflits par la non-violence ont été conduites au sein de certaines académies avec l'organisation de journées de sensibilisation et de conférences sous l'égide du Mouvement pour une alternative non-violente, notamment à Marseille en décembre 2013. Il convient de noter que le master MEEF offre, en outre, un certain nombre de débouchés, en dehors de l'éducation nationale, à ceux qui souhaitent s'impliquer dans la résolution pacifique des conflits, notamment en tant que chargés de projet auprès d'associations de prévention de la violence.

Toutefois, tant que la résolution non-violente des conflits ne fera pas clairement l'objet d'une évaluation concrète dans le cadre des concours de recrutement, sa prise en compte dans les parcours de formation continuera de dépendre de la bonne volonté de chaque ÉSPÉ.

La formation aux outils et ressources numériques constitue l'autre défi majeur des parcours mis en place par les ÉSPÉ . Jusqu'ici considéré essentiellement comme un simple outil de la transmission des savoirs, le numérique doit désormais être appréhendé comme un fait social et culturel, tant les étudiants se destinant aux métiers du professorat que les élèves étant de plus en plus des « digital natives » (génération des « natifs du numérique »). Le numérique n'est plus un supplément d'âme mais bien une nécessité pédagogique absolue. Dans ces conditions, les ÉSPÉ doivent préparer les futurs enseignants à obtenir le certificat « informatique et Internet » de l'enseignement supérieur de niveau 2 « enseignant » (C2i2e), conformément au référentiel fixé par un arrêté du 14 décembre 2010 50 ( * ) .

Certaines ÉSPÉ ont démontré une bonne appréhension de ce chantier de formation. À titre d'exemple, l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand a ainsi mis en place un « observatoire des pratiques pédagogiques à l'ère du numérique », chargé de conduire le changement pédagogique et de définir une doctrine commune pour l'académie en la matière . C'est dans ce contexte qu'elle sera en mesure de déployer, dès la rentrée 2014, la troisième génération de son espace numérique de travail (ENT) qui ne se réduit plus désormais à un simple portail de ressources mais permet de faciliter la gestion des emplois du temps ou encore la gestion documentaire. La formation documentaire des enseignants reste à développer.

La formation au numérique exige, cependant, des infrastructures coûteuses et donc des moyens humains et financiers suffisants, qui jusqu'ici proviennent essentiellement des collectivités territoriales. La multiplicité des initiatives prometteuses nécessite, par conséquent, un véritable effort de cohérence stratégique et de coordination. Il manque encore d'homogénéisation dans les acquisitions de matériels et logiciels informatiques interopérables par les collectivités territoriales . C'est pourquoi l'académie de Clermont-Ferrand s'engage également dans l'élaboration d'un schéma de cohérence pour le numérique éducatif et l'équité des territoires (SCONEETA).

À titre de comparaison, il convient de rappeler que la Finlande fait figure de pionnière dans la valorisation des compétences numériques des enseignants tout au long de la vie, qui va de pair, du reste, avec la reconnaissance aussi bien symbolique que financière (en termes de rémunération) du métier d'enseignant à la hauteur d'autres professions considérées comme prestigieuses (médecins, avocats...)

Votre rapporteur souligne l'inscription, à l'initiative du Sénat, dans la loi de refondation de l'école au premier semestre 2013, du principe selon lequel, dans le cadre du service public du numérique éducatif, « la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l' offre de logiciels libres et de documents au format ouvert , si elle existe » 51 ( * ) . Il est indispensable de s'affranchir autant que faire se peut des solutions propriétaires , afin de dégager des économies et des marges de manoeuvre non négligeables. Dans ce domaine, les innovateurs se heurtent malheureusement encore à un grand nombre de résistances.

Le réseau « Services, culture, éditions et ressources pour l'éducation nationale » (SCÉRÉN) du Centre national de documentation pédagogique (CNDP) a changé d'appellation, en février 2014, pour devenir le réseau CANOPÉ, « réseau de création et d'accompagnement pédagogiques ». Le réseau actuel des 30 centres régionaux de documentation pédagogique (CRDP), qui sont autant d'établissements publics autonomes, est appelé, en effet, à être profondément restructuré, afin de simplifier, rendre plus lisible et mieux coordonner la politique éditoriale et l'offre de ressources numériques de l'éducation nationale, autour notamment d'une librairie en ligne « fondée sur un principe de mutualisation des contenus gratuits et payants dans une plate-forme unique ». Cette rénovation devrait déboucher sur la constitution d'un établissement unique en janvier 2015.

