Rapport d'information n° 602 (2013-2014) de M. Jean-Claude FRÉCON , fait au nom de la commission des finances, déposé le 11 juin 2014

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N° 602

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juin 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le compte de concours financiers « Avances à divers services de l' État ou organismes gérant des services publics »,

Par M. Jean-Claude FRÉCON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

LES RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : ne plus recourir aux avances pour couvrir le déséquilibre financier structurel du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Recommandation n° 2 : définir une doctrine sur les conditions d'octroi des avances par l'Agence France Trésor, précisant notamment leur taux d'intérêt, leur durée et les ressources permettant leur remboursement.

Recommandation n° 3 : diminuer le montant des avances inscrites au profit de l'ONIAM en loi de finances initiale, au regard de l'absence de consommation des crédits et du montant effectif des indemnisations accordées jusqu'à présent.

Recommandation n° 4 : mettre en place des dispositifs contractuels (comme les conventions de gestion) pour s'assurer du remboursement des avances suivant l'échéancier prévu.

Recommandation n° 5 : établir une procédure d'avis de l'Agence France Trésor lors de l'instruction de la demande d'avance et en cas de modification du plan initial (renouvellement, rééchelonnement, constat de perte probable).

PREMIÈRE PARTIE : UNE MISSION AD HOC REGROUPANT DES AVANCES DE NATURE TRÈS DIVERSES

I. DES AVANCES DE PLUSIEURS ORDRES

A. UN COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AYANT PRIS EN 2006 LE RELAIS D'UN COMPTE D'AVANCES

Créé par les articles 31 et 46 de la loi de finances initiale pour 2006 1 ( * ) , le compte de concours financiers (CCF) « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » retrace les avances accordées par le Trésor aux organismes susceptibles d'en recevoir.

L'Agence France Trésor (AFT) assure la gestion de la mission et des quatre programmes qui la composent. Le directeur général du Trésor est responsable des quatre programmes.

Le CCF a succédé au compte d'avances « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », qui avait été créé par l'article 52 de la loi de finances pour 1980 2 ( * ) et a été clos le 31 décembre 2005. Le CCF a repris en balance d'entrée le solde des opérations antérieurement enregistrées par le compte d'avances.

Les avances constituent les dépenses du compte 3 ( * ) . Les recettes du compte sont constituées des remboursements des avances consenties au titre du capital et des intérêts.

Les dispositions de l'article 24 de la LOLF relatives aux comptes de concours financiers

« Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

« Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

« Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d'État.

« Le montant de l'amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

« Toute échéance qui n'est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon la situation du débiteur :

« - soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

« - soit d'une décision de rééchelonnement faisant l'objet d'une publication au Journal officiel ;

« - soit de la constatation d'une perte probable faisant l'objet d'une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l'exercice dans les conditions prévues à l'article 37. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général ».

Source : Légifrance

Le cadre juridique du compte est conforme aux dispositions de l'article 24 de la LOLF qui définit le régime des comptes de concours financiers :

- les CCF retracent des prêts et avances consentis par l'État sans indication de durée ; la LOLF mentionne en effet des prêts et avances accordés « pour une durée déterminée », alors que sous l'empire de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, la durée des avances était limitée à deux ans ou à quatre ans ; si les dispositions de la LOLF ne mentionnent plus de durée, la majorité des avances retracées au CCF présentent un caractère infra-annuel ;

- toujours aux termes de la LOLF, le taux d'intérêt des avances « ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche » majoré de 0,05 % 4 ( * ) ; en pratique, et sauf exception fixée par le législateur (pour les avances du programme 825, cf. infra ), les taux pratiqués sont ceux des obligations du Trésor de même échéance , ce qui assure la neutralité financière de ces opérations pour l'État ;

- les crédits inscrits sur le CCF sont limitatifs ;

- selon la LOLF, un compte distinct doit être ouvert « pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs » ; une interprétation littérale de ces dispositions pourrait conduire à créer un programme par débiteur au sein du CCF ; en pratique, l'architecture du CCF qui a été retenue (cf. infra ) conduit à regrouper, dans le programme 823, des avances à divers services de l'État, dont chacune fait cependant l'objet d'un suivi spécifique, permettant de l'identifier dans les documents budgétaires ;

- toute échéance qui n'est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon la situation du débiteur, soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ; soit d'une décision de rééchelonnement faisant l'objet d'une publication au Journal officiel ; soit de la constatation d'une perte probable faisant l'objet d'une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l'exercice.

La mission retrace ainsi des avances de trois ordres , regroupées dans quatre programmes n'ayant pas de lien entre eux :

1) les avances consenties à des services de l'État (budgets annexes, services autonomes de l'État, services nationalisés) ou à des organismes distincts de l'État gérant des services publics (établissements publics nationaux, services concédés, sociétés d'économie mixte, organismes divers de caractère social). Ces avances visent à répondre à des situations d'urgence , pour assurer la continuité de l'action publique ou mettre en oeuvre une mesure de façon accélérée, ou à couvrir provisoirement un besoin de trésorerie imprévu. Elles incluent aussi les avances octroyées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Elles sont retracées sur les programmes 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » et 824 « Avances à des services de l'État » qui, en pratique, retrace les avances au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) ;

2) les avances octroyées à l'Agence des services et de paiement (ASP), au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC). Ces avances répondent au mode de financement propre aux aides de la PAC, que les États membres doivent préfinancer et qui sont ensuite remboursées par la Commission européenne. Pour la France, ce préfinancement est assuré par les versements de l'ASP. Ces avances sont imputées sur le programme 821 « Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune » ;

3) les avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du benfluorex ; la mise en place du dispositif d'indemnisation des victimes du benfluorex (commercialisé sous le nom de Mediator) résulte des dispositions de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. Ces avances sont retracées dans le programme 825 « Avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ».

Par ailleurs, depuis la création du CCF en 2006, une réserve de trésorerie est ouverte chaque année sur le programme 823 afin de répondre à des situations d'urgence .

Cette « réserve de trésorerie » a été utilisée chaque année jusqu'en 2010 :

- en 2007, elle a été utilisée à hauteur de 40 millions d'euros (sur 50 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale) pour financer les avances de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM) (32,5 millions d'euros) et de l'Institut national de la recherche d'archéologie préventive (INRAP) (7,5 millions d'euros) ;

- en 2008, elle a été utilisée à hauteur de 32,5 millions d'euros (sur 50 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale) pour financer l'avance accordée à l'ODEADOM l'année précédente, et renouvelée en 2008 ;

- en 2009, la réserve de trésorerie a été utilisée intégralement (soit à hauteur de 60 millions d'euros) pour financer des avances accordées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour 43 millions d'euros, et à l'Organisation nationale des forêts (ONF), à hauteur de 17 millions d'euros ;

- en 2010, l'avance a été utilisée à hauteur de 0,8 million d'euros pour financer les avances accordées à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, ARAF (2,5 millions d'euros ont été accordés et 0,8 million d'euros ont été tirés) et à FranceAgrimer (70 millions d'euros ont été accordés, mais aucun tirage n'a été effectué).

Depuis 2011, aucune avance n'a été imputée sur cette réserve de trésorerie mais elle a été conservée, les situations urgentes étant par nature imprévisibles.

B. UNE NOMENCLATURE AYANT ÉVOLUÉ

Initialement, la mission ne comportait qu'un seul programme, retraçant d'une part les avances accordées dans le cadre de la PAC et d'autre part les avances aux autres services de l'État ou organismes gérant des services publics. Le caractère « mono-programme » de la mission contrevenait aux dispositions de l'article 7 de la LOLF, selon lesquelles « une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ».

Dès 2007, la mission a été déclinée en trois programmes (821, 823 et 824), ce qui a permis de décliner les trois catégories d'avances compte tenu de leurs spécificités.

Le quatrième programme (825) a été créé en 2013.

Le tableau ci-après retrace les recettes et les dépenses par programme, en prévision et en exécution 2013, ainsi que dans la loi de finances initiale pour 2014.

Recettes et dépenses du compte de concours financiers (2013-2014)

(en millions d'euros)

LFI 2013

Exécution

2013

LFI 2014

Variation LFI 2013
LFI 2014

millions d'euros

%

Recettes

7 505,67

6 769

7 548,43

42,76

0,6 %

01 - Remboursement des avances octroyées au titre du préfinancement des aides de la PAC

7 200

6 579,4

7 200

0

0 %

03 - Remboursement des avances octroyées à des organismes gérant des services publics

136,69

20,4

145,58

8,89

6,1 %

04 - Remboursement des avances octroyées à des services de l'Etat

168,98

168,98

202,85

33,87

20,0 %

05 - Remboursement des avances octroyées au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex

0

0

0

0

0 %

Dépenses

7 525,45

6 634

7 542,18

16,73

0,2 %

821 - Avances à l'ASP

7 200

6 579,4

7 200

0

0 %

823 - Avances à des organismes distincts de l'Etat

62,5

- 193,5*

59,5

- 3

- 4,8 %

824 - Avances à des services de l'Etat

247,95

247,95

267,68

19,73

8,0 %

825 - Avance à l'ONIAM au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex

15

0

15

0

0 %

Solde

-19,78

135

6,25

26,02

n.s.

n.s. : non significatif

* La consommation négative résulte d'un rétablissement de crédits opéré dans le cadre du redéploiement des investissements d'avenir (cf. infra ).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

C. LA PART PRÉPONDÉRANTE DU PRÉFINANCEMENT DES AIDES AGRICOLES COMMUNAUTAIRES DANS LES AVANCES RETRACÉES SUR LE COMPTE

Le tableau ci-après détaille les différentes avances octroyées et remboursées (ou restant à rembourser) depuis la création du CCF. Les montants les plus importants (entre 6,5 et 6,8 milliards d'euros) portent sur le préfinancement des aides communautaires, examiné ci-après.

Depuis la création du CCF, des avances ont été accordées à :

- l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) ;

- l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

- l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ;

- l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ;

- l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) ;

- l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) ;

- l'Agence de services et de paiement (ASP) ;

- l'Agence unique de paiement (AUP) ;

- le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) ;

- le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ;

- l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) ;

- le Fonds national pour la société numérique (FSN) ;

- l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ;

- l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM) ;

- l'Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture (OFIMER) ;

- l'Office national des forêts (ONF).

D. LES AVANCES RESTANT À REMBOURSER : UN STOCK D'AVANCES STABLE (DE L'ORDRE DE 2,2 MILLIARDS D'EUROS) DEPUIS 2010

Au regard du décalage entre les décisions d'octroi des avances et leur remboursement, le stock d'avances du CCF , qui a repris des opérations antérieures (balance d'entrée : - 243 millions d'euros) est déficitaire . Le solde cumulé (y compris les opérations antérieures à la création du CCF) s'établissait, au 31 décembre 2013 , à - 2,2 milliards d'euros , quasi-stable depuis 2010, voire en légère diminution (puisqu'il atteignait 2,36 milliards d'euros fin 2011), comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolution du stock d'avances restant à rembourser depuis la création du CCF

(en euros)

Balance d'entrée

Avances accordées

Remboursement d'avances

Solde année N

Stock d'avances

2006

243 000 000,00

12 073 212 408,00

11 583 350 000,00

-489 862 408,00

732 862 408,00

2007

6 864 500 000,00

7 065 213 534,00

200 713 534,00

532 148 874,00

2008

6 817 692 000,00

6 738 743 469,52

-78 948 530,48

611 097 404,48

2009

7 319 316 000,00

6 852 519 478,44

-466 796 521,56

1 077 893 926,04

2010

7 993 544 588,00

6 796 844 478,44

-1 196 700 109,56

2 274 594 035,60

2011

6 789 382 536,00

6 701 218 937,24

-88 163 598,76

2 362 757 634,36

2012

6 986 291 607,00

7 018 071 109,14

31 779 502,14

2 330 978 132,22

2013

6 833 349 304,00

6 968 378 743,06

135 029 439,06

2 195 948 693,17

Total

61 677 288 443,00

59 724 339 749,83

-1 952 948 693,17

2 195 948 693,17

Source : Agence France Trésor

Entre 2006 et 2013, des avances ont été accordées pour un montant cumulé de 61,7 milliards d'euros. Les avances remboursées se sont élevées à 59,7 milliards d'euros.

Le déficit cumulé du CCF s'explique d'abord par le stock d'avances accordées au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA), restant à rembourser, pour un montant de 1,2 milliard d'euros fin 2013, tel qu'il apparaît dans le tableau ci-après.

Stock d'avances du BACEA

(en euros)

Avances accordées

Remboursement d'avances

Stock d'avances

2005

80 000 000,00

0,00

80 000 000,00

2006

252 862 408,00

16 500 000,00

316 362 408,00

2007

103 000 000,00

11 113 534,00

408 248 874,00

2008

103 692 000,00

24 743 469,52

487 197 404,48

2009

281 816 000,00

35 519 478,44

733 493 926,04

2010

250 744 588,00

81 644 478,44

902 594 035,60

2011

194 382 536,00

86 718 937,24

1 010 257 634,36

2012

250 291 607,00

122 371 109,14

1 138 178 132,22

2013

247 949 304,00

168 978 743,06

1 217 148 693,17

Total

1 764 738 443,00

547 589 749,83

1 217 148 693,17

Source : Agence France Trésor

Les avances restant à rembourser, notamment celles accordées au BACEA, sont examinées ci-après.

II. UN ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DES AVANCES SUITE À L'INTERDICTION FAITE AUX ORGANISMES DIVERS D'ADMINISTRATION CENTRALE (ODAC) DE RECOURIR À L'EMPRUNT BANCAIRE À LONG TERME

A. L'INTERDICTION DES EMPRUNTS BANCAIRES À PLUS D'UN AN POUR LES ODAC : UNE RÈGLE ADOPTÉE POUR LIMITER L'ENDETTEMENT PUBLIC

L'article 12 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 5 ( * ) a interdit aux organismes divers d'administration centrale (ODAC) de s'endetter auprès d'un établissement de crédit ou d'émettre un titre de créance d'une durée supérieure à 12 mois 6 ( * ) .

Comme l'avait observé notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général, lors de l'examen du projet de LPFP pour les années 2011 à 2014 7 ( * ) , cette règle avait été établie au regard du constat de l'augmentation de la part des ODAC - qui recouvrent largement le champ des opérateurs - dans l'endettement public (de 6,2 % en 2000 de l'endettement public à 7,7 % en 2009). En 2010, le rapport final 8 ( * ) de la commission présidée par M. Michel Camdessus avait déploré explicitement qu'il soit permis « à un opérateur de s'endetter alors qu'il n'a manifestement pas une capacité de remboursement propre suffisante, ou à affecter à un ODAC des recettes non fiscales existantes ou futures (telles des créances non échues) ponctuelles, conduisant à terme à faire apparaître un besoin de financement non couvert » .

Un arrêté du ministère en charge du budget, en date du 28 septembre 2011, a fixé la liste des ODAC concernés par cette interdiction : il s'agit en pratique de l'ensemble des ODAC, y compris les universités 9 ( * ) , à l'exception notable des ODAC ayant le statut législatif d'établissement de crédit. Cette liste a été modifiée par un arrêté du ministère de l'économie et des finances en date du 6 septembre 2012. Selon les précisions apportées à votre rapporteur spécial par la direction du budget, il s'agit de la liste des ODAC établie par l'INSEE. Celle-ci est régulièrement mise à jour pour tenir compte de l'évolution de la situation d'un certain nombre d'organismes au regard des critères définissant les ODAC, à savoir un contrôle et un financement majoritairement par l'État, ainsi que l'exercice d'une activité non marchande. Une activité est dite marchande si le prix du bien ou du service vendu est économiquement significatif, c'est-à-dire que les ressources tirées de la vente couvrent au moins 50 % des coûts de production. Un certain nombre d'écoles, relevant de l'enseignement privé, cessent d'être considérées comme des ODAC (ou a contrario sont incluses dans la liste des ODAC) selon l'appréciation du caractère ou non marchand de leur activité.

Une des conséquences de l'article 12 de la LPLF 2011-2014 est que des ODAC ont recouru aux avances pour financer des dépenses d'investissement. Les avances doivent alors être accordées en principe à des organismes dont l'activité procure des ressources propres suffisantes pour couvrir le remboursement du prêt - ce qui distingue l'avance d'une subvention budgétaire. La capacité de remboursement est appréciée par la direction du budget.

Votre rapporteur spécial a interrogé le ministère du budget quant à un éventuel impact des avances sur la sélectivité des investissements publics . Un tel effet a été jugé limité , au regard des autres dispositifs d'évaluation des investissements publics. Les avances ne constituent qu'un des outils disponibles pour financer en partie certains investissements publics.

B. UNE MISE EN oeUVRE DE CES DISPOSITIONS JUGÉE SATISFAISANTE PAR LES BÉNÉFICIAIRES DES AVANCES DU COMPTE

En application de ces dispositions, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et la Cité de la Musique ont bénéficié d'avances pour des opérations d'investissement (cf. infra ). Pour l'AEFE, les avances ont pris le relais des anciens emprunts bancaires, qui ont cessé d'être souscrits mais continuent à être remboursés.

L'octroi d'avances au lieu d'emprunts bancaires pour financer des investissements, suite à l'adoption des dispositions de l'article 12 de la LPFP 2011-2014, est resté limité aux seuls cas de la Cité de la Musique et de l'AEFE . Il s'agit donc d'un mode de financement exceptionnel des investissements des ODAC, mis en place dans le cadre de discussions avec les autorités de tutelle.

Trois ans et demi après l'adoption de ces dispositions, force est de constater que le nouveau régime d'avances a été salué par les bénéficiaires qu'a rencontrés votre rapporteur spécial, l'AEFE et la Cité de la Musique. Les difficultés éventuelles de transition d'un régime d'emprunt bancaire à des avances du Trésor ne se sont pas matérialisées. Par ailleurs, les taux d'intérêt des avances, correspondant aux taux des obligations du Trésor de même échéance, se sont avérés inférieurs à ceux des emprunts bancaires, ce qui est logique dans la mesure où il s'agit pour l'État d'encourager des opérations répondant à un intérêt général, conduites par d'autres personnes publiques ou des organismes gérant des services publics . Les autorités de tutelle (ministère dont relève l'ODAC et ministère de l'économie) apprécient l'opportunité du financement des investissements par le dispositif des avances.

DEUXIÈME PARTIE : QUELQUES ÉTUDES DE CAS, TÉMOIGNANT DE LA DIVERSITÉ DES AVANCES ET DE LA NÉCESSITÉ DE MIEUX DÉFINIR DES PROCÉDURES COMMUNES

I. DEUX CAS SPÉCIFIQUES : LE PRÉFINANCEMENT DES AIDES AGRICOLES COMMUNAUTAIRES ET LE BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATIONS AÉRIENS »

A. LES AVANCES À L'AGENCE DE SERVICES ET DE PAIEMENT (ASP) : UN MÉCANISME PEU COÛTEUX RÉPONDANT AUX PROBLÈMES DE TRÉSORERIE DES EXPLOITANTS AGRICOLES

Si les avances destinées à préfinancer les aides de la PAC représentent la majeure partie des dépenses et des recettes du compte, le faible niveau actuel des taux d'intérêt à court terme limite les enjeux financiers d'avances remboursées à l'issue de quelques semaines. La prévision de dépense inscrite en loi de finances initiale est déterminée chaque année sur la base des prévisions transmises par l'Agence de services et de paiement (ASP) et sa tutelle budgétaire.

En 2009 , afin de répondre aux problèmes de trésorerie des exploitants agricoles, les États membres de l'UE ont obtenu la possibilité de verser de manière anticipée , à compter du 16 octobre, les aides directes normalement versées à compter du 1 er décembre .

L'ASP recourt à un emprunt bancaire relais 10 ( * ) afin d'assurer le versement par avance des aides. Compte tenu du très faible niveau actuel des taux d'intérêt à court terme, le coût de l'emprunt relais ne s'est élevé qu'à 500 000 euros en 2013 11 ( * ) .