Des espaces d'innovation CANOPÉ seront déployés auprès des ÉSPÉ et comporteront une « classe connectée » pour accueillir une vingtaine d'élèves, une « classe du futur présentant des dispositifs très innovants », une « salle de créativité » et un « laboratoire d'observation des usages des outils numériques éducatifs et des ressources associées ». Est également à l'étude, dans le cadre d'une collaboration entre CANOPÉ et l'université de Poitiers, le déploiement d'un « réseau social des enseignants » destiné à permettre à des enseignants issus de différentes académies de créer des « communautés de travail » dans le cadre d'une plateforme sociale de ressources éducatives. Cinq académies devraient prendre part à cette expérimentation : Créteil, Bordeaux, Limoges, Poitiers et Versailles.

Tant pour la formation initiale que pour la formation continue, le développement au sein des ÉSPÉ des pratiques pédagogiques innovantes prenant appui sur le numérique pourra également bénéficier du soutien financier consenti aux universités dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA) au titre des « initiatives d'excellence en formations innovantes » (IDEFI) 52 ( * ) , de même que du programme « France Université Numérique » (FUN) censé accompagner l'émergence d'une offre française de formations supérieures dispensées en ligne à destination du grand public ( Massive Open Online Courses - MOOCs). Les MOOCs pouvant permettre d'initier les lycéens à la découverte de l'enseignement supérieur, il convient de sensibiliser les professeurs de lycée à l'utilisation de cet outil pédagogique innovant .

Le programme FUN propose sur sa plateforme, d'avril à juin 2014, un MOOC intitulé « Enseigner et former avec le numérique » , coproduit par l'École normale supérieure (ENS) de Cachan et l'ENS de Lyon, cette dernière abritant l'Institut français de l'éducation (IFÉ). Ce MOOC s'adresse tant à des professionnels de l'enseignement et de l'éducation déjà en poste qu'à des étudiants en formation initiale souhaitant exercer des fonctions éducatives. Plusieurs niveaux de participation sont prévus, en fonction des disponibilités des auditeurs : il est proposé, à ceux qui le souhaitent, de réaliser un certain nombre d'activités ou d'élaborer un projet collectif. Plusieurs ÉSPÉ ont déjà manifesté leur intérêt pour cet enseignement en proposant de le diffuser en interne auprès de leurs étudiants et de l'exploiter dans le cadre de leurs parcours.

Pour les territoires dans lesquels l'accès des étudiants à l'offre de formation est entravé par de lourdes contraintes matérielles et géographiques , l'enseignement à distance et en ligne peut venir utilement compléter les enseignements en présentiel. C'est en particulier le cas de la future université de la Guyane pour laquelle le groupe de travail sénatorial sur l'avenir du système universitaire aux Antilles et en Guyane a préconisé, à partir de l'analyse du professeur Jacques Blamont, de « développer des cursus hybrides mêlant des enseignements numériques délivrés en ligne et des cours en présentiel , en s'appuyant sur le programme France Université Numérique » 53 ( * ) . À titre d'exemple, l'ÉSPÉ de l'académie de Créteil a démontré la volonté, au niveau de ses deux sites de Seine-et-Marne (Melun et Torcy), de prendre en compte les contraintes de déplacement de sa population étudiante en proposant plusieurs modalités d'obtention du master et de préparation au concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE), dont :

- des cours à temps complet (sites de Melun et Torcy) ;

- une formation dite « en semi-présentiel », associant des cours le soir ainsi que le samedi et enseignement à distance (site de Torcy) ;

- une formation entièrement à distance.

4. Rationaliser l'organisation des parcours de formation à faibles flux

Lors de son audition par la mission d'information 54 ( * ) , Jacques Ginestié, directeur de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille et président du réseau national des ÉSPÉ, a déploré que « les enseignements professionnels et technologiques sont les grands oubliés » de la réforme de la formation des enseignants. Il a souligné la « diversité très importante » et les « effectifs très confidentiels » qui caractérisent les enseignements professionnels, à l'origine des difficultés à faire vivre les formations adaptées à certaines spécialités rares.