Les crédits sont sous-exécutés de manière chronique . L'analyse de l'exécution fait ressortir une consommation des crédits stable (comprise entre 6,5 et 6,7 milliards d'euros). Les crédits inscrits en LFI, discutés dans le cadre du vote des crédits du CCF, ont ainsi été réduits de 300 millions d'euros (de 7,5 milliards à 7,2 milliards d'euros) dans les lois de finances pour 2013 et 2014, suite aux observations convergentes de votre rapporteur spécial et de la Cour des comptes dans ses notes d'exécution budgétaire sur le projet de loi de règlement 12 ( * ) .

La Cour des comptes observe qu'il est possible de réduire encore le plafond de dépenses inscrites en loi de finances initiale. Votre rapporteur spécial est toutefois attentif aux incertitudes sur le montant des aides, le calendrier de leur versement ainsi que le volume et les échéances de remboursement par la Commission européenne, et ne juge donc pas opportun de réduire davantage le montant des crédits inscrits en LFI. Si l'avance accordée à l'ASP était entièrement consommée et devait faire l'objet d'un dépassement, l'ASP serait obligée de se financer par un emprunt bancaire. Il convient donc de ne pas fragiliser la trésorerie disponible de l'ASP, qui varie chaque année en fonction notamment des remboursements de la Commission européenne sur d'autres dépenses engagées par l'ASP. Ce point est particulièrement sensible en 2014 du fait de la fin de la programmation 2007-2013 et de la mise en oeuvre du nouveau cadre financier pluriannuel 2014-2020.

B. LES AVANCES DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » : LE FINANCEMENT INADÉQUAT D'UN DÉSÉQUILIBRE FINANCIER STRUCTUREL

Jusqu'en 2005, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) a recouru à l'emprunt auprès d'établissements bancaires pour financer son besoin de financement. Depuis 2005, les avances du Trésor permettent de couvrir le besoin de financement du BACEA afin de limiter le recours à l'emprunt bancaire, permettant de fait des économies au regard des taux d'intérêt pratiqués et de l'absence de pénalité en cas de rééchelonnement des avances du Trésor. Les autres ressources du BACEA se composent essentiellement des redevances de navigation aérienne ainsi que d'une quote-part de la taxe d'aviation civile.

Les avances accordées au BACEA sont détaillées dans le tableau ci-après.

Les avances accordées au BACEA depuis 2005

(en euros)

Avances accordées

Remboursement d'avances

Stock d'avances
restant à rembourser

2005

80 000 000,00

0,00

80 000 000,00

2006

252 862 408,00

16 500 000,00

316 362 408,00

2007

103 000 000,00

11 113 534,00

408 248 874,00

2008

103 692 000,00

24 743 469,52

487 197 404,48

2009

281 816 000,00

35 519 478,44

733 493 926,04

2010

250 744 588,00

81 644 478,44

902 594 035,60

2011

194 382 536,00

86 718 937,24

1 010 257 634,36

2012

250 291 607,00

122 371 109,14

1 138 178 132,22

2013

247 949 304,00

168 978 743,06

1 217 148 693,17

Total

1 764 738 443,00

547 589 749,83

1 217 148 693,17

Source : AFT

Les avances accordées chaque année au (BACEA) consistent en des prêts d'une maturité supérieure à huit ans, couvrant non seulement l'investissement mais aussi la charge de la dette. Les avances n'assurent plus le financement d'un besoin imprévu ou accidentel pour couvrir des besoins ponctuels de trésorerie, mais correspondent à des ressources pérennes .

Comme le montre par ailleurs le tableau ci-dessus, le cumul des avances remboursées depuis 2005 est inférieur de plus de 1,2 milliard d'euros à celles accordées, traduisant la constitution d'une dette - même s'il convient de noter que la proportion des remboursements par rapport aux nouvelles avances s'améliore progressivement, ayant pour la première fois dépassé 50 % en 2013.

À l'instar de la Cour des comptes, et de notre collègue François Fortassin 13 ( * ) , rapporteur spécial du budget annexe, votre rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence du financement par les avances du déséquilibre financier structurel du BACEA . Des alternatives méritent d'être recherchées, tant en recettes qu'en dépenses, pour tendre vers l'équilibre financier du budget annexe. En recettes, d'autres modes de financement doivent être étudiés, comme des subventions - ce qui supposerait de réintégrer le budget annexe dans le budget général de l'État - ou une augmentation des ressources propres.

Recommandation n° 1 : ne plus recourir aux avances pour couvrir le déséquilibre financier structurel du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

II. LA CONSTRUCTION ET LA RÉNOVATION DES ÉCOLES FRANÇAISES À L'ÉTRANGER : DES AVANCES RÉCURRENTES NE DONNANT PAS LIEU À DES INCIDENTS DE PAIEMENT

A. DES AVANCES ACCORDÉES POUR LE PROGRAMME IMMOBILIER DES ÉTABLISSEMENTS DU RÉSEAU FRANÇAIS EN GESTION DIRECTE PAR L'AEFE

Établissement public administratif créé en 1990 et placé sous la tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères, l'AEFE est à la tête d'un réseau d'environ 500 établissements d'enseignement français à l'étranger :

- 75 établissements en gestion directe ;

- 160 établissements en convention avec l'AEFE, qui sont des établissements de droit privé local, souvent à gestion parentale ;

- 250 établissements partenaires (appelés établissements homologués jusqu'à une date récente).

Les avances consenties par le CCF ne concernent que la programmation immobilière des établissements en gestion directe. Elles représentent un des trois modes de financement des opérations d'investissement, concurremment au recours aux fonds propres de l'AEFE et aux fonds propres de l'établissement.

B. DES AVANCES S'ÉTANT SUBSTITUÉES AUX EMPRUNTS BANCAIRES

Les avances se sont substituées aux emprunts bancaires suite à l'entrée en vigueur, à compter de 2012, de l'interdiction d'emprunt bancaire à plus d'un an des ODAC, fixée par l'article 12 de la LPFP 2011-2014. Les avances accordées à l'AEFE font l'objet d'une décision du ministre (à valeur d'arrêté) autorisant le versement de l'avance.

En 2012, les avances se sont élevées à 12,5 millions d'euros. En 2013, leur montant a atteint 12,6 millions d'euros, dont 2,6 millions d'euros de crédits reportés de l'exercice 2013 et 10 millions d'euros de nouvelles avances. Les crédits consommés ayant atteint 6,5 millions d'euros en 2013, le solde (soit 6 millions d'euros) a été reporté sur l'exercice 2014, auxquels se sont ajoutés de nouvelles avances à hauteur de 3,5 millions d'euros - soit 9,5 millions d'euros d'avances inscrites dans la loi de finances initiale pour 2014.

Les retards pris dans certains chantiers expliquent ces reports et la part corrélativement moindre des nouvelles avances.

Ces avances, récurrentes, sont remboursées à l'échéance normale, une fois par an à l'AFT. Elles sont l'exemple d'une procédure désormais rodée, permettant des économies par rapport au coût des anciens emprunts bancaires.

Il s'agit de prêts, présentant par nature un caractère pluriannuel dans le cadre d'une programmation globale, et non établissement par établissement, discutée chaque année avec la tutelle.

III. DES AVANCES PLUS PONCTUELLES OUVRANT LA QUESTION DU RÉÉCHELONNEMENT

A. LA CITÉ DE LA MUSIQUE : UN EXEMPLE ILLUSTRANT LA NÉCESSITÉ D'UNE FORMALISATION DES PROCÉDURES D'OCTROI ET DE SUIVI DES AVANCES

En 2009, une avance de 60,5 millions d'euros a été accordée à la Cité de la Musique pour l'achat de la salle Pleyel , sans fixer d'échéancier de remboursement - ce qui a constitué une exception aux conditions normales d'octroi des avances.

Comme l'a expliqué Thibaud Malivoire de Camas, directeur général adjoint de la Cité de la Musique, lors de son audition par votre rapporteur spécial le 20 mai 2014, dans un premier temps la Cité de la Musique a exploité la salle Pleyel dans le cadre d'un contrat de bail de cinquante ans (pour un coût annuel de 1,5 million d'euros). La décision d'achat est ainsi apparue opportune car elle a permis d'enrichir le patrimoine de l'État, plutôt que de continuer à verser des loyers sans contrepartie patrimoniale, d'autant plus que l'achat a porté non seulement sur la salle, les loges et le foyer (sur lesquels portait la location), mais également sur des bureaux générant des recettes annuelles comprises entre 1,7 et 1,8 million d'euros - ce qui est de nature à améliorer les capacités de remboursement de l'avance du Trésor. Les recettes moyennes d'une soirée de spectacle peuvent être évaluées à 100 000 euros, selon les informations également fournies par la Cité de la Musique.

Le recours à une avance remboursable, plutôt qu'à un emprunt bancaire comme initialement envisagé, a été une conséquence de l'article 12 de la LPFP 2011-2014 ayant interdit aux ODAC de recourir à des emprunts bancaires de plus de douze mois.

Des incertitudes pèsent sur le positionnement de la Cité de la Musique avant l'ouverture prochaine de la Philharmonie de Paris comme principale salle de concerts de musique classique dans la capitale, ce qui pose la question de la future spécialisation de la salle Pleyel pour sa programmation. Ces choix auront des conséquences indirectes sur les ressources propres issues de la vente des billets.

Dans ce contexte, le ministère de la culture et de la communication, comme autorité de tutelle de la Cité de la Musique, a mis en place un remboursement de l'avance depuis 2011 compris entre 2,3 et 2,4 millions d'euros par an pour le capital, auxquels s'ajoutent 450 000 à 470 000 euros au titre de la charge d'intérêts. Au 31 décembre 2013, le capital restant à rembourser s'élevait à 51,075 millions d'euros, soit 84,4 % du montant de l'avance octroyée .

L'avance a donné lieu à une dépréciation en comptabilité générale dès l'année de son octroi, en 2009, en l'absence d'échéancier de remboursement.

Dans ses notes d'exécution budgétaire annuelles, la Cour des Comptes dresse un constat sévère : malgré un remboursement très lent, l'avance n'a entraîné aucune décision de renouvellement ni de rééchelonnement, en contradiction avec les dispositions précitées de l'article 24 de la LOLF .

Une décision de rééchelonnement relèverait du ministère de la culture et de la direction du budget du ministère de l'économie, dans le cadre d'un arbitrage interministériel. L'AFT serait associée à ces discussions.

Votre rapporteur spécial a pris bonne note que, selon les informations qui lui ont été transmises par l'AFT, « des travaux sont en cours entre l'AFT et les tutelles de l'établissement pour définir les modalités de remboursement de l'avance » 14 ( * ) .

Pour votre rapporteur spécial, l'exemple de la Cité de la Musique illustre d'abord la nécessité d'un suivi plus vigilant par les autorités de tutelle, en association avec l'AFT, tant en ce qui concerne les conditions d'octroi de l'avance que de remboursement. Ce constat plaide pour la mise en place de procédures plus formalisées , telles que proposées dans la dernière partie du présent rapport.

B. L'AFITF : UNE AVANCE AYANT DÛ ÊTRE RÉÉCHELONNÉE COMPTE TENU DES INCERTITUDES SUR LES RESSOURCES GLOBALES DE L'AGENCE

Conformément à ses statuts, l' Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) peut procéder à des emprunts pour couvrir les besoins de trésorerie en cours d'année liés à l'exécution de son budget et aux décalages entre encaissements et décaissements au sein d'un même exercice. Dans ce cadre, l'AFITF a conclu le 25 février 2005 une convention avec l'AFT.

Il a été fait application une première fois de cette convention au cours du premier semestre de l'année 2005, pendant la mise en place des premières recettes de l'AFITF : deux tranches d'avance ont été mobilisées en mars et en avril 2005, à hauteur respectivement de 30,2 millions d'euros et 5,9 millions d'euros, puis une en juin 2005 pour 800 000 euros. Ces avances de trésorerie ont été intégralement remboursées le 5 juillet 2005.

L'AFITF a eu recours une deuxième fois à ce dispositif pour une avance à hauteur de 143 millions d'euros, créditée le 30 décembre 2009 sur le compte de l'AFITF . Cette mobilisation s'est expliquée une nouvelle fois par le déséquilibre structurel entre les recettes pérennes de l'agence et ses dépenses , après consommation de la dotation de 4 milliards d'euros versée par l'État, suite de la cession de ses parts dans les sociétés concessionnaires d'autoroute, en 2005 puis en 2006. Ainsi, en 2009, le fonds de roulement en début d'année n'était plus que de 56 millions d'euros, les dépenses d'intervention s'élevant à 2,47 milliards d'euros, alors que le total des recettes affectées (redevance domaniale, taxe d'aménagement du territoire et produit d'une partie des amendes radar) atteignait seulement 823 millions d'euros. L'avance de trésorerie a donc eu pour objet de couvrir ce déséquilibre , en complément de la subvention d'équilibre budgétaire, en permettant par ailleurs une augmentation du fonds de roulement en fin d'exercice (passé à 161,6 millions d'euros à fin 2009).

L'avance, consentie au taux de 1,470 %, aurait dû être remboursée au plus tard le 15 décembre 2011. Aucun remboursement n'est intervenu en 2010, en raison d'un nouveau déséquilibre entre les recettes pérennes de l'Agence (851 millions d'euros) et ses charges de fonctionnement 2,13 milliards d'euros).

Le premier remboursement est intervenu le 18 octobre 2011, à hauteur de 17 108 704 euros (y compris les intérêts dus sur la fraction remboursée et le capital restant dû, à hauteur de 2 080 297,64 euros).

Par une décision en date du 18 avril 2012, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rééchelonné le reliquat qui devait être réglé au 15 décembre 2011, selon l'échéancier suivant :

- 15 000 000 euros le 28 décembre 2012,

- 83 000 000 euros le 30 décembre 2013,

- 27 891 296 euros le 30 décembre 2014.

La décision de rééchelonnement a été prise dans le cadre d'un accord entre l'AFITF et la direction du budget , suite à des arbitrages interministériels .

Afin de garantir la neutralité de l'opération pour le budget de l'État, les taux d'intérêt ont été recalculés sur la base du taux d'adjudication fin 2009 des titres d'État d'échéance la plus proche - soit trois, quatre et cinq ans - correspondant respectivement à 0,70 % pour la fraction remboursée à fin 2012, 1,58 % pour la fraction remboursée à fin 2013 et 1,97 % pour la fraction remboursée à fin 2014.

Le 19 septembre 2012, il a été procédé au remboursement d'une fraction de capital à hauteur de 17 389 397 euros 15 ( * ) .

En 2013, sur le capital restant dû de 108 501 899 euros, 17 100 000 euros ont été remboursés le 1 er août 2013 16 ( * ) .

Pour 2014, sur le capital restant dû de 91 401 899 euros , il est prévu au budget initial de l'AFITF le remboursement au cours de l'exercice de 45 millions d'euros .

Lors de son audition par votre rapporteur spécial le 28 mai 2014, notre collègue député Philippe Duron, président de l'AFITF, a indiqué que, en l'état, l'agence rembourserait le montant prévu dans l'échéancier 2014 :

« Compte tenu de l'échéance à laquelle, dans le cadre d'un plan de trésorerie très contraint, ce montant de capital pourrait être remboursé, soit le 1 er novembre 2014, et compte tenu du montant de frais financiers inscrits au budget 2014 de l'AFITF, soit 2,5 millions d'euros » 17 ( * ) .

Après la suspension de l'écotaxe « poids lourds » 18 ( * ) , qui a témoigné à nouveau d' incertitudes sur le financement global du bénéficiaire de l'avance (mais en l'espèce, pour des motifs qui lui sont extérieurs), le remboursement de l'avance de l'AFITF n'est donc pas remis en cause. Les crédits nécessaires en AE et en CP ont été inscrits à son budget initial 2014, adopté par son conseil d'administration dans sa séance du 6 février 2014. Le remboursement du solde sera à inscrire au budget 2015 de l'AFITF.

L'exemple de l'AFITF illustre également la nécessité de définir un cadre pour l'octroi des avances, compte tenu des capacités de remboursement du bénéficiaire, et de mieux formaliser le suivi des étapes de remboursement. Dans le cas de l'AFITF, il s'agit bien des ressources visant à assurer l'équilibre en fonctionnement courant, alors qu'a priori les avances ont vocation à permettre le financement d'opérations exceptionnelles, en contrepartie de recettes futures.

IV. UN DISPOSITIF AD HOC NON UTILISÉ À CE JOUR : LES AVANCES CONSENTIES DANS LE CADRE DE L'ONIAM

A. UN DISPOSITIF CRÉÉ DANS LE CADRE DE L'INDEMNISATION DES VICTIMES DU MEDIATOR

Les avances inscrites au CCF au bénéfice de l'ONIAM doivent permettre une indemnisation des victimes du Mediator.

Lorsque l'ONIAM estime qu'une victime présente un préjudice imputable au benfluorex, et si le laboratoire ou son assureur ne propose pas une juste indemnisation de ce préjudice 19 ( * ) , l'ONIAM sert lui-même l'indemnisation à la victime avant de se substituer à elle dans l'action civile contre le laboratoire - la justice pouvant alors m

ajorer jusqu'à 30 % l'indemnisation due par le laboratoire.

Afin de disposer de la trésorerie nécessaire pour assurer les premières indemnisations dans l'attente du résultat des actions civiles récursoires, l'ONIAM peut bénéficier d'avances du Trésor. Il s'agit d'avances sans intérêt, accordées dans le cadre d'un décret en Conseil d'État 20 ( * ) par dérogation à la procédure de droit commun, conformément aux dispositions de l'article 24 de la LOLF.

Le caractère ad hoc des avances consenties à l'ONIAM a répondu à une situation spécifique, dans le contexte de l'affaire du Mediator. Aujourd'hui, les laboratoires Servier ont toujours suivi l'avis des experts pour les indemnisations, et aucune dépense n'a donc été engagée à ce jour au titre des avances. Mais si des avances devaient être accordées à ce titre , leur remboursement reposerait sur l'aléa de décisions de justice favorables à l'État après que l'ONIAM eut assigné les laboratoires pour obtenir le paiement des indemnités aux victimes. Une telle ressource présenterait donc un caractère incertain.

L'exemple de l'ONIAM pose un certain nombre de questions : était-il pertinent de recourir au dispositif des avances, le remboursement étant aléatoire ? Pourquoi avoir fixé un taux d'intérêt nul pour les avances à l'ONIAM, par dérogation au droit commun ? Il n'existe pas aujourd'hui de doctrine sur l'octroi des avances par le Trésor . Il serait utile, pour l'avenir, que l'Agence France Trésor (AFT) se dote d'une telle doctrine, précisant notamment le taux d'intérêt, la durée et les ressources permettant le remboursement . En revanche, l'AFT ne dispose pas des outils nécessaires pour apprécier la pertinence socio-économique des opérations - laquelle relève davantage des compétences de la direction du budget et du ministère de la santé, autorité de tutelle.

Recommandation n° 2 : définir une doctrine sur les conditions d'octroi des avances par l'Agence France Trésor, précisant notamment leur taux d'intérêt, leur durée et les ressources permettant leur remboursement.

B. UN DISPOSITIF JUSQU'À PRÉSENT INUTILISÉ, LE LABORATOIRE AYANT TOUJOURS SUIVI LES AVIS DU COLLÈGE D'EXPERTS

Selon les précisions apportées par Éric Rance, directeur de l'ONIAM, lors de son audition par votre rapporteur spécial le 20 mai 2014, le laboratoire a jusqu'à présent toujours suivi les avis du collège d'experts sur, d'une part, l'établissement d'un lien de causalité entre la pathologie et la prise du médicament et, d'autre part, le barème d'indemnisation, selon le référentiel de l'ONIAM qui ne relève donc pas du cas spécifique du Mediator.