La constitution d'un vivier dynamique de futurs professeurs de lycée professionnel (PLP) est compliquée par l'absence de bassin, au sein de l'université d'Aix-Marseille, compte tenu du paradoxe suivant : les étudiants souhaitant s'orienter vers la préparation de ces concours devraient idéalement avoir suivi des formations professionnalisantes courtes, soit des diplômes universitaires de technologie (DUT) ou des brevets de technicien supérieur (BTS), mais doivent, dans le même temps, avoir obtenu une licence afin d'intégrer le master MEEF des ÉSPÉ. Il a ainsi indiqué que des discussions avaient été engagées avec l'institut universitaire de technologie (IUT) sur ce point, la principale difficulté demeurant le positionnement des licences : « que les IUT aient des licences généralistes, ce n'est pas gagné ». Il a rappelé que « les filières scientifiques reprochent assez facilement [aux IUT] de leur «piquer» les meilleurs étudiants », en soulignant que « la seule voie [de recrutement] c'est de prendre des professionnels qui, du fait de leur expérience, passent des concours et ont été largement contractuels pendant des années ».

Compte tenu des effectifs étudiants limités et des difficultés à recruter des formateurs, les formations pour les voies technologiques et professionnelles peuvent se révéler extrêmement coûteuses pour l'ÉSPÉ. Dans le cas de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille, il a été envisagé de regrouper ces formations autour d'un bloc tertiaire (une cinquantaine d'étudiants pour sept concours), un bloc santé et biologie et un bloc industriel (une douzaine d'étudiants présentant six concours en génie mécanique et en électrique). Demeure toutefois la difficulté à répartir ces effectifs réduits entre les différents enseignements optionnels en fonction des spécialités choisies. La prise en charge de ces multiples contraintes suppose un engagement financier a minima de la part de l'université.

La mission d'information estime indispensable d'examiner la possibilité de rationaliser la préparation au certificat d'aptitude au professorat des lycées professionnels (CAPLP) afin d'éviter un éparpillement des masters à très faibles effectifs. À cet effet, il peut être envisagé de concentrer la préparation du CAPLP autour de six ou sept académies chefs de file qui coordonneraient la mutualisation des moyens de la formation et des effectifs étudiants avec les autres académies partenaires, tout en garantissant la couverture de l'ensemble du territoire national . À titre d'exemple, les recteurs des académies de Clermont-Ferrand, de Grenoble et de Lyon ont engagé des discussions sur un possible rapprochement des régions Rhône-Alpes et Auvergne pour la mise en place d'effectifs raisonnables au niveau interacadémique, compatibles avec la capacité financière des universités associées. À terme, il est possible d'imaginer l'émergence de sept grands pôles permettant de coordonner la formation au CAPLP par des coopérations interacadémiques (Bordeaux pour le Sud-Ouest, Aix-Marseille pour le Sud-Est, Lyon pour Rhône-Alpes et le Massif central, Strasbourg pour l'Est, Lille pour le Nord, Nantes pour l'Ouest et Paris).


* 44 Audition du 7 janvier 2014.

* 45 Audition du 7 janvier 2014.

* 46 Circulaire de la DGESCO n° 2010-102 du 13 juillet 2010 (NOR : MENH1012605C).

* 47 Audition du 11 février 2014.

* 48 Contribution du CAPÉ pour la constitution des ÉSPÉ.

* 49 MICHEL, Claude, rapporteur au nom du CESE, Pour un renouveau des politiques publiques de la culture , avril 2014.

* 50 Arrêté du 14 décembre 2010 (NOR : ESRS1000461A) du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche (DGESIP).

* 51 Article 16 de la loi du 8 juillet 2013 et article L. 131-2 du code de l'éducation.

* 52 Notamment l'IDEFI « FORMADIME : Formation à distance pour les métiers de l'éducation », portée par l'université Toulouse II - Jean Jaurès (2,2 millions d'euros), l'IDEFI « INNOVA-Langues : Innovation et transformation des pratiques de l'enseignement-apprentissage des langues dans l'enseignement supérieur » portée par l'université Grenoble III - Stendhal (4 millions d'euros) et l'IDEFI « PARÉ ! : Parcours réussite » portée par l'université de Poitiers (4,6 millions d'euros).

* 53 Rapport d'information n° 470 (2013-2014) de Mme Dominique Gillot et M. Michel Magras, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, déposé le 16 avril 2014.

* 54 Audition du 3 avril 2014.

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