Lors de son audition, le directeur de l'ONIAM a précisé que 8 440 dossiers d'indemnisation avaient été déposés dans le cadre du Mediator, dont plus de 3 200 avaient d'ores et déjà été examinés par le collège d'experts :

- pour quelque 1 200 dossiers, des pièces complémentaires ont été demandées ;

- un avis de rejet a été formulé sur 1 643 dossiers ;

- un avis positif d'indemnisation a été rendu pour 485 demandes.

83 % des rejets ont été motivés par la demande d'indemnisation au titre d'une autre pathologie que celles actuellement reconnues, au regard des connaissances scientifiques, comme étant liées à la consommation du médicament (à savoir, deux pathologies cardiaques : les hypertensions artérielles pulmonaires, HTAP, et certaines valvulopathies dites fuyantes).

Parmi les dossiers portant sur des HTAP et des valvulopathies fuyantes, il a donc été rendu 485 avis positifs et formulé 280 rejets, soit une proportion d'avis positifs de la commission d'experts s'élevant à 63 %. Même en cas de HTAP et de valvulopathies fuyantes, l'indemnisation n'est pas automatique. Les experts tiennent notamment compte de l'accroissement du risque avec certains facteur, comme l'âge.

Le montant total des 485 indemnisations s'élève à 4 millions d'euros, soit en moyenne 8 500 euros par dossier - mais les montants des indemnisations sont très variables, le plus élevé ayant atteint 260 000 euros.

Il conviendrait, en conséquence, de réduire les montants inscrits en loi de finances initiale - à hauteur de 15 millions d'euros - mais sans les annuler, au cas où le droit de tirage serait utilisé dans l'avenir, d'autant plus que la probabilité est élevée que le stock de dossiers restant à traiter corresponde à des cas plus complexes, pouvant davantage donner lieu à des contentieux.

Recommandation n° 3 : diminuer le montant des avances inscrites au profit de l'ONIAM en loi de finances initiale, au regard de l'absence de consommation des crédits et du montant effectif des indemnisations accordées jusqu'à présent.

Par rapport à certaines évaluations préalables (en dizaines, voire en centaines de millions d'euros), le montant global actuel de 4 millions d'euros reste relativement limité pour le laboratoire, ce qui peut expliquer qu'il ait jusqu'à présent toujours accepté de suivre les propositions du collège d'experts. Les laboratoires Servier se sont d'ailleurs engagés à poursuivre cette politique après la disparition récente de leur fondateur. Au demeurant, en cas de contestation sur le montant de l'indemnisation, on peut envisager que les juges appliqueraient en principe le barème de référence de l'ONIAM, et que les décisions rendues seraient favorables à l'ONIAM, éventuellement majorées de la pénalité de 30 %.

A contrario , 13 bénéficiaires des 485 décisions positives les ont contestées, mais l'ONIAM n'a pas donné suite en se substituant au laboratoire pour l'indemnisation à hauteur du montant demandé, car il s'agissait d'obtenir une indemnisation supérieure à celle du barème de référence de l'ONIAM.

TROISIÈME PARTIE : BILAN D'ENSEMBLE - UN OUTIL DE FINANCEMENT ÉPROUVÉ MAIS À CONFORTER DANS SON SUIVI ET SON PILOTAGE

I. LA NATURE JURIDIQUE DES AVANCES : UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE POUR QUE LES AVANCES NE SE SUBSTITUENT PAS À DES DÉPENSES BUDGÉTAIRES

A. PRÊTS OU AVANCES ? UN DÉBAT À DÉPASSER

De manière récurrente, notamment dans ses notes d'exécution budgétaires, la Cour des comptes a critiqué l'absence de distinction entre avances et prêts . L'article 24 de la LOLF relatif aux comptes de concours financiers (cf. infra ) n'établit toutefois pas - ou plus - de distinction entre les avances et les prêts.

Cette distinction relève toutefois d'un débat à dépasser : l'objectif est plutôt de déterminer si les avances seront ou non remboursées, ou en d'autres termes si elles ne se substituent pas à des subventions budgétaires - auquel cas le recours aux avances serait irrégulier.

B. LES PERTES CONSTATÉES, OU QUAND LES AVANCES SE SUBSTITUENT IRRÉGULIÈREMENT À DES SUBVENTIONS

Lors des premières années de fonctionnement du CCF , comme le montre l'annexe au présent rapport, plusieurs avances ont fait l'objet de constats de pertes par une disposition en loi de finances , et n'ont donc pas été remboursées :

- une avance de 22 millions d'euros au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitants agricoles (CNASEA), octroyée en 2006, et ayant donné lieu en totalité à un constat de perte en 2007 ; toujours en 2006, une avance de 50 millions d'euros a été octroyée à l'Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture (OFIMER), et a fait l'objet d'un constat de perte en 2007 pour un montant de 47,6 millions d'euros ; ces deux avances (qui ont simplement transité par le CNASEA et l'OFIMER) avaient le même objet - permettre au Fonds de prévention des aléas pêche (FPAP) de mettre en place un dispositif assurant aux entreprises de pêche professionnelle adhérentes un plafonnement du prix du gazole ; le dispositif reposait sur des achats d'options sur les marchés du gazole, jusqu'à ce que le FPAP mette fin à ses activités à la fin de l'année 2006, avant sa dissolution en février 2008 ; en 2007, l'État, qui s'était engagé à se substituer au FPAP en cas de défaillance de celui-ci pour rembourser à l'OFIMER et au CNASEA les sommes prêtées assorties des intérêts, avait demandé aux établissements de transformer en subventions dans leurs comptes les avances remboursables ainsi que les intérêts ;

- une avance à l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM), accordée en 2007 pour un montant de 32,5 millions d'euros, a été renouvelée en 2008 et a fait l'objet d'un constat de perte en totalité la même année ; il s'agissait d'aider les producteurs antillais de bananes, confrontés à une perte de compétitivité et à des aléas climatiques, notamment le passage du cyclone Dean en août 2007.

Les constats de pertes ont été effectués en loi de règlement pour 2007 21 ( * ) et 2008 22 ( * ) .

Au total, les pertes d'avances inscrites sur le CCF se sont élevées à 102,1 millions d'euros en 2007 et 2008. On peut estimer qu'il s'agissait en fait de subventions , pour répondre notamment à des imprévus climatiques dans le cas de l'avance à l'ODEADOM.

Il convient toutefois de se féliciter d'une plus grande sélectivité de la procédure d'octroi des avances depuis 2008, puisqu'aucun constat de perte n'a été observé depuis cette date .

En revanche, parmi les avances récurrentes, celles du BACEA, qui n'apparaissent pas remboursées en totalité, correspondent au financement d'un déficit structurel (cf. supra ).

II. DES INCERTITUDES POSANT LA QUESTION DU PILOTAGE ET DU SUIVI

A. GÉRER LES RISQUES DE NON-REMBOURSEMENT À L'ÉCHÉANCE PRÉVUE : LES RENOUVELLEMENTS ET LES RÉÉCHELONNEMENTS

L'article 24 de la LOLF a prévu plusieurs procédures en cas d'incidents de paiement des avances :

« Toute échéance qui n'est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon la situation du débiteur :

« - soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

« - soit d'une décision de rééchelonnement faisant l'objet d'une publication au Journal officiel ;

« - soit de la constatation d'une perte probable faisant l'objet d'une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l'exercice ».

Un quatrième cas , non prévu par l'article 24 de la LOLF, est apparu en pratique : le renouvellement de l'avance.

Comme nous l'avons vu ci-dessus, la dernière constatation de pertes date de 2009.

Les recouvrements immédiats n'ont jamais été mis en oeuvre - mais leur portée serait limitée, puisqu'il s'agirait d'un simple transfert au sein de la sphère publique entendue au sens large - d'un ODAC (ou d'un organisme gérant un service public) vers l'État.

En revanche, comme le fait apparaître l'annexe au présent rapport, un cas de renouvellement et un autre de rééchelonnement restent pendants 23 ( * ) :

- l'avance dont a bénéficié l'Institut national de la recherche d'archéologie préventive ( INRAP ) en 2006, à hauteur de 23 millions d'euros, n'a été remboursée qu'à hauteur de 7,5 millions d'euros ; le solde (soit 15,5 millions d'euros ) a dû être déprécié et a été renouvelé ; ce montant reste donc à rembourser, dans l'attente - comme l'a indiqué l'AFT - « d'une amélioration de la santé financière de l'INRAP », liée notamment à la levée des incertitudes sur la redevance d'archéologie préventive (RAP) qui finance l'INRAP ; dans un référé publié en août 2013 sur la gestion de l'INRAP entre 2002 et 2011, la Cour des comptes a dénoncé l'absence de réformes structurelles de l'INRAP et l'allocation de subventions budgétaires du ministère de la culture pour compenser le déficit chronique de l'INRAP compte tenu du moindre rendement de la RAP ; toutefois, la réforme de la RAP peut laisser espérer un remboursement de l'avance en 2015, dans un contexte budgétaire assaini 24 ( * ) ;

- l' AFITF doit encore rembourser 91,4 millions d'euros ; l'échéancier de remboursement a été rééchelonné , dans un contexte aussi d'incertitudes - en l'espèce, sur la mise en oeuvre de l'écotaxe (cf. supra ).

Dans l'un et l'autre cas, le remboursement in fine des avances dépend plus globalement du financement de ces organismes. Si la direction du budget est toujours associée à la prise de décision, la procédure n'en fait pas moins ressortir le besoin de renforcer les compétences de l'AFT, qui dispose d'une expertise technique et d'une vue d'ensemble sur les avances accordées, lors de l'instruction de la demande d'avance et en cas de modification du plan initial (renouvellement, rééchelonnement, constat de perte probable), afin de prévenir et de résoudre le plus en amont possible d'éventuels incidents de paiement.

B. UNE (ABSENCE DE) PROCÉDURE POSANT LA QUESTION DU PILOTAGE ET DU SUIVI

Il n'existe pas, à ce jour, de procédure formalisée pour l'octroi des avances . Si l'on exclut le cas des avances récurrentes (pour l'aviation civile, le préfinancement des aides communautaires ou l'AEFE), les avances apparaissent comme une solution de second rang, envisagée au cas par cas dans le cadre de financements complexes et souvent à l'issue de longues négociations entre le bénéficiaire de l'avance, le ministère de tutelle et la direction du budget - qui exerce une tutelle financière sur une grande partie des établissements publics ayant le statut d'ODAC.

Dans la mesure où les avances sont octroyées en contrepartie de ressources futures du bénéficiaire , lesquelles assureront leur remboursement ultérieur, il s'agit d' un mode de financement ayant vocation à rester exceptionnel .

Lors de l'octroi de l'avance, il appartient d'abord aux autorités de tutelle de s'assurer que celle-ci pourra effectivement être remboursée - et non qu'il pourrait s'agir d'une facilité de financement, avec l'espoir pour le bénéficiaire d'un possible renouvellement, d'un rééchelonnement, voire d'un non-remboursement. Si la diversité des situations ne rend pas nécessairement opportune l'adoption d'une procédure standard à l'ensemble des avances, des outils de pilotage - comme les conventions de gestion, qui précisent le cadre financier des relations avec les autorités ministérielles de tutelle - apparaissent utiles pour s'assurer du suivi dans la durée du respect des engagements pris par le bénéficiaire.

Par ailleurs, l'Agence France Trésor (AFT) devrait pouvoir être systématiquement associée à l'instruction la demande d'avance puis à son suivi dans les seuls cas de modification du plan initial (renouvellement, rééchelonnement, constat de perte probable), ce qui implique de prévoir des avis obligatoires de l'AFT à ces différents stades. L'AFT serait ainsi systématiquement associée aux décisions prises par les autorités de tutelle. Corrélativement, votre rapporteur spécial propose que l'AFT se dote d'une doctrine d'octroi des avances (cf. supra ) qui définirait des règles plus homogènes sur les décisions d'accorder des avances.

Recommandation n° 4 : mettre en place des dispositifs contractuels (comme les conventions de gestion) pour s'assurer du remboursement des avances suivant l'échéancier prévu.

Recommandation n° 5 : établir une procédure d'avis de l'Agence France Trésor lors de l'instruction de la demande d'avance et en cas de modification du plan initial (renouvellement, rééchelonnement, constat de perte probable).

C. LE RECOURS À LA PROCÉDURE DU RÉTABLISSEMENT DE CRÉDITS POUR PROCÉDER À DES REDÉPLOIEMENTS DANS LE CADRE DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

En 2012 et en 2013, il a été procédé à des redéploiements dans le cadre des investissements d'avenir, principalement au profit des opérateurs du ministère de la défense, par des rétablissements de crédits qui ont fait apparaître une avance de 200 millions d'euros au Fonds pour la société numérique (FSN) sur le CCF.

Ces opérations ne correspondant pas à la procédure des rétablissements de crédits prévue par le IV de l'article 17 de la LOLF 25 ( * ) .

Votre rapporteur spécial prend toutefois bonne note des observations de la direction du budget du ministère des finances et des comptes publics en réponse à la Cour des comptes qui a jugé que la procédure de rétablissements de crédits avait été « dévoyée » 26 ( * ) . Selon le ministère du budget, le recours au rétablissement des crédits n'est pas explicitement limité aux seuls cas prévus par l'article 17 de la LOLF, et la procédure utilisée, sans incidence sur le solde budgétaire, a le mérite de la simplicité et de la lisibilité, tout en s'étant par ailleurs accompagnée d'une information des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale :

« À défaut, il conviendrait d'opérer la récupération des fonds par un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l'opérateur, ce qui nécessite un article de loi de finances, et d'ouvrir les crédits sur un programme budgétaire, crédits dont il faudrait enfin retraiter l'exécution au regard de la norme de dépense. Compte tenu d'une part de la régularité de la procédure actuelle et de la bonne information du Parlement, via les avenants, d'autre part de la complexité qui découlerait de la recommandation de la Cour 27 ( * ) , la direction du budget ne souscrit pas à celle-ci. Il convient enfin de noter qu'afin d'assurer la traçabilité des opérations de redéploiements, la direction du budget veille à ce qu'aucun virement direct de crédits entre opérateurs ou au sein d'un même opérateur n'ait lieu lorsque la nature des crédits change ou leur finalité évolue substantiellement.

« Enfin, il convient de noter que l'annulation sur le CCF concerné n'a pas servi de gage à une ouverture au sens de l'article 13 (décrets d'avance) de la LOLF. Ce terme de gage ne doit traduire que la neutralité au regard de l'enveloppe des investissements d'avenir » 28 ( * ) .

D. UN DISPOSITIF DE PERFORMANCE SATISFAISANT

L'objectif associé aux avances de chaque programme est d'assurer le respect des conditions de financement afin de garantir la neutralité financière de l'opération et le respect du calendrier complet de l'opération, étant donné l'incidence en trésorerie pour l'État.

Un indicateur associé à chacun des quatre programmes précités mesure le respect de la règle de neutralité budgétaire des opérations pour l'État - ce qui a été le cas. En fait, il s'agit des hypothèses dans lesquelles le taux d'intérêt peut être fixé de manière dérogatoire, par décret en Conseil d'État, à un niveau inférieur à celui des bons ou obligations du Trésor à même échéance (ce qui correspond à l'hypothèse d'un prêt à perte, non neutre budgétairement par l'État).

Un second indicateur, lié à l'objectif des seuls programmes 823, 824 et 825, mesure le respect des conditions de durée des avances. L'indicateur donne le nombre d'avances ayant donné lieu aux quatre hypothèses de non-remboursement à l'échéance prévue : renouvellement, recouvrement immédiat, rééchelonnement et constatation d'une perte probable.

Le critère de renouvellement n'est toutefois pas interprété de manière homogène selon les programmes, le décret d'avance de fin de gestion 2009 ayant ainsi permis au BACEA de respecter ses échéances de remboursement de fin d'année sans que cette opération ne fût interprétée comme un renouvellement.

Sous cette réserve, le dispositif actuel de performance assure une bonne information du Parlement, notamment sur le respect de la durée des avances et les risques qu'une avance ne soit pas honorée.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 11 juin 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, sur le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - À la mission « Engagements financiers de l'État », dont je suis rapporteur spécial, sont rattachés deux comptes d'affectation spéciale (CAS) et deux comptes de concours financiers (CCF).

Le compte de concours financiers (CCF) « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » a été créé en 2006, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il retrace les avances accordées par le Trésor - et, concrètement, gérées par l'Agence France Trésor - à divers organismes. Les dépenses du compte de concours financiers sont constituées des avances ainsi consenties, et les recettes du compte des remboursements opérés à l'État.

Pourquoi m'être intéressé au CCF « Avances » ? Car nous touchons là à une fonction particulière de l'État, celle de prêteur à d'autres organismes publics - ce qu'on appelle les « organismes divers d'administration centrale » (ODAC) - ou à des organismes gérant des services publics. En d'autres termes, l'État exerce un rôle de banquier pour d'autres administrations, les avances du Trésor étant soit des avances de trésorerie à court terme (à échéance de quelques semaines ou quelques mois), soit des prêts. Dans tous les cas les avances sont remboursées suivant un échéancier et à un taux d'intérêt correspondant à celui des obligations d'État de même échéance.

Je passerai assez rapidement sur les avances de trésorerie à court terme, qui ne donnent pas lieu à des incidents de paiement, mais elles constituent, en volume, les masses financières les plus importantes transitant sur le compte de concours financiers. Il s'agit notamment du préfinancement des aides agricoles communautaires, soit environ 6,5 milliards d'euros par an : la France, comme d'autres États membres de l'Union européenne, verse ces aides aux agriculteurs dans la deuxième quinzaine d'octobre, le remboursement par l'Union européenne n'intervenant que début décembre. Il y a donc un préfinancement sur deux mois qui ne pose pas de réel problème.

Le débat sur les taux d'intérêt est assez largement sans objet, puisque les taux sont ceux des obligations du Trésor de même échéance - l'objet des avances n'étant pas que l'État s'enrichisse au détriment d'autres organismes publics ou d'organismes gérant des services publics. Il s'agit bien de tenir compte de la situation où se trouvent temporairement les bénéficiaires des avances, qui ont des besoins de financement à un moment donné pour, par exemple, réaliser des opérations d'investissement, et qui disposeront dans le futur de ressources supplémentaires qui garantiront le remboursement de l'avance.

Ainsi, deux questions se posent d'emblée : pourquoi accorder une avance (quelles ressources gagent l'octroi de l'avance) ? Le bénéficiaire pourra-t-il honorer ses remboursements ?

Ces deux critères ont guidé mes travaux, notamment lors des auditions qui m'ont conduit à rencontrer non seulement l'Agence France Trésor - avec qui nous avons eu des contacts fréquents - mais aussi les représentants de quatre organismes bénéficiaires d'avances : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ; l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ; la Cité de la Musique, dans le cadre de l'achat de la salle Pleyel ; enfin, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du benfluorex (commercialisé sous le nom de Mediator).

Un changement législatif important a créé un nouveau cas de recours aux avances : l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 a interdit aux organismes divers d'administration centrale (ODAC) de s'endetter auprès d'un établissement de crédit ou d'émettre un titre de créance d'une durée supérieure à douze mois. Certains ODAC, privés de financements bancaires, se sont alors tournés vers le Trésor pour solliciter des avances. Des avances leur ont été accordées au regard de leurs ressources futures pour assurer le remboursement du prêt.

Un dernier cas d'avances récurrentes, au sens où un montant est inscrit chaque année en loi de finances, est celui de l'ONIAM. Lorsque l'ONIAM estime qu'une victime présente un préjudice imputable au benfluorex, et si le laboratoire ou son assureur ne propose pas une juste indemnisation de ce préjudice, l'ONIAM sert lui-même l'indemnisation à la victime avant de se substituer à elle dans l'action civile contre le laboratoire. Aujourd'hui, les laboratoires Servier ont toujours suivi l'avis des experts pour les indemnisations, et aucune dépense n'a donc été engagée à ce jour au titre des avances. Mais si des avances devaient être accordées à ce titre, leur remboursement reposerait sur l'aléa de décisions de justice favorables à l'État après que l'ONIAM eut assigné les laboratoires Servier pour obtenir le paiement des indemnités aux victimes. Une telle ressource présenterait donc un caractère incertain. Par ailleurs, le montant des avances à l'ONIAM inscrites en loi de finances initiale (soit 15 millions d'euros) est manifestement surdimensionné au regard du montant total des indemnisations versées à ce jour aux victimes (soit 10 millions d'euros).

L'exemple de l'ONIAM pose un certain nombre de questions : était-il pertinent de recourir au dispositif des avances, le remboursement étant aléatoire ? Pourquoi avoir fixé un taux d'intérêt nul pour les avances à l'ONIAM, par dérogation au droit commun dans le cadre d'un décret en Conseil d'État, conformément à l'article 24 de la LOLF ? Il n'existe pas aujourd'hui de doctrine sur l'octroi des avances par le Trésor. Il serait utile, pour l'avenir, que l'Agence France Trésor se dote d'une telle doctrine, précisant notamment le taux d'intérêt, la durée et les ressources permettant le remboursement.

S'agissant des avances récurrentes, depuis l'entrée en vigueur des dispositions législatives interdisant aux ODAC les emprunts bancaires d'une durée de plus d'un an, l'AEFE finance par des avances, et non plus par des prêts bancaires, la construction et la rénovation des écoles françaises à l'étranger, pour les 75 établissements que l'AEFE gère directement. Je me souviens de l'inquiétude de certains de nos collègues fin 2010 : ne risquait-on pas, en interdisant l'emprunt bancaire de longue durée, de mettre en péril le plan de financement des écoles françaises à l'étranger ? L'AEFE m'a fait part de sa satisfaction, et elle honore ses remboursements très régulièrement : le système a bien marché. Les frais de scolarité et le fonds de roulement de l'AEFE comme des établissements concernés assurent par ailleurs un volume suffisant de ressources propres pour cofinancer les projets, puis permettre le remboursement des avances.

D'autres avances, également récurrentes, posent davantage question : il s'agit des avances accordées au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », que connaît bien notre collègue François Fortassin, en sa qualité de rapporteur spécial du budget annexe. Chiffres à l'appui, je ne peux que confirmer ses observations : ces avances n'assurent plus le financement d'un besoin imprévu ou accidentel pour couvrir des besoins ponctuels de trésorerie, mais correspondent bien à des ressources pérennes, puisque le cumul des avances remboursées depuis 2005 est inférieur de plus de 1,2 milliard d'euros à celles accordées. Je recommande donc de ne plus recourir aux avances pour couvrir un déséquilibre financier structurel du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », ce qui implique de trouver d'autres modes de financement de ce budget - subventions, qui supposeraient de réintégrer le budget annexe dans le budget général de l'État, ou augmentation des ressources propre -, ou encore de revoir le montant des dépenses. Mais ce n'est pas à moi d'en juger dans le cadre de ce travail...

M. François Fortassin . - Cela aura toute ma sympathie...

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - J'en viens à présent aux avances accordées ponctuellement, sur une base pluriannuelle. D'emblée, je tiens à préciser qu'il n'existe pas une procédure normée : l'octroi d'une avance apparaît comme une procédure exceptionnelle, dans le cadre de négociations longues entre le bénéficiaire de l'avance, le ministère de tutelle et la direction du budget. L'avance n'est alors souvent que l'une des composantes de plans de financement complexes... Toutes les avances répondent ainsi à du sur-mesure.

Certaines avances se sont avérées être des subventions déguisées, puisqu'elles n'ont jamais été remboursées : par exemple, une avance de 22 millions d'euros au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitants agricoles (CNASEA), octroyée en 2006, et a donné lieu en totalité à un constat de perte en 2007 ; toujours en 2006, une avance de 50 millions d'euros a été octroyée à l'Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture (OFIMER), et a fait l'objet d'un constat de perte en 2007 en presque totalité pour un montant de 47,6 millions d'euros. Ces deux avances (qui ont simplement transité par le CNASEA et l'OFIMER) avaient le même objet - permettre au Fonds de prévention des aléas pêche (FPAP) de mettre en place un dispositif assurant aux entreprises de pêche professionnelle adhérentes un plafonnement du prix du gazole ; le dispositif reposait sur des achats d'options sur les marchés du gazole, jusqu'à ce que le FPAP mette fin à ses activités à la fin de l'année 2006.

Une avance à l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM), accordée en 2007 pour un montant de 32,5 millions d'euros, a été renouvelée en 2008 et a fait l'objet d'un constat de perte en totalité ; il s'agissait d'aider les producteurs antillais de bananes, confrontés à une perte de compétitivité et à des aléas climatiques, notamment le passage du cyclone Dean en août 2007.

Au total, les pertes d'avances inscrites sur le CCF se sont élevées à 102,1 millions d'euros en 2007 et 2008, qui ont été à ce sujet des années noires. Il existait d'autres mécanismes que les avances pour financer ces opérations - les subventions budgétaires ou encore les décrets pour dépenses accidentelles dans le cas de l'ODEADOM. Le principe même des avances avait ainsi été contourné, mais félicitons-nous qu'il n'y ait plus eu, depuis la loi de règlement pour 2008, de constats de perte au titre d'avances du Trésor. Heureusement, de tels cas appartiennent désormais au passé !

Par ailleurs, les incidents de paiement peuvent prendre la forme du renouvellement de l'avance, ou de son rééchelonnement.

Ainsi, l'avance dont a bénéficié l'Institut national de la recherche d'archéologie préventive (INRAP) en 2006, à hauteur de 23 millions d'euros, n'a été remboursée qu'à hauteur de 7,5 millions d'euros ; pour le solde (soit 15,5 millions d'euros), l'avance a été dépréciée et renouvelée ; ce montant reste donc à rembourser, dans l'attente - comme l'a indiqué l'AFT - « d'une amélioration de la santé financière de l'INRAP », liée notamment aux incertitudes sur la redevance d'archéologie préventive qui finance l'INRAP, et qui est un sujet bien connu de notre commission - nos collègues Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou ne me contrediront pas.

L'AFITF a également bénéficié d'avances dont l'une, octroyée fin 2009 à hauteur de 143 millions d'euros, aurait dû initialement être remboursée le 15 décembre 2011 et a été rééchelonnée dans un contexte d'incertitudes sur le financement global de l'AFITF - notamment en ce qui concerne l'écotaxe « poids lourds ». Sur le capital restant dû de 91,4 millions d'euros fin 2013, l'AFITF s'est engagée à rembourser 45 millions d'euros cette année, et le solde en 2015. Mais avec quelles ressources, si l'écotaxe n'est pas mise en place ?

L'avance octroyée à la Cité de la Musique n'a, elle, jamais été rééchelonnée - et pour cause, le ministère de la Culture n'ayant pas défini d'échéancier de remboursement, compte tenu des incertitudes pesant non seulement sur les ressources de la Cité de la Musique, mais aussi sur les conséquences du démarrage de la Philharmonie de Paris : la Cité de la Musique est consciente des problèmes mais n'a pas de recettes suffisantes pour honorer ses engagements. Ainsi, pour rembourser l'avance de 60,5 millions d'euros octroyée en 2009, le remboursement annuel est jusqu'à présent de l'ordre de 2,8 millions d'euros par an, le capital restant dû s'élevant à 51,1 millions d'euros fin décembre 2013. Le choix de l'achat de la salle Pleyel et d'immeubles de bureaux, dégageant des ressources propres, est apparu opportun par rapport à la location de la salle Pleyel qui prévalait auparavant, mais la Cour des comptes est très sévère sur le rythme de remboursement et l'absence de rééchelonnement. Tout ceci mériterait d'être davantage cadré.

Il ne m'appartient pas de juger de l'opportunité de telle ou telle gestion des ODAC par les ministères de tutelle. Ce qui ressort en revanche est un certain manque de visibilité et de plan d'ensemble. C'est pourquoi je crois non seulement nécessaire de définir une doctrine d'octroi des avances, comme je l'ai déjà observé dans le cas particulier de l'ONIAM, mais aussi d'améliorer le suivi en renforçant le rôle de l'Agence France Trésor. Il me semble nécessaire, d'une part, de mettre en place des dispositifs contractuels (comme les conventions de gestion) pour s'assurer du remboursement des avances suivant l'échéancier prévu. Par ailleurs, une procédure d'avis de l'AFT serait souhaitable lors de l'instruction de la demande d'avance et en cas de modification du plan initial (renouvellement, rééchelonnement, constat de perte probable). Si l'instruction de la demande resterait bien du champ de compétences des autorités de tutelle des bénéficiaires de l'avance, l'avis de l'AFT - en tant que gestionnaire du mécanisme des avances - permettrait d'éclairer la décision et de renforcer le suivi.

Telles sont, mes chers collègues, mes conclusions sur un dispositif complexe, original mais la plupart du temps efficace, touchant à des domaines très divers, mais qui me semble mériter d'être conforté dans son pilotage et son suivi.

M. Philippe Marini , président . - Je vous remercie d'avoir choisi ce sujet : les enjeux financiers sont significatifs et il est utile que notre commission des finances puisse s'investir dans ce domaine, d'autant que, compte tenu de la grande diversité des activités concernées, il y aurait avantage à ce que certains principes soient appliqués et les propositions formulées me semblent très concrètes et utiles.

M. Vincent Delahaye . - Vos propos m'interpellent. Les avances sont accordées et gérées par l'AFT, mais elles n'ont d'incidence budgétaire que lorsqu'il s'agit de pertes. Je suis surpris qu'aucune doctrine ne soit mise en place vu les montants en jeu. Je suis en désaccord avec vous en ce qui concerne la décision d'accorder une avance : je pense que celle-ci doit être centralisée et que c'est le ministère chargé du budget, et non les autorités de tutelle, qui doivent la prendre.

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - En cas de double tutelle par le ministère sectoriel et le ministère chargé de l'économie, la direction du budget donne son avis.

M. Vincent Delahaye . - Je pense que le dernier mot doit revenir à Bercy.

Par ailleurs, la doctrine devrait être d'accorder une avance quand il existe un léger décalage entre les dépenses et les recettes qui doivent être perçues - comme pour les aides agricoles par exemple, cela me semble évident. Par contre, pour le reste, je ne suis pas du tout convaincu qu'il faille une avance, notamment pour acheter la salle Pleyel : je pense qu'il s'agit d'un déguisement budgétaire car, si je comprends bien, alors que l'achat est intervenu en 2009, 51 millions d'euros n'ont pas encore été remboursés.

De plus, s'agissant du contrôle aérien, je ne comprends pas pourquoi une perte de 1,2 milliard d'euros n'est pas constatée, alors qu'il s'agit, en quelque sorte, d'une créance irrécouvrable si l'on ne constate pas de recettes à venir à court terme correspondant.

L'AFT devrait uniquement accorder des avances à court terme et non à long terme, pour des décalages de trésorerie ; elles devraient être remboursées dans l'année et n'être récurrentes que dans le cas des décalages de trésorerie. À défaut, il s'agit de subventions, et non d'avances.

Enfin, j'aurais aimé disposer du montant total des avances accordés par l'État qui ne correspondent pas à un décalage de recettes - la salle Pleyel, le budget annexe du contrôle et de l'exploitation aériens... - pour chiffrer le risque pour l'État de la non constatation d'une charge supplémentaire.

M. Philippe Marini , président . - En cette période de rareté des crédits budgétaires, tous les succédanés sont bons à prendre et cette procédure des avances peut camoufler des insuffisances de financement. Par ailleurs, ce processus d'avance peut être une façon de détourner l'impossibilité de recourir à l'emprunt...

S'agissant des règles du jeu, on peut estimer que dans la période actuelle, il faut « serrer les boulons », et il appartiendrait à la direction du budget de fixer une doctrine d'emploi. Certains, dans l'administration, pourraient dire qu'affirmer une règle publique puisse inciter le recours à cette possibilité peu connue au sein du secteur public. Cet argument ne me paraît pas recevable. Je crois qu'il faut, ici comme ailleurs, plaider en faveur de la transparence.

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - Au budget 2013, le solde du compte d'avances s'élève à + 135 millions d'euros : il s'agit de la différence entre les montants accordés et les montants remboursés. Le flux d'avances s'est élevé à 6,6 milliards d'euros.

M. Vincent Delahaye . - Au sein des 6,6 milliards d'euros, figure la somme de 1,2 milliard d'euros pour le transport aérien ?

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - Ce montant élevé de 6,6 milliards d'euros comprend notamment les aides agricoles, qui représentent une somme très importante, mais qui sont remboursées chaque année. C'est un bon système. D'ailleurs, d'autres pays européens utilisent des systèmes identiques.

M. Philippe Marini , président . - Mais le montant de 6,6 milliards d'euros correspond au financement mis en place, au total de l'argent qui est avancé ?

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - Au cours de l'exercice 2013, 6,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ont été décaissés, et le solde du compte d'avances a été excédentaire en 2013 à hauteur de 135 millions d'euros.

Les avances au budget annexe ont dépassé les remboursements de plus de 1,2 milliard d'euros depuis 2005 ; d'autres avances n'ont pas été remboursées depuis la mise en place de ce système - l'INRAP y contribue pour 15 millions d'euros, la Cité de la Musique pour 51,5 millions d'euros.

M. Philippe Marini , président . - Il faudrait disposer d'un tableau avec l'équilibre global, quelle que soit l'utilisation faite de l'avance.

Pouvez-vous nous rappeler sur quoi porte le vote du Parlement : s'agit-il d'un plafond ?

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - Nous votons le plafond des crédits de la mission.

M. Philippe Marini , président . - C'est une question que nous avons intérêt à creuser : j'ai coutume de dire que le rapporteur spécial chargé de cette mission a le plus gros budget ! Vous êtes le digne successeur de Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - Vincent Delahaye a dit qu'il fallait faire uniquement des avances à court terme, mais je ne suis pas tout à fait d'accord : ainsi, l'AEFE n'a plus accès, depuis 2012, aux crédits bancaires, mais recourt, pour financer les travaux dans les lycées, à ses ressources propres et aux avances.

M. Vincent Delahaye . - Ce devrait être une dotation budgétaire !

M. Jean-Claude Frécon , rapporteur spécial . - En ce qui concerne la salle Pleyel, la Cité de la Musique a acquis la salle Pleyel il y a quelques années et a demandé une avance à ce titre. Elle a alors profité d'une opportunité en achetant des bureaux alors mis en vente et situés à côté de la salle Pleyel, dans le même corps de bâtiment : ils les ont aménagés et loués, ce qui leur rapporte désormais quelque 2 millions d'euros de ressources propres par an, qui permettent de rembourser l'avance et de diminuer l'emprunt. Était-ce une bonne opération ? En réalité, c'est un bon système pour bénéficier de ressources propres. Il faut être moins sévère que vous ne l'avez été sur cette opération qui, dans son ensemble, rapporte de l'argent.

La commission a donné acte de sa communication à M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information .

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Agence France Trésor

M. Ambroise Fayolle , directeur général

Mme Maya Atig , directrice générale adjointe

M. Mickaël Ayache , administrateur civil

Mme Maud Guérin , gestionnaire du compte unique de l'État et référente sur les avances du Trésor

Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Mme Hélène Farnaud-Defromont , directrice

M. David Chauvin , directeur adjoint chargé de la construction budgétaire, de la gestion du budget des services centraux et de l'immobilier

Mme Raphaëlle Dutertre , conseillère parlementaire

Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM)

M. Erik Rance , directeur

M. Alain Kurkdjian , secrétaire général

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

M. Philippe Duron , président

M. Loïc Guinard , secrétaire général adjoint

Mme Charlotte Leroy , assistante

Cité de la musique

M. Thibaud Malivoire de Camas , directeur général adjoint


* 1 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 2 Loi n° 80-30 du 18 janvier 1980 de finances pour 1980.

* 3 Qui sont des dépenses de titre 7 « Dépenses d'opérations financières ».

* 4 Cette majoration ne s'applique pas pour les avances accordées au titre du préfinancement des aides communautaires, détaillé ci-après.

* 5 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 6 L'article 12 de la loi dispose que : « Nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables, ne peuvent contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée les organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, autres que l'État, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la Caisse de la dette publique et la Société de prises de participation de l'État. »

* 7 Commentaire de l'article 11 du projet de loi. Sénat, rapport n° 78 (2010-2011).

* 8 « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques » - Rapport remis au Premier ministre le 21 juin 2010.

* 9 Les universités font partie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel mentionnés à l'article 1 er du décret n°2000-250 du 15 mars 2000 modifié portant classification d'établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

* 10 Il s'agit d'un emprunt d'une courte durée, inférieure à un an, et n'entrant donc pas dans le champ des emprunts bancaires à plus d'un an visés par l'article 12 de la LPFP 2011-2014, analysé ci-dessus.

* 11 Le taux moyen appliqué par l'AFT à l'avance ASP s'est élevé à 0,068 % pour des durées comprises entre un et trois mois. L'emprunt relais contracté par l'ASP afin de rembourser l'AFT début janvier avant le remboursement par la Commission européenne début février a fait l'objet d'un appel d'offre auprès d'un panel de banques et le taux moyen appliqué s'est élevé à 0,12 % pour une durée d'un mois.

* 12 Dans sa note d'exécution budgétaire 2011 sur le CCF, la Cour des comptes a ainsi recommandé de « revoir à la baisse le plafond d'avance à l'ASP inscrit au programme 821 en fonction de prévisions réalistes du besoin de trésorerie de l'Agence » de services et de paiement.

* 13 Sénat, rapport général sur le projet de loi de finances pour 2014. Rapport n° 156 (2013-2014), tome III, annexe 10 « Écologie, développement et mobilité durables ».

* 14 Source : réponse de l'AFT au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 15 Dont 336 098 euros de frais financiers, correspondant au taux d'adjudication des titres d'État de même échéance.

* 16 Dont 983 155 euros de frais financiers.

* 17 Source : note transmise par l'AFITF.

* 18 Le projet de loi de finances rectificative pour 2014, en cours d'examen par le Parlement, prévoit que des péages de transit remplacent l'écotaxe à compter du 1 er janvier 2015.

* 19 Trois cas peuvent être distingués : le laboratoire refuse explicitement d'indemniser, il s'abstient de proposer une offre ou, enfin, propose une offre considérée comme étant manifestement insuffisante.

* 20 Décret n° 2013-909 du 10 octobre 2013 exonérant d'intérêts les avances de l'État à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de l'indemnisation des victimes du benfluorex.

* 21 Pour le FPAP, article 9 de la loi n° 2008-759 du 1 er août 2008 de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007.

* 22 Pour l'ODEADOM, article 8 de la loi n ° 2009-973 du 10 août 2009 de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

* 23 En cas de rééchelonnement, les taux d'intérêt sont actualisés afin que le coût de l'avance soit neutre pour l'État à l'échéance.

* 24 Voir le rapport spécial de nos collègues Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou sur la mission « Culture », dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2014 : rapport général n° 156 (2013-2014), tome III, annexe 7.

* 25 Aux termes du IV de l'article 17 de la LOLF, « peuvent donner lieu à rétablissement de crédits dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des finances :

1° Les recettes provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires ;

2° Les recettes provenant de cessions entre services de l'Etat ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires ».

* 26 Rapport de la Cour des comptes relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2013. Citation p. 186.

* 27 Dans sa note d'exécution budgétaire sur le CCF pour l'exercice 2013, la Cour des comptes a recommandé de « ne pas gager des ouvertures de crédits sur le budget général par des annulations de crédits sur un programme d'avances remboursables », en cessant de recourir à la procédure de rétablissement de crédits.

* 28 Source : réponse de la direction du budget au questionnaire de votre rapporteur spécial.

